B. UNE RAPIDE ET EFFICACE MONTÉE EN PUISSANCE DE LA SUPERVISION PAR LA BCE DANS LE CADRE D'UN PROCESSUS TOUTEFOIS ENCORE PERFECTIBLE
1. Les pratiques de supervision de la BCE
La supervision bancaire est le pilier le plus abouti de l'Union bancaire. Les travaux, menés dans le cadre du MSU, se sont révélés, dans un délai très court, d'une grande qualité. Le MSU représentait pourtant un projet très ambitieux à l'origine au titre de l'important transfert de souveraineté qu'il entraîne et de la création, ex nihilo , d'un nouveau superviseur supranational.
Dans le cadre de ses activités de surveillance prudentielle, la BCE a employé en 2015 plus de 1 000 personnes pour un coût global de 277 millions d'euros financés par des contributions appelées auprès des banques supervisées. Ces contributions viennent s'ajouter à celles versées par les banques à leur superviseur national. En pratique, en ce qui concerne les missions de surveillance de la BCE, chacune des 129 banques est supervisée par une équipe dédiée ( Joint Supervisory Teams - JST) composée d'un personnel provenant à la fois des autorités de contrôle nationales et de la BCE. Ces équipes peuvent compter jusqu'à 80 personnes et sont conduites par un coordinateur de la BCE qui, en règle générale, ne peut être originaire du pays de la banque supervisée. Il s'agit ainsi d'éviter les éventuels conflits d'intérêt liés à la nationalité des superviseurs.
Conformément à ses missions, la BCE a développé une méthodologie harmonisée pour le processus de surveillance et d'évaluation prudentielle ou Supervisory Review and Evaluation Process ( SREP ) qui permet de soumettre l'ensemble des établissements importants au sein de la zone euro à une norme commune d'évaluation. Si la surveillance directe par la BCE semble avoir ainsi atteint ses objectifs en ce qui concerne l'harmonisation et l'impartialité des pratiques de supervision, il est difficile d'affirmer qu'il en est de même en ce qui concerne les banques qui sont restées sous supervision nationale. Cela constitue un enjeu pour le fonctionnement de l'Union bancaire et l'application effective du principe de partage des risques du système bancaire . En effet, est-il acceptable qu'une banque qui n'est pas supervisée de façon indépendante directement par la BCE puisse bénéficier, en cas de difficulté, des mécanismes communs de soutien financier prévus dans le cadre de l'Union bancaire ?
2. Les chantiers du Mécanisme de supervision unique
La supervision unique a encore toutefois de nombreux autres chantiers à mener et des améliorations fonctionnelles à apporter notamment en termes d'efficacité, de clarification et d'harmonisation.
Ainsi certaines demandes de la BCE, du superviseur local, voire de l'Autorité Bancaire Européenne (ABE) recouvrent les mêmes sujets et se dupliquent inutilement. La hausse parfois très significative des contraintes de reporting intervient dans un contexte d'incompréhension et de frustration de la part des établissements de crédit. Le processus de décision au sein de Conseil de surveillance prudentielle est perçu comme trop formaliste et trop lent. Le Conseil assure en effet un nombre très important de décisions qui pourraient plus efficacement être déléguées, dans certaines conditions, aux autorités nationales.
Des erreurs de communication ont aussi été relevées au sujet, notamment, de la configuration d'une disposition prudentielle qui peut entraîner des restrictions sur les distributions de dividendes, les paiements de coupons et de bonus, au titre du MDA ( Maximum distributable amount ). De manière générale, les incertitudes sur les termes de la réglementation pèsent sur la perception par les marchés de l'avenir des établissements financiers et contribuent à la volatilité de leur valorisation. Cela a été notamment invoqué lors des turbulences boursières sur les valeurs bancaires au début de l'année 2016 10 ( * ) .
La BCE a engagé un chantier de grande ampleur sur les options et discrétions nationales ( Options and National Discretions-OND ). Le cadre réglementaire prudentiel européen 11 ( * ) contient en effet près de 150 dispositions permettant aux superviseurs nationaux soit de décider de la mise en oeuvre concrète des normes européennes (options nationales) soit simplement de ne pas appliquer une exigence réglementaire européenne (discrétions nationales). Certaines options et discrétions sont en phase d'extinction jusqu'en 2020-2021 mais d'autres restent effectives ou sont inscrites dans les législations nationales car certains États membres les ont transposées en actes juridiquement contraignants. Les OND représentent une source complémentaire de complexité et d'arbitrage réglementaire et peuvent avoir une incidence très importante sur la qualité et la quantité réelles des fonds propres : leur impact global a été estimé à 126 milliards d'euros par la BCE 12 ( * ) . Un règlement d'harmonisation de 35 de ces pratiques discrétionnaires a été récemment adopté par la BCE 13 ( * ) et entrera en vigueur en octobre 2016. Une proposition réglementaire supplémentaire de la Commission, envisagée avant la fin de l'année 2016, sera nécessaire pour harmoniser les OND sur lesquelles la BCE n'a pas de compétence (notamment celles inscrites dans les législations nationales).
* 10 Sur les deux premiers mois de l'année 2016, les banques européennes ont perdu environ 20 % de leur capitalisation boursière. Le même phénomène a été observé pour les banques américaines et japonaises.
* 11 Règlement (UE) n° 575/2013 concernant les exigences prudentielles applicables aux établissements de crédit et aux entreprises d'investissement.
* 12 Public consultation on a draft Regulation and Guide of the European Central Bank on the exercise of options and discretions available in Union law , ECB.
* 13 Règlement n° 2016/445 (UE) de la BCE.