Rapport d'information n° 387 (2016-2017) de MM. Jean BIZET , Pascal ALLIZARD , Philippe BONNECARRÈRE , Michel DELEBARRE , Jean-Paul ÉMORINE , Claude KERN , Didier MARIE , Daniel RAOUL et Simon SUTOUR , fait au nom de la commission des affaires européennes, déposé le 9 février 2017
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AVANT-PROPOS
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I. BILAN GÉNÉRAL DU PROCESSUS
NORMATIF EUROPÉEN
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A. LA « NORME
EUROPÉENNE », UNE NOTION À GÉOMÉTRIE
VARIABLE
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B. LE PROCESSUS NORMATIF EUROPÉEN PEUT MIEUX
FAIRE...ET TENTE EFFECTIVEMENT DE LE FAIRE
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1. Les dysfonctionnements traditionnels du
processus normatif européen
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2. L'amélioration du cadre normatif
européen, une réalité et un sujet d'actualité
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a) Un meilleur contrôle de la
subsidiarité
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b) Le mieux légiférer introduit par
la Commission Juncker
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(1) Le retrait d'un grand nombre de projets de
textes
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(2) La création d'un Comité
indépendant d'examen de la réglementation
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(3) L'amélioration des consultations
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(4) La plateforme REFIT
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(5) Un mouvement qui dépasse la Commission
européenne
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a) Un meilleur contrôle de la
subsidiarité
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1. Les dysfonctionnements traditionnels du
processus normatif européen
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C. DES EFFORTS ENCORE NÉCESSAIRES, À
BRUXELLES ET STRASBOURG...COMME À PARIS
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A. LA « NORME
EUROPÉENNE », UNE NOTION À GÉOMÉTRIE
VARIABLE
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II. DES PERSPECTIVES DE SIMPLIFICATIONS EXISTENT
DANS PLUSIEURS DOMAINES
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A. LE MARCHÉ INTÉRIEUR
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B. L'ENVIRONNEMENT ET L'ÉNERGIE
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1. La Commission européenne tend à
empiéter sur les compétences énergétiques des
États membres
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a) La surveillance des contrats liés au gaz
pourrait conduire à une tutelle directe de la Commission
européenne sur la politique énergétique des États
membres
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b) Les modalités de la
« coopération régionale » en matière
d'approvisionnement gazier ou de préparation au risque dans le secteur
de l'électricité tendent à déposséder les
États membres d'attributions capitales pour leur sécurité
énergétique
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c) L'obligation uniforme souhaitée par la
Commission européenne en matière d'interconnexion des
réseaux électriques néglige les besoins des États
membres
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a) La surveillance des contrats liés au gaz
pourrait conduire à une tutelle directe de la Commission
européenne sur la politique énergétique des États
membres
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2. La lutte contre le changement climatique est
instrumentalisée pour pousser abusivement à l'essor des
énergies renouvelables, intermittentes ou non
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3. La protection générale de
l'environnement peut motiver des normes absurdes
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1. La Commission européenne tend à
empiéter sur les compétences énergétiques des
États membres
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C. LA POLITIQUE DE COHÉSION
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D. LA JUSTICE ET LES AFFAIRES
INTÉRIEURES
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A. LE MARCHÉ INTÉRIEUR
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I. BILAN GÉNÉRAL DU PROCESSUS
NORMATIF EUROPÉEN
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EXAMEN EN COMMISSION
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PROPOSITION DE RÉSOLUTION
EUROPÉENNE
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LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
N° 387
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2016-2017
Enregistré à la Présidence du Sénat le 9 février 2017 |
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la commission des affaires européennes (1) sur la simplification du droit européen ,
Par MM. Jean BIZET, Pascal ALLIZARD, Philippe BONNECARRÈRE, Michel DELEBARRE, Jean-Paul ÉMORINE, Claude KERN, Didier MARIE, Daniel RAOUL et Simon SUTOUR,
Sénateurs
(1) Cette commission est composée de : M. Jean Bizet, président ; MM. Michel Billout, Michel Delebarre, Jean-Paul Émorine, André Gattolin, Mme Fabienne Keller, MM Yves Pozzo di Borgo, André Reichardt, Jean-Claude Requier, Simon Sutour, Richard Yung, vice-présidents ; Mme Colette Mélot, M Louis Nègre, Mme Patricia Schillinger, secrétaires , MM. Pascal Allizard, Éric Bocquet, Philippe Bonnecarrère, Gérard César, René Danesi, Mme Nicole Duranton, M. Christophe-André Frassa, Mmes Joëlle Garriaud-Maylam, Pascale Gruny, M. Claude Haut, Mmes Sophie Joissains, Gisèle Jourda, MM. Claude Kern, Jean-Yves Leconte, François Marc, Didier Marie, Robert Navarro, Georges Patient, Michel Raison, Daniel Raoul, Alain Richard et Alain Vasselle. |
AVANT-PROPOS
Les travaux de la commission des affaires européennes du Sénat sur la simplification des normes européennes partent du constat que les règles issues de Bruxelles sont parfois perçues, à tort ou à raison, comme trop complexes. Or, l'action européenne doit faire l'objet d'une plus grande compréhension et d'une meilleure appropriation par les citoyens. À ce titre, la simplification est un enjeu majeur pour l'avenir de l'Union.
Le débat sur la simplification et la place qui revient aux normes européennes a d'ailleurs été engagé au sein de la Commission européenne en particulier au travers de la mise en place, il y a quelques mois, d'un nouveau programme « Mieux légiférer ». Il a aussi été alimenté par les travaux menés au Royaume-Uni par le gouvernement de David Cameron sous le nom de « Revue des compétences de l'Union européenne », et le résultat du référendum du 23 juin 2016 n'est pas de nature à priver les questions posées de leur pertinence.
Au-delà de cet enjeu interne, il convient aussi de ne pas perdre de vue que, dans une économie mondialisée, ce serait un contre-sens que de voir l'action de l'Union européenne être au final un obstacle plutôt qu'un appui à notre compétitivité et à notre attractivité.
Le Sénat français n'a cessé de contribuer à la réflexion sur ces sujets, à différents niveaux.
Tout d'abord, la question de l'évolution du fonctionnement institutionnel de l'Union européenne, qui n'a cessé de se complexifier au fil des années, est aujourd'hui abordée dans le cadre des travaux du groupe de suivi sur le retrait du Royaume-Uni et la refondation de l'Union européenne.
Au quotidien, il revient aussi à notre assemblée de s'assurer du respect du principe de subsidiarité.
De façon plus spécifique, les instances du Sénat ont régulièrement l'occasion de travailler sur la question de la façon dont l'Union européenne intervient, comme l'a fait récemment la commission des affaires économiques à propos des normes agricoles 1 ( * ) . La délégation aux entreprises conduit, pour sa part, une importante réflexion sur les moyens d'alléger le fardeau administratif des entreprises pour améliorer leur compétitivité.
Le présent rapport se propose de revenir d'une façon générale sur le processus normatif européen afin d'identifier ce qui mériterait d'y être amélioré (I). Il analyse aussi quels sont aujourd'hui les principaux enjeux d'une simplification dans quelques domaines particuliers : le marché intérieur, l'environnement et l'énergie, la politique régionale ainsi que le domaine de la justice et des affaires intérieures (II).
I. BILAN GÉNÉRAL DU PROCESSUS NORMATIF EUROPÉEN
Les normes européennes sont-elles trop nombreuses ou trop complexes ? Sont-elles toujours utiles pour nos concitoyens et pour nos entreprises ? Il nous a paru indispensable de revenir sur ce que recouvre le terme de « normes européennes » (A) avant de tirer un bilan du processus normatif européen tel qu'il apparaît au début de l'année 2017 (B).
A. LA « NORME EUROPÉENNE », UNE NOTION À GÉOMÉTRIE VARIABLE
La notion même de norme européenne prête bien souvent à confusion aussi bien lorsqu'il s'agit de savoir de quelle « norme » on parle (1) que d'en définir le caractère proprement européen (2).
1. Les normes européennes, une co-construction avec le secteur privé2 ( * ) ?
Lorsqu'on évoque le rôle joué par des acteurs autres que les institutions dans l'élaboration des normes européennes, on songe spontanément à la question du lobbying plus ou moins caché 3 ( * ) . Or, le principal enseignement de nos travaux est que, par construction, nombre de normes européennes sont officiellement, et de plus en plus, coproduites par la Commission européenne et par le secteur privé.
a) Réglementation publique et normalisation privée, deux notions en principe bien distinctes.
Le terme générique de norme renvoie d'emblée à deux notions très différentes.
D'une part, il peut s'agir des dispositions à caractère obligatoire adoptées par des institutions publiques ou investies de prérogatives de puissance publique. En France, ce type de normes est constitué des lois, des décrets, des arrêtés et des diverses décisions prises par les autorités chargées d'une mission de service public qui en ont le pouvoir. Au plan européen, il s'agit pour l'essentiel des directives, des règlements pris par le Parlement européen et le Conseil ainsi que des textes d'application qui peuvent émaner de la Commission européenne. Si ces types de normes peuvent être qualifiés de « législation » au sens large, nous retiendrons ici plutôt le terme de réglementation dans la mesure où il est le plus souvent utilisé en matière européenne.
D'autre part, la notion de norme peut aussi désigner des dispositions volontaires adoptées par exemple par les entreprises d'un secteur déterminé. Juridiquement, ces normes sont d'application facultative même s'il existe le plus souvent un intérêt à les respecter, ne serait-ce que pour des raisons commerciales. Au plan international, de telles normes sont le plus souvent adoptées dans le cadre de l'ISO 4 ( * ) et, en Europe de l'espace économique européen, ces normes volontaires sont adoptées au sein du CEN (Comité européen de normalisation) ou du Cenelec (Comité européen de normalisation électrotechnique) 5 ( * ) . En France, c'est au sein de l'Afnor (Agence française de normalisation) que de telles normes sont élaborées. Il n'est pas ici question de réglementation mais d e normalisation 6 ( * ) .
Réglementation et normalisation représentent en France deux réalités bien distinctes dans la mesure par exemple où moins de 1 % des 40 000 normes volontaires adoptées au sein de l'Afnor ont été par la suite rendues d'application obligatoire par les pouvoirs publics 7 ( * ) .
Or, il ressort de nos auditions, ainsi que de notre questionnaire auquel ont répondu une quinzaine de fédérations professionnelles, que la distinction entre réglementation et normalisation apparaît beaucoup moins tranchée au plan européen. Un lien extrêmement étroit existe en effet entre la réglementation européenne issue des institutions bruxelloises et les normes adoptées par les professionnels au sein du CEN-Cenelec .
b) Un domaine public-privé, pavé des meilleures intentions
Depuis le milieu des années 80 et plus encore depuis la fin des années 90 8 ( * ) , le droit communautaire confère à des normes adoptées par le CEN-Cenelec une valeur quasi obligatoire. Telle est en effet la conséquence de la décision prise en 1985 par le Conseil relative aux directives « nouvelle approche ».
Cette démarche visait à faciliter la mise en place du marché intérieur et proposait que, dès lors que l'adoption de règles harmonisées était nécessaire pour telle ou telle activité 9 ( * ) , l'Europe se contente de directives fixant les « caractéristiques essentielles » auxquelles un produit doit répondre pour bénéficier du principe de libre circulation. Par exemple, la directive dite « Basse tension » 10 ( * ) qui s'applique à tous les produits électriques destinés au marché européen se limite à imposer que les utilisateurs ne doivent pas se brûler ou s'électrocuter en les manipulant dans le cadre d'un usage normal.
Cette « nouvelle approche » est, dans son principe, particulièrement pertinente dans la mesure où elle permet, d'une part, d'éviter la multiplication de textes européens trop précis 11 ( * ) ou difficiles à faire évoluer au gré des innovations et, d'autre part, d'assurer néanmoins le respect de normes communes en matière de sécurité ou de santé des consommateurs.
Quant à l'articulation entre réglementation européenne et normalisation volontaire, elle consiste en ce que les directives « nouvelle approche » renvoient à des normes volontaires adoptées au sein du CEN-Cenelec afin de préciser ce que recouvre les garanties essentielles prescrites dans la directive. En fait, la procédure est la suivante :
- dans un premier temps, la directive 12 ( * ) adoptée par le législateur européen énumère les objectifs pour l'atteinte desquels il est renvoyé à des normes volontaires harmonisées ;
- sur cette base, la Commission européenne rédige un mandat de normalisation par lequel elle confie au CEN-Cenelec 13 ( * ) le soin d'élaborer ces normes volontaires harmonisées. Dans le cas de la directive « Basse tension », le mandat est confié au Cenelec et mentionne principalement que les normes porteront sur la structure intérieure et extérieure des appareils électriques et sur les matériaux entrant dans leur composition ;
- pour ce faire, CEN-Cenelec procède à une enquête à l'échelle européenne et réunit les parties prenantes au sein d'un comité ad hoc . Pour information, la France est représentée dans ces comités par l'Afnor qui y délègue un représentant 14 ( * ) , chargé de défendre la position française, précédemment élaborée dans le cadre de l'Afnor elle-même par une concertation avec les différentes parties prenantes nationales (organismes publics, grands groupes, PME, consommateurs...) ;
- une fois ces normes adoptées, elles sont contrôlées par les services de la Commission européenne (après consultation du comité de coopération administrative 15 ( * ) , où siègent les représentants des administrations nationales). Si elle considère que le mandat a été respecté, la Commission décide d'inscrire ces normes dans une liste publiée au journal officiel de l'Union européenne.
Cette décision de publication revient à conférer aux produits respectant les normes en question une présomption de conformité avec la réglementation européenne (la directive). La norme ne se voit pas véritablement reconnaître de caractère obligatoire dans la mesure où il est aussi possible de respecter la directive « par tout autre moyen équivalent » (ce qui laisse la porte ouverte aux innovations). Néanmoins, dans les faits, un produit qui respecte les normes élaborées par le CEN-Cenelec sous mandat de la Commission bénéficie immédiatement du marquage « CE » en signe de sa conformité alors que pour les autres, il convient d'apporter la preuve que le moyen équivalent utilisé permet lui aussi de répondre aux objectifs de la directive.
Dans ce cas, c'est au prix de tests et de procédures parfois longues et souvent coûteuses que l'on obtient le fameux marquage « CE », sésame pour bénéficier de la libre circulation dans les domaines où la reconnaissance mutuelle ne s'applique pas.
Ainsi dans de nombreux secteurs économiques, la norme européenne apparaît comme une co-construction des institutions politiques et du secteur privé .
Mi-2016, ce sont ainsi plus de 4 400 normes du CEN-Cenelec qui viennent en appui de plus de 40 textes européens 16 ( * ) , (les principaux sont cités ci-dessous)
Liste des principaux textes prévoyant un
marquage CE
et renvoyant à la normalisation du
CEN-Cenelec
Matériel électrique basse tension |
Directive 2014/35/UE |
Récipients à pression simple |
Directive 2014/29/UE |
Sécurité des jouets |
Directive 2009/48/CE |
Produits de construction |
Règlement 305/2011 UE |
Machines |
Directive 2006/42/CE |
Équipements de protection individuelle |
Directive 89/686/CEE |
Dispositifs médicaux |
Directive 93/42/CEE |
Dispositifs médicaux implantables actifs |
Directive 90/385/CEE |
Dispositifs médicaux de diagnostic in vitro |
Directive 98/79/CE |
Appareils à gaz |
Directive 2009/142/CE |
Rendement des chaudières à eau chaude alimentées en combustibles liquides ou gazeux |
Directive 92/42/CEE |
Explosifs à usage civil |
Directive 2014/28/UE |
Appareils et systèmes de protection destinés à être utilisés en atmosphères explosibles (ATEX) |
Directive 2014/34/UE |
Bateaux de plaisance |
Directive 2013/53/UE |
Ascenseurs |
Directive 2014/33/UE |
Équipements sous pression |
Directive 97/23/CE Directive 2014/68/UE |
Instruments de mesure |
Directive 2014/32/UE |
Équipements radioélectriques Équipements terminaux de télécommunication et équipements hertziens |
Directive 2014/53/UE Directive 1999/5/CE |
Installations à câbles transportant des personnes |
Directive 2000/9/CE |
Instruments de pesage à fonctionnement non automatique |
Directive 2014/31/UE |
Articles pyrotechniques |
Directive 2013/29/UE |
Limitation de certaines substances dangereuses dans les équipements électriques et électroniques (RoHS 2) |
Directive 2011/65/UE |
Notons qu'il peut aussi y avoir des allers-retours entre réglementations européennes et normalisation volontaire sous mandat. Par exemple, du fait du remplacement de la directive sur les produits de construction par le règlement européen n° 305/2011, les normes techniques relatives aux tuiles de toitures ne sont désormais plus définies par le CEN mais directement par la Commission européenne sous forme d'actes délégués.
2. Le caractère proprement « européen » des normes pas toujours bien cerné
A priori , une norme européenne est un acte pris par les institutions de l'Union européenne. Or, force est de constater que là encore, la réalité est plus complexe.
a) L'intervention des États membres dans le prolongement des institutions européennes
Il convient de rappeler qu'à la différence des règlements, les directives européennes renvoient à des mesures de transpositions prises au niveau des États membres. Ce faisant, les textes nationaux (lois, décrets, arrêtés) adoptés dans ce cadre sont regardés comme une partie de la norme européenne . Ainsi lorsque la France ne respecte pas les textes qu'elle a elle-même adoptés pour transposer une directive européenne elle est passible de recours devant la Cour de justice de l'Union européenne pour manquement au respect de ses obligations communautaires .
Au-delà de la transposition stricto sensu , les autorités nationales sont aussi tenues d'appliquer le droit européen sur leur territoire et elles peuvent être amenées à en donner des interprétations parfois différentes. Un exemple particulièrement sensible en a été donné ces dernières années en France par l'Autorité de la concurrence française qui a pu rendre, au nom du droit européen, des décisions souvent plus sévères pour nos entreprises que son équivalente allemande 17 ( * ) .
b) Des normes européennes non produites en Europe
De façon symétrique à ce que nous venons d'indiquer concernant l'articulation avec les textes nationaux, nombre de normes s'imposant à l'ensemble de l'Union européenne ne sont pas pour autant des normes d'origine européenne .
En effet, il peut s'agir de la reprise de normes décidées dans un cadre international. Par exemple dans le secteur des télécommunications, l'Union européenne reprend très largement des réglementations élaborées dans le cadre de l'Union internationale des télécommunications, ou dans le domaine du transport aérien s'agissant des règles élaborées par l'Organisation internationale de l'aviation civile.
De même, les normes négociées sous mandat au sein du CEN-Cenelec prennent souvent pour référence les normes internationales ISO déjà applicables de façon volontaire dans le domaine considéré. Celles-ci représentent aujourd'hui plus de 30 % des normes adoptées par le CEN et de 80 % de celles du Cenelec.
Enfin, l'Union européenne peut être liée avec des États tiers par des obligations de reconnaissance mutuelle qui imposent, via Bruxelles, à nos entreprises et nos citoyens d'accepter des règles qui n'avaient pas été directement décidées elles-mêmes dans le cadre européen. Le principe de convergence réglementaire prévu par le projet de traité transatlantique va même plus loin puisqu'il aurait pour effet d'orienter le processus normatif de l'Union européenne (certes sous réserve de réciprocité avec les États-Unis) en lui imposant de prendre en compte les normes en vigueur chez son partenaire et la façon dont elles évoluent.
Au final, la notion de norme européenne apparaît complexe à définir et parfois à comprendre, ce qui ne va pas dans le sens de la simplicité pour ceux qui ont à les appliquer , en particulier les PME.
Cet ensemble très large, recouvre des textes de natures très différentes au regard des responsabilités qu'elles engagent. La norme européenne s'apparente ainsi à un OPMI (objet politiquement mal identifié) avec des effets réels sur la façon dont l'Europe est perçue par nos concitoyens.
C'est malheureusement parfois avec raison qu'ils se plaignent du flou qui entoure la notion « normes européennes » sans faire la distinction entre les directives adoptées par les responsables politiques et les normes du CEN-Cenelec soi-disant volontaires. C'est en revanche parfois à tort que l'on incrimine l'Europe pour des difficultés dont les responsables sont davantage à Paris qu'à Bruxelles (cf. I. C. 2 à propos des surtranspositions nationales).
Certes, la question des normes européennes est devenue un sujet sensible souvent exploité contre l'Europe mais elle appelle néanmoins un effort de pédagogie et de précision pour lequel une responsabilité particulière nous incombe.
B. LE PROCESSUS NORMATIF EUROPÉEN PEUT MIEUX FAIRE...ET TENTE EFFECTIVEMENT DE LE FAIRE
1. Les dysfonctionnements traditionnels du processus normatif européen
Au-delà de la complexité intrinsèque à la notion même de norme, le processus normatif européen n'est pas toujours un facteur de simplification de la vie des citoyens et des entreprises. C'est la conséquence de ses principaux dysfonctionnements.
a) Des véhicules législatifs parfois mal calibrés
D'une façon générale, si les directives sont en principe plus souples que les règlements européens, elles peuvent aussi constituer un facteur de complication juridique. En effet, plutôt que de soumettre de façon certaine et uniforme tous les États membres aux mêmes prescriptions, le principe de la directive est de renvoyer à des mesures de transposition nationales. Au départ pensé comme un élément de souplesse, le recours aux directives peut être un facteur de complexité et d'incertitudes compte tenu des délais et des modalités différentes dans lesquels les directives européennes sont transposées.
Ces inconvénients des directives tendent à être amplifiés par deux évolutions :
- d'une part, l'adoption de directives de plus en plus précises qui cumulent des exigences précises et un aléa sur la façon dont celles-ci seront atteintes dans les faits. Tel est par exemple le cas de la directive CEM 2014/30/UE (compatibilité électromagnétique applicable notamment aux ascenseurs) qui fixe des règles d'émission très contraignantes sans préciser les moyens de les atteindre et renvoyant à un dispositif d'essais très longs et coûteux,
- d'autre part, la plus grande hétérogénéité des pratiques nationales depuis l'élargissement de l'Union en 2004 et 2007 augmente les écarts d'interprétation et de mise en oeuvre du droit européen qui sont, par définition, plus sensibles lorsqu'il s'agit de directives.
Bien entendu, parfois le problème ne tient pas au choix d'un véhicule législatif mais plus profondément à la légitimité de l'Union européenne à intervenir dans tel ou tel domaine. Ainsi en est-il lorsque l'Europe interdit la commercialisation des aspirateurs de plus de 900 watts à compter du 1 er janvier 2017 18 ( * ) ou finance pour près de 100 000 euros une étude pour fixer le volume des chasses d'eau 19 ( * ) occasionnant à cette occasion, une opposition avec certains États membres 20 ( * ) . Le problème ici posé est celui des priorités de l'action de l'Union ainsi que du respect du principe de subsidiarité.
b) Des législations partielles
Le caractère parfois partiel du processus normatif peut aboutir à cumuler les inconvénients d'une législation européenne harmonisée avec ceux de la reconnaissance mutuelle des législations nationales. Le fait de se retrouver au milieu du gué est alors un facteur de complexité voire d'incohérences . C'est par exemple le cas concernant les matériaux entrant en contact avec les aliments (emballages et équipements) pour lesquels coexistent une réglementation communautaire et une grande diversité de réglementation nationale du fait d'une normalisation européenne incomplète.
Le règlement (CE) n°1935/2004 concernant les matériaux entrant en contact avec les aliments Le règlement (CE) n°1935/2004 pose les principes des exigences applicables à ces matériaux et liste les différents types de matériaux pour lesquels des textes spécifiques doivent être adoptés. Or, à ce jour, seuls quatre types de matériaux ont fait l'objet de règlements spécifiques, notamment les matériaux plastiques très couramment utilisés comme emballages alimentaires. Pour les autres matériaux d'emballages, tels que les encres, les papiers cartons, etc, les réglementations nationales des différents pays de l'Union Européenne s'appliquent, et encore lorsqu'elles existent. |
c) Des législations européennes inadaptées voire irréalistes
L'Union européenne a parfois adopté des réglementations manifestement complètement inadaptées aux réalités.
En novembre 2015, la Commission européenne a ainsi présenté une proposition de directive prévoyant l'interdiction complète des chargeurs fixes ou amovibles de grande capacité pour toutes les armes à feu et surtout une interdiction complète de possession privée pour les armes de chasse ou de sport ressemblant esthétiquement ou techniquement à une arme à feu militaire moderne. Ce texte avait donc comme effet non négligeable de rendre de facto impossible les activités des chasseurs et des tireurs sportifs. Leur réaction ne se fit pas attendre et conduisit la Commission à préparer un nouveau texte 21 ( * ) .
De même, en 2004, la Commission européenne avait adopté une directive sur la protection des travailleurs contre les champs électromagnétiques (directive 2004/40/CE). Une fois le texte adopté, les entreprises et le monde médical découvrirent que la directive allait interdire l'utilisation sur le territoire de l'Union européenne des scanners médicaux par résonance électromagnétique, des procédés industriels de soudage, d'induction et d'électrolyse. La Commission a fini par se rendre à l'évidence. La directive fut abrogée et remplacée par un texte plus raisonnable (directive 2013/35/UE). La nouvelle directive fut toutefois considérée comme incompréhensible par l'immense majorité des acteurs concernés, conduisant la Commission à publier un guide pratique plus lisible par les entreprises et donnant des solutions pragmatiques. Au-delà des questions de fond, cet exemple soulève aussi un problème de subsidiarité.
Face à de tels exemples de décalage entre les textes et la réalité, la question se pose quant aux causes de ces dysfonctionnements.
Certes, dans le cas de la directive sur les armes, la cause semble résider pour une large part dans la précipitation des travaux de la Commission dans le contexte des attentats. Toutefois, d'une façon plus générale, de telles situations ne sont possibles que par les lacunes des études d'impact et de la concertation avec les parties prenantes.
Une telle situation peut a priori sembler contradictoire avec la réputation faite aux institutions de l'Union européenne de prendre au contraire trop en compte les intérêts privés du fait d'une intense activité de lobbying.
Certes, l'importance du lobbying demeure forte à Bruxelles, parfois de manière retentissante.
Quelques démonstrations de lobbying particulièrement éloquentes - L'interdiction des sacs plastiques par l'UE Lancée en 2013, une initiative de la Commission européenne visait à interdire à terme l'usage de sacs plastiques à usage unique dans l'Union. Le cabinet d'avocats Alber & Geiger se présente comme un leader en termes de lobbying à Bruxelles. Il a travaillé récemment sur une proposition européenne d'interdiction des sacs plastiques. Au vu de la popularité de cette proposition, Papier-Mettler, le plus gros producteur de sacs plastiques de l'Union européenne s'est offert les services de ce cabinet pour contrer cette proposition législative. Au cours de la phase de discussion de cette même initiative, l'eurodéputée danoise Margrete Auken a rendu publiques des accusations visant deux anciens eurodéputés britanniques conservateurs, Martin Callanan et Nirj Deva. Selon elle, ils auraient utilisé leurs réseaux d'influence pour repousser l'interdiction de l'une des alternatives aux sacs plastiques (les sacs oxodégradables) qu'elle défendait sous la forme d'un amendement. Finalement, l'interdiction des sacs plastiques a été revue à la baisse, visant une réduction de 75 % de leur usage d'ici 2025. De l'aveu même du cabinet concerné, il s'agit de l'un de ses succès d'influence des politiques européennes, au point d'en faire état sur son propre site internet. C'est le fruit d'un lobbying persistant qui a mis une halte au projet d'interdiction et qui a même eu un impact sur des projets similaires au niveau national. M. Mettler, le propriétaire de Papier-Mettler, a qualifié le travail du cabinet d'avocats de « rapide et convaincant ». - La directive dite secret des affaires La controversée directive sur le secret des affaires a été adoptée par l'Union européenne le 14 avril 2016. Cependant, sa genèse semble beaucoup devoir au travail de lobbying des grands groupes industriels opérant au sein de l'UE. En effet, dès septembre 2006, les représentants de grandes entreprises industrielles ont réuni à Bruxelles un grand colloque visant à démontrer que les différentes réglementations à visée environnementales, et plus particulièrement les exigences de transparence en termes de processus de production et de composition des produits, étaient nuisibles à la compétitivité. Cette alliance de circonstance a conduit à la création de la Coalition pour les Secrets d'Affaires et l'Innovation (TSIC - Trade Secret and Innovation Coalition), dont les membres sont entre autres Alsthom, Dupont, General Electric, Intel, Michelin et Nestlé, qui a milité pour l'adoption d'un texte définissant le secret des affaires de manière unifiée au niveau de l'Union européenne. De nombreux éléments indiquent qu'un cabinet d'avocats (White & Case) a directement fait du lobbying pour demander une initiative qui a conduit à cette directive, dans un domaine non encore réglementé au niveau européen, pour le compte de la TSIC. Plus précisément, il s'agissait d'influencer la rédaction de la définition du secret des affaires qui n'a pas été modifiée depuis la publication du projet de directive dans des termes très proches des voeux de la TSIC. Elle est définie comme portant sur toute information secrète, qui a une valeur commerciale parce qu'elle est secrète, et dont le secret a fait l'objet de mesures de protection raisonnables. De nombreuses réactions ont pointé le flou, et donc l'insécurité juridique, introduit par cette définition sans qu'elle soit retouchée. D'autre part, d'après l'analyse des échanges de courriels menée par le Bureau de l'Investigation journalistique, la consultation de la Commission n'a pas intégré d'ONG dans les tout premiers stades de l'élaboration du projet. Malgré les oppositions qu'un certain nombre d'entre elles ont soulevées, et une certaine mobilisation citoyenne, les seules modifications apportées par la consultation de la société civile ont été des exceptions bénéficiant aux journalistes et aux lanceurs d'alerte. - La fin des frais d'itinérance de la téléphonie portable en Europe La surfacturation des usages mobiles dans un autre pays européen que celui dont on est originaire a longtemps été un sujet de travail pour la Commission européenne, sans que celui-ci aboutisse à des mesures concrètes. Discutée publiquement depuis 2006, cette mesure a été repoussée par plusieurs interventions successives du lobby de l'industrie concernée. Dans un premier temps, pour éviter une règlementation contraignante, il a été proposé des réductions volontaires de ces tarifications. Elles ont effectivement eu un impact sur les frais facturés, mais ceux-ci restaient significatifs pour les utilisateurs. Après plusieurs années de discussion, une réglementation visant à totalement supprimer les frais d'itinérance a été votée en avril 2014, prévoyant une disparition du roaming le 15 décembre 2014. Après différentes interventions des industriels du secteur, la date a été modifiée par le Conseil européen et repoussée à une application en 2018. Finalement, un accord entre le Parlement et le Conseil a permis d'imposer une période transitoire, d'avril 2016 à juin 2017, pendant laquelle ces frais sont encadrés, avant de disparaître totalement 22 ( * ) . |
Toutefois les dysfonctionnements du processus normatif européen prenant la forme de « malfaçons » des textes semblent avoir des causes plus structurelles. Le processus normatif semble, en effet, par construction, propre à faire primer un intérêt en particulier, de la conception d'un texte jusqu'à sa présentation finale.
Cet intérêt particulier peut être le fruit d'un lobby mais aussi d'une préoccupation spécifique comme ce fut le cas de la volonté de protéger la santé des travailleurs pour la directive sur les champs électromagnétiques. L'orientation originelle d'une proposition de la Commission est généralement peu modifiée au cours du processus décisionnel interne alors même qu'elle pourrait poser des problèmes majeurs.
La non prise en compte de certains intérêts ou aspects tient sans doute au mode de concertation interservices au sein de la Commission européenne. Par exemple, le dispositif français est celui de réunions interministérielles pouvant donner lieu, à tous les stades de la procédure, à des arbitrages du Premier ministre. Or, à Bruxelles, cette capacité d'arbitrage est beaucoup moins forte tant au niveau administratif (des consultations interservices) qu'au niveau politique (fonctionnement du collège des commissaires davantage par consensus que par arbitrage du président).
Il est ainsi ressorti de nos auditions concernant plusieurs secteurs d'activités que plusieurs textes européens avaient été marqués initialement par les préoccupations ou les conceptions de grandes entreprises et qu'ils étaient de ce fait mal adaptés aux activités artisanales ou des PME . Il ne s'agit alors pas nécessairement d'une volonté d'éliminer des petits concurrents en imposant des normes difficiles à atteindre pour eux, mais plutôt d'une méconnaissance de la situation ou des activités des PME.
Un exemple d'actualité en est donné par la proposition de directive, déposée le 13 mai 2016, modifiant la directive 2004/37/CE concernant la protection des travailleurs contre les risques liés à l'exposition à des agents cancérigènes ou mutagènes au travail. Elle prescrit par exemple l'équipement du lieu de découpe et des travailleurs confrontés à des poussières de silice selon des modalités tout à fait adaptées à des installations industrielles mais manifestement sans prise en compte des travaux en petite série exécutés par exemple dans l'habitation d'un particulier par un artisan du bâtiment.
Parfois, sans être à proprement parler irréalistes, les normes européennes s'avèrent très coûteuses et complexes à respecter, alimentant la crainte de se voir sanctionner si l'on ne la satisfait pas malgré les efforts déployés. Un exemple parmi d'autres de prescriptions difficiles à satisfaire est celui des coulis de tomates.
La réglementation sur les coulis de tomates La directive européenne 1764/86 du 27 mai 1986 interdit complètement la présence de morceaux de peau dans les conserves et les petits défauts tels qu'une légère entaille n'y sont tolérés qu'à hauteur de 300 cm² de surface totale pour dix kilos de fruits (pour les tomates entières) ou 1 250 cm² (pour les tomates en morceaux). Dans les boîtes, « les tomates et le liquide de couverture [...] doivent occuper au moins 90 % de la capacité en eau du récipient » . Sauf si le bocal est en verre : dans ce cas, « la capacité en eau est réduite de 20 millilitres avant le calcul des pourcentages » . Les fabricants n'ont plus qu'à faire marcher leurs calculettes. |
Enfin, au-delà du processus normatif stricto sensu , il convient de rappeler que les normes communautaires sont parfois considérées comme difficiles à accepter du fait de la structure des politiques de l'Union européenne .
D'une part, l'alourdissement des normes notamment techniques rend toujours plus sensible le déséquilibre entre les domaines dans lesquels l'Europe intervient dans le détail et ceux où il y a un manque cruel d'harmonisation européenne, par exemple en matière sociale et fiscale . Cette perception est très prégnante dans des secteurs comme le bâtiment.
D'autre part, bien que la Commission européenne veille en principe au respect du droit de l'Union, sa mise en oeuvre effective, et notamment la surveillance des marchés, est en fait confiée aux États membres avec des interprétations et des niveaux d'exigences souvent très différents d'un pays à l'autre, ce qui peut là encore donner le sentiment que la recherche d'harmonisation européenne est déséquilibrée.
Face à ces situations, quels peuvent être les enjeux en matière de simplification du processus normatif européen lui-même , indépendamment des besoins touchant aux contenus et réglementations dans tel ou tel domaine spécifique (développés dans le II. du présent rapport) ?
En fait, si la simplification passait par un allègement des procédures décisionnelles, elle présenterait le risque de laisser la Commission européenne décider davantage en allégeant les besoins d'évaluation, préalables de concertation et de contrôle démocratique sur ses décisions. Notre commission n'a d'ailleurs eu de cesse de rappeler l'importance de ces contrôles entourant l'action de la Commission européenne, notamment sur la question des actes délégués 23 ( * ) .
En fait, l'enjeu nous semble être celui d'un encadrement du processus normatif de façon à aboutir à des textes européens plus pertinents car :
- prenant davantage en compte les différentes dimensions ou implications des normes produites,
- davantage adaptés aux réalités (différences nationales, cas des PME, effets sur la compétitivité et l'attractivité de l'Europe vis-à-vis de ses concurrents),
- faisant en sorte que l'Europe intervienne là où l'on l'attend et où il existe une véritable valeur ajoutée à agir au niveau européen.
En un mot, l'enjeu est de faire en sorte que les normes européennes constituent bien un élément qui simplifie et donne de nouvelles opportunités aux activités de nos concitoyens, ou encore qu'elles améliorent leur qualité de vie.
Force est de constater que les évolutions récentes du processus normatif européen vont dans ce sens.
2. L'amélioration du cadre normatif européen, une réalité et un sujet d'actualité
Des changements favorables ont été introduits à la fois par le traité de Lisbonne (a) et par la politique engagée à son arrivée par le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker (b).
a) Un meilleur contrôle de la subsidiarité
Le principe de subsidiarité est consacré par le traité de Lisbonne comme principe fondamental de l'Union, aux côtés des principes d'attribution et de proportionnalité (art. 5 TUE).
Il y est précisé que « dans les domaines qui ne relèvent pas de sa compétence exclusive, l'Union intervient seulement si, et dans la mesure où, les objectifs de l'action envisagée ne peuvent pas être atteints de manière suffisante par les États membres (...) »
Aux termes de l'article 5, paragraphe 3, deuxième alinéa, et de l'article 12, point b), du traité UE, les parlements nationaux veillent au respect du principe de subsidiarité conformément à la procédure prévue dans le protocole n° 2.
En vertu de cette procédure dite d'alerte précoce, toute chambre d'un parlement national dispose de huit semaines à compter de la date de transmission d'un projet d'acte législatif, pour adresser aux présidents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission un avis motivé exposant les raisons pour lesquelles elle estime que le projet en cause ne respecte pas le principe de subsidiarité.
Lorsque des avis motivés émanent d'au moins un tiers des voix attribuées aux parlements nationaux 24 ( * ) , cela signifie qu' un carton jaune 25 ( * ) a été adopté et que le projet doit être réexaminé . Après ce réexamen, l'institution dont émane le projet d'acte législatif peut alors décider de le maintenir, de le modifier ou de le retirer, en motivant dans tous les cas sa décision.
Lorsque, dans le cadre de la procédure législative ordinaire, au moins une majorité simple des voix attribuées aux parlements nationaux conteste la conformité d'une proposition législative avec le principe de subsidiarité et que la Commission décide de maintenir sa proposition, la question est renvoyée au législateur (le Parlement européen et le Conseil), qui se prononce en première lecture. Si le législateur estime que la proposition législative n'est pas compatible avec le principe de subsidiarité, il peut la rejeter à la majorité de 55 % des membres du Conseil ou de la majorité des voix exprimées au Parlement européen ; on parle alors de carton orange .
Les trois cartons jaunes adoptés à ce jour En mai 2012 , le premier carton jaune a été émis envers une proposition de règlement de la Commission concernant l'exercice du droit de mener des actions collectives dans le contexte de la liberté d'établissement et de la libre prestation des services (« Monti II »). 12 parlements nationaux/chambres de ces parlements sur 40 ont alors considéré que la proposition n'était pas conforme au principe de subsidiarité du point de vue de son contenu. La Commission a finalement retiré sa proposition, estimant toutefois que l'infraction au principe de subsidiarité n'était pas constituée. En octobre 2013 , un autre carton jaune, a été émis par 14 chambres des parlements nationaux dans 11 États membres (18 voix) suite à la proposition de règlement portant sur la création du Parquet européen. La Commission, après avoir analysé les avis motivés reçus des parlements nationaux, a décidé de maintenir la proposition, en indiquant que celle-ci, conforme au principe de subsidiarité, serait probablement mise en oeuvre au moyen d'une coopération renforcée. Enfin, un troisième carton jaune a été dressé par 14 chambres de 11 États membres en mai 2016 contre la proposition de révision de la directive concernant le détachement de travailleurs. Ici encore, la Commission a décidé de maintenir sa proposition, considérant qu'elle n'enfreignait pas le principe de subsidiarité, la question des travailleurs détachés étant, par définition, transfrontalière. |
b) Le mieux légiférer introduit par la Commission Juncker
Indépendamment des règles du traité visant à assurer un meilleur contrôle du principe de subsidiarité, la Commission européenne issue des élections de 2014 a lancé quelques mois après son installation une nouvelle initiative intitulée « Mieux légiférer » 26 ( * ) . Marquée par la volonté de privilégier une approche « plus politique » et moins technocratique 27 ( * ) , cette initiative a été confiée pour sa mise en oeuvre, au Premier vice-président de la Commission, M. Frans Timmermans. Elle comprend quatre composantes et dépasse la cadre de la seule Commission.
(1) Le retrait d'un grand nombre de projets de textes
L'orientation de la nouvelle Commission européenne s'est très rapidement traduite par la volonté de se concentrer sur les projets de textes européens présentant un caractère prioritaire conformément au discours de Jean-Claude Juncker selon lequel : « Chaque problème existant en Europe n'a pas vocation à devenir un problème de l'Union européenne. Ce sont les grandes affaires dont nous devons nous occuper . »
Le programme de travail de l'exécutif européen pour le mandat 2014-2019 a ainsi été concentré sur ses priorités politiques. En 2015, 80 propositions de textes ont été retirées par la Commission sur les 450 en attente de décision du Parlement et du Conseil 28 ( * ) .
Le programme de travail de 2016 prévoyait 23 initiatives contre 130 les années précédentes ainsi que 20 modifications ou retraits de propositions. La tendance se précise et s'accentue pour 2017 puisque le programme de travail de la Commission européenne comprend 21 initiatives.
(2) La création d'un Comité indépendant d'examen de la réglementation
Afin de renforcer le contrôle de la pertinence et des effets possibles de ses projets de réglementation, la Commission européenne a installé le 1 er juillet 2015 un comité d'analyses d'impacts indépendant chargé d'assurer un contrôle central de la qualité et une fonction générale de soutien aux services dans le cadre des travaux d'évaluation et d'analyse d'impacts de la Commission. Il examine l'ensemble des projets d'analyse d'impacts de la Commission, ainsi que les évaluations et bilans de qualité de la législation en vigueur, et il émet des avis et des recommandations sur ceux-ci.
La volonté d'accroître l'importance des études d'impacts à travers ce nouveau comité semble indéniable.
S'agissant de son caractère indépendant, il convient de préciser que :
- son indépendance est protégée par les règles régissant les relations entre le comité et les services de la Commission, et le caractère non renouvelable de ses membres,
- mais que la moitié de ses membres sont originaires de l'administration de la Commission,
- enfin, que le comité rapporte directement à M. Frans Timmermans.
Au final, le niveau hiérarchique, la qualité des membres du comité ainsi que le lien direct avec le Premier vice-président Timmermans nous semblent des gages de succès. L'essentiel est en effet de ne pas aboutir à un processus technocratique transférant à des experts un pouvoir de décision qui revient aux responsables politiques.
(3) L'amélioration des consultations
Les citoyens et les parties intéressées peuvent désormais, à l'occasion de consultations publiques systématiques, donner leur avis sur :
- les feuilles de route et les analyses d'impacts initiales, dans lesquelles la Commission présente de nouvelles idées de politiques et de législations ou d'évaluations des politiques existantes ;
- les analyses d'impact, dans lesquelles la Commission analyse les éventuelles incidences économiques, sociales ou environnementales d'une proposition ;
- les propositions législatives, une fois qu'elles ont été approuvées par la Commission, les projets d'actes délégués 29 ( * ) ou d'actes d'exécution 30 ( * ) ;
- les évaluations et des «bilans de qualité» des politiques et législations en vigueur.
Ces consultations font l'objet d'un rapport public de la part de la Commission européenne.
(4) La plateforme REFIT
Depuis janvier 2016, a été lancée la plateforme internet REFIT 31 ( * ) sur laquelle les citoyens et « parties prenantes » (associations, entreprises, collectivités) d'une part, et les administrations nationales d'autre part, peuvent faire part des difficultés posées par les différentes réglementations européennes ainsi que proposer des améliorations 32 ( * ) .
(5) Un mouvement qui dépasse la Commission européenne
La préoccupation de « mieux légiférer » n'est plus l'exclusivité de la Commission européenne, chargée de proposer des textes européens et d'en superviser et contrôler d'application. Elle est depuis quelques mois officiellement partagée par les deux institutions législatives de l'Union européenne.
En effet, la Commission, le Parlement et le Conseil ont signé un accord relatif à l'amélioration de la réglementation, entré en vigueur le 13 avril 2016, en remplacement de celui en vigueur depuis 2003 et qui prévoit en particulier :
- la transparence tout au long du processus législatif (par la création d'une base de données commune sur l'état d'avancement des dossiers législatifs dans les trois institutions) ;
- l'élaboration de politiques et d'actes législatifs « fondés sur des données probantes » par le recours aux études d'impact 33 ( * ) pour les modifications substantielles proposées par le Parlement ou le Conseil ;
- l'évaluation de la législation existante de l'Union européenne en vue de la simplifier et d'éviter la réglementation excessive et les lourdeurs administratives, notamment dans le cadre d'un examen annuel de la charge ;
- la discussion chaque année des priorités législatives de l'Union européenne et ils fixeront les principales priorités communes pour l'année à venir.
La mise en place du nouveau cadre « mieux légiférer » 34 ( * ) est déjà sensible au niveau de la Commission européenne. Nous estimons l'action conjointe des trois institutions indispensable. Si le Parlement européen semble relativement bien armé pour s'engager dans cette politique au travers notamment de son service des recherches parlementaires 35 ( * ) , il faut souhaiter que le Secrétariat général du Conseil soit pleinement en état de participer à ce mouvement et que les trois institutions enclenchent effectivement un cercle vertueux.
C. DES EFFORTS ENCORE NÉCESSAIRES, À BRUXELLES ET STRASBOURG...COMME À PARIS
1. Un « mieux légiférer » à concrétiser et à accompagner
Si la mise en place du nouveau processus normatif européen est somme toute récente, il nous semble néanmoins susceptible de produire des résultats, et ce pour deux raisons essentielles :
- d'une part, parce que la Commission européenne en particulier a déjà apporté la preuve de sa capacité à évoluer dans ce sens. À la fin de la dernière mandature (en 2013 et 2014), la programme REFIT, sous sa version précédente, avait permis d'identifier des facteurs de complexité de la législation existante et d'y remédier. Cela avait abouti à faire bénéficier les PME de diverses dérogations concernant des contraintes réglementaires particulièrement lourdes ;
- d'autre part, le processus actuel semble être pris en charge avec un très fort engagement de la part des responsables de la Commission européenne. Il ne s'agit pas d'une réforme administrative mais bien d'un engagement politique visant à renforcer et à illustrer l'utilité de l'Europe pour les citoyens. Cette démarche a d'autant plus d'importance qu'il semble aujourd'hui illusoire de renvoyer la refondation de l'Europe après le Brexit à une réforme des traités, trop longue et trop hypothétique. Il y a urgence à répondre aux attentes des Européens, mais il faut le faire dans le cadre des institutions et des règles actuelles.
Notre rôle n'est pas seulement d'encourager les nouveaux processus mais aussi de les accompagner en apportant notre contribution. À ce stade le Sénat français - et singulièrement notre commission des affaires européennes - s'est déjà pleinement saisi des procédures de contrôle de la subsidiarité en adressant pas moins de 25 avis motivés depuis 2011 36 ( * ) .
Dans le cadre du travail de suivi de ce rapport en matière de simplification de la législation européenne, il pourrait sans doute être opportun d'articuler les travaux de notre commission avec les rapports d'évaluation sectoriels 37 ( * ) que la Commission européenne s'est engagée à produire dans le cadre du mieux légiférer.
Ces rapports consisteront en un travail inédit d'analyse des effets des réglementations européennes dans un domaine, ainsi que sur la façon dont celles-ci ont été mises en oeuvre concrètement dans les différents États membres. Les deux premières évaluations sectorielles actuellement en cours (sur le secteur de la construction et sur la législation des produits chimiques) nous permettront en outre de disposer d'un outil de comparaison de la façon dont les mêmes règles européennes ont été transposées, interprétées ou appliquées dans les différents pays. Il s'agit d'une excellente initiative et nous encourageons la Commission européenne à accélérer son programme de façon à pouvoir disposer d'une évaluation dans un grand nombre de secteurs avant la fin de la législature actuelle.
2. Des besoins d'améliorations déjà sensibles
Si l'on peut donner crédit aux institutions européennes de leur volonté d'améliorer le processus normatif européen, on doit formuler néanmoins plusieurs observations sur des points qui nous semblent d'ores et déjà devoir être améliorés.
a) En matière d'études d'impact
Tout d'abord, nous ne pouvons que regretter que les études d'impact, appelées à constituer un élément majeur de justification d'une initiative législative et de son analyse en particulier par les parlements nationaux, ne soient aujourd'hui malheureusement disponibles qu'en langue anglaise.
En outre, nous ne pouvons que déplorer le fait que les actes délégués et actes d'exécution de la Commission soient dépourvus de l'obligation d'études d'impact. Ceci nous semble paradoxal dans la mesure où ce sont précisément dans ces textes 38 ( * ) que figurent souvent la fixation des conditions précises ou des chiffres (seuils, plafonds, pourcentages ou barèmes) déterminant très concrètement la mise en oeuvre des textes européens et permettant alors l'évaluation de leurs impacts.
Notre résolution demande donc de pouvoir disposer d'études d'impact pour les actes délégués et les actes d'exécution de la Commission européenne qui déterminent la portée ou le champ d'application d'une législation européenne. Pour l'heure et afin de ne pas trop alourdir ou ralentir le processus normatif, il nous semble raisonnable de nous limiter aux actes délégués ayant ce type d'effet.
Enfin, nous considérons que les difficultés persistantes d'application de la législation européenne, en particulier aux PME, résident en partie dans l'insuffisance d'évaluations sur le terrain du coût des nouveaux projets de réglementation pour les entreprises.
Aussi nous encourageons l'Union européenne à poursuivre dans la voie du recours à des tests PME (cf. II. A. du présent rapport) lors du processus législatif.
En outre, il nous a semblé que la transparence de la procédure de consultation publique sur les propositions de textes européens pouvait être améliorée sur un point précis. Il serait sans doute éclairant que dans le compte rendu qu'elle fait déjà de ces consultations, la Commission puisse qualifier (sans nécessairement donner les noms) les contributeurs dont elle cite les principales observations. Actuellement, il ressort de ces comptes rendus, qu'un individu isolé ayant adressé sa contribution 39 ( * ) est mis sur le même plan que des acteurs qui sont pourtant davantage représentatifs ; ce qui peut priver ces consultations de la pertinence et même faire douter de leur sérieux.
3. À Paris, le serpent de mer de la transposition des directives
Comme l'on sait, le droit français transposant les directives européennes fait partie intégrante de la norme européenne et l'on adresse souvent à l'Europe des critiques dont les responsables sont à Paris et non à Bruxelles . Ces dernières portent principalement sur le délai de transposition des directives et sur la question des surtranspositions.
a) Les délais de transposition
La transposition des directives de l'Union européenne dans notre droit national est une obligation juridique découlant des traités. Il s'agit en effet d'assurer, une transposition « complète, claire, précise et transparente » 40 ( * ) et ce, dans les délais fixés par le texte à transposer.
Certes, les cas de transpostions hors des délais impartis (exposant la France à des procédures contentieuses) ont fortement diminué 41 ( * ) au fur et à mesure que les pouvoirs publics français ont amélioré leurs procédures en la matière 42 ( * ) .
En revanche, des cas demeurent relativement fréquents de transpositions « au dernier moment » qui présentent l'inconvénient de ne pas donner aux citoyens ou aux entreprises concernés le temps de s'adapter aux nouvelles dispositions. Par exemple, la directive 2014/33/UE relative aux ascenseurs dont la date de transposition (après deux ans de délai) expirait le 19 avril 2016 n'a été transposée que le 5 mai pour une entrée en vigueur le 6 mai. Surtout, le décret de transposition n'a pas été transmis aux fabricants français avant sa publication. Quand bien même leurs matériels répondaient déjà aux nouvelles prescriptions, ces entreprises ne disposaient alors matériellement pas du temps pour les faire certifier par les organismes chargés d'y apposer la norme CE, ce qui leur ferme pour plusieurs mois l'accès au marché européen.
Ces situations tiennent moins à une inertie administrative qu'à des réelles difficultés sur le fond quant à l'articulation entre la directive et le droit français. S'agissant du moyen de prévenir de telles difficultés, nous aboutissons aux mêmes préconisations récentes faites par le rapport du Conseil d'État rendu en 2015 43 ( * ) . Nous demandons ainsi au gouvernement que les enjeux de la transposition soient analysés dès la négociation de la directive du Conseil et, si nécessaire, dès la préparation du texte par la Commission.
Il apparaît en effet crucial de rapprocher ceux qui négocient de ceux qui transposent et de favoriser une appropriation politique précoce des enjeux de la transposition en associant aussi le Parlement le plus tôt possible.
b) La surtransposition du droit européen
Nos auditions ont été l'occasion de confirmer l'existence d'une forme d'exception française en matière de surtransposition des directives, par laquelle le droit national va au-delà des normes ou règles minimales exigées par la directive.
Rappelons au préalable que tous les « écarts » de transposition ne doivent être regardés systématiquement et a priori comme illégitimes, y compris lorsqu'ils ont pour effet d'imposer en France des règles qui n'existent pas dans les autres États membres. Tel est par exemple le cas des mesures adoptées en France allant au-delà des obligations de la directive 2014/67 relative au détachement des travailleurs. À l'occasion de la transposition, notre pays a alors introduit dans son code du travail le principe de l'obligation de vigilance du donneur d'ordre ou du maître d'ouvrage établi en France quant à la déclaration de détachement et à la désignation d'un représentant de l'entreprise étrangère. L'opportunité de disposer de règles nationales qui ne soient pas nécessairement fixées a minima par la norme européenne mérite d'être discutée au cas par cas.
Néanmoins, plusieurs observations ressortent de nos travaux.
En premier lieu, le bilan coût-avantage des surtranspositions est souvent loin d'être évident et l'on ne peut que s'interroger sur le fait que l'impact de ces mesures nationales en termes de compétitivité et de garanties données aux citoyens, par rapport à nos partenaires et concurrents européens.
Pour reprendre l'exemple de la directive 22014/33 sur les ascenseurs, l'effet de surprise lié à la transposition au dernier moment a été d'autant plus problématique pour les entreprises qu'il s'accompagnait de la fixation de règles excédant celles de la directive. La surtransposition en question peut sembler relativement mineure puisqu'il s'agit d'apposer sur les équipements un nombre de mentions et d'informations supérieures à celles exigées par la directive. Or, pour ce bénéfice relativement mineur, de véritables difficultés sont posées aux entreprises les obligeant à distinguer au sein de leurs productions et de leurs stocks, les pièces destinées au marché français et celles destinées aux autres États membres.
Comme toujours ce type de contraintes pèsent davantage sur les PME qui disposent d'une seule unité de production (basée en France) alors que les grands groupes, implantés industriellement dans plusieurs pays, ont l'habitude de « produire local » et donc de s'adapter aux spécificités des différents marchés.
C'est dans ce contexte que le Conseil de simplification tenu par le gouvernement français du 1 er juin 2015 avait prévu que « lorsqu'il choisit de retenir des dispositions plus contraignantes que les seules exigences communautaires, le gouvernement doit clairement identifier ces surtranspositions, les justifier et en évaluer l'impact : ce travail sera amorcé dès le début des négociations afin de pouvoir les infléchir et aboutir » (mesure 1.2) 44 ( * ) .
Cette orientation générale 45 ( * ) doit être encouragée. Mais au-delà il faut préciser que les problèmes posés par des surtranspositions ne peuvent s'apprécier qu'au regard de la façon dont la transposition s'effectue dans les autres États membres.
Aussi estimons-nous que les études d'impact accompagnant les textes de transposition 46 ( * ) comprennent une analyse en termes de compétitivité au regard des conditions de transposition dans les autres États membres de l'Union européenne.
En second lieu, l'un des grands intérêts du Conseil de simplification du 1 er juin 2015 était aussi de s'intéresser non seulement aux textes à venir mais aussi au stock de mesures déjà adoptées en France et pour lesquels des écarts de transpositions étaient constatées.
La mesure 1.1 prévoyait ainsi que le Conseil national de l'industrie identifie parmi les réglementations portant sur les processus de production et de commercialisation des entreprises des cas de surtransposition et que « celles-ci seront réexaminées sous l'angle de la compétitivité et de l'équilibre entre les intérêts économiques et les intérêts publics essentiels, notamment en matière de sécurité, de santé publique, de protection du consommateur ou de l'environnement et à la lueur des pratiques des autres États membres. Ce réexamen permettra d'identifier des réformes envisageables pour combler ces écarts lorsque cela apparaîtra justifié. Cette revue comportera, lorsqu'il y a lieu, une évaluation scientifique permettant de vérifier la pertinence des règles nationales au regard des enjeux, par exemple de santé publique, invoqués . »
Il y a beaucoup à attendre de ce travail visant à faire identifier et à rectifier les écarts de transposition injustifiés et partant à clarifier le débat (voire à définir une doctrine) sur les cas dans lesquels une transposition au-delà des normes minimales peut être justifiée. Cette décision du Conseil de simplification s'est traduite par la rédaction d'un rapport demandé par l'administration des Finances.
Or, malgré de multiples demandes formulées dans le cadre de nos travaux, nous regrettons de n'avoir pu obtenir de communication de ce rapport sans doute très éclairant. M. Jean Bizet, président de notre commission, et Mme Elisabeth Lamure, présidente de la délégation aux entreprises, ont saisi officiellement par courrier M. Michel Sapin, ministre de l'économie et des finances, pour obtenir communication de ce rapport. Celui-ci ne nous est malheureusement pas parvenu à ce jour. Nous réitérons donc notre demande de communication au Parlement du rapport faisant l'inventaire des écarts de transpositions et de leurs justifications annoncés par la mesure 1.1 du Conseil de simplification des entreprises.
Enfin, il convient de rappeler que la tendance au « plus disant » par rapport au droit européen ne se limite pas aux directives européennes stricto sensu mais que, par extension, elle prend aussi la forme d'une interprétation particulièrement exigeante des règlements européens comme le rappelle la résolution en faveur de la réduction des normes applicables à l'agriculture adoptée par le Sénat le 6 décembre 2016 47 ( * ) .
Dans le même esprit, nous avons identifié deux types de raisons aboutissant à des réglementations françaises spécifiques :
- d'une part, la France se singularise souvent par son application du principe de précaution. Ceci a abouti par exemple à ce que la France soit la seule en Europe avec le Danemark à interdire dans les pressings des machines utilisant le perchloréthylène (en 2012), cette substance ayant été classée comme potentiellement dangereuse pour la santé et pour l'environnement au niveau européen sans pour autant qu'une interdiction soit jugée nécessaire 48 ( * ) ;
- d'autre part, il semble exister une tendance de la France à s'imposer des règles spécifiques afin de « montrer l'exemple » et à inspirer ensuite la législation européenne, ce qui n'est pas toujours la meilleure façon de contribuer au processus de décision européen. Si la vigilance des autorités nationales est de mise (cf le cas de biophénol A), là encore la façon la plus utile d'agir doit s'apprécier au cas par cas.
4. Améliorer autant que possible le processus de normalisation volontaire
a) Renforcer le contrôle du processus de normalisation européenne
L'articulation entre réglementation et normalisation volontaire existante dans les dates de la législation « nouvelle approche » semble assez équilibrée dans son principe dans la mesure notamment où :
- il ne s'agit pas de normes privées édictées ou imposées sans concertation par un acteur (par exemple le leader du marché) mais de normes concertées par l'ensemble des pays et des parties prenantes ;
- les négociations sont encadrées par un contrôle politique avant (par le mandat de normalisation), pendant (par les comptes rendus des équipes du CEN à la Commission) et après (au stade de la décision de publication des normes). Les représentants des États membres sont associés à ce contrôle au sein du comité de suivi de chaque directive ( Administrative Cooperation Group - AdCO).
Ce contrôle et la représentation des intérêts de notre pays sont d'autant mieux assurés que les représentants des administrations françaises sont actifs au sein de l'AdCO, en particulier lors de l'examen du mandat de négociation qui oriente très largement le résultat qui sera atteint, et qu'ils sont en contact avec les parties prenantes lorsque l'AdCO est appelé à se prononcer sur l'avancement des travaux du CEN-Cenelec. Or, selon les secteurs, il est apparu que la mobilisation et la coordination des acteurs publics (au sein de l'AdCO) et privés (au sein du CEN-Cenelec) étaient très hétérogène, avec des effets sensibles sur la prise en compte de nos points de vue et de nos intérêts.
Nous appelons donc le gouvernement à s'assurer que, dans tous les domaines, l'administration française participe pleinement au suivi du processus de normalisation européenne en coordination avec les parties prenantes nationales, en particulier au stade de la délivrance du mandat par la Commission européenne. |
b) Rendre la norme plus légitime, lisible et accessible
(1) Assurer la représentativité de la norme
Plus de 95 % des mandats de normalisation aboutissent à des normes et celles-ci sont adoptées à plus de 95 % des participants au sein du CEN-Cenelec. Ces résultats flatteurs signifient aussi qu'une fois le mandat de négociation donné par la Commission européenne (d'où l'importance de son contrôle effectif cf. supra ), le processus arrive à son terme.
Ils indiquent aussi en apparence que les normes proposées au sein du CEN-Cenelec sont consensuelles. Or, ces chiffres s'expliquent par le fait qu'un certain nombre de pays (disposant de faibles capacités administratives et d'un appareil de normalisation nationale peu développé) ne participent en fait pas aux travaux de normalisation 49 ( * ) mais invitent néanmoins leurs représentants à voter systématiquement en faveur des normes présentées.
Ceci rend difficile la remise en cause des projets de normes mis sur la table et fausse la représentativité des décisions prises au sein du CEN-Cenelec . Les règles d'adoption des normes au sein du CEN-Cenelec reprennent celles fixées par le traité de Lisbonne pour le Conseil. Afin d'assurer une meilleure représentation de ceux qui sont véritablement en mesure de participer à ces travaux, nous proposons une modification.
Nous demandons à ce que seules les voix des pays ayant procédé à un suivi national de la négociation d'une norme au sein du CEN-Cennelec puissent être prises en compte . |
Nous adressons cette recommandation à la Commission européenne qui confie au CEN-Cenelec les mandats de négociation. Le « suivi national » dont il est question pourrait consister en l'existence et au fonctionnement effectif d'une instance au niveau national travaillant elle aussi sur les normes considérées afin d'apporter une contribution aux travaux du CEN à Bruxelles.
(2) Rendre les normes plus accessibles
S'il présente un certain nombre d'avantages, le système de la présomption de conformité n'en constitue pas moins un facteur de complexité lorsqu'il s'agit d'identifier quelles sont, pour une activité donnée, les « normes applicables ».
À la réglementation européenne stricto sensu (directives, règlements, actes délégués et dates d'exécution) éventuellement accompagnée de lignes directrices de la Commission viennent en effet s'ajouter des normes du CEN-Cenelec qui peuvent revêtir deux statuts : soit il s'agit de normes rendues d'application obligatoire par la Commission européenne dans le cadre d'un mandat, soit il s'agit de normes strictement volontaires car hors tout mandat. Le CEN-Cenelec est en effet chargé d'élaborer des normes volontaires au niveau européen à l'instar de ce que fait l'Afnor pour la France.
Parfois même, il existe des référentiels « estampillés » CEN-Cenelec qui n'ont aucune valeur de norme mais sont issues de simples ateliers ou de clubs informels constitués au sein de la structure et auxquels la participation est payante (au moins plusieurs dizaines de milliers d'euros). Certains acteurs parlent alors de « paranormalisation », dans la mesure où les documents ainsi produits et estampillés CEN-Cenelec peuvent jouer sur l'ambigüité et être regardés comme des quasi-normes par un oeil non averti.
Il nous semble qu'il existe en outre, dans la législation française une difficulté de nature à compliquer encore l'accès aux normes.
En effet, il se trouve que certaines normes issues de l'activité de normalisation strictement volontaire du CEN-Cenelec (donc hors de tout mandat de la Commission) sont rendues d'application obligatoire au niveau national par le droit français. Un texte réglementaire français renvoie alors à une norme du CEN-Cenelec en lui donnant la même valeur qu'un texte réglementaire français 50 ( * ) . La difficulté dans un tel cas est que l'accès à ces normes du CEN-Cenelec demeure payant.
L'organisme de normalisation européen titulaire de droits de propriété intellectuelle sur ces normes fait valoir que leur caractère obligatoire procède d'une décision unilatérale du gouvernement français. Certes « nul n'est censé ignorer la loi », mais celle-ci se trouve non seulement complexe mais en plus... payante. Cette situation nous semble contraire à l'objectif de simplification.
Nous demandons donc au gouvernement de faire en sorte que l'accès à des normes européennes qu'il rend d'application obligatoire n'occasionne pas de coût pour les entreprises qui y sont soumises. |
Outre ces améliorations qui doivent être apportées au processus normatif européen en général, des évolutions dans le sens de la simplification sont aussi souhaitables dans plusieurs champs spécifiques de l'action de l'Union.
II. DES PERSPECTIVES DE SIMPLIFICATIONS EXISTENT DANS PLUSIEURS DOMAINES
A. LE MARCHÉ INTÉRIEUR
Sans revenir sur les éléments développés dans le I. du présent rapport qui pointent notamment certains dysfonctionnements du processus normatif européen pour les entreprises, deux points méritent d'être plus particulièrement signalés ici en matière de simplification relativement au marché intérieur.
Il convient, d'une part, de faire le point sur les effets et limites rencontrées aujourd'hui à Bruxelles et à Paris (1) et, d'autre part, de revenir sur une partie du marché intérieur particulièrement sujet à complexité, à savoir le marché des services (2).
1. La gouvernance du marché intérieur : efforts à Bruxelles, blocages à Paris
a) L'objectif « réglementation intelligente » de la Commission européenne
En complément et dans le cade général du « Mieux légiférer » européen (cf. I.), la Commission a préconisé dans sa stratégie pour le marché unique présentée le 28 octobre 2015 la stratégie dite de la « réglementation intelligente ».
Cette stratégie vise à actualiser et à simplifier les règles de circulation des produits et des services et à lever les obstacles qui continuent d'entraver leur libre circulation, ainsi qu'à assurer une plus grande cohérence dans l'application de la législation, tout en simplifiant sa mise en oeuvre. Elle poursuit trois finalités :
- ouvrir de nouvelles perspectives aux consommateurs et aux entreprises en établissant un programme européen pour l'économie collaborative afin d'assurer un environnement réglementaire clair et équilibré, favoriser la croissance des PME et des start-ups, faciliter la circulation des prestataires de services en levant les obstacles réglementaires, etc ;
- encourager et faciliter la modernisation et l'innovation en Europe, en particulier par une accélération de la normalisation ;
- garantir des résultats concrets pour les consommateurs et les entreprises dans leur vie quotidienne, et ainsi annoncer une stratégie pour un meilleur contrôle de l'application de la législation européenne par les États membres.
Cette stratégie poursuit clairement un objectif de simplification de la réglementation . Cet objectif est relativement logique dans la mesure où le secteur du marché intérieur concentrerait environ un quart des normes européennes, même si beaucoup ont une portée davantage réglementaire que législative.
Cette politique mérite d'être soutenue car elle confirme, à l'instar du « Mieux légiférer » une indéniable nouvelle orientation au sein de la Commission européenne.
Cette préoccupation est aussi partagée au sein du Conseil, comme en témoigne la revalorisation récente du rôle du Conseil Compétitivité. Une réelle évolution est aussi à saluer dans la mesure où c'est en son sein que sont définies un nombre restreint de priorités qui poursuivent des objectifs opérationnels, par exemple sur les PME et les start-ups ou les services. Le Conseil Compétitivité, au cours de sa réunion du 29 février 2016, a ainsi adopté des conclusions sur la stratégie pour le marché unique et, lors de sa réunion des 26 et 27 mai suivants, en présence de Frans Timmermans, des conclusions sur l'amélioration de la réglementation.
b) Des progrès à faire au plan national à l'heure du choc de simplification
Eu égard à l'objectif de simplification du fonctionnement du marché intérieur, des marges de progression demeurent au niveau national.
Il semble en effet que le Secrétariat général pour la modernisation de l'action publique (SGMAP), qui est rattaché au Secrétariat général du Gouvernement, ne soit guère investi sur les questions européennes. Alors qu'il est notamment chargé de coordonner et d'accompagner les actions de simplification et d'allégement des formalités administratives, cette mission n'est visiblement pas articulée avec l'initiative « mieux légiférer » ni avec le suivi assuré par le SGAE en la matière .
C'est dommage et il conviendrait, qu'à l'avenir, les mesures de simplification régulièrement annoncées au niveau national - il y en a eu plusieurs en octobre dernier en direction des entreprises et des particuliers - soient véritablement coordonnées avec les initiatives de la Commission.
De même, le Conseil national de l'industrie, chargé notamment d'émettre des avis et de formuler des propositions et recommandations au gouvernement pour améliorer la compétitivité de l'industrie, et qui, à ce titre, est amené à se prononcer sur des cas de surtransposition des directives et de surréglementation, conduit ses activités à un niveau sans doute trop national. D'ailleurs, ses sections thématiques « Europe » et « Réglementation et simplification » n'entretiennent pas de relations véritables entre elles ni avec les institutions européennes.
Enfin, compte tenu de son volume et de son importance pour l'économie, la réglementation européenne relative au marché unique devrait être soumise aux procédures et outils mis en place par la Commission pour améliorer la qualité du droit : d'une part, une évaluation par la plateforme REFIT, instituée au titre de l'initiative « mieux légiférer », et, d'autre part, un examen de la qualité des études d'impact préalables et des évaluations ex post relatives à cette réglementation par le comité d'examen de la réglementation.
2. La simplification et le marché des services : un sujet d'actualité
a) L'enjeu du marché des services, dix ans après la directive « Bolkestein »
La stratégie pour le marché unique de la Commission européenne consacre au secteur des services d'importants développements. Contrairement au marché des biens, il demeure excessivement morcelé et encore marqué par la prégnance des traditions et spécificités nationales qui rendent l'harmonisation très délicate.
Pourtant, les services représentent près des deux tiers de l'économie européenne. Le bon fonctionnement du marché des services peut donc apporter des gains significatifs en termes de croissance et d'emplois et contribuer à dynamiser la compétitivité européenne.
La directive « services » de 2006 constitue le texte de référence pour l'intégration du marché intérieur des services. Rappelons qu'elle avait suscité des polémiques liées aux risques que faisait peser le projet initial de la Commission de faire reposer le texte sur le principe du pays d'origine, finalement écarté au profit de l'exercice de la liberté d'établissement des prestataires et de la libre circulation des services.
Cependant, la transposition de cette directive , sur laquelle notre président Jean Bizet a travaillé il y a quelques années, devait être achevée fin 2009, mais a pris du retard dans la plupart des États membres - la France a notifié la fin de l'exercice à la Commission en mars 2011.
En outre, son application ne serait guère satisfaisante et resterait inégale selon les États membres de telle sorte que demeurent de nombreuses entraves à l'exercice d'activités transnationales. Alors que la Commission avait eu des velléités de réviser ce texte, en particulier en élargissant son champ d'application à des secteurs qui en sont actuellement exclus ou en tentant de nouveau d'introduire le principe du pays d'origine, la révision de la directive « services » n'est plus à l'ordre du jour. Il paraît en effet préférable de rechercher sa meilleure application.
En fait, la plus grande intégration du marché unique des services doit être favorisée , par l'amélioration et la simplification de son cadre réglementaire.
Plusieurs initiatives ont été prises en ce sens, constituant aujourd'hui une feuille de route ambitieuse.
b) La feuille de route actuelle de l'Union européenne
En premier lieu, les institutions européennes ont réaffirmé cet objectif politique. Ainsi, dans ses conclusions sur le marché unique, le Conseil européen du 28 juin 2016 a appelé à « poursuivre avec détermination les efforts menés en vue d'améliorer la réglementation » et a souhaité que les stratégies de la Commission pour le marché unique soient parachevées et mises en oeuvre pour 2018, en particulier « afin de soutenir les prestataires de services désireux d'étendre leurs activités au-delà des frontières nationales » .
Quant à la Commission, elle a inscrit dans son programme de travail pour 2017 le secteur des services parmi les priorités du processus de normalisation européenne, compte tenu de son rôle transversal dans l'économie. Le comité européen de normalisation (CEN) s'est également vu confier la mission d'élaborer une stratégie de normalisation dans le secteur des services visant à faciliter leur compatibilité - les normes relatives aux services ne représentent en effet que 2 % des normes européennes.
C'est dans ce cadre que, le 10 janvier 2017, la Commission a formulé des propositions pour améliorer l'effectivité du marché intérieur dans ces secteurs .
Elle préconise notamment de faciliter la prestation de services dans un autre pays de l'Union en permettant aux entrepreneurs d'introduire leurs demandes par Internet et dans leur langue auprès d'un organisme national . Il reviendra à ce dernier de prendre contact avec le pays visé, qui délivrera une « carte électronique » à moindre coût administratif. Une agence de voyage lilloise qui veut s'installer à Mons, de l'autre côté de la frontière, pourra s'adresser directement à un organisme français au lieu de l'administration belge. Rappelons toutefois que ce projet de « carte européenne de services » appelle à une certaine vigilance afin d'éviter qu'il ne conduise, de façon subreptice, à réintroduire le principe du pays d'origine.
La carte européenne de services Ce dispositif est inspiré de la carte professionnelle européenne instituée pour la reconnaissance des qualifications professionnelles entre les États membres. Précisons toutefois que la première mouture présentée il y a quelques mois était tellement imprécise dans sa portée que le nouveau comité indépendant d'examen de la réglementation (cf. I.) a rejeté l'étude d'impact portant sur cette carte et a demandé à ce qu'elle soit refaite. Il nous paraît sage, compte tenu à la fois des objectifs généraux de simplification fixés au niveau européen et des dispositifs existants dans la directive « services », de limiter cette carte européenne de services à la seule facilitation des formalités entre administrations nationales, sans surcharge pour les acteurs économiques. |
Pour éviter d'en arriver aux procédures d'infraction, la Commission souhaite aussi introduire un « test de proportionnalité » pour s'assurer que les critères d'installation et de qualité de services (ou les diplômes) exigés par les États membres soient réellement justifiés.
Ensuite, une attention particulière est portée aux PME . Le Conseil Compétitivité, dans ses conclusions du 29 février 2016 sur la stratégie pour le marché unique, a spécifiquement abordé les PME et les services. Il a notamment rappelé que l'Union européenne a consacré le principe « penser en priorité aux PME ». L'Union a ainsi introduit le « test PME », qui est une modalité de consultation innovante permettant d'évaluer directement avec les entreprises les conséquences d'une réglementation et d'y apporter des modifications afin de la simplifier et de la rendre plus facilement applicable. Bien que ce « test PME » existe depuis 2008, il connaît un regain d'intérêt, y compris au niveau national, où il est intégré au « choc de simplification ».
Ce test a fait l'objet d'une réunion du groupe de travail « mieux légiférer » du Conseil, le 15 mars 2016. Il est apparu qu'il restait inégalement appliqué. Aussi conviendrait-il de le mettre en oeuvre de façon systématique et harmonisée en prenant en compte les quatre étapes de la procédure prévue par la « boîte à outils » que la Commission a mise en place au titre du « mieux légiférer », à savoir : la consultation des représentants des PME, l'identification des entreprises concernées par un projet de norme, la mesure des impacts directs et indirects de ce projet sur les PME et la recherche de mesures alternatives.
B. L'ENVIRONNEMENT ET L'ÉNERGIE
En matière d'énergie et d'environnement, la simplification du droit de l'Union européenne peut être obtenue pour des raisons et par des moyens très différents, selon que l'on considère l'énergie, la lutte contre le changement climatique ou la protection générale de l'environnement : pour l'énergie, la problématique dominante porte sur la notion de compétence partagée (1) ; l'accent mis de façon indiscriminée sur toutes les énergies renouvelables, en omettant la distinction fondée sur l'intermittence (2) ; la protection de l'environnement contre les pollutions chimiques donne parfois lieu à des interdits ou à des procédures excessives (3).
1. La Commission européenne tend à empiéter sur les compétences énergétiques des États membres
Le traité de Lisbonne (article 194) a introduit une nouvelle base juridique qui a habilité l'Union européenne dans le domaine de l'énergie sur trois points : assurer le bon fonctionnement du marché de l'énergie ; assurer la sécurité de l'approvisionnement énergétique ; promouvoir l'efficacité énergétique et l'interconnexion des réseaux. Ainsi, l'énergie fait partie des domaines de compétence partagée entre les États membres et l'Union. Bien que la détermination du mix énergétique soit une attribution incontestée des gouvernements, la Commission européenne éprouve manifestement des difficultés à contenir sa tendance à élargir subrepticement son champ d'attribution.
Trois exemples peuvent illustrer cette propension : les contrats d'achats gaziers (a) ; la coopération régionale entre États membres tendant à garantir l'approvisionnement en gaz, ainsi que les dispositions organisant la préparation aux risques dans le domaine de l'électricité (b) ; l'obligation uniforme d'interconnexions électriques indépendamment des besoins (c).
a) La surveillance des contrats liés au gaz pourrait conduire à une tutelle directe de la Commission européenne sur la politique énergétique des États membres
Le « paquet d'hiver », présenté le 16 février 2016, tend à mettre sous tutelle toute négociation d' accord intergouvernemental portant sur la fourniture de gaz par un grand État tiers, avec l'obligation d'associer la Commission européenne à des discussions diplomatiques ne relevant pourtant pas de ses attributions.
La procédure devrait s'appliquer même aux accords « non contraignants ».
La résolution européenne portant avis motivé, adoptée par notre commission le 24 mars 2016, avait observé que le dispositif ne respectait pas le principe de subsidiarité.
b) Les modalités de la « coopération régionale » en matière d'approvisionnement gazier ou de préparation au risque dans le secteur de l'électricité tendent à déposséder les États membres d'attributions capitales pour leur sécurité énergétique
Le même « paquet d'hiver » du 16 février 2016 tend également à imposer une coopération dite « régionale » entre États membres frontaliers les uns des autres, afin d'assurer leur approvisionnement gazier.
Par nature, la préoccupation n'est pas étrangère au concept d'Union de l'énergie, mais les modalités souhaitées par la Commission européenne vont très au-delà de ce que l'objectif en question peut justifier :
- la Commission européenne entend déterminer unilatéralement les « régions » pertinentes, indépendamment des structures de coopération déjà instituées à la satisfaction des États membres participants - comme « gas platform » associant la France, l'Allemagne et le Benelux -, la Commission européenne préférant créer un ensemble englobant le Portugal, l'Espagne, la France et le Benelux ;
- les nouveaux plans régionaux seraient purement et simplement substitués aux plans nationaux en vigueur, que ceux-ci soient ou non complétés par des accords avec certains États voisins ;
- enfin, la Commission européenne aurait le premier et le dernier mot sur le dispositif de solidarité !
Plus récemment publié, le second paquet d'hiver, dénommé « Énergie propre pour tous les Européens », ou « Énergie propre pour tous », comportait une proposition de règlement sur la préparation au risque dans le secteur de l'électricité.
La Commission européenne a motivé sa proposition par trois constats :
- l'intégration croissante des systèmes électriques nationaux amplifie l'effet transfrontalier d'une éventuelle crise électrique, ainsi que les conséquences transfrontalières de décisions prises par un État membre sur une base purement nationale ;
- l'évaluation réalisée par la Commission européenne des cadres juridiques nationaux actuels montre que les États membres évaluent les risques chacun à leur façon, qu'ils adoptent des mesures de prévention ou de gestion en fonction de critères propres, enfin qu'il n'y a pas de conception partagée quant à ce qu'est une situation de crise ni quant à ce qu'il faut faire lorsqu'elle survient ;
- le cadre juridique actuel du droit de l'Union - à savoir les directives 2005/89/CE et 2009/72/CE dont la première vise à garantir la sécurité de l'approvisionnement en électricité, la deuxième concernant les règles communes pour le marché intérieur de l'électricité - laisse aux États membres le soin d'atteindre les objectifs inscrits dans ces deux textes.
La Commission européenne estime en outre que des approches régionales permettraient d'obtenir des résultats plus efficaces et moins coûteux, sans étayer son affirmation.
Elle propose en conséquence d'édicter dans le corpus juridique de l'Union les règles que les États membres devront mettre en oeuvre, dans le cadre d'une coopération régionale à renforcer. Le nouveau dispositif a pour finalité de prévenir plus efficacement les crises et d'éviter des coupures inutiles ou disproportionnées.
La proposition de règlement comporte deux grandes familles de dispositions :
- des règles communes imposées aux États membres afin de prévenir les crises et de renforcer la coopération transfrontalière , par application d'une méthode arrêtée par l'Agence européenne de coopération des régulateurs de l'énergie (ACER), sur proposition du Réseau européen des gestionnaires des réseaux de transport d'électricité (ENTSO-E). La principale disposition consiste à élaborer des plans nationaux de préparation aux risques, soumis pour consultation aux autorités compétentes des autres États membres dans la région avant d'être transmis à la Commission européenne ;
- un cadre commun pour la gestion des situations de crise , la première étape étant l'information des États membres voisins et de la Commission dès lors qu'une crise est crainte à court terme ou constatée. Les mesures de gestion devraient être fondées sur les règles du marché interne d'électricité, toute mesure ne reposant pas sur cette base ne devant intervenir qu'en dernier recours et à titre temporaire, toujours sous réserve d'être proportionnée et non discriminatoire.
Cette proposition de règlement se rapporte à des situations rares, voire exceptionnelles, qui peuvent se propager entre États membres. À ce titre, une coordination de méthode au plan de l'Union n'est pas infondée. D'autre part, les acteurs principaux de l'intégration dans ce domaine politiquement sensible sont l'ENTSO-E et l'ACER, donc deux émanations des autorités nationales directement confrontées aux situations de crise.
Il reste que la philosophie du nouveau texte consiste à remplacer des objectifs communs, dont la réalisation est confiée aux seuls États membres, pour aboutir à un dispositif contraignant dans la façon d'atteindre lesdits objectifs.
c) L'obligation uniforme souhaitée par la Commission européenne en matière d'interconnexion des réseaux électriques néglige les besoins des États membres
Dans le cadre de l'Union de l'énergie, chaque État membre devra pouvoir transférer vers les pays voisins au moins 10 % de l'électricité produite par ses centrales . Placé en apparence sous le signe de la simplicité, ce critère n'échappe pas aux inconvénients du simplisme, puisqu'il néglige tout à la fois le coût des connexions à réaliser, ainsi que l'éventuelle déstabilisation des réseaux nationaux provoquée par l'arrivée massive d'énergie électrique ne correspondant à aucune demande locale.
L'exemple typique de dysfonctionnement induit par une règle inadaptée à force d'être uniforme et, pour tout dire, arbitraire : la liaison entre la France et l'Espagne, qui tend à reporter sur l'Hexagone les variations aléatoires induites en Espagne par l'ampleur des capacités de production électrique dépendant de sources intermittentes comme le vent ou l'ensoleillement. En effet, l'Espagne est le deuxième producteur européen d'électricité éolienne, celle-ci satisfaisant plus de 18 % de la consommation nationale avec un facteur de charge moyen avoisinant 25 % ; parallèlement, la production photovoltaïque assure plus de 3 % de la production nationale, avec un facteur de charge moyen de 20 %. Au total, ces deux sources intermittentes peuvent donc satisfaire 0 % à 85 % de la demande. En l'absence d'installation massive de stockage via des stations de transfert d'énergie par pompage (STEP) dans les Pyrénées, le réseau ibérique tire donc un grand profit du déversoir constitué par le réseau français...
Le droit de l'Union - et singulièrement la stratégie pour l'Union de l'énergie - ont-ils pour but d'exempter les États membres d'une politique énergétique cohérente ? Poser la question, c'est y répondre.
2. La lutte contre le changement climatique est instrumentalisée pour pousser abusivement à l'essor des énergies renouvelables, intermittentes ou non
Énergies renouvelables et filière nucléaire au sens large contribuent de façon équivalente à limiter les émissions de gaz carbonique (a) ; l'approche à long terme devrait placer ITER au coeur de la stratégie climatique pour le secteur de l'énergie (b).
a) L'Union privilégie abusivement les énergies renouvelables
Les hydrocarbures et le charbon sous toutes ses formes (houille et lignite) contribuent incontestablement aux émissions de gaz carbonique. Il est donc logique d'inciter à en réduire l'usage dans un but climatique. Les préoccupations sanitaires induites par la pollution de l'air au moyen de substances chimiques toxiques conduit à la même conclusion. Encore faut-il respecter les dispositions inscrites dans le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne 51 ( * ) .
En revanche, les centrales nucléaires n'émettent aucun gaz à effet de serre lorsqu'elles fonctionnent. Il en va de même pour les STEP fonctionnant en liaison avec la filière électronucléaire. Pourtant, la contribution de ces installations est explicitement ou implicitement négligée (au mieux) lorsqu'il est question de ralentir le réchauffement de l'atmosphère.
La transition énergétique a pour fondement la lutte contre le changement climatique, mais les dispositifs présentés en ce sens assimilent de façon abusive les énergies décarbonées aux sources renouvelables d'énergie, qui plus est en considérant avec beaucoup de détachement la répartition des compétences et les obligations de procédure gravées dans le marbre des traités.
Traité sur le fonctionnement de l'union européenne Article 192 1. Le Parlement européen et le Conseil, statuant conformément à la procédure législative ordinaire et après consultation du Comité économique et social et du Comité des régions, décident des actions à entreprendre par l'Union en vue de réaliser les objectifs visés à l'article 191. 2. Par dérogation à la procédure de décision prévue au paragraphe 1 et sans préjudice de l'article 114, le Conseil statuant à l'unanimité conformément à une procédure législative spéciale, et après consultation du Parlement européen, du Comité économique et social et du Comité des régions, arrête : a) des dispositions essentiellement de nature fiscale ; b) les mesures affectant : - l'aménagement du territoire ; - la gestion quantitative des ressources hydrauliques ou touchant directement ou indirectement la disponibilité des dites ressources ; - l'affectation des sols, à l'exception de la gestion des déchets ; c) les mesures affectant sensiblement le choix d'un État membre entre différentes sources d'énergie et la structure générale de son approvisionnement énergétique. Le Conseil, statuant à l'unanimité sur proposition de la Commission et après consultation du Parlement européen, du Comité économique et social et du Comité des régions, peut rendre la procédure législative ordinaire applicable aux domaines visés au premier alinéa. 3. Des programmes d'action à caractère général fixant les objectifs prioritaires à atteindre sont arrêtés par le Parlement européen et le Conseil, statuant conformément à la procédure législative ordinaire et après consultation du Comité économique et social et du Comité des régions. Les mesures nécessaires à la mise en oeuvre de ces programmes sont adoptées conformément aux conditions prévues au paragraphe 1 ou au paragraphe 2, selon les cas. 4. Sans préjudice de certaines mesures adoptées par l'Union, les États membres assurent le financement et l'exécution de la politique en matière d'environnement. 5. Sans préjudice du principe pollueur-payeur, lorsqu'une mesure fondée sur le paragraphe I implique des coûts jugés disproportionnés pour les pouvoirs publics d'un État membre, cette mesure prévoit les dispositions appropriées sous forme : - de dérogations temporaires ; et/ou - d'un soutien financier du Fonds de cohésion créé conformément à l'article 177. TITRE XXI ÉNERGIE Article 194 1. Dans le cadre de l'établissement ou du fonctionnement du marché intérieur et en tenant compte de l'exigence de préserver et d'améliorer l'environnement, la politique de l'Union dans le domaine de l'énergie vise, dans un esprit de solidarité entre les États membres : a) à assurer le fonctionnement du marché de l'énergie ; b) à assurer la sécurité de l'approvisionnement énergétique dans l'Union ; c) à promouvoir l'efficacité énergétique et les économies d'énergie ainsi que le développement des énergies nouvelles et renouvelables ; et d) à promouvoir l'interconnexion des réseaux énergétiques. 2. Sans préjudice de l'application d'autres dispositions des traités, le Parlement européen et le Conseil, statuant conformément à la procédure législative ordinaire, établissent les mesures nécessaires pour atteindre les objectifs visés au paragraphe 1. Ces mesures sont adoptées après consultation du Comité économique et social et du Comité des régions. Elles n'affectent pas le droit de l'État membre de déterminer les conditions d'exploitation de ses ressources énergétiques, son choix entre différentes sources d'énergie et la structure générale de son approvisionnement énergétique, sans préjudice de l'article 192, paragraphe 2, point c). 3. Par dérogation au paragraphe 2, le Conseil, statuant conformément à une procédure législative spéciale, à l'unanimité et après consultation du Parlement européen, établit les mesures qui y sont visées lorsqu'elles sont essentiellement de nature fiscale. |
b) L'approche à long terme de la lutte contre le changement climatique fait l'impasse sur le projet ITER
L'Union européenne n'est pas étrangère à cette gigantesque recherche d'une source d'énergie nucléaire ne produisant quasiment pas de déchets radioactifs, mais les documents publiés par la Commission européenne paraissent l'ignorer avec superbe.
Il serait plus cohérent de proposer des stratégies énergétiques et climatiques devant conduire vers l'utilisation à grande échelle de la fusion nucléaire, source quasiment inépuisable d'énergie à bon marché qui devrait assurer l'essentiel des besoins à l'horizon d'un siècle.
C'est du long terme ? Oui, tout comme la politique climatique. Il serait donc parfaitement cohérent de ne pas l'oublier dans le cadre d'une démarche de développement durable.
3. La protection générale de l'environnement peut motiver des normes absurdes
Un exemple unique suffit amplement à illustrer cette dérive : la « tolérance » prononcée tous les cinq ans pour utiliser - pendant cinq ans - du plomb dans la fabrication du cristal.
Le sujet a été récemment traité par notre commission, sur le rapport de M. René Danesi 52 ( * ) .
Faisant suite à une directive de 2003, une directive du 8 juin 2011 a repris la limitation drastique imposée au recours à certaines substances dangereuses, notamment au plomb, dans la fabrication d'équipements électriques ou électroniques. Le but poursuivi était d'éviter la pollution des sols et des nappes phréatiques lorsque ces équipements aboutissent dans des décharges. Considérant que les lustres en cristal peuvent être assimilés à des systèmes électriques sous le prétexte que des fils électriques et des ampoules sont fixés sur ces lustres, le législateur européen a jugé opportun de prononcer une interdiction de principe quant à l'utilisation du plomb dans le cristal assortie d'une réserve de dérogation pendant cinq ans, reconductible pour cinq ans sans limitation du nombre de reconductions !
Les objections à ce dispositif curieux ne manquent pas de force et restent inchangées : les lustres en cristal sont particulièrement rares dans les décharges ; en tout état de cause, le plomb utilisé pour fabriquer le cristal reste prisonnier de celui-ci même dans les rares cas où des morceaux de cristal sont jetés « dans la nature ». Pourtant, le dossier scientifique est réexaminé tous les cinq ans, toujours avec le même résultat, parfaitement prévisible puisque la chimie du plomb et du verre ne change pas.
Protéger l'environnement trouve incontestablement son plein épanouissement à grande échelle, mais introduire à son propos des limitations et des procédures excessives donne tout aussi incontestablement l'occasion de simplifier le droit de l'Union tout en confortant le projet européen.
C. LA POLITIQUE DE COHÉSION
La politique européenne de cohésion territoriale, mise en oeuvre via cinq fonds structurels (FEDER-FSE, FEADER, FEAMP, Fonds de cohésion), symbolise l'ambition de solidarité consubstantielle à la construction européenne. Destinée à réduire les écarts de développement entre régions d'Europe, elle est surtout une politique d'investissements réalisés autour d'un certain nombre de priorités définies conjointement par l'Union européenne et les États membres : croissance durable, recherche et développement technologique, compétitivité des PME ; mais aussi création d'emplois, formation, inclusion sociale et lutte contre la pauvreté.
C'est une politique à gestion partagée entre l'Union - la Commission essentiellement - et les États membres. Sur une période de sept ans, le partenariat Commission-États membres aboutit à des programmes opérationnels nationaux. Ces programmes doivent être en phase avec la stratégie de développement et de croissance de l'Union européenne (stratégie Europe 2020) et intégrer des réformes structurelles, identifiées annuellement, pour chaque État membre, dans le cadre du semestre européen.
La politique régionale est emblématique de la nécessaire simplification qui doit irriguer l'ensemble des politiques de l'Union.
Cette nécessité de simplifier, indispensable à son appropriation par les citoyens, doit porter en particulier sur les engagements suivants :
- alléger drastiquement la règlementation dont la lourdeur et la complexité sont exponentielles . Les normes réglementaires européennes s'avèrent à la fois formellement excessives (des milliers de pages), juridiquement instables - de nouvelles normes viennent se substituer à celles en cours, et surtout suffisamment opaques pour générer à leur tour des notes interprétatives de la Commission, qui viennent se surajouter aux règles existantes. Enfin, de nombreux États membres, surajoutent à cet ensemble des normes plus strictes et complexes que celles établies au niveau de l'Union ;
- aller au bout de la logique d'évaluation par les résultats plus que sur le seul respect de procédures formelles ; cette « orientation sur les résultats », introduite à juste titre dans la programmation 2014-2020, ne s'est pas jusqu'à présent accompagnée d'un recul symétrique des exigences lourdes de formalités administratives ;
- promouvoir la proportionnalité, c'est-à-dire adapter les procédures de contrôles et d'audits à l'ampleur du projet concerné - selon le niveau de ressources et de risques qu'il engage : pour les petits et moyens projets, des contrôles et audits allégés ; pour les autres, maintien des dispositifs actuels ;
- promouvoir la différenciation de façon à ajuster les procédures européennes de contrôle et d'audit à la capacité administrative de chaque État membre en ce domaine. Tous les États membres, en effet, n'ont pas les mêmes capacités et expérience du contrôle administratif de la dépense publique : un système européen unique et excessivement exigeant, comme c'est le cas actuellement, n'est pas adapté.
Au-delà de ces réformes nécessaires, inspirées d'une approche pragmatique, des nouvelles orientations, sont attendues :
- harmoniser les règles entre les différents fonds européens, gérés directement ou non par la Commission européenne (MIE, Cosme, Horizon 2020, Fonds structurels). En particulier sur la question des aides d'État et des marchés publics , qui requièrent des procédures différentes pour les fonds structurels que pour les autres fonds européens, alors qu'ils ont en commun d'être tous issus du budget de l'Union ;
- présentée souvent comme une option de simplification, la place croissante faite aux instruments financiers par rapport aux traditionnelles subventions justifie une grande prudence. Par l'effet de levier que permettent ces instruments (prêts, garanties, apports de fonds propres) en sollicitant des ressources privées, ils sont souvent présentés comme un gage d'efficacité, permettant le renouvellement des fonds. Il faut être prudent et viser plutôt un bon équilibre entre les subventions et les instruments financiers dans la mise en oeuvre de la politique de cohésion : une logique financière n'est pas forcément adaptée à certaines politiques publiques que seules des subventions permettent d'encourager. Quant à l'impact de ces outils financiers en termes de simplification administrative et réglementaire, il n'est pas avéré aujourd'hui ;
- la fusion des quatre principaux fonds en un seul fonds européen pour le développement régional contribuerait grandement à la dynamique de clarification et d'allègement règlementaires, accroîtrait la visibilité.
Indispensable au soutien de la croissance et de l'emploi, la politique de cohésion, est aujourd'hui fragilisée et son avenir rendu incertain par plusieurs facteurs :
- par la volonté de réduire le niveau de dépense qu'elle représente alors même qu'elle est une politique d'investissement et de développement ;
- par la concurrence qui lui porte le FEIS alors même que leurs mécanismes respectifs sont différents mais qui doivent coexister de façon complémentaire ;
- par la volonté de certains États membres, voire de la Commission elle-même de la limiter aux seules régions les moins développées, alors que sa pertinence sur l'emploi, le numérique, la compétitivité des PME la transition vers une économie décarbonée intéresse toutes les régions de l'Union ;
- par un mécanisme de contrôles redondants et un degré de complexité normative décourageant , émanant non seulement des instances européennes mais aussi des structures administratives nationales.
Cette politique représente pourtant une « valeur ajoutée européenne » indéniable, dont l'impact positif sur le terrain local n'est pas contestable. En revanche, obtenir une simplification radicale de ses règles, la différenciation des contrôles, l'harmonisation avec les autres fonds européens sont indispensables à sa compréhension par les porteurs de projet et les bénéficiaires pour qu'elle donne la pleine mesure de ses potentialités auprès des citoyens européens.
D. LA JUSTICE ET LES AFFAIRES INTÉRIEURES
1. La simplification de l'architecture institutionnelle
Dans le secteur « Justice et affaires intérieures », l'idée a longtemps prévalu que la question de la simplification du droit ou des procédures ne constituait pas la principale priorité mais passait bien après celle de la nécessaire évolution de l'architecture institutionnelle qui, depuis le traité de Maastricht de 1992, avait institué la coopération policière et judiciaire en matière pénale comme troisième pilier relevant de la méthode intergouvernementale.
Rappelons que le premier pilier réunissait tous les champs d'intervention de la méthode communautaire, c'est-à-dire ceux dans lesquels la Commission européenne disposait d'un monopole de l'initiative sous le contrôle de la Cour de justice des communautés, et que le deuxième pilier concernait la politique étrangère et de sécurité commune.
Le traité d'Amsterdam de 1997 a transféré une grande partie des compétences du troisième pilier dans le premier, ce qui n'a pas empêché l'appellation « Justice et affaires intérieures » de demeurer abusivement utilisée pour décrire à la fois les compétences transférées et le contenu subsistant du troisième pilier.
Mais la volonté « d'intégration » n'est pas exclusive de la simplification. Le système des piliers, avec ses recoupements et superpositions de compétences (celles qui s'inscrivaient dans les deuxième et troisième piliers relevant d'une stricte unanimité) a souvent créé de la confusion et généré maints blocages.
C'est ainsi que le traité de Lisbonne a radicalement simplifié la situation en fusionnant les trois piliers. C'est désormais la procédure législative ordinaire qui s'applique, en règle générale, c'est-à-dire la codécision entre le Conseil et le Parlement européen, ainsi que la règle de la majorité qualifiée au Conseil. En outre, le traité répartit les compétences de l'Union en trois catégories de compétences :
- les compétences exclusives prévues par l'article 3 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne pour lesquelles seule l'Union peut légiférer et adopter des actes juridiquement contraignants, les États membres ne pouvant le faire par eux-mêmes que s'ils sont habilités par l'Union ou pour mettre en oeuvre les actes de l'Union ;
- les compétences partagées prévues par l'article 4 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne pour lesquelles l'Union et les États membres peuvent légiférer et adopter des actes juridiquement contraignants dans ces domaines. Les États membres exercent leurs compétences dans la mesure où l'Union n'a pas exercé la sienne. Les États membres exercent à nouveau leurs compétences dans la mesure où l'Union a décidé de cesser d'exercer la sienne ;
- les compétences de coordination prévues par l'article 6 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne pour lesquelles l'Union dispose d'une compétence pour mener des actions afin d'appuyer, de coordonner ou de compléter l'action des États membres.
Le traité de Lisbonne a fait preuve de pragmatisme en facilitant les « coopérations renforcées » tant dans les domaines où les décisions continuent à être prises à l'unanimité (comme c'est le cas, par exemple, pour le parquet européen) que dans ceux où existe une clause d'appel au Conseil européen (une législation pénale qui porterait atteinte à des aspects fondamentaux d'une législation pénale).
Par ailleurs, des questions majeures concernant l'espace de liberté, de sécurité et de justice (avec notamment la coopération policière européenne et une question aussi fondamentale que celle de la libre circulation des personnes dans l'Union européenne) ont été et continuent d'être en grande partie traitées « en marge » des traités. Il en est ainsi de la coopération, d'abord « informelle », entre les services de police européens qui a démarré dès 1975 avec le groupe dit de TREVI. Europol, créé en 1995, est l'héritier de cette « coopération politique européenne » dans le domaine de la police et de la justice qui s'est accélérée après l'Acte unique européen entré en vigueur en 1987. C'est aussi en marge des traités qu'ont été conclues, entre les États européens, un certain nombre de coopérations internationales en matière d'entraide judiciaire tant dans le domaine civil que pénal.
Mais l'exemple le plus emblématique d'une forme d'intégration européenne en marge des traités, c'est évidemment l'espace Schengen, créé en 1985 par l'Allemagne, la Belgique, la France, le Luxembourg et les Pays-Bas, et qui regroupe aujourd'hui 26 membres (22 États membres de l'Union européenne et 4 États non membres) et plus de 400 millions d'Européens.
Dès le traité de Maastricht (1992), les domaines couverts et (en tout cas au départ) non couverts par les traités se sont « interpénétrés ». Ce traité a institué l'Union européenne ainsi qu'une citoyenneté européenne tout en inscrivant les questions relatives à la justice et à la sécurité dans un « troisième pilier » intergouvernemental. Cinq ans plus tard, le traité d'Amsterdam énonçait que l'Union européenne devait se développer en tant qu'espace de liberté, de sécurité et de justice et que dans cet espace, la libre circulation des personnes devait être assurée (en pratique, donc, l'espace Schengen) avec en contrepartie des mesures appropriées sur le contrôle des frontières extérieures, l'asile, l'immigration et la lutte contre la criminalité. C'est encore le traité d'Amsterdam qui a transféré l'asile, l'immigration et la coopération judiciaire en matière civile dans la méthode dite communautaire.
Intervient en 2007 le traité de Lisbonne qui, dans le domaine de la justice et de la sécurité, inscrit des évolutions importantes dans le domaine des libertés mais aussi dans celui des pouvoirs de l'Union. Ce traité consacre la Charte des droits fondamentaux adoptée par le Conseil européen de Nice en 2000 comme un texte « ayant la même valeur juridique que les traités » .
Le traité élargit aussi le champ de la coopération judiciaire en matière civile et pénale en renforçant Europol et Eurojust et en prévoyant la mise en place « d'un système intégré de gestion des frontières extérieures ».
Enfin, le traité de Lisbonne renforce le rôle des parlements nationaux dans la construction européenne. Ceux-ci devront être désormais informés, par les autorités des États membres, de la teneur et de l'évaluation des politiques de l'Union. En particulier, les parlements nationaux seront associés au « contrôle des activités d'Europol » et « à l'évaluation des activités d'Eurojust ».
2. Le recentrage des priorités en matière de sécurité intérieure et de lutte contre le terrorisme
En décembre 2014, le Conseil européen proposait « une rénovation de la stratégie de sécurité intérieure » (la précédente datant de 2010) en identifiant les principaux défis suivants : la grande criminalité organisée, le terrorisme, la radicalisation, la cybercriminalité, les crises et les catastrophes naturelles et d'origine humaine. Cette stratégie appelait notamment de ses voeux la mise en place d'opérations communes de renseignements coordonnées au niveau de l'Union, la coopération et l'échange d'informations, l'adoption rapide du PNR notamment pour lutter contre le terrorisme, ainsi qu'une gestion renforcée des frontières extérieures.
Les attentats terroristes sanglants commis en 2015 et en 2016 en France, en Belgique, puis de nouveau en France et encore en Allemagne, ont créé un contexte nouveau lourd de menaces. Dès le mois d'avril 2015, quelques jours après l'adoption par le Sénat - le 1 er avril - d'une résolution européenne sur le terrorisme, la Commission proposait de redistribuer les priorités de l'heure, notamment autour de sept actions-clés :
- endiguer la radicalisation ;
- actualiser la décision-cadre sur le terrorisme ;
- tarir les ressources financières des criminels ;
- développer le dialogue avec le secteur informatique ;
- renforcer le cadre juridique relatif aux armes à feu ;
- renforcer les outils de lutte contre la cybercriminalité ;
- développer les capacités d'Europol.
Au fil des attentats terroristes qui se sont succédé sur la période, cette nouvelle stratégie, notamment mise en oeuvre par le coordinateur européen pour le terrorisme M. Gilles de Kerchove, est apparue incontournable et n'a pas été sans effets sur l'accélération de l'adoption définitive de textes controversés, comme la directive sur le PNR européen (juin 2016).
Mais l'Union européenne a dû aussi gérer le choc de la crise migratoire de 2015-2016 (loin d'être terminée, au demeurant), qui a perturbé ses agendas et suscité des dissensions internes.
Le « climat d'euroscepticisme » (renforcé par la crise grecque et surtout la crise migratoire sans compter le Brexit), la « fronde » de certains États d'Europe centrale et orientale, mais aussi la menace terroriste, ont conforté aujourd'hui l'idée que l'Union européenne devait se recentrer sur quelques missions fondamentales, un « coeur de métier » représentatif de la valeur ajoutée qu'elle était susceptible d'apporter aux États membres. Dans le secteur « JAI », par exemple, la sécurité des citoyens européens est devenue la priorité absolue.
Le recentrage, dans ce secteur comme dans d'autres, étaient d'ailleurs au coeur des priorités affichées par la nouvelle Commission européenne du président Jean-Claude Juncker, installée après les élections européennes de mai 2014 caractérisées par une forte « poussée » des mouvements « eurosceptiques ».
Cette politique de recentrage est en elle-même potentiellement facteur de simplification. Simplification du droit européen, simplification des procédures.
3. Le parquet européen
Vos rapporteurs examineront successivement le long parcours d'un dossier de simplification, celui du parquet européen, qui répondait à une logique : les atteintes aux intérêts financiers du budget européen doivent être poursuivies par un parquet européen pour mener les enquêtes et engager les poursuites.
En second lieu, un instrument de simplification s'inscrivant dans la reconnaissance mutuelle des décisions de justice et considéré unanimement comme une réussite : le mandat d'arrêt européen (MAE).
Enfin, après la simplification institutionnelle et celle des procédures, nous évoquerons la nécessaire simplification dans la vie quotidienne des citoyens européens. À cet égard, un certain nombre de mesures simples pourraient être rapidement mises en oeuvre.
On rappellera que c'est le traité de Lisbonne, entré en vigueur le 1 er décembre 2009, qui a prévu, à l'article 86 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, que « pour combattre les infractions portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union, le Conseil, statuant par voie de règlement conformément à une procédure législative spéciale, peut instituer un parquet européen à partir d'Eurojust . Toutefois, le Conseil européen peut décider d'étendre les attributions du parquet européen à la lutte contre la criminalité grave ayant une dimension transfrontière. À cette fin, il doit statuer à l'unanimité, après approbation du Parlement européen et après consultation de la Commission. »
C'est sur la base de ce texte que le 17 janvier 2013, la Commission européenne a présenté une proposition de règlement portant création d'un parquet européen dont la structure était essentiellement la suivante : un « super-procureur européen » essentiellement chargé de superviser, de coordonner et, le cas échéant, de diriger les enquêtes et les poursuites menées dans les États membres, d'une part, et des procureurs européens délégués, d'autre part, qui mèneraient leurs enquêtes et leurs poursuites de manière autonome. Ces procureurs délégués feraient partie à la fois du parquet européen et des ministères publics nationaux. Le parquet européen pourrait s'appuyer sur les règles de procédure nationale, les juridictions nationales et les services nationaux chargés de la répression tout en poursuivant l'objectif européen commun de lutte contre la fraude au préjudice de l'Union.
Le débat s'est articulé autour de trois points fondamentaux :
- structure du parquet européen ;
- extension de la compétence du parquet européen ;
- compétence partagée du parquet européen avec celles des autorités judiciaires des États membres.
En 2013, le Sénat a adopté deux résolutions européennes ainsi qu'un avis motivé (valant « carton jaune » adressé à la Commission européenne dès lors que 14 chambres de parlements nationaux ont rejoint le Sénat) en optant pour un parquet européen de forme collégiale, désignant en son sein un président, le cas échéant avec une rotation par pays, et s'appuyant sur des délégués nationaux de chaque État membre ; cette formule paraissant plus adaptée à un bon ancrage du parquet européen et à son acceptation par les systèmes judiciaires nationaux.
Au cours des discussions au Conseil, certains États membres (Royaume-Uni, Irlande, Danemark, Suède et maintenant Pays-Bas) ont manifesté une opposition résolue au principe même du parquet européen. D'autres (Italie) ont paru regretter la version initiale de la Commission tandis que des pays comme la France, l'Allemagne, l'Espagne ou la Belgique ont approuvé le principe de cette institution tout en demandant des précisions (pour l'Allemagne, par exemple, en ce qui concerne les droits de la défense des personnes poursuivies).
Si la discussion se poursuit encore, c'est parce que le débat a pris un caractère très technique s'agissant notamment de l'intégration ou non de la fraude à la TVA dans le domaine de compétence du parquet européen (on paraît se diriger vers une compétence réduite dans ce domaine avec des seuils élevés, ou à condition que le préjudice subi par l'Union européenne soit supérieur au préjudice subi par les États membres).
Dans une résolution du mois de novembre 2016, le Parlement européen a, en tout cas, réaffirmé son « soutien de longue date à la mise en place d'un parquet européen efficace et indépendant afin de réduire la fragmentation actuelle des efforts de répression nationaux pour protéger le budget de l'Union, ce qui permettrait de renforcer la lutte contre la fraude dans l'Union européenne. »
Après la « défection » récente des Pays-Bas et celle de pays tels que la Pologne ou la Hongrie, on se dirige, à coup sûr, vers une « coopération renforcée » (neuf pays minimum) entre les pays favorables au projet pour lutter contre les fraudes financières intercommunautaires. Cette coopération renforcée pourrait être décidée au sommet des chefs d'État et de gouvernement de mars 2017 (avec une mise en route du parquet européen fin 2018 ou début 2019).
4. Le mandat d'arrêt européen
C'est dans le domaine de l'entraide judiciaire internationale que les instruments de reconnaissance mutuelle des décisions de justice ont été les plus performants.
On évoquera le mandat d'arrêt européen , emblématique des mesures de simplification qui réussissent.
Le mandat d'arrêt européen (MAE) est issu d'une décision cadre 2002/584/JAI du conseil du 13 juin 2002 relative au mandat d'arrêt européen et aux procédures de remise entre États membres . Il est entré en vigueur le 1 er janvier 2004, date à laquelle cet instrument a notamment remplacé la convention européenne d'extradition datant de 1957. Il vise toute personne ayant commis un délit grave dans un pays de l'Union européenne, mais qui vit dans un autre pays de l'Union
Le MAE, qui se subsitute au système d'extradition, simplifie les procédures pour accélérer la remise de la personne ayant commis un délit grave à un autre pays de l'Union européenne. Il s'agit d'une procédure exclusivement judiciaire . La décision de remettre ou non une personne sur la base d'un mandat d'arrêt européen ne relève que des autorités judiciaires, contrairement à la procédure d'extradition qui fait intervenir l'État donc l' autorité politique .
Pour trente-deux catégories d'infractions graves, le mandat d'arrêt européen supprime le principe de double incrimination, selon lequel le comportement au titre duquel la remise est demandée doit constituer une infraction pénale tant dans l'État requérant que dans l'État où la personne recherchée est arrêtée.
Pour autant que l'infraction soit suffisamment grave et passible d'une peine d'emprisonnement d'au moins trois ans dans l'État membre qui a émis le mandat, le mandat d'arrêt européen émis au titre des infractions susvisées doit être exécuté, que la définition de l'infraction concernée soit ou non la même dans les deux États.
Mais les procédures sont aussi accélérées.
La décision-cadre prévoit en effet des délais stricts. L'État dans lequel la personne est arrêtée doit renvoyer cette personne dans l'État qui a émis le mandat d'arrêt européen dans un délai maximal de 90 jours à compter de son arrestation. Si la personne consent à sa remise, la décision doit être prise dans un délai de 10 jours.
La décision-cadre pose comme principe que les États membres de l'Union européenne ne peuvent refuser de « remettre » leurs propres ressortissants, à moins de se charger des poursuites ou de l'exécution de la peine d'emprisonnement prononcée à l'encontre de la personne recherchée.
La remise de la personne arrêtée peut être refusée pour trois motifs obligatoires . Le premier motif repose sur le principe selon lequel une personne ne peut pas être remise si elle a déjà purgé une peine pour la même infraction ; le deuxième motif concerne les mineurs : une personne ne peut pas être remise si elle n'a pas atteint l'âge de la responsabilité pénale dans l'État où elle a été arrêtée ; le troisième motif concerne l'amnistie : une personne ne peut pas être remise si l'État dans lequel elle a été arrêtée avait pu la poursuivre et si l'infraction est couverte par l'amnistie.
Par ailleurs, la décision-cadre laisse aux autorités judiciaires la possibilité d'invoquer des motifs dits facultatifs pour refuser une remise. Celle-ci pourra par exemple être refusée si une partie des actes délictueux, pour lesquels le mandat d'arrêt européen a été émis, ont été commis dans l'État où la personne est arrêtée et s'ils feront l'objet de poursuites dans cet État.
La Commission européenne a publié trois rapports, en 2005, en 2007 et en 2011, sur la mise en oeuvre du mandat d'arrêt européen. D'une manière générale cet instrument a été considéré globalement comme très utile pour les pays de l'Union européenne dans la lutte contre la criminalité. Toutefois, des progrès restent à accomplir.
Le mandat d'arrêt européen est opérationnel dans les vingt-huit États membres et les évaluations effectuées montrent que cet instrument fonctionne bien. Si les données ne sont pas disponibles pour tous les États membres, les chiffres (arrondis) figurant dans le tableau ci-après indiquent l'ampleur de l'utilisation de cet instrument.
2005 |
2006 |
2007 |
2008 |
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
2013 |
2014 |
|
Mandats délivrés |
6 900 |
6 750 |
11 000 |
14 200 |
15 800 |
13 900 |
9 800 |
10 450 |
13 100 |
14 700 |
Personnes retrouvées et/ou arrêtées |
1 770 |
2 040 |
4 200 |
4 500 |
6 150 |
6 460 |
6 490 |
5 840 |
7 850 |
9 660 |
Personnes remises |
1 530 |
1 890 |
3 400 |
3 630 |
5 580 |
5 370 |
5 230 |
4 480 |
3 460 |
5 480 |
Source : Commission européenne
Dans la majorité des États membres, la remise avec le consentement de la personne concernée a lieu dans un délai de 14 à 16 jours ; la procédure de remise sans consentement dure moins de deux mois. Dans près de 50 % des cas, la remise a lieu avec le consentement de la personne recherchée.
Rappelons que la durée moyenne des procédures « classiques » d'extradition varie de huit à dix mois (six mois en moyenne lorsque la personne consent à son extradition).
5. Simplification dans la vie quotidienne des citoyens européens
Mais la simplification doit aussi concerner l'Europe du quotidien telle qu'elle est vécue par nos concitoyens, notamment dans leurs activités transfrontalières. Votre commission des affaires européennes avait en particulier examiné, lors de son déplacement à Strasbourg, les questions transfrontalières 53 ( * ) . À cet égard, on pourrait formuler les observations suivantes :
- mis à part le règlement de la question de l'imposition des pensions versées par l'Allemagne aux retraités français ayant travaillé en Allemagne et résidant en France, les choses semblent avancer extrêmement lentement. Les acteurs de terrain disent se heurter à la difficulté de trouver des interlocuteurs au sein de l'État et de voir des décisions être arbitrées ;
- avec l'Allemagne, la Belgique et le Luxembourg, ainsi qu'avec la Suisse, les domaines où les difficultés sont les plus sensibles touchent aux questions sociales au sens large : santé, emploi et prestations sociales.
En matière de santé, il semble exister entre la France et l'Allemagne une discontinuité territoriale plus forte pour les patients qu'elle ne l'est par exemple entre la France et la Belgique. Des difficultés demeurent par exemple quant à l'accès à certains équipements médicaux situés de l'autre côté de la frontière (tels que les IRM, soumis à un régime d'autorisation préalable) ou encore au remboursement des soins (manque d'informations pour les usagers, lenteur des procédures).
Concernant la formation et l'emploi, la difficile reconnaissance des diplômes constitue un frein très sensible à la mobilité professionnelle transfrontalière, faisant obstacle à des recrutements alors que les besoins et les opportunités existent. Cette situation concerne non seulement les professions réglementées (notamment médicales) mais aussi certains métiers de la filière technique.
En matière de droits sociaux, de nombreuses difficultés semblent être posées par des problèmes de cumuls d'emplois (pluriactivités dans plusieurs États) ou de détermination de la législation sociale applicable entre deux pays (invalidité, dépendance notamment).
Des difficultés plus spécifiques ont aussi identifié par exemple la difficulté à immatriculer en France certains véhicules achetés en Allemagne.
Des solutions pourraient être apportées à différents niveaux :
- en France, grâce à une meilleure coordination interministérielle et l'institution de référents permettant la mobilisation des différentes administrations jusque et y compris au plan local (des services fiscaux aux agents des caisses locales de sécurité sociale) ;
- entre les territoires frontaliers, par une meilleure coordination, notamment lorsqu'ils transposent des textes européens ;
- au niveau de l'Union européenne, en particulier lorsqu'elle adopte des mesures relatives au principe de libre circulation.
Ces observations font notamment suite à une réflexion engagée par le Conseil régional d'Alsace Champagne-Ardenne Lorraine en 2015 afin que le gouvernement puisse apporter sa contribution à l'amélioration de situations concrètes.
EXAMEN EN COMMISSION
La commission des affaires européennes s'est réunie le 9 février 2017 pour l'examen du présent rapport. Une présentation a été faite par MM. Jean Bizet, Pascal Allizard, Philippe Bonnecarrère, Michel Delebarre, Jean-Paul Émorine, Claude Kern, Didier Marie, Daniel Raoul et Simon Sutour, suivie d'un débat :
M. Jean Bizet , président . - Nous commençons par l'examen du rapport d'information sur la simplification du droit européen. Il s'agit d'un travail collectif ; je remercie nos différents rapporteurs de leur implication.
Si l'on veut une Europe plus proche des citoyens, il faut aussi que la législation européenne soit compréhensible, accessible et réponde à de vrais besoins. La compétitivité passe aussi par une réglementation efficace.
Nous voulons une Europe recentrée sur l'essentiel, là où sa plus-value est évidente. Nous devons donc refuser les textes inutiles par lesquels l'Union dérive vers une tentation bureaucratique, une bureaucratie sans visage, comme disent nos amis anglais. À cet égard, nous devons une nouvelle fois saluer les efforts de la Commission Juncker pour recentrer l'action de la Commission sur un petit nombre de priorités. M. Timmermans joue un rôle clé pour écarter les textes inutiles qui ne suivent pas ces priorités. La plus-value européenne devrait d'ailleurs être l'un des axes préconisés par le groupe de suivi sur le Brexit et la refondation de l'Union européenne.
Je me félicite de la mobilisation du Sénat sur ce sujet. Les messages des élus locaux nous ont déterminés à le prendre très au sérieux. La commission des affaires économiques a travaillé sur les normes agricoles. La délégation aux entreprises mène une réflexion importante sur les moyens d'alléger le fardeau administratif des entreprises pour améliorer leur compétitivité. Je veux aussi mentionner les réflexions universitaires françaises et allemandes dans le domaine du droit des affaires. Un colloque sur ce sujet extrêmement particulier, sur lequel le juriste Paul Bayzelon a accompli un très gros travail, aura lieu le 30 mars.
Il peut être complexe d'appréhender la réalité de la production normative européenne. Aux projets de directive et de règlement, que nous traitons régulièrement, s'ajoutent les actes délégués et les actes d'exécution, en nombre important, pour lesquels nous demandons plus de transparence. Même si ces actes traitent de sujets très techniques, tout ne doit pas se dérouler, comme aujourd'hui, hors des Parlements nationaux. Nous devons aussi prendre en compte tout ce qui relève de la normalisation, qui fait intervenir les acteurs privés. À ce titre, sous couvert de réalisation du marché unique, on adopte des normes qui satisfont certains intérêts particuliers, mais qui se retournent, en réalité, contre la concurrence en favorisant les concentrations, pénalisant les PME et les TPE. Nous avons tous à l'esprit des normes saugrenues, très mal vécues dans nos territoires, qui discréditent l'idée européenne.
M. Daniel Raoul . - Je retiens essentiellement deux enseignements du travail mené avec Pascal Allizard sur le processus normatif européen, l'un assez classique, l'autre plus original ; ce fut une découverte pour moi.
Le premier enseignement est qu'à l'initiative de la Commission Juncker, des efforts sont déployés pour que l'Europe intervienne là où on l'attend et ne complique pas les choses là où on ne l'attend pas, c'est-à-dire pour décider au plus près des réalités et des besoins. Je n'insisterai pas sur les exemples tels que le volume des cuves de toilettes et la taille des bananes. C'est le fameux « mieux légiférer » européen, qui a donné lieu en avril 2016 à un accord entre les trois grandes institutions bruxelloises. Cela n'a pas empêché des ratés comme le récent projet de directive sur les armes à feu, mais je retiens toutefois deux points qui nous donnent espoir : tout d'abord, ce « mieux légiférer » s'applique aussi au passé ; nous l'avions évoqué lors d'une réunion précédente de notre commission. Il concerne le stock de propositions de la Commission dans lequel un grand ménage a été fait depuis deux ans et s'applique au stock de réglementations européennes inutiles ou trop complexes qui sont passées au crible de la plateforme REFIT, rénovée l'an dernier. Notre commission se souvient du texte sur le plomb dans le cristal ou du projet de directive stupide qui interdisait tout simplement l'utilisation des scanners et des IRM, car on était en présence d'un champ électromagnétique.
Ensuite, ce « mieux légiférer » ne semble pas être une simple réforme de processus administratif, mais procède d'une véritable volonté politique portée en particulier par le premier vice-président de la Commission, M. Timmermans. Il est en effet urgent de rendre plus efficace le processus normatif européen vis-à-vis des citoyens. Nous n'avons plus le temps de modifier les traités, personne n'envisage d'en écrire un nouveau, tout cela doit donc être engagé dans le cadre institutionnel existant. Nous sommes d'avis que le « mieux légiférer » combiné au meilleur respect du principe de subsidiarité et de proportionnalité posé par le traité de Lisbonne peut donner des résultats. Cela se fera notamment si la nouvelle procédure d'études d'impact inclut davantage les PME, qui sont les grandes exclues des processus de normalisation, notamment en étendant la pratique des tests PME ; si ces études s'appliquent aux actes délégués et aux actes d'exécution, qui en ont souvent le plus besoin ; si les évaluations ex post sont vraiment pratiquées ; si nos administrations nationales jouent le jeu. Or à ce jour, alors qu'on parle de « mieux légiférer » à Bruxelles et de « choc de simplification » à Paris, il serait souhaitable que les deux initiatives s'articulent.
Le deuxième enseignement concerne un aspect moins connu du processus normatif européen : de nombreuses normes européennes sont des coproductions public-privé. On pourrait presque parler d'un partenariat public-privé, ou PPP, où le maître d'ouvrage est la Commission ; les PME souffrent d'un manque de représentativité, la participation aux différents groupes de travail n'étant pas à leur portée.
Je ne parle pas du lobbying classique par lequel les grands groupes tentent trop souvent d'imposer des normes qui finissent par tuer la concurrence, en particulier parce que les PME ne peuvent les satisfaire, ni des procédures de consultations publiques, mais d'un phénomène qui porte un nom un peu barbare, le « mandat de normalisation », qui prend une importance considérable depuis quinze ou vingt ans. Dans un grand nombre de secteurs, les directives européennes se contentent de fixer les caractéristiques générales auxquelles les produits européens doivent répondre et renvoient, pour les éléments plus précis, à des normes négociées essentiellement entre les professionnels au sein du Comité européen de normalisation, le CEN, qui est l'AFNOR européen. Si elles sont validées par la Commission, ces normes ne sont plus de simples normes volontaires de type ISO ou AFNOR, mais pas non plus des normes obligatoires. Elles sont dans un entre-deux : les produits qui répondent à ces normes bénéficient d'une présomption de conformité pour obtenir le marquage CE qui ouvre les portes du marché intérieur. Il est toujours possible de respecter la directive par d'autres procédés, si on le prouve. Évidemment, il y a là encore deux poids, deux mesures : les PME ont moins les moyens d'administrer cette preuve et d'échapper à la norme que les grandes entreprises, ce qui peut mettre en danger leur capacité d'innovation vis-à-vis des grands groupes.
Les normes du CEN adoptées sous mandat ont donc in fine un caractère quasi obligatoire. C'est un élément de simplification qui évite d'avoir des législations européennes trop détaillées ou peu flexibles. Mais ce faisant, cela crée aussi une zone grise qui complexifie la notion de norme européenne.
Le rapport propose quelques améliorations pour clarifier les procédures du CEN, vers moins de lobbys et plus de représentativité, et pour simplifier l'accès de nos entreprises à ces normes. En effet, même dans le cas où elles sont rendues obligatoires par l'État français, l'accès à ces normes est payant. C'est notamment très sensible dans le domaine du bâtiment. « Nul n'est censé ignorer la loi », dira-t-on à nos PME, mais quand cette loi est complexe à identifier et de surcroît payante, cela fait beaucoup !
M. Pascal Allizard . - Le cas des mandats de normalisation montre bien à quel point la notion de norme européenne va bien au-delà des textes adoptés par le législateur européen. Elle est une réalité à géométrie variable ce qui ne simplifie rien lorsqu'il s'agit d'imputer la responsabilité de tels ou tels dysfonctionnements. Cette notion n'englobe pas seulement les normes d'origine privée, celles du CEN, mais aussi les mesures de transposition prises à l'échelon national.
Lorsque l'on surtranspose une directive européenne en disant que les règles viennent de l'Europe, ce n'est pas très honnête politiquement. Surtout, juridiquement, les mesures nationales de transposition font bien partie du droit communautaire : ne pas respecter nos propres lois, c'est s'exposer à une condamnation devant la Cour de justice de l'Union européenne. Dans notre rapport, nous soulignons la complexité du terme de norme européenne, un véritable « OPMI », objet politique mal identifié, en particulier en matière de responsabilités.
Le questionnaire que nous avons adressé à de nombreux secteurs d'activités économiques et nos auditions ont confirmé que la surtransposition de directives était un véritable sport national ; je pense aux valeurs limites d'émissions de polluants de substances chimiques ou à la récente transposition, très problématique, d'une directive technique de 2014 sur les ascenseurs. Au-delà des directives, la France fait figure d'exception en interprétant de façon très contraignante le droit européen. Nous sommes ainsi le seul pays, avec le Danemark, à interdire le perchloréthylène, allant bien au-delà des textes européens, ce qui aboutit concrètement à la fermeture des petits pressings. Au nom du principe de précaution, on veut laver plus blanc que blanc... Les travaux de nos collègues du groupe de travail sénatorial sur les normes agricoles n'ont pu qu'en donner de nouvelles illustrations. En résumé, au cadre général européen s'ajoutent toutes les règles que nous édictons nationalement.
Ces surtranspositions ou surinterprétations ne doivent toutefois pas être systématiquement condamnées. Certaines méritent d'être débattues, telles que les règles françaises sur le contrôle des travailleurs détachés présents sur notre sol. Il est aussi important de défendre certaines règles et d'éviter qu'elles ne soient tirées vers le bas : je pense à nos anciens travaux sur le vin rosé il y a quelques années ou à la défense de la garantie décennale face au droit européen des assurances. Il faut faire preuve de pragmatisme et voir au cas par cas.
On constate, bien souvent, qu'il n'y a manifestement pas eu d'étude de l'impact de ces textes nationaux au regard de la compétitivité de la France en Europe ; les PME sont souvent les plus pénalisées. J'évoquais la directive 2014/33 sur les ascenseurs pour laquelle le droit français ajoute une contrainte de détail, mais qui peut désorganiser la chaîne logistique, surtout des PME. A-t-on dressé le bilan coût-avantages ? Nous demandons des évolutions sur ce point.
L'exception française consiste aussi à agir unilatéralement pour montrer l'exemple avant même qu'un texte européen soit pris, alors que ces règles sont parfois déjà irréalistes en France. Ce n'est sans doute pas la meilleure méthode pour peser dans le processus décisionnel communautaire.
J'exprimerai enfin un regret. Lors du Conseil de
simplification du 1
er
juin 2015, le Gouvernement avait pris
d'excellentes résolutions, dont une évaluation
systématique des écarts de transposition et de leurs
justifications, y compris pour le stock de textes déjà pris. Nous
savons que ce travail très précieux a été accompli
et qu'il fait l'objet d'un rapport. Nous n'avons
- hélas ! - pas pu nous le faire communiquer. Nous
tenons à remercier le président Bizet d'avoir écrit au
ministre pour que nous disposions prochainement de ce document sans doute riche
d'enseignements.
Quant au processus normatif et au choix entre règlements et directives, la subsidiarité est de toute évidence le grand principe autour duquel la simplification doit se faire, et même la refondation de l'Union européenne. Cela n'implique pas nécessairement de privilégier les directives au détriment des règlements. Le recours aux directives complique parfois la situation en étant un facteur d'incertitude et d'aléa, surtout dans une Union à 28. À 27, le raisonnement sera le même. Les règlements sont parfois préférables : il vaut mieux une législation complète et cohérente plutôt qu'un secteur à moitié réglementé. Pour le choix du bon véhicule législatif à l'échelon européen, là encore, il faut essayer de faire preuve de pragmatisme.
M. Jean Bizet , président . - Le marché unique constitue un enjeu essentiel pour cette simplification. Je donne la parole à Didier Marie.
M. Didier Marie . - Veuillez excuser M. Emorine, qui ne peut pas être avec nous ce matin.
La simplification du droit européen applicable au marché unique et la qualité des normes contribuent à favoriser un environnement compétitif pour l'économie européenne.
Nous avons abordé ce sujet en replaçant ce secteur, qui est à la fois un fondement et l'une des plus grandes réussites de l'Union européenne, dans le cadre de l'initiative « mieux légiférer » de la Commission européenne, en rappelant la résolution du Sénat du 20 novembre 2015, adoptée sur le rapport de MM. Bizet et Sutour. Sans vouloir empiéter sur les travaux de MM. Allizard et Raoul qui portent plus précisément sur la normalisation européenne, nous avons cherché à montrer comment de meilleures normes européennes relatives au marché unique peuvent contribuer à optimiser son fonctionnement. Nous avons aussi abordé, du point de vue de la réglementation intelligente, la stratégie pour le marché unique présentée par la Commission le 28 octobre 2015.
Cette stratégie a pour but d'actualiser et de simplifier les règles de circulation des produits et des services et de lever les obstacles qui continuent d'entraver leur libre circulation, ainsi que d'assurer une plus grande cohérence dans l'application de la législation, tout en simplifiant sa mise en oeuvre.
L'objectif de simplification de la réglementation doit être lié avec l'initiative « mieux légiférer », ce qui est relativement logique dans la mesure où le secteur du marché intérieur concentrerait environ un quart des normes européennes, même si beaucoup ont une portée plus réglementaire que législative. Je rappelle que, de son côté, le gouvernement français a engagé, en mars 2013, un « choc de simplification ».
Naturellement, il ne s'agit pas d'entrer dans le détail d'une réglementation extrêmement abondante et souvent technique, mais plutôt de proposer une méthode. De manière générale, l'accord interinstitutionnel « mieux légiférer » du 13 avril 2016 fixe des objectifs communs d'amélioration et de simplification de la législation européenne pour éviter la réglementation excessive et faciliter sa transposition en droit national. Selon les informations obtenues au cours de nos auditions, la plupart des cas de surtransposition seraient d'origine nationale, plusieurs ministères introduisant des normes qui alourdissent la mise en oeuvre de la norme européenne initiale. Un gouvernement peut surtransposer pour des questions d'intérêt national ou de choix politique. Le Secrétariat général du Gouvernement, notamment chargé de la qualité des textes, effectue un repérage des dispositions qui s'ajoutent aux mesures de transposition et les signale au cabinet du Premier ministre pour arbitrage.
Concernant la gouvernance, le rôle du Conseil Compétitivité a été récemment revalorisé, ce qui est positif. C'est en effet en son sein que sont définies un nombre restreint de priorités qui poursuivent des objectifs opérationnels, par exemple sur les PME et les start-ups ou les services.
En revanche, il reste une marge de progression à l'échelon national. Ainsi, le Secrétariat général pour la modernisation de l'action publique, le SGMAP, rattaché au SGG, ne semble guère investi sur les questions européennes. C'est dommage ; il conviendrait qu'à l'avenir, les mesures de simplification régulièrement annoncées à l'échelon national soient véritablement coordonnées avec les initiatives de la Commission.
De même, le Conseil national de l'industrie, chargé notamment d'émettre des avis et de formuler des propositions et recommandations au Gouvernement pour améliorer la compétitivité de l'industrie, qui donc se prononce sur des cas de surtransposition des directives et de surréglementation, conduit ses activités à une échelle peut-être trop nationale. Ses sections thématiques Europe et Réglementation et simplification n'entretiennent pas de relations véritables entre elles ni avec les institutions européennes.
Enfin, compte tenu de son volume et de son importance pour l'économie, la réglementation européenne relative au marché unique devrait être soumise aux procédures et outils mis en place par la Commission pour améliorer la qualité du droit : d'une part, une évaluation par la plateforme REFIT, instituée au titre de l'initiative « mieux légiférer », et, d'autre part, un examen de la qualité des études d'impact préalables et des évaluations ex post relatives à cette réglementation par le comité d'examen de la réglementation.
J'en viens au secteur des services, sur lequel je me suis concentré à la fois parce que la stratégie pour le marché unique de la Commission européenne lui consacre d'importants développements et parce que, contrairement au marché des biens, il reste excessivement morcelé et encore marqué par la prégnance des traditions et spécificités nationales qui rendent l'harmonisation très délicate.
Pourtant, les services représentent près des deux tiers de l'économie européenne. Le bon fonctionnement du marché des services peut donc apporter des gains significatifs de croissance et d'emplois et contribuer à dynamiser la compétitivité européenne.
La directive « services » de 2006 - pour schématiser, celle du plombier polonais - constitue le texte de référence pour l'intégration du marché intérieur des services. Je rappelle que cette directive avait suscité des polémiques liées au risque du projet initial de la Commission de suivre le principe du pays d'origine, finalement écarté au profit de l'exercice de la liberté d'établissement des prestataires et de la libre circulation des services.
Cependant, la transposition de cette directive, sur laquelle le président Jean Bizet a travaillé voilà quelques années, qui devait être achevée fin 2009, a pris du retard dans la plupart des États membres - la France a notifié la fin de l'exercice à la Commission en mars 2011. En outre, son application ne serait guère satisfaisante et resterait inégale selon les États membres : de nombreuses entraves à l'exercice d'activités transnationales perdurent. Alors que la Commission avait eu des velléités de réviser ce texte, en particulier pour élargir son champ d'application à des secteurs actuellement exclus ou pour réintroduire le principe du pays d'origine, la révision de la directive « services » n'est plus à l'ordre du jour. Il paraît en effet préférable de rechercher sa meilleure application.
La plus grande intégration du marché unique des services doit être favorisée par l'amélioration et la simplification de son cadre réglementaire. Plusieurs initiatives ont été prises en ce sens. En premier lieu, les institutions européennes ont réaffirmé cet objectif politique, tel le Conseil européen, le 28 juin 2016. La Commission a inscrit dans son programme de travail pour 2017 le secteur des services parmi les priorités du processus de normalisation européenne. Le comité européen de normalisation s'est également vu confier l'élaboration d'une stratégie de normalisation dans le secteur des services pour faciliter leur compatibilité ; les normes relatives aux services ne représentent en effet que 2 % des normes européennes.
Une attention particulière est portée aux PME, comme l'a souligné le Conseil Compétitivité, le 29 février 2016. L'Union a notamment introduit le test PME, qui est une modalité de consultation innovante pour évaluer directement avec les entreprises les conséquences d'une réglementation et y apporter des modifications afin de la simplifier et de la rendre plus facilement applicable. Bien que ce test PME existe depuis 2008, il connaît un regain d'intérêt, y compris à l'échelon national, où il est intégré au « choc de simplification ». Il a fait l'objet d'une réunion du groupe de travail « mieux légiférer » du Conseil, le 15 mars 2016. Ce test reste inégalement appliqué. Il conviendrait de le mettre en oeuvre de façon systématique et harmonisée.
Enfin, la Commission avait mis en avant, il y a plusieurs mois déjà, le nouveau projet de passeport de services, aujourd'hui renommé carte européenne des services. Selon la Commission, ce dispositif constituerait une attestation prouvant que les prestataires satisfont aux prescriptions applicables dans l'État membre dans lequel ils envisagent de fournir leurs services. Inspirée de la carte professionnelle européenne instituée pour la reconnaissance des qualifications professionnelles entre les États membres, elle est longtemps restée un projet aux contours extrêmement flous.
La Commission a précisé quelque peu ce projet, le 10 janvier dernier, dans ses propositions pour améliorer l'effectivité du marché intérieur dans le domaine des services. Elle préconise notamment de faciliter la prestation de services dans un autre pays de l'Union en permettant aux entrepreneurs d'introduire leurs demandes par Internet et dans leur langue auprès d'un organisme national. Il reviendra à ce dernier de prendre contact avec le pays visé, qui délivrera une carte électronique à moindre coût administratif. Pour éviter d'en arriver aux procédures d'infraction, la Commission souhaite aussi introduire un test de proportionnalité pour s'assurer que les critères d'installation, de qualité de services ou de diplômes exigés par les États membres sont réellement justifiés.
Il paraît sage, compte tenu à la fois des objectifs généraux de simplification fixés au niveau européen et des dispositifs existants dans la directive « services », de limiter la carte européenne de services à la seule facilitation des formalités entre administrations nationales, sans surcharge pour les acteurs économiques. Surtout, nous devons prendre garde à ce que ce projet ne conduise pas, de façon subreptice, à réintroduire le principe du pays d'origine.
M. Jean Bizet , président . - Nous allons maintenant entendre Claude Kern nous présenter les travaux sur l'environnement et l'énergie qu'il a conduits avec Michel Delebarre.
M. Claude Kern . - Je vous prie d'excuser notre collègue Michel Delebarre, qui est actuellement retenu à Bruxelles. Je le remercie pour sa confiance, puisqu'il m'a demandé de m'exprimer aujourd'hui en notre nom commun, sur la simplification du droit européen dans les domaines de l'énergie et de l'environnement. Nous avons abordé ce vaste champ dans un esprit de critique constructive associant regrets et suggestions.
Les empiètements ou tentatives d'empiètement de la Commission européenne sur les compétences des États membres sont manifestes dans le domaine de l'énergie. S'affranchir des limites explicitement fixées par le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne semble une tentation difficilement résistible aux yeux de la Commission, avec plusieurs illustrations frappantes, dont je ne reprendrai que celle relative aux accords intergouvernementaux gaziers.
Sur ce sujet, notre commission a adopté un avis motivé contre les pouvoirs exorbitants du droit de l'Union que la Commission voulait se voir attribuer dans la négociation d'accords intergouvernementaux sur la fourniture de gaz par des États tiers. La Commission européenne voulait même être associée aux discussions... Et un processus identique aurait dû s'appliquer même aux engagements non contraignants, tels que les protocoles d'accord ou de déclaration commune. On croit rêver ! Heureusement, ces dispositions ont soit disparu, soit été largement atténuées. Il n'en reste pas moins que le processus législatif de l'Union serait plus simple et plus rapide s'il ne fallait commencer par éliminer des dispositions contraires à la répartition des compétences entre l'Union et les États membres, tel qu'elle figure dans le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.
La Commission européenne complique parfois l'examen de ces propositions, en négligeant l'esprit de la construction européenne. Je vise notamment la propension à ne pas se contenter d'objectifs communs dont la Commission devrait vérifier qu'ils sont bien poursuivis par chacun des États membres.
Un exemple à la fois manifeste et récent est fourni par la proposition de règlement sur la préparation au risque dans le secteur de l'électricité. Présentée dans le cadre du paquet « Énergie propre pour tous », cette proposition de règlement est motivée aux yeux de la Commission européenne par le fait que la directive du 18 janvier 2006 « se borne à fixer des objectifs généraux en matière de sécurité d'approvisionnement et laisse aux États membres le soin de décider comment les atteindre. Ainsi, la réglementation autorise les États membres à prendre des « mesures de sauvegarde » en cas de crise, mais ne précise pas comment ils devraient s'y préparer et gérer ». En d'autres termes, un nouveau texte est proposé précisément parce que les dispositions applicables paraissent conformes au principe de la construction européenne, à savoir des objectifs harmonisés, mais pas ou peu de dispositifs uniformisés.
La seule exception peut concerner des obligations dont le respect à l'identique est indispensable pour éviter toute distorsion de concurrence. On la rencontre plutôt dans le domaine de l'environnement, ce qui ne justifie d'ailleurs pas l'adoption de textes absurdes. Cesser de perdre du temps à expertiser une nouvelle fois ce que l'on connaît déjà parfaitement, pour pérenniser une dérogation inévitable, serait une authentique simplification. Vous vous rappelez sans doute la présentation, faite ici même par notre collègue René Danesi, de la reconduction de l'exemption qui autorise pendant cinq ans l'utilisation de plomb pour la fabrication des lustres en cristal. Les caractéristiques chimiques des éléments ne changent pas tous les cinq ans, non plus que celles du cristal, dont la principale pour ce qui nous occupe est de piéger l'oxyde de plomb dans le verre. Pourtant, le droit de l'Union impose de procéder tous les cinq ans à une expertise scientifique aux résultats répétitifs, puis à une consultation du public dépourvue de tout suspense. En conclusion, je ferai mienne l'opinion de M. Danesi, qui évoquait « un voyage en Absurdie ».
J'espère que ces trois orientations apporteront leur pierre à l'édification d'une Union européenne plus intelligible par chacun et surtout plus proche des citoyens.
M. Jean Bizet , président . - Nous allons maintenant examiner quelles simplifications peuvent être envisagées sur les questions de justice et d'affaires intérieures. Simon Sutour et Philippe Bonnecarrère vont nous apporter les réponses.
M. Simon Sutour . - Nous en venons à l ' espace de liberté, de sécurité et de justice. Nous évoquerons d ' abord le sommet, c ' est-à-dire le niveau institutionnel, pour terminer par les possibles simplifications de la vie quotidienne des citoyens européens, et en particulier des transfrontaliers.
S ' agissant tout d ' abord de la simplification de l ' architecture institutionnelle européenne, on rappellera que jusqu ' au traité de Lisbonne, la coopération policière et judiciaire en Europe relevait de ce que l ' on appelait le « troisième pilier », géré selon la méthode intergouvernementale.
Le système des piliers a été à l ' origine - on s ' en souvient - de maints blocages, avec des recoupements et superpositions de compétences, les décisions dans le domaine des libertés, de la sécurité et de la justice, par exemple, requérant le plus souvent l ' unanimité.
Le traité de Lisbonne a radicalement simplifié la situation, en fusionnant les trois piliers. C ' est désormais la procédure législative ordinaire qui s ' applique, en règle générale, à ces questions, c ' est-à-dire la codécision entre le Conseil et le Parlement européen, ainsi que la règle de la majorité qualifiée au Conseil. En outre, le traité répartit les compétences entre compétences exclusives, compétences partagées et compétences d ' appui.
Le traité de Lisbonne a, par ailleurs, fait preuve de pragmatisme, en facilitant par exemple les coopérations renforcées, notamment dans les domaines où les décisions continuent à être prises à l ' unanimité, comme c ' est le cas, nous le verrons, pour le parquet européen.
Ainsi, le souci d ' une plus grande intégration des politiques européennes, priorité évidente du traité de Lisbonne, aura aussi généré une simplification de l ' architecture institutionnelle de l ' Union. De manière générale, on voit bien que ce traité, tant controversé, a apporté nombre de points positifs, en particulier d'un point de vue démocratique.
M. Philippe Bonnecarrère . - En ce qui concerne le recentrage des priorités dans le domaine de la sécurité intérieure et de la lutte contre le terrorisme, le Conseil européen a souhaité, dès fin 2014, rénover la stratégie en la matière et la Commission européenne a proposé, en avril 2015, de redistribuer les priorités autour de sept actions-clés, notamment pour tarir les ressources financières du terrorisme, renforcer le cadre juridique relatif aux armes à feu, améliorer la lutte contre la cybercriminalité et développer les capacités d ' Europol. Cette stratégie appelait à la mise en place d'opérations communes de renseignement, coordonnées au niveau de l'Union, et au développement de la coopération et de l'échange d'informations, ainsi qu'à l'adoption rapide du PNR.
Après les attentats terroristes sanglants commis en France, en Belgique et en Allemagne en 2015 et 2016, l ' Union européenne doit, à l ' évidence, se recentrer sur quelques missions fondamentales, un « coeur de métier » représentatif de la valeur ajoutée susceptible d ' être apportée aux États membres. En effet, le choc de la crise migratoire a perturbé les agendas et suscité des dissensions internes qui ne sont toujours pas surmontées ; le climat d'euroscepticisme et la fronde de certains pays d'Europe centrale et orientale s'ajoutent à ces difficultés. Le président Juncker est parfaitement conscient de cette nécessité de recentrage.
Je souhaite maintenant évoquer deux exemples : le parquet européen et le mandat d'arrêt européen.
L'article 86 du traité de Lisbonne permet au Conseil d'instituer un parquet européen, à partir d ' Eurojust, pour combattre les infractions les plus graves. C'est dans ce cadre que la Commission a présenté en 2013 une proposition de règlement portant création d ' un parquet européen ; elle envisageait la mise en place de procureurs délégués, faisant partie à la fois du parquet européen et des ministères publics nationaux.
Un débat a alors porté sur la structure du parquet européen, sur l ' extension de sa compétence et sur la notion de compétence partagée du parquet européen avec celle des autorités judiciaires des États membres. Dans ce domaine, l'esprit de souveraineté est évidemment très présent.
Le Sénat a adopté deux résolutions européennes et un avis motivé, qui, grâce à l'appui de plusieurs parlements nationaux, vaut « carton jaune ». Cet avis exprime une préférence pour un parquet de forme collégiale, avec éventuellement une rotation entre les pays, s'appuyant sur des délégués nationaux.
Où en sommes-nous aujourd ' hui ? La situation s'est plutôt dégradée et le noyau de pays favorables au parquet européen s'est réduit. Les réticences plus ou moins fortes de pays tels que le Royaume-Uni, l ' Irlande, le Danemark, la Suède, les Pays-Bas, la Pologne et la Hongrie devraient déboucher sur une solution de coopération renforcée.
La compétence du parquet européen en matière de fraude à la TVA fait également l'objet de discussions. Le ministère français de l'économie n'y était pas favorable, mais l'ampleur de la fraude est considérable.
Second exemple - plus positif, celui-là - : le mandat d ' arrêt européen. Entré en vigueur le 1 er janvier 2004, il fonctionne. Il s ' agit d ' une procédure exclusivement judiciaire. La décision de remettre ou non une personne sur la base d ' un mandat d ' arrêt européen ne relève que des autorités judiciaires, contrairement à la procédure d ' extradition qui fait intervenir l ' État, donc l ' autorité politique.
Pour 32 catégories d ' infractions graves, c'est-à-dire un champ d'action très large, le mandat d ' arrêt européen supprime le principe de double incrimination, selon lequel le comportement au titre duquel la remise est demandée doit constituer une infraction pénale, tant dans l ' État requérant que dans l ' État où la personne recherchée est arrêtée.
Les États membres ne peuvent pas refuser de remettre leurs propres ressortissants, à moins de se charger eux-mêmes des poursuites ou de l'exécution de la peine d'emprisonnement. Toutefois, le mandat d'arrêt européen peut être refusé quand il s'oppose à certains grands principes du droit, comme le non bis in idem par exemple.
Les délais prévus sont brefs. L ' État dans lequel la personne est arrêtée doit renvoyer cette personne dans l ' État qui a émis le mandat d ' arrêt européen dans un délai maximal de 90 jours à compter de son arrestation. Si la personne intéressée consent à sa remise, la décision doit être prise dans un délai de 10 jours.
Le mandat d ' arrêt européen est opérationnel dans les 28 États membres et les évaluations montrent qu'il fonctionne bien. Il est devenu un outil classique pour nos juridictions. De 2005 à 2014, les mandats délivrés ont ainsi été multipliés par deux, passant de 7 000 à 14 000 environ, et les personnes remises sont passées de 1 500 à 5 500. Il s'agit donc d'une procédure qui est à l'honneur de la construction européenne.
M. Simon Sutour . - Dans l ' espace européen de liberté, de sécurité et de justice, la simplification concerne aussi la vie quotidienne des citoyens européens, s ' agissant notamment de la libre circulation. Nous nous y sommes intéressés lors de notre déplacement à Strasbourg, en évoquant les questions transfrontalières.
Avec l ' Allemagne, la Belgique et le Luxembourg, de même qu ' avec la Suisse, les domaines dans lesquels les difficultés apparaissent les plus sensibles touchent à la santé, à l ' emploi et aux prestations sociales.
En matière de santé, par exemple, il semble exister entre la France et l ' Allemagne une discontinuité territoriale plus forte pour les patients qu ' elle ne l ' est entre la France et la Belgique. On relève des difficultés quant à l ' accès à certains équipements médicaux situés de l ' autre côté de la frontière. Les IRM, par exemple, sont soumises à un régime d ' autorisation préalable. S ' agissant du remboursement des soins, on constate un manque d ' information pour les usagers et l ' extrême lenteur des procédures.
Dans le domaine de la formation et de l ' emploi, la difficile reconnaissance des diplômes constitue un frein très sensible à la mobilité professionnelle transfrontalière, faisant obstacle à des recrutements, alors que les besoins et les opportunités existent. Cette situation intéresse évidemment les professions réglementées, notamment médicales, mais aussi certains métiers de la filière technique.
Enfin, en matière de droits sociaux, les citoyens européens se trouvent souvent confrontés à des problèmes de cumul d ' emplois et de détermination de la législation sociale applicable entre deux pays frontaliers, en ce qui concerne notamment l ' invalidité ou la dépendance.
On évoquera encore des difficultés plus spécifiques comme, par exemple, l ' immatriculation en France de certains véhicules achetés en Allemagne.
Des solutions concrètes existent. Elles ont notamment été identifiées dans une étude réalisée par le conseil régional d ' Alsace Champagne-Ardenne Lorraine en 2015. Pour l ' essentiel, elles résident dans une meilleure coordination des administrations entre elles, mais aussi avec les acteurs locaux - des services fiscaux aux agents des caisses locales de sécurité sociale -, dans une meilleure coordination entre les territoires frontaliers, notamment lorsqu ' ils transposent les législations européennes, mais aussi dans l'action même de l ' Union européenne, en particulier lorsqu ' elle adopte des mesures relatives au principe de libre circulation.
S ' atteler aux moyens de résoudre les difficultés quotidiennes que rencontrent les citoyens européens lorsqu ' ils souhaitent l ' application concrète du principe de la libre circulation pourrait constituer un nouveau chantier prioritaire de simplification.
M. Jean Bizet , président . - La politique de cohésion mérite, incontestablement, d'être simplifiée. Philippe Bonnecarrère avait déjà appelé notre attention sur les pistes envisageables. Je lui donne la parole.
M. Philippe Bonnecarrère . - La politique de cohésion territoriale est emblématique de la nécessaire simplification qui doit irriguer nombre des politiques de l ' Union.
Il faut, pour commencer, alléger drastiquement la réglementation, dont la lourdeur, la complexité et l ' instabilité sont exponentielles. Les normes réglementaires européennes en la matière s ' avèrent à la fois formellement excessives et juridiquement instables, puisque de nouvelles normes viennent se substituer à celles en cours avec effet rétroactif. Surtout, elles sont souvent opaques et génèrent à leur tour des notes interprétatives ou des directives de la Commission, qui viennent se superposer aux règles existantes. Enfin, de nombreux États membres viennent encore surajouter à cet ensemble des normes plus strictes et complexes que celles établies au niveau de l ' Union.
Il serait de bon sens, ensuite, de promouvoir une forme de proportionnalité. C ' est-à-dire adapter les procédures de contrôles et d ' audits, structurellement redondantes, aux caractéristiques du projet concerné, selon le niveau de ressources et de risques qu ' il met en oeuvre.
Par ailleurs, et même si une telle démarche peut soulever quelques susceptibilités politiques, il serait judicieux d ' ajuster les procédures européennes de contrôle et d ' audit à la capacité administrative de chaque État membre. Tous n ' ont pas la même expérience du contrôle administratif de la dépense publique : un système européen unique et excessivement exigeant, comme c ' est le cas actuellement, n ' est pas adapté.
Sujet plus sensible, il faut a minima harmoniser les règles entre les différents fonds européens, gérés directement par la Commission européenne. Tout particulièrement sur la question des aides d ' État et des marchés publics, où les procédures sont différentes entre fonds structurels et autres fonds européens, alors qu ' ils ont en commun d ' être financés par le budget de l ' Union. Surtout, la fusion des quatre principaux fonds en un seul « fonds européen pour le développement régional » contribuerait grandement à la dynamique de clarification et d e simplification . Elle accroîtrait la visibilité d ' une politique, qui correspond aux priorités de l ' Union et qui peut être une réponse économique et sociale concrète à 1 ' euroscepticisme ambiant.
La politique de cohésion régionale représente une valeur ajoutée européenne indéniable, dont l ' impact positif sur le terrain local n ' est pas contestable. Il est essentiel d ' aboutir rapidement, avant la programmation 2021-2027, à une simplification radicale de ses règles. C ' est une démarche indispensable à son appropriation par les porteurs de projets et les bénéficiaires, pour qu ' elle donne la pleine mesure de ses potentialités auprès des citoyens européens.
M. Jean Bizet , président . - Je remercie l'ensemble des rapporteurs de leur travail sur ce vaste et important dossier, qui est directement lié au bon fonctionnement du marché intérieur, sans cesse évoqué.
Même si les comparaisons ne sont pas aisées, je note que selon un certain nombre d'études, les échanges entre les différents États des États-Unis d'Amérique sont quatre fois supérieurs à ceux qui existent entre les États membres de l'Union européenne. Certes, nous ne sommes pas un État fédéral...
En tout cas, ces questions doivent être abordées avec rationalité et efficacité, en particulier dans l'optique de la sortie du Royaume-Uni.
Mes chers collègues, avez-vous des remarques à formuler, en particulier sur la proposition de résolution qui vous a été adressée ?
M. Didier Marie . - Je souhaite faire deux courtes remarques. Au point 13 de la proposition de résolution, qui évoque une réglementation de qualité, ne pourrions-nous ajouter, outre le respect des normes sociales, leur « promotion » ? Il me semble que nous pouvons être offensifs, et pas seulement défensifs, sur cette question. Au point 37, pouvez-vous m'indiquer ce que vous entendez par « la mise en place d'un fonds européen unique pour le développement régional » ?
M. Jean Bizet , président . - Je consulte la commission. Il me semble que tout le monde est d'accord pour la proposition de modification du point 13.
En ce qui concerne votre seconde question, il est proposé de simplifier les fonds existants, en les fusionnant. Il s'agit d'une demande de l'Association des régions de France, qui me semble judicieuse à partir du moment où les régions sont les autorités de gestion des fonds européens.
M. Philippe Bonnecarrère . - C'est en effet un élément important : soit nous allons vers une harmonisation des méthodes entre les différents fonds, soit il faut les fusionner pour permettre une gestion globale.
Ce sujet relève certes de l'Union européenne, mais il soulève aussi une question strictement française. Les contradictions sont très fortes entre le FEADER, qui reste du ressort du ministère de l'agriculture, et les autres fonds. Nous n'avons même pas les mêmes logiciels de gestion. Qui plus est, on connaît bien les défaillances du logiciel Osiris du ministère de l'agriculture.
M. Alain Vasselle . - La proposition concernerait-elle tous les crédits en matière agricole et entraînerait-elle une fongibilité ? Dans cette hypothèse, nous devons être particulièrement vigilants pour les crédits dédiés à l ' agriculture, qui risquent de faire les frais de cette évolution.
M. Philippe Bonnecarrère . - Nous n'en sommes pas encore aux modalités concrètes, mais il faut savoir que la situation actuelle est peu favorable aux crédits en matière agricole, puisque le taux d 'e xécution du FEADER est médiocre. Comme vous le savez, les retards sont considérables. De nos entretiens préparatoires, il est ressorti qu'en fait, le ministère de l'agriculture n ' a jamais accepté la délégation des crédits et fait blocage. On peut penser que le mauvais fonctionnement d' Osiris va durer un certain temps... Le monde agricole n ' aurait donc rien à perdre à un fonctionnement plus opérationnel. Certes, une telle opération ne résoudrait pas tous les problèmes, mais elle constitue une piste raisonnable pour alléger le carcan réglementaire, non pas européen, mais français, qui existe en la matière.
Mme Patricia Schillinger . - Je remercie les rapporteurs, notamment Simon Sutour, d'avoir abordé la question des transfrontaliers, en particulier de ceux qui vivent près de la Suisse, de l'Allemagne ou de la Belgique. Mais ceux qui habitent à côté de l'Italie ou de l'Espagne, dont on parle beaucoup moins, vivent-ils les mêmes problématiques ? Nous pourrions, le cas échéant, apprendre de ces exemples, si certaines choses fonctionnent bien.
M. Jean Bizet , président . - Les interdépendances économiques et humaines sont moins fortes avec ces pays. Je vous rappelle qu'à la suite de notre déplacement à Strasbourg, j'ai adressé un courrier au secrétaire d'État chargé des affaires européennes pour lister les points problématiques pour les transfrontaliers. À nous de faire le point régulièrement sur ces sujets !
M. Simon Sutour . - Mon département est proche tant de l'Italie que de l'Espagne et il est vrai que nous avons des bassins d'emploi différents, contrairement à ce qui peut se passer à côté de la Suisse, de l'Allemagne, de la Belgique ou du Luxembourg. Nous avons des frontières géographiques souvent marquées et il n'existe pas de phénomène transfrontalier massif comme avec ces pays.
Mme Gisèle Jourda . - Il existe aussi des raisons historiques, que ce soit la guerre civile en Espagne ou le fascisme en Italie. Le contexte est différent et, finalement, la notion de transfrontalier n'existe pas vraiment. Certaines personnes s ' installent de l'autre côté de la frontière, mais il n'y a pas de mouvements journaliers comme avec la Suisse.
À l ' issue du débat, la commission des affaires européennes a adopté, à l ' unanimité, la proposition de résolution européenne, ainsi que l ' avis politique qui en reprend les termes et qui sera adressé à la Commission européenne, dans la rédaction suivante :
PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE
Le Sénat,
Vu l'article 88-4 de la Constitution,
Vu les articles 2 et 4 du traité sur l'Union européenne ainsi que les articles 67,69 et 73 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne,
Vu l'article 86 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne,
Vu l'accord interinstitutionnel entre le Parlement européen, la Conseil de l'Union européenne et la Commission européenne « Mieux légiférer » du 13 avril 2016,
Vu la communication de la Commission européenne intitulée « Améliorer le marché unique : de nouvelles opportunités pour les citoyens et les entreprises » du 28 octobre 2015 (texte COM (2015) 550 final),
Vu la communication de la Commission intitulée « Concrétisation du programme pour le marché unique en faveur de l'emploi, de la croissance et de l'investissement » du 1 er juin 2016 (texte COM (2016) 361 final),
Vu les conclusions du Conseil de simplification du gouvernement français du 1 er juin 2015,
Considérant que la simplification des normes européennes dans toutes leurs composantes et un élément de refondation de l'Europe dans le sens d'une plus grande efficacité et d'une plus grande adhésion des citoyens à l'Union ;
Rappelant qu'en vertu de l'article 5 du traité sur l'Union européenne, dans les domaines qui ne relèvent pas de sa compétence exclusive « l'Union intervient seulement si, et dans la mesure où, les objectifs de l'action envisagée ne peuvent pas être atteints de manière suffisante par les États membres, tant au niveau central qu'au niveau régional et local, mais peuvent l'être mieux, en raison des dimensions ou des effets de l'action envisagée, au niveau de l'Union » ;
Considérant l'importance prise par la normalisation volontaire sous mandat de la Commission, dans l'élaboration du droit européen pour de nombreux secteurs d'activités ;
Concernant le processus normatif européen en général et le marché unique :
Considère qu'une réglementation de qualité est le gage à la fois du fonctionnement optimal de l'Union et de la compétitivité de l'économie européenne et que, dès lors, elle doit toujours être conçue pour durer et favoriser l'innovation, dans le respect et la promotion des normes sociales, environnementales, de sécurité et de protection des citoyens ;
Est d'avis que le principe de subsidiarité, auquel il réaffirme son attachement, doit guider en permanence l'élaboration de la réglementation européenne ;
Estime indispensables une véritable implication des administrations nationales compétentes dans la mise en oeuvre de l'initiative commune sur la normalisation de la Commission et une meilleure articulation des mesures nationales de simplification des normes, applicables tant aux entreprises qu'aux particuliers avec l'initiative « Mieux légiférer » ;
Juge que le processus normatif européen doit systématiquement prendre en compte les spécificités des PME et TPE de manière à éviter de leur imposer des charges administratives et à les alléger le plus possible ; à cette fin, appelle de ses voeux une mise en oeuvre systématique, harmonisée et structurée du « test PME », qui prenne en compte les quatre étapes de la procédure : la consultation des représentants des PME, l'identification des entreprises concernées par le projet de norme, la mesure des impacts directs et indirects de ce projet sur les PME et la recherche de mesures alternatives ;
Considère que le processus normatif européen doit constituer une priorité de l'initiative « Mieux légiférer » et qu'à ce titre elle doit être évaluée par la plateforme REFIT afin de simplifier les normes existantes et d'établir des normes nouvelles répondant aux principes de la « réglementation intelligente » ;
Est favorable à ce que le processus normatif européen fasse l'objet d'une procédure de consultations préalables transparentes, largement ouvertes, y compris aux PME et TPE, que ces consultations fassent l'objet de comptes rendus plus transparents quant à la nature des participants et accessibles dans toutes les langues officielles de l'Union européenne ;
Demande qu'une attention particulière soit portée à la qualité des études d'impact préalables à l'élaboration de la réglementation, qui doivent être objectives, accessibles dans toutes les langues officielles de l'Union, complètes et fiables et prendre en compte les résultats des évaluations ex post précédemment réalisées sur le même sujet ;
Considère que ces études d'impact doivent aussi concerner les actes délégués et actes d'exécution de la Commission, dès lors qu'ils précisent la portée concrète de la législation européenne ;
Considère que le processus de transposition des directives doit être anticipé au moins dès la négociation du texte européen et que les études d'impact nationales doivent justifier les écarts de transposition, en prenant en compte les enjeux de compétitivité vis-à-vis des autres États membres ;
Demande qu'une réflexion globale soit consacrée à tout ce qui pourrait simplifier la vie quotidienne des citoyens européens et notamment les transfrontaliers, qu'il s'agisse de la santé, de l'emploi (notamment de la reconnaissance des diplômes) ou des prestations sociales ;
Considère que la réglementation du marché unique doit faire l'objet d'évaluations ex post régulières, qui auront notamment pour objectif d'apprécier l'adaptation de cette réglementation sur le long terme et de fixer des cibles de réduction des charges administratives ;
Souhaite que le comité d'examen de la réglementation réalise un examen approfondi et objectif de la qualité des études d'impact préalables et des évaluations ex post relatives à la réglementation européenne pour en tirer des conséquences opérationnelles en matière de simplification des normes et de réduction des charges administratives ;
Estime indispensable de supprimer les obstacles nationaux injustifiés ou disproportionnés, de manière à favoriser la prestation transfrontalière de services ; appelle à cette fin à une application complète de la directive « services » dans l'ensemble des États membres et des secteurs concernés ;
Souhaite que les parlements nationaux soient précisément informés des objectifs assignés à la carte européenne de services envisagée par la Commission et de sa valeur-ajoutée par rapport aux dispositions existantes de la directive « services » ; estime, dès lors que son utilité serait démontrée, que cette carte européenne de services doit être dématérialisée et limitée à un instrument de simplification des procédures administratives visant à faciliter la prestation de services ; refuse catégoriquement qu'une telle carte soit l'occasion d'introduire le principe du pays d'origine dans le secteur des services ;
Souhaite que les textes élaborés sous mandat de normalisation de la Commission soient adoptés en prenant davantage en compte les États membres effectivement impliqués dans les travaux et considère en outre que les normes volontaires européennes rendues obligatoires par le gouvernement français devraient être accessibles gratuitement ;
Concernant l'environnement et la politique énergétique :
Souhaite que soit évitée à l'avenir toute disposition tendant à imposer aux États membres des contraintes ayant pour objet de restreindre leurs compétences dans la détermination du bouquet énergétique national, sauf à emprunter la procédure législative spéciale aboutissant à un texte adopté à l'unanimité par le Conseil, conformément à l'article 192 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
Demande d'écarter systématiquement du droit de l'Union les dispositifs analogues à ceux inscrits dans la directive RoHS, qui institue des interdictions de principe assorties d'exemptions à l'effet limité dans le temps, même en l'absence de tout progrès scientifique ou technique ;
Concernant la politique régionale :
Invite la Commission à pérenniser la politique de cohésion territoriale, fondée sur une gestion partenariale des objectifs agréés entre la Commission, les États membres et les régions, grâce à des cofinancements européens et nationaux ; à maintenir en conséquence, dans le budget européen, des ressources suffisantes et stables en faveur de cette politique ;
Invite la Commission à engager une politique résolue destinée à simplifier les règles qui régissent la mise en oeuvre des fonds européens structurels et d'investissements et à les établir sur des bases stables pour instaurer une indispensable sécurité juridique ;
Demande au Gouvernement de donner des instructions précises aux administrations concernées, afin de faciliter la mise en oeuvre de cette politique et d'éviter de superposer des réglementations nationales non nécessaires aux textes issus de la Commission ;
Estime, que dans cette démarche, la Commission doit s'appuyer sur des principes clairs : la proportionnalité des contrôles financiers à l'importance des budgets programmés ; l'harmonisation, entre les différents fonds européens, des règles concernant les aides d'État et les marchés publics ; la préservation, dans le montage des programmes, d'un juste équilibre entre les instruments financiers et les subventions, dans l'intérêt des politiques publiques ; l'évaluation des projets axée davantage sur les résultats que sur la seule conformité à une règlementation administrative excessivement exigeante ;
Invite la Commission à engager une démarche de différenciation dans la politique de contrôle et d'audits, selon l'expérience et l'acquis des États membres en matière de contrôle administratif et d'audits des comptes publics ;
Préconise la mise en place d'un fonds européen unique pour le développement régional, en remplacement des fonds structurels actuels ;
Concernant la justice et les affaires intérieures :
Constate avec satisfaction que le traité de Lisbonne a radicalement simplifié l'architecture institutionnelle de l'Union européenne en fusionnant les trois anciens « Piliers » européens et notamment le troisième « Pilier » relatif à la coopération policière et judiciaire en matière pénale ;
Appelle de ses voeux un recentrage des priorités de l'Union sur la sécurité des citoyens européens, priorité absolue qui justifie et implique un renforcement considérable de la coopération policière et judiciaire en Europe, en lui donnant l'occasion d'apporter une véritable valeur ajoutée aux actions de renseignement, de prévention et de répression conduites par les États membres ;
Estime qu'un parquet européen apporterait une contribution essentielle au renforcement nécessaire de la coopération judiciaire en Europe, dès lors que son champ de compétence serait étendu à la criminalité grave transfrontière et au terrorisme ;
Juge que le succès du mandat d'arrêt européen devrait inciter l'Union européenne à développer puis systématiser les instruments de reconnaissance mutuelle dans le domaine judiciaire ;
Invite le Gouvernement à prendre en compte et mettre en oeuvre l'ensemble des orientations exprimées dans ces différents domaines et à les faire valoir dans les négociations en cours.
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
INSTITUTIONS
Secrétariat général du Gouvernement
M. Thierry-Xavier GIRARDOT, directeur, adjoint au secrétaire général du Gouvernement
Ministère de l'économie et des finances
Mme Lydie EVRARD, déléguée interministérielle aux normes
Mme Caroline MISCHLER, cheffe du bureau de la coordination des politiques européennes
M. Xavier MERLIN, chef du service de l'action territoriale, européenne et internationale - Direction générale des entreprises
Commission européenne
M. Nicola DE MICHELIS, chef de cabinet de Mme Corina CRETU, commissaire en charge de la politique régionale
Mme Anne BUCHER, présidente du comité indépendant placé auprès de la Commission européenne
Mme Mona BJORKLUND, chef d'unité au Secrétariat général de la Commission européenne
M. Charlie GRANT, chef d'unité mise en oeuvre des politiques régionales à la DG REGIO
M. Krsytof KASPRYZK, responsable du secrétariat du groupe à haut niveau sur la simplification de la politique régionale
Représentation permanente de la France auprès de l'Union européenne
M. Florent GUÉRIN, conseiller chargé de la politique régionale
Conseil national de l'Industrie
M. Loïc ARMAND, président de la section Europe
M. Alain DEVIC, président de la section réglementation et simplification
AFNOR (association française de normalisation)
M. Olivier PEYRAT, directeur général
Régions de France
M. Gilles MERGY, directeur général
ORGANISATIONS PROFESSIONNELLES
CAPEB (Confédération de l'Artisanat et des Petites Entreprises du Bâtiment)
M. Henry HALNA du FRETAY, secrétaire général de la CAPEB
M. David AMADON, directeur du pôle technique et professionnel
M. Dominique PROUX, directeur des relations institutionnelles et européennes
CGPME (Confédération générale des petites et moyennes entreprises)
M. Alain MAGGIAR, délégué aux affaires européennes
Fédération des ascenseurs
M. Pierre HARDOUIN, président
M. Christian de MAS LATRIE, président de la commission technique
M. Alain MESLIER, délégué général
FFB (fédération française du bâtiment)
M. Dominique DE SAUZA, président de la commission technique et qualité
M. Valéry LAURENT, chef du département « normalisation »
Fédération de la plasturgie et composites
M. Michel DIVANACH, président de l'Association « Normalisation Certification Plasturgie »
M. Marc MADEC, directeur du développement durable
FNSEA (Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles)
M. Éric THIROUIN, président de la commission environnement
M. Jérôme VOLLE, président de la commission emploi
* 1 Rapport d'information « Normes agricoles : retrouver le chemin du bon sens » de M. Daniel DUBOIS, fait au nom de la commission des affaires économiques du Sénat n° 733 (2015-2016) - 29 juin 2016.
* 2 Partenariat public-privé.
* 3 Point abordé en I. B.
* 4 International Standard Organization.
* 5 Ce dernier étant compétent pour les secteurs électrique et électronique au sens large.
* 6 En anglais : standardization .
* 7 On parle alors de normes devenues d'application obligatoire (NDAO).
* 8 Directives 98/34/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 juin 1998 proposant une procédure d'information dans le domaine des normes et réglementations techniques.
* 9 Rappelons qu'en l'absence d'une telle nécessité, le principe au sein du marché intérieur demeure celui de la reconnaissance mutuelle par lequel chaque État membre est tenu d'assurer la libre circulation sur son territoire des biens en respectant la réglementation de l'État membre dont ils sont issus.
* 10 Directive 2014/35/UE.
* 11 Qui auraient été longs et difficiles à négocier, ralentissant d'autant la réalisation du marché intérieur.
* 12 Et exceptionnellement le règlement.
* 13 Plus précisément, ce mandat est confié au Cenelec lorsqu'il s'agit du secteur électrique-électronique et au CEN dans les autres cas.
* 14 Souvent issue d'une fédération professionnelle nationale.
* 15 Dit AdCO (Administrative Cooperation Group).
* 16 Directives et exceptionnellement règlements.
* 17 C'est notamment l'une des conclusions du rapport d'information n° 214 (2013-2014) de notre collègue Jean Bizet adopté par notre commission en décembre 2013.
* 18 Ce qui constitue une réelle contrainte car, avant l'entrée en vigueur du règlement 666/2014, les aspirateurs commercialisés en Europe présentaient des puissances allant jusque 2 400 watts.
* 19 Décision de la Commission du 22 juillet 2013 établissant les critères écologiques pour l'attribution du label écologique de l'UE aux toilettes à chasse d'eau et urinoirs.
* 20 À commencer par les Britanniques qui souhaitaient pouvoir utiliser 4 litres d'eau pour leur « demi-chasse » contre 2,5 pour la norme européenne.
* 21 Qui débute actuellement son parcours législatif.
* 22 Le rôle du Parlement européen dans cette évolution doit être salué.
* 23 Cf. le rapport d'information de notre collègue Simon Sutour, fait au nom de la commission des affaires européennes n° 322 (2013-2014) du 29 janvier 2014.
* 24 Une voix par chambre pour les parlements bicaméraux, deux voix pour les parlements monocaméraux.
* 25 En ce qui concerne les textes relatifs à l'espace de liberté, de sécurité et de justice, ce seuil est abaissé à un quart des voix des parlements nationaux.
* 26 Le programme « Mieux légiférer » a été présenté le 19 mai 2015.
* 27 L'objectif poursuivi est notamment que les textes européens répondent davantage aux orientations politiques définies au niveau des commissaires qu'à la simple volonté de réglementer leurs administrations.
* 28 Alors que le nombre des retraits oscillait traditionnellement ente 30 et 40.
* 29 Actes qui complètent ou modifient certains aspects de la législation en vigueur.
* 30 Actes qui définissent des règles visant à garantir l'application uniforme des actes législatifs dans toute l'Union.
* 31 Programme pour une réglementation affûtée et performante.
* 32 Ces éléments sont ensuite analysés et traités par deux instances : d'une part, d'un « groupe de réflexion des parties intéressées », qui compte 18 représentants de divers secteurs, un représentant du Comité économique et social européen et un représentant du Comité des régions ; et d'autre part, un « groupe de réflexion des États membres », composé d'un expert de haut niveau issu de chacun des 28 États membres de l'UE.
* 33 Il est prévu que les analyses d'impact des nouvelles initiatives soient plus complètes en tenant compte d'un éventail plus large d'aspects, dont l'incidence en termes de compétitivité, en particulier pour les PME, la charge administrative et le coût de l'inaction au niveau de l'Union européenne.
* 34 Nouvel accord par distinction avec l'accord interinstitutionnel du 16 décembre 2003 dénommé lui aussi « mieux légiférer ».
* 35 En anglais : European Parliamentary Research Service .
* 36 Cf sur la contribution de notre assemblée, le rapport de notre président Jean Bizet , « Comment le Sénat influe sur l'élaboration des textes européens » - n° 441 (2015-2016) - 4 mars 2016.
* 37 Dénommés en anglais, « fitness checks ».
* 38 En large partie comparable à des décrets.
* 39 Il s'agit le plus souvent de remplir un questionnaire en ligne.
* 40 Pour reprendre les termes de la Cour de Justice.
* 41 Le « déficit de transposition » français est ainsi passé de 4,1 % à 0,5 % entre mai 2004 et mai 2016. Depuis 2011, aucun arrêt en manquement au motif de la non-transposition d'une directive n'a été rendu par la Cour de Justice de l'Union européenne à l'encontre de la France.
* 42 En particulier à partir de la fin des années 1990.
* 43 Étude du Conseil d'État : « Directives européennes : anticiper pour mieux transposer » - 25 novembre 2015.
* 44 http://www.gouvernement.fr/sites/default/files/contenu/piece-jointe/2015/06/dossier_de_presse_-_simplification_pour_les_entreprises.pdf
* 45 Étant bien entendu qu'il s'agit d'études d'impact réalisées à destination des décideurs nationaux et non de la Commission européenne. Cette dernière option avait été envisagée par la Commission dans la cadre interinstitutionnel sur le « Mieux légiférer », nous y sommes toutefois pas favorables au motif du principe de subsidiarité et par souci de pertinence (cf notre résolution européenne n° 41 du 20 novembre 2015).
* 46 Cette obligation s'impose à tous les projets de loi depuis la loi organique n° 2009-403 du 15 avril 2009.
* 47 Résolution n°107 (adoptée en application de l'article 34-1 de la Constitution).
* 48 Ceci a eu concrètement pour conséquence la disparition dans notre pays de nombre de pressings artisanaux.
* 49 Ces travaux demandent en effet des moyens et une organisation aussi bien au sein de l'État membre pour définir une position qu'à Bruxelles où il faut être en mesure d'envoyer des experts.
* 50 Ce qui va plus loin qu'une simple « présomption de conformité ».
* 51 La combinaison des articles 192 et 194 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) autorise l'Union à empiéter sur cette attribution des États, mais à l'unanimité des États membres, par une procédure législative spéciale. Les prescriptions portant sur le bouquet énergétique font fi à la fois des attributions énergétiques des États membres et de la « procédure spéciale » indispensable en pareille circonstance.
* 52 Lors de sa séance du 17 mars 2016, la commission des affaires européennes a adopté sur ce sujet la proposition de résolution européenne proposée par M. René Danesi.
* 53 Rapport n° 725 (2015-2016) du 2 juin 2016 de MM. Jean Bizet, Pascal Allizard, René Danesi, Mme Fabienne Keller et M. Claude Kern - « Strasbourg, une double capitale au coeur de l'Europe ».