C. UN NOUVEAU PROJET STRATÉGIQUE POUR LE STADE DE FRANCE
Si l'État doit pouvoir influer sur l'organisation du football professionnel afin de permettre son développement, il doit aussi reconnaître qu'il ne lui appartient pas de se substituer aux acteurs pour gérer un équipement sportif comme le Stade de France dont il n'a pas l'utilité puisqu'il a été construit afin d'être utilisé par les fédérations sportives.
Alors que la candidature de Paris à l'organisation des Jeux olympiques et paralympiques de 2024 accorde une place essentielle à cet équipement, il est primordial de penser dès maintenant l'avenir de ce stade à l'échéance de la concession dont le terme est fixé en 2025.
1. Un équipement sportif de premier rang qui n'a plus vocation à appartenir à l'État
L'histoire du Stade de France est inséparable de l'organisation de la Coupe du Monde de football de 1998 attribuée à la France le 2 juillet 1992. À cette époque, il n'existe pas en France de stade de plus de 45 000 places. L'État s'engage alors à construire un stade de 80 000 places à même de représenter la France et d'accueillir les plus grands événements sportifs internationaux.
On peut s'interroger aujourd'hui sur le choix fait à cette époque qui a dépossédé les fédérations, et notamment la FFF, d'un équipement structurant pour son avenir. L'urgence, compte tenu du délai relativement court avant le début de la Coupe du Monde de 1998, et la nécessité de s'appuyer sur l'État pour mobiliser les financements nécessaires au plus vite ont sans doute été à l'origine d'une certaine précipitation qui fait que, depuis bientôt 20 ans, l'État se trouve être propriétaire d'un stade sans club résident.
Depuis son inauguration en 1998, le Stade de France remplit cette mission et offre aux spectateurs français des événements de premier ordre : Coupe du Monde de football en 1998, Championnats du Monde d'athlétisme en 2003, Coupe du Monde de rugby en 2007, deux finales de Ligue des champions en 2000 et 2006, une finale de Hcup en 2010 et l'Euro 2016. Outre sa fonction sportive, le Stade de France s'est imposé comme une étape obligée des grandes tournées d'artistes nationaux et internationaux (Rolling Stones, AC/DC, Madonna, Johnny Hallyday, U2...).
Si le Stade de France a, un temps, pâti de l'absence de club de football résident, sa localisation et sa taille lui ont permis de s'imposer comme un équipement incontournable. Il n'en demeure pas moins que le mode d'exploitation du Stade de France pose aujourd'hui problème puisque le Consortium ne donne pas véritablement une priorité au sport par rapport aux autres événements dans la programmation 7 ( * ) et qu'il reçoit, par ailleurs, les recettes d'hospitalités, ce qui n'incite pas les fédérations à s'impliquer et à considérer le stade comme étant « leur outil de travail » . Plus fondamentalement, compte tenu de l'échéance de la concession en 2025, le Consortium n'est pas aujourd'hui en mesure de développer une vision stratégique pour l'avenir du stade . En outre, celui-ci subit les outrages du temps et ne répond plus aux meilleurs standards du secteur faute d'investissements.
Si l'existence d'une piste d'athlétisme dans l'enceinte du Stade de France constitue un atout pour la candidature de Paris à l'organisation des Jeux olympiques de 2024, elle représente également un obstacle difficilement franchissable pour le confort des spectateurs en configuration football ou rugby, alors beaucoup plus éloignés de la pelouse qu'ils ne peuvent l'être dans un stade comme le Parc des Princes. Face aux incertitudes qui entourent l'avenir du Stade de France et confrontées au coût élevé de son utilisation, les deux grandes fédérations sont tentées de décentraliser certains de leurs matchs en régions, dans les stades récemment construits ou rénovés pour accueillir l'Euro 2016, et de limiter au minimum contractuel les apparitions des équipes nationales dans l'enceinte dionysienne.
L'avenant signé au contrat de concession a permis à l'État de ne plus s'acquitter de l'indemnité pour absence de club résident (IACR). Mais, tout en ayant contribué à la construction à hauteur de 193 M€, il reste le propriétaire, sans avoir, pour autant, de véritable stratégie. Les évolutions inéluctables devront intervenir à l'issue de la décision de septembre 2017 sur l'attribution des Jeux olympiques de 2024.
Le contrat de concession du Stade de France Le contrat de concession liant le Consortium Stade de France à l'État, a été sécurisé, grâce à un avenant signé le 9 septembre 2013. Le contrat de concession, signé en 1995 et portant sur le financement, la conception, la réalisation, l'entretien et l'exploitation du Grand Stade à Saint-Denis, souffrait en effet d'un montage particulièrement complexe et fragile depuis son origine. Cette vulnérabilité initiale, pointée par le Tribunal administratif de Paris, devait être corrigée par la loi de validation du 11 décembre 1996. Cette loi ayant été invalidée par le Conseil constitutionnel le 12 février 2011, le contrat se trouvait à nouveau susceptible de recours. L'avenant adopté le 9 septembre 2013 permet de traiter les clauses qui avaient été déclarées illégales par le Tribunal administratif de Paris en 1996. Cet avenant met également fin à l'indemnité pour absence de club résident (IACR) que l'État versait annuellement au Consortium. Il a été convenu entre les parties que le Consortium renonce à l'IACR jusqu'à l'été 2017 ou tant que les deux principales fédérations sportives utilisatrices (football et rugby) auront une convention avec le stade. Cette disposition permet aux comptes publics d'économiser au minimum 64 millions d'euros sur la période. Au total, l'État a versé 114 millions au Stade de France au titre de l'IACR depuis le début de son exploitation. |
2. Un nouvel avenir pour le Stade de France à déterminer conjointement entre les fédérations et les ligues
Le chiffre d'affaires du Consortium du Stade de France est d'environ 60 millions d'euros pour un résultat net négatif de 2 M€ en 2015. Avec la suppression de la redevance, l'opérateur a été amené à réduire ses effectifs. La valeur du stade est aujourd'hui difficile à établir. Si le coût de l'infrastructure était de 375 M€, sa valeur comptable s'établit à 70 M€ et l'actif est assuré pour 400 M€ selon les représentants du Consortium auditionnés au Sénat. À l'issue de la concession qui arrive à échéance en 2025, le terrain devrait être rétrocédé à l'État pour 1€.
Les gestionnaires reconnaissent que « l'avenir du stade n'est pas un problème du concessionnaire et que le bon sens serait de faire entrer les fédérations de football et de rugby au capital d'un concessionnaire sur le modèle du stade Jean Bouin, un opérateur restant nécessaire pour départager les deux fédérations » 8 ( * ) . Dans ce nouveau modèle, l'opérateur pourrait, par exemple, conserver l'exclusivité sur l'exploitation tandis que les recettes liées aux hospitalités reviendraient aux fédérations.
La définition d'un nouveau modèle d'exploitation apparaît d'autant plus urgente et nécessaire que l'infrastructure est vieillissante. À cet égard, les 70 M€ budgétés pour remettre à niveau l'équipement en configuration olympique semblent constituer un minimum. À plus long terme, 400 à 500 M€ pourraient être nécessaires afin de remettre le stade au niveau des meilleurs standards internationaux, en supprimant la piste d'athlétisme, en reconfigurant les tribunes, en rénovant la gestion des fluides, en mettant à jour la sécurité interne et en repensant les salons consacrés aux hospitalités.
Si l'avenir du Stade de France n'était pas une priorité jusqu'alors, l'élection d'un nouveau président, Bernard Laporte, à la tête de la FFR a changé la donne puisque l'abandon du projet de Grand Stade propre à la fédération française de rugby constituait une de ses priorités de campagne. Lors d'un échange entre plusieurs membres de la mission et le nouveau président de la FFR, le 31 janvier 2017, ce dernier a déclaré son intention d'entrer au capital du Consortium soit à 50 % avec la FFR soit autour de 30 % aux côtés d'un opérateur . Ce schéma n'est pas exclu par la FFF, qui entend également renégocier le contrat d'accueil de l'équipe de France 9 ( * ) .
Une remise à plat de la gouvernance du Stade de France apparaît donc envisageable dès 2017/2018 à l'issue, en septembre 2017 à Lima, de la décision d'attribution des Jeux olympiques . Soit Paris est désigné et un plan en deux temps pourra être envisagé, la piste d'athlétisme devant être conservée jusqu'en 2024, soit ce n'est pas le cas et une restructuration lourde pourra alors être engagée sans délai. De toutes les manières, il apparaît que le contrat de concession n'a pas de raison d'aller jusqu'à son terme puisque le manque de vision stratégique et l'absence d'investissement, qui perdureront si la décision est reportée à l'issue de la concession, ne feront qu'alourdir le coût final pour les parties prenantes.
Comme le montre l'exemple de Roland Garros pour la FFT, la maîtrise de son « outil de production » constitue un atout extraordinaire pour développer une discipline dans son entier. L'équipement symbolise la fédération et les ressources qu'il permet de dégager constituent alors un avantage pour développer la formation et les équipements au niveau local. On peut donc estimer que l'évolution de la gouvernance du Stade de France constitue un élément décisif pour l'avenir du football français.
Proposition n° 2 : engager dès 2017/2018, avec leur accord, l'entrée de la FFF, de la FFR, d'une part, et de la LFP et de la LNR, d'autre part, aux côtés d'un opérateur au capital du Stade de France en lieu et place de l'État. |
* 7 Les grandes tournées internationales sont souvent fixées plus d'une année à l'avance ce qui réduit d'autant les disponibilités pour les matchs de football et de rugby.
* 8 Audition des directeurs généraux du Consortium, Mme Alexandra Boutelier et M. Henry de la Monneray, par M. Jean-Jacques Lozach, rapporteur pour avis du budget du sport, le 16 novembre 2016.
* 9 La FFF paye entre 1,2 et 1,3 M€ par match joué par les Bleus au Stade de France.