IV. M. Michel Urtizberea, responsable du service homologation du groupe BASF
Je suis chargé de l'homologation des produits phytosanitaires chez BASF. Mon témoignage sera donc celui d'un industriel.
Dix ans après l'adoption du règlement REACH concernant l'enregistrement, l'évaluation et l'autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances, des dossiers d'enregistrement ont été déposés pour plus de 30 000 substances.
Ce programme d'évaluation est très pragmatique ; il permet d'identifier les produits préoccupants, à l'exemple de ce qui s'est passé pour le PBT, le polytéréphtalate de butylène, et les CMR, les produits cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques. Au total, 168 substances ont ainsi été identifiées, dont la moitié ont été retirées du marché. Il faut donc souligner les efforts accomplis par l'industrie.
L'évolution réglementaire est permanente ; elle va de pair avec l'évolution des connaissances scientifiques. Nous sommes parfaitement disposés à respecter les nouvelles exigences, qui nécessitent l'augmentation du nombre d'études et des coûts de recherche - trouver les solutions de demain suppose d'y consacrer de plus en plus de moyens.
Par ailleurs, nous prenons en compte ces fameux perturbateurs endocriniens à un stade très précoce. Nos programmes de recherche font l'objet de ce que nous appelons le sustainable solution steering ; cette approche consiste à évaluer les conséquences sociétales et économiques de la commercialisation de nos produits. Il s'avère que 0,2 % de ceux-ci sont susceptibles d'être mis en question au regard des critères établis par la réglementation. Nous réfléchissons à une substitution ainsi qu'à la gestion des risques, mais nous n'avons pas toutes les solutions.
La substitution, précisément, est une question clé. Dans certains cas, elle fonctionne : nous avons par exemple remplacé avec succès un phtalate par une autre molécule, dont des tests ont établi l'innocuité. Mais nous avons aussi des exemples d'échec ; je citerai le cas des parabènes : une simple suspicion d'effet perturbateur, non avérée scientifiquement, a provoqué une pression médiatique intense en faveur de leur remplacement et, en définitive, leur substitution par le méthylisothiazolinone. La précipitation, en la matière, n'est donc pas toujours bonne conseillère !
Nous, industriels, avons besoin, pour poursuivre nos efforts de recherche et développement, d'une définition claire des perturbateurs endocriniens et d'une véritable visibilité réglementaire. La définition actuelle permet d'ores et déjà de réguler, mais elle peut aboutir à des faux positifs. L'industrie est partie prenante au processus ; à ce titre, elle ne doit pas être stigmatisée. Nous disposons d'ailleurs nous-mêmes de laboratoires susceptibles de conduire les tests, et la discussion sur l'élaboration de la fameuse plateforme public-privé se tient en ce moment même.