C. LA POLITIQUE DE COHÉSION
La politique européenne de cohésion territoriale, mise en oeuvre via cinq fonds structurels (FEDER-FSE, FEADER, FEAMP, Fonds de cohésion), symbolise l'ambition de solidarité consubstantielle à la construction européenne. Destinée à réduire les écarts de développement entre régions d'Europe, elle est surtout une politique d'investissements réalisés autour d'un certain nombre de priorités définies conjointement par l'Union européenne et les États membres : croissance durable, recherche et développement technologique, compétitivité des PME ; mais aussi création d'emplois, formation, inclusion sociale et lutte contre la pauvreté.
C'est une politique à gestion partagée entre l'Union - la Commission essentiellement - et les États membres. Sur une période de sept ans, le partenariat Commission-États membres aboutit à des programmes opérationnels nationaux. Ces programmes doivent être en phase avec la stratégie de développement et de croissance de l'Union européenne (stratégie Europe 2020) et intégrer des réformes structurelles, identifiées annuellement, pour chaque État membre, dans le cadre du semestre européen.
La politique régionale est emblématique de la nécessaire simplification qui doit irriguer l'ensemble des politiques de l'Union.
Cette nécessité de simplifier, indispensable à son appropriation par les citoyens, doit porter en particulier sur les engagements suivants :
- alléger drastiquement la règlementation dont la lourdeur et la complexité sont exponentielles . Les normes réglementaires européennes s'avèrent à la fois formellement excessives (des milliers de pages), juridiquement instables - de nouvelles normes viennent se substituer à celles en cours, et surtout suffisamment opaques pour générer à leur tour des notes interprétatives de la Commission, qui viennent se surajouter aux règles existantes. Enfin, de nombreux États membres, surajoutent à cet ensemble des normes plus strictes et complexes que celles établies au niveau de l'Union ;
- aller au bout de la logique d'évaluation par les résultats plus que sur le seul respect de procédures formelles ; cette « orientation sur les résultats », introduite à juste titre dans la programmation 2014-2020, ne s'est pas jusqu'à présent accompagnée d'un recul symétrique des exigences lourdes de formalités administratives ;
- promouvoir la proportionnalité, c'est-à-dire adapter les procédures de contrôles et d'audits à l'ampleur du projet concerné - selon le niveau de ressources et de risques qu'il engage : pour les petits et moyens projets, des contrôles et audits allégés ; pour les autres, maintien des dispositifs actuels ;
- promouvoir la différenciation de façon à ajuster les procédures européennes de contrôle et d'audit à la capacité administrative de chaque État membre en ce domaine. Tous les États membres, en effet, n'ont pas les mêmes capacités et expérience du contrôle administratif de la dépense publique : un système européen unique et excessivement exigeant, comme c'est le cas actuellement, n'est pas adapté.
Au-delà de ces réformes nécessaires, inspirées d'une approche pragmatique, des nouvelles orientations, sont attendues :
- harmoniser les règles entre les différents fonds européens, gérés directement ou non par la Commission européenne (MIE, Cosme, Horizon 2020, Fonds structurels). En particulier sur la question des aides d'État et des marchés publics , qui requièrent des procédures différentes pour les fonds structurels que pour les autres fonds européens, alors qu'ils ont en commun d'être tous issus du budget de l'Union ;
- présentée souvent comme une option de simplification, la place croissante faite aux instruments financiers par rapport aux traditionnelles subventions justifie une grande prudence. Par l'effet de levier que permettent ces instruments (prêts, garanties, apports de fonds propres) en sollicitant des ressources privées, ils sont souvent présentés comme un gage d'efficacité, permettant le renouvellement des fonds. Il faut être prudent et viser plutôt un bon équilibre entre les subventions et les instruments financiers dans la mise en oeuvre de la politique de cohésion : une logique financière n'est pas forcément adaptée à certaines politiques publiques que seules des subventions permettent d'encourager. Quant à l'impact de ces outils financiers en termes de simplification administrative et réglementaire, il n'est pas avéré aujourd'hui ;
- la fusion des quatre principaux fonds en un seul fonds européen pour le développement régional contribuerait grandement à la dynamique de clarification et d'allègement règlementaires, accroîtrait la visibilité.
Indispensable au soutien de la croissance et de l'emploi, la politique de cohésion, est aujourd'hui fragilisée et son avenir rendu incertain par plusieurs facteurs :
- par la volonté de réduire le niveau de dépense qu'elle représente alors même qu'elle est une politique d'investissement et de développement ;
- par la concurrence qui lui porte le FEIS alors même que leurs mécanismes respectifs sont différents mais qui doivent coexister de façon complémentaire ;
- par la volonté de certains États membres, voire de la Commission elle-même de la limiter aux seules régions les moins développées, alors que sa pertinence sur l'emploi, le numérique, la compétitivité des PME la transition vers une économie décarbonée intéresse toutes les régions de l'Union ;
- par un mécanisme de contrôles redondants et un degré de complexité normative décourageant , émanant non seulement des instances européennes mais aussi des structures administratives nationales.
Cette politique représente pourtant une « valeur ajoutée européenne » indéniable, dont l'impact positif sur le terrain local n'est pas contestable. En revanche, obtenir une simplification radicale de ses règles, la différenciation des contrôles, l'harmonisation avec les autres fonds européens sont indispensables à sa compréhension par les porteurs de projet et les bénéficiaires pour qu'elle donne la pleine mesure de ses potentialités auprès des citoyens européens.