II. LA RESPONSABILISATION DES ACTEURS, AU CoeUR DU SYSTÈME ALLEMAND PEUT INSPIRER A LA MARGE L'ÉVOLUTION DU RÉGIME FRANÇAIS DE RÉGULATION DE LA MÉDECINE DE VILLE

En considération de la réussite, au moins budgétaire, du système allemand, faudrait-il donc que la France adopte les modes de régulation de la médecine de ville existant en Allemagne ?

Vos rapporteurs soulignent qu'en France, le rapport entre les médecins, les caisses et l'État est historiquement très différent de ce qu'il est en Allemagne . Transposer les mécanismes allemands sans prendre en compte cet élément fondamental serait dès lors voué à l'échec . Il n'est ainsi ni possible, ni souhaitable, de bouleverser le système conventionnel actuel en mettant en place une enveloppe fermée pour la médecine de ville.

Il faut en outre également prendre conscience des limites du système allemand , qui comporte plusieurs éléments d'inégalité et de fragilité.

Au total, sans qu'une transposition globale de ce système allemand leur paraisse réellement envisageable, vos rapporteurs estiment que plusieurs mécanismes inspirés du système d'autogestion à l'allemande et de responsabilisation des acteurs pourraient trouver leur place dans l'évolution de notre système de santé , tel qu'il se dessine au travers des différentes réformes qui se sont succédé depuis la loi du 21 juillet 2009 4 ( * ) .

A. LE SYSTÈME DE RÉGULATION ALLEMAND PRÉSENTE PLUSIEURS LIMITES DU POINT DE VUE DE L'ACCÈS AUX SOINS ET DE L'ÉGALITÉ ENTRE ASSURÉS

1. Un système dual entretenant une inégalité marquée entre assurés du secteur privé et du secteur public


• En premier lieu, le système allemand entretient une certaine inégalité entre assurés de l'assurance maladie légale et clients de l'assurance privée - les seconds étant, semble-t-il, mieux pris en charge, en contrepartie de cotisations plus élevées.

Selon le Pr Wasem, les patients relevant de l'assurance privée seraient particulièrement recherchés par les médecins, et obtiennent de ce fait des rendez-vous en priorité. D'autres interlocuteurs rencontrés par vos rapporteurs ont même évoqué l'existence de salles d'attentes distinctes, dans certains cabinets, entre les deux catégories de patients.


• En second lieu, le panier des soins pris en charge par le régime légal est plus réduit en Allemagne qu'en France. Il ne comporte en effet ni l'optique, ni le dentaire, ni certains médicaments. On assiste dès lors à un développement de l'assurance privée pour couvrir ces coûts. Or, la sélection des risques par les assureurs étant forte, cette situation entraîne pour certaines personnes des refus d'assurance ou des difficultés à payer les primes.

2. Un système qui ne permet pas de corriger les difficultés persistantes liées à la répartition des professionnels de santé

L'Allemagne connaît par ailleurs, comme la France, un problème aigu de désertification médicale .

Pour y remédier, un système de conventionnement sélectif a été mis en place. Les interlocuteurs allemands rencontrés par vos rapporteurs ont cependant fait le constat qu'il ne parvient pas à résoudre, d'une part, le manque de spécialistes et de généralistes dans les Länder de l'Est dont la population a baissé, et, d'autre part, l'excédent d'offre dans les Länder plus dynamiques de l'Ouest.

En effet, si le conventionnement sélectif permet d'empêcher l'implantation de nouveaux médecins dans les zones sur-denses, il ne parvient pas à l'imposer dans les zones sous-denses. On constate, en fait, une fuite des médecins vers d'autres formes d'exercice, ou une implantation à la frontière des zones sur-denses.

3. Une évolution démographique tendancielle qui pourrait remettre en cause la situation financière favorable de l'assurance maladie allemande

Enfin, la situation financière favorable du régime d'assurance maladie allemand pourrait ne pas perdurer en raison du défi démographique auquel doit faire face le pays . Le vieillissement de la population, l'augmentation du nombre de maladies chroniques et celle, tendancielle, du coût des soins suscitent l'inquiétude, à moyen terme, des autorités allemandes.

L'une des raisons du pilotage de l'assurance maladie à l'équilibre tient d'ailleurs à la perception que, bientôt, les coûts de santé de la population allemande vont augmenter d'une manière plus que proportionnelle à leurs revenus, surtout si la base des actifs qui cotisent au régime légal d'assurance maladie se réduit.

L'Allemagne, qui a déjà connu des périodes de déficit de l'assurance maladie, pourrait donc être amenée à connaître, à nouveau, des pressions budgétaires fortes en cas de dérapage des coûts sans possibilité d'augmenter fortement, corrélativement, le niveau des cotisations versées par les salariés.


* 4 Loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (dite loi HPST).

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