B. PERMETTRE À LA LIGUE 2 ET AU « NATIONAL » DE TROUVER LEUR PLACE DANS LE DÉVELOPPEMENT DU FOOTBALL FRANÇAIS
Si les clubs de Ligue 1 ont besoin de clarifier leur gouvernance afin de pouvoir attirer davantage d'investisseurs et améliorer leur compétitivité, les clubs de Ligue 2 sont confrontés à un double défi :
- éviter toute dérive financière à travers une hausse inconsidérée de la masse salariale ou le développement d'investissements inconsidérés compte tenu des perspectives sportives ;
- donner la priorité à la formation qui constitue le véritable avantage comparatif du football français.
1. Préserver la Ligue 2 des excès financiers constatés en Ligue 1
Il existe aujourd'hui une différence de nature entre la Ligue 1 et la Ligue 2. Les clubs de Ligue 1 monopolisent en effet l'attention médiatique et donc les audiences, induisant un effet mécanique sur la valorisation des droits de retransmission du championnat alors que la diffusion des matchs de Ligue 2 rassemble une audience beaucoup plus faible.
Cette différence se caractérise également dans les recettes de billetterie et d'hospitalités. Alors que les matchs de Ligue 2 demeurent un spectacle populaire et accessible, les clubs de Ligue 1 sont incités à « vendre un produit » qui s'apparente de plus en plus à un spectacle. Une part croissante des recettes des plus grands clubs est ainsi issue de la vente de places VIP et de loges aux entreprises ainsi que de recettes liées au sponsoring (sponsors maillot et visuels dans les stades). Ces nouvelles recettes ont permis de faire passer en dix ans le budget des clubs de Ligue 1 de 850 M€ à 1,5 Md€.
Les membres de la mission d'information se sont interrogés sur la possibilité de mieux encadrer les dépenses des clubs de Ligue 1. Ils ont toutefois été dans l'obligation de constater que ces clubs étaient directement en concurrence avec les autres clubs européens et que toute contrainte supplémentaire - comme un plafonnement de la masse salariale - aurait pour effet de réduire d'autant leur compétitivité. Faute d'investisseurs dans le football français, il apparaît également risqué d'adopter une disposition qui limiterait la part des investisseurs étrangers dans le capital des clubs de Ligue 1 comme cela se pratique en Allemagne. De même, plusieurs experts interrogés ont estimé que seule une réglementation européenne pourrait efficacement limiter l'inflation salariale des joueurs et des entraîneurs.
Si toute réglementation nouvelle semble donc difficile à instaurer en Ligue 1, il n'en est pas de même en Ligue 2 puisque ce championnat est peu sensible à la concurrence des championnats étrangers . La mission d'information souhaite donc rappeler la nécessité de mieux encadrer les dépenses de ces clubs tant en ce qui concerne leur masse salariale que les infrastructures nouvelles dont ils peuvent se doter . L'exemple du stade du Mans est dans toutes les mémoires pour rappeler combien des investissements démesurés peuvent être insupportables pour un club et, au final, coûteux pour les collectivités territoriales.
En matière de masse salariale, la mission souhaite ouvrir le débat sur l'instauration d'un plafonnement de la masse salariale des clubs de Ligue 2 (« salary cap » ) afin de rompre avec une tendance à l'inflation de la masse salariale et de rétablir une certaine équité entre les clubs . Ce type de dispositif, couramment utilisé dans le basket aux Etats-Unis, ainsi qu'en Top 14, en rugby, en France 21 ( * ) , pourrait permettre de réaffirmer le rôle essentiel de la Ligue 2, qui est de donner à des joueurs la possibilité de gagner en expérience afin de se faire remarquer par des clubs de première division, en France ou à l'étranger.
Si l'opportunité pour un club de Ligue 2 d'accéder au championnat de Ligue 1 doit être préservée, car elle constitue une caractéristique importante du modèle sportif français, il est tout aussi fondamental de rappeler que rares sont les clubs qui peuvent espérer réussir au plus haut niveau sans disposer d'une pluralité d'atouts, parmi lesquels des investisseurs solides capables d'accompagner une politique d'achats de joueurs et de développer des capacité de formation et de détection, une aire démographique suffisamment importante pour permettre une fréquentation suffisante du stade et, enfin, une notoriété du club liée à son histoire et ses résultats, qui permettent de créer de l'engouement et une dynamique.
Le succès d'un club de football constitue en fait une équation complexe et la question des moyens financiers ne peut suffire à assurer le succès. Pour Jean-Pierre Bernès, « on ne peut pas se concentrer uniquement sur les stades car de nombreux grands joueurs n'iront pas à Lille » . Pour cet ancien dirigeant de l'OM, « les stades construits pour l'Euro 2016 sont trop grands et le stade de Bordeaux est à moitié vide » . A contrario , l'exemple de l'OL démontre qu'avec des résultats un club de Ligue 1 peut tout à fait rentabiliser ses investissements.
Proposition n° 14 : instituer un plafonnement de la masse salariale (« salary cap » ) en Ligue 2 calculé en fonction du chiffre d'affaires de chaque club pour préserver la pérennité de chacun d'entre eux. |
2. Donner une nouvelle impulsion à la Ligue 2 et au « National »
Si le développement - notamment international - de la Ligue 1 occupe les esprits, la force de ce championnat dépend aussi de la solidité des autres championnats - Ligue 2 et National - qui ont pour vocation de faire grandir les jeunes joueurs avant de rejoindre l'élite. La valorisation de ces deux championnats constitue donc une priorité afin de favoriser l'éclosion des talents et de renforcer les moyens des clubs qui les composent.
Dans cette perspective, la mission d'information propose, en particulier, de faire évoluer le championnat de National, aujourd'hui composé d'équipes de joueurs professionnels et de joueurs amateurs, vers un championnat uniquement composé de professionnels.
Une professionnalisation du National permettrait d'en faire la véritable antichambre de la Ligue 2. En débat depuis très longtemps, ce sujet n'a jamais été véritablement mis à l'ordre du jour. Pourtant, on voit bien l'intérêt que pourraient avoir les clubs de Ligue 1 à se rapprocher de clubs de National pour développer le temps de jeu de leurs jeunes joueurs. Aujourd'hui, un club comme Monaco envisage, par exemple, de racheter le Cercle de Bruges, qui évolue en Division 2 belge et auquel il prête déjà plusieurs joueurs. Dans l'intérêt de la formation française, il pourrait être opportun d'inciter les clubs de Ligue 1 à développer des clubs de National plutôt que d'investir dans des clubs étrangers.
La professionnalisation du championnat de National actuellement organisé par la FFF poserait la question de son rattachement à la LFP en charge du football professionnel. Il n'est pas sûr cependant qu'une telle évolution soit cohérente avec la priorité légitime donnée par la ligue au développement national et international du championnat de Ligue 1.
C'est pourquoi la possibilité évoquée par la mission d'information de créer plusieurs ligues professionnelles pourrait être particulièrement pertinente afin de créer une nouvelle ligue professionnelle qui aurait en charge l'organisation et le développement de la Ligue 2 et d'une nouvelle « Ligue 3 » sur le modèle de la Football League anglaise, une seconde ligue professionnelle.
Proposition n° 15 : examiner la possibilité de faire évoluer le championnat de National en véritable Ligue 3 professionnelle gérée en lien étroit avec la Ligue 2, au sein, le cas échéant, d'une seconde ligue professionnelle. |
Le partenariat américain de la FFF pour trouver
des débouchés
Depuis 2013, la Fédération Française de Football (FFF) et la Major League Soccer (MLS) ont développé les coopérations. La FFF a tout d'abord été choisie par la MLS pour former les directeurs des centres de formation des clubs professionnels, afin d'apporter l'expertise française en terme de formation et accompagner la ligue nord-américaine dans son développement. Depuis cette date, les sessions de formation se multiplient et une troisième est d'ores et déjà prévue pour cette année. Cette collaboration a trouvé son prolongement en 2015, avec la signature d'une convention entre la Fédération Française de Football et University Elite Athlète (UEA), entité représentant la MLS en Europe, sur l'expérience de jeunes footballeurs français dans les universités américaines. Cette convention offre une opportunité dans les universités américaines aux jeunes Français qui n'auront pas conclu un contrat professionnel avec un club. Les universités américaines permettent d'offrir une quadruple opportunité pour les jeunes joueurs : (i) pouvoir continuer les études à un bon niveau, (ii) avoir le privilège de jouer pour une Université, (iii) continuer à s'entrainer dans de bonnes conditions et (iv) enfin découvrir un autre pays, une nouvelle culture. À l'issue de leur parcours universitaires, ils pourront espérer intégrer la MLS ou faire leurs premiers pas avec un diplôme américain en poche. Ce double partenariat (formation de cadres américains et envoi de joueurs français en université) participe à la mise en valeur de football français et du savoir-faire de la Direction Technique Nationale aux États-Unis. Les joueurs désireux de partir vers une université américaine doivent justifier d'un bon niveau de football, évalué au cours de journées de détection. Ils doivent également être titulaire du baccalauréat et avoir un bon niveau d'anglais. Le partenariat est un gage de sérieux pour les footballeurs tricolores, UEA s'engageant à rechercher et obtenir les meilleures opportunités au sein d'universités en termes d'aides financières, de programmes sportifs et scolaires, et de suivi de la part de la MLS. De son côté, la FFF cautionne le système auprès des centres de formation des clubs professionnels. Pour les jeunes joueurs issus des centres de formation des clubs professionnels, la finale des détections se déroule le 1 er mars 2017 au Centre National du Football à Clairefontaine en présence de plus de 35 coaches universitaires. Un site internet dédié a été mis en place : www.fffusa.fr Source : FFF |
* 21 La direction nationale d'aide et de contrôle de gestion (DNACG) de la ligue nationale de rugby (LNR) a instauré une règle stricte de salary cap depuis la saison 2010-2011. Inspiré des mécanismes mis en place par les ligues professionnelles américaines, ce système plafonne en valeur absolue la masse salariale des clubs du Top 14, à hauteur de 10 millions d'euros pour les saisons 2013-2014 à 2015-2016. L'objectif visé est la préservation de l'équité de la compétition dans le contexte d'une forte pression salariale sur le Top 14.