N° 293
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2016-2017
Enregistré à la Présidence du Sénat le 12 janvier 2017 |
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la commission des affaires européennes (1) sur les perturbateurs endocriniens dans les produits phytopharmaceutiques et les biocides ,
Par Mme Patricia SCHILLINGER et M. Alain VASSELLE,
Sénateurs.
(1) Cette commission est composée de : M. Jean Bizet, président ; MM. Michel Billout, Michel Delebarre, Jean-Paul Émorine, André Gattolin, Mme Fabienne Keller, MM Yves Pozzo di Borgo, André Reichardt, Jean-Claude Requier, Simon Sutour, Richard Yung, vice-présidents ; Mme Colette Mélot, M Louis Nègre, Mme Patricia Schillinger, secrétaires , MM. Pascal Allizard, Éric Bocquet, Philippe Bonnecarrère, Gérard César, René Danesi, Mme Nicole Duranton, M. Christophe-André Frassa, Mmes Joëlle Garriaud-Maylam, Pascale Gruny, M. Claude Haut, Mmes Sophie Joissains, Gisèle Jourda, MM. Claude Kern, Jean-Yves Leconte, François Marc, Didier Marie, Robert Navarro, Georges Patient, Michel Raison, Daniel Raoul, Alain Richard et Alain Vasselle. |
AVANT-PROPOS
Les perturbateurs endocriniens sont des substances qui modifient le fonctionnement du système hormonal et peuvent causer des effets néfastes sur la santé humaine et l'environnement.
La hausse du nombre de cancers hormono-dépendants, les problèmes de fertilité et les pubertés précoces sont liés à la présence de ces substances dans notre environnement où elles sont omniprésentes.
On les retrouve dans les produits cosmétiques, les matières plastiques ou les pesticides.
Les dangers que ces substances génèrent, notamment pour les femmes enceintes et les enfants de moins de trois ans, et les difficultés pour s'en prémunir rendent nécessaire l'intervention des pouvoirs publics.
Le législateur européen souhaite agir en premier lieu, pour réduire leur présence, sur les produits phytopharmaceutiques et les biocides car, par ce biais, ces perturbateurs endocriniens peuvent se retrouver dans l'alimentation et l'eau potable.
Les produits phytopharmaceutiques sont des produits chimiques utilisés pour soigner ou prévenir les maladies des organismes végétaux.
Les biocides sont des produits destinés à détruire, repousser ou rendre inoffensifs les organismes nuisibles. Il existe 22 types de biocides qui sont principalement les désinfectants (soins pour l'homme ou l'animal, désinfection de l'eau potable, produits d'entretien), les produits de protection du bois et des constructions, et les produits de lutte contre les nuisibles (insecticides, ...).
La législation européenne relative aux produits phytopharmaceutiques et aux biocides prévoit aujourd'hui que les substances reconnues comme perturbateurs endocriniens ne seront pas approuvées pour composer ces produits. En revanche, la législation ne précise pas ce qu'est un perturbateur endocrinien.
Pour remédier à cela, la Commission européenne a présenté, le 15 juin 2016, deux propositions d'actes qui tendent respectivement à déterminer les critères permettant d'identifier un perturbateur endocrinien dans les produits phytopharmaceutiques et les produits biocides.
Après avoir rappelé les enjeux liés aux perturbateurs endocriniens, le présent rapport examinera les propositions de la Commission européenne sur ce sujet sensible, tant au regard de la protection de la santé publique que des enjeux pour les secteurs économiques concernés.
I. LE SYSTÈME HORMONAL AFFECTÉ PAR LES PERTURBATEURS ENDOCRINIENS
A. LE SYSTÈME HORMONAL : UN RÉGULATEUR ESSENTIEL DU FONCTIONNEMENT DE L'ORGANISME
1. La stimulation hormonale : un mécanisme à effet différé
a) Les trois acteurs principaux de la stimulation hormonale
Tout comme le système nerveux, le système hormonal régule des mécanismes physiologiques essentiels au bon développement et au fonctionnement normal des organismes vivants. Mais contrairement au système nerveux, le mécanisme est plus lent car indirect. Il fait intervenir trois acteurs principaux :
- les glandes endocrines qui fabriquent et libèrent les hormones dans l'organisme ;
- les hormones qui correspondent à un message chimique délivré par les glandes endocrines commandant la réaction d'un organe ;
- les récepteurs hormonaux dans lequel s'imbrique l'hormone pour déclencher une réaction de cet organe.
Les principales glandes endocrines chez l'homme sont :
- au niveau de la tête : l'hypothalamus qui apparaît comme le véritable « chef d'orchestre » du système hormonal et qui transmet à l'hypophyse les informations dont les autres glandes ont besoin ;
- au niveau du cou : la glande thyroïde fabriquant les hormones T3 et T4 dites hormones thyroïdiennes jouant un rôle important pour le développement cérébral, et la régulation de la température corporelle et du rythme cardiaque ;
- au niveau des reins : les glandes surrénales sécrétant l'adrénaline ;
- les glandes génitales que sont les ovaires et les testicules fabriquant respectivement la progestérone et la testostérone ;
- le pancréas qui libère l'insuline permettant le contrôle du taux de glucose dans le sang ;
- le tissu adipeux qui sécrète notamment la leptine qui régule la sensation de satiété.
On distingue trois types d'hormones :
- les hormones thyroïdiennes, dérivant d'acides aminés, telles que les hormones T3 et T4 ;
- les hormones stéroïdiennes dérivant du cholestérol comme les hormones produites par les glandes génitales ;
- les hormones peptidiques qui sont constituées de chaînes d'acides aminés telles que l'insuline et dont les fonctions ne semblent pas affectées par les perturbateurs endocriniens.
b) Une stimulation aux multiples fonctions
Les hormones thyroïdiennes permettent la croissance et le développement du système nerveux, du squelette et du cerveau. Les hormones stéroïdiennes sont indispensables dans le processus de reproduction et de différenciation sexuelle. Leur sécrétion au moment opportun permet le développement optimal de l'organisme.
Il existe donc souvent un temps de latence entre la stimulation et la réaction d'un organe tiers et l'action du système endocrinien s'apprécie à l'échelle de l'organisme.
L'observation du système endocrinien chez l'homme et chez les autres vertébrés permet d'établir de nombreuses similitudes, notamment la présence de glandes endocrines, d'hormones et de récepteurs hormonaux.
2. Un système particulièrement sensible et finement régulé
Le système hormonal présente deux caractéristiques particulières.
En premier lieu, le système endocrinien fonctionne avec une faible quantité d'hormones . La concentration des hormones dans le sang est de l'ordre du nanogramme ou du pictogramme par millilitre, ce qui implique une action à de très faibles concentrations . Ainsi, l'hormone qui déclenche l'ovulation chez la femme est présente dans le sang à une concentration de 300 à 500 pg/ml.
En second lieu, l'homéostasie désigne la capacité des organismes vivants à maintenir constants leurs paramètres physiologiques internes en dépit des contraintes de l'environnement extérieur. Le système hormonal est le garant de cette homéostasie . Les hormones agissent donc de manière limitée dans le temps en fonction des besoins de l'organisme pour réguler ses paramètres internes. Elles sont produites ou détruites pour permettre cette régulation. De même, la quantité de récepteurs disponibles permet de réguler l'action des hormones.