VI. LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
Mercredi 11 juin 2014
- Conseil général de l'environnement et du développement durable
Mme Sylvie Alexandre,
M. Jean Gault,
M. André-Jean Guérin, membre du CESE,
M. Étienne Lefebvre,
Ingénieurs généraux des ponts, des eaux et des forêts
- France nature environnement
Mme Julie Marsaud, coordinatrice du réseau forêt
M. Antoine Pépin, référent « Agrocarburants »
- IFP Énergies nouvelles
M. Jean-Luc Duplan, expert biomasse
Jeudi 19 juin 2014
- INRA
M. Paul Colonna, Directeur scientifique adjoint Alimentation, nutrition, bioéconomie, Directeur de l'Institut Carnot 3bcar (bioénergies, biomolécules et biomatériaux du carbone renouvelable)
- Syndicat des énergies renouvelables
M. Jean-Louis Bal, président
Mme Sabrina Fuseliez, responsable du département bioénergies
Lundi 8 décembre 2014
- ADEME
M. Rémi Chabrillat, directeur Productions et énergies durables
M. Jean-Christophe Pouet, chef du service Bioressources
Lundi 15 décembre 2014
- Office franco-allemand pour les énergies renouvelables
M. Thibaut Chapron, spécialiste biomasse
- GDF SUEZ
M. Damien Carval, directeur Intégration à la direction Recherche et technologie de GDF SUEZ
M. Anthony Mazzenga, délégué Stratégie à GrDF
M. François-Xavier Dugripon, directeur des Achats énergie de COFELY
M. Olivier Guerrini, chef de projet Bioénergies à la direction Recherche et technologie de GDF SUEZ
M. Etienne Giron, délégué aux affaires réglementaires à la direction des relations institutionnelles, GDF SUEZ
- Office national des forêts
M. Bernard Gambin, conseiller spécial du président
- Bois Énergie France
M. Pierre de Montlivault, directeur de Bois Énergie France, directeur des nouvelles offres énergétiques de Dalkia
VII. EXAMEN PAR L'OFFICE DE L'ÉTUDE DE FAISABILITÉ (26 MAI 2015)
M. Jean-Yves Le Déaut, député, président de l'OPECST. - La biomasse est une source d'énergie renouvelable, et, à ce titre, c'est une composante importante de la transition énergétique. C'est aussi un matériau de base pour la chimie verte. Mais notre collègue Roland Courteau va nous expliquer comment il voit cette question qui a été soulevée par la commission des affaires économiques du Sénat.
M. Roland Courteau , sénateur, rapporteur. - Monsieur le président, mes chers collègues, la commission des affaires économiques du Sénat a saisi l'OPECST pour que celui-ci expertise les opportunités offertes par le développement des utilisations non alimentaires de la biomasse en se situant dans la perspective de la transition énergétique.
Cette perspective reste pleinement d'actualité puisque le projet de loi en cours de discussion et qui va bientôt arriver au terme de son parcours parlementaire met l'accent sur la contribution de la biomasse aux objectifs de cet important texte.
Je dirais même que cette perspective est renforcée par la tenue à Paris de la Conférence internationale sur les changements climatiques (COP21) en décembre 2015.
L'étude de faisabilité que je vous présente aujourd'hui se situe dans ce contexte mais elle s'inscrit également dans l'esprit de notre règlement intérieur qui veut que cette étude préalable présente un état des connaissances sur le sujet, qu'elle détermine d'éventuels axes de recherche, qu'elle apprécie les possibilités d'obtenir des résultats dans les délais imposés et qu'elle détermine les moyens nécessaires pour engager valablement un programme d'études.
Je vais essayer de répondre à ces exigences.
Sur l'état des connaissances sur le sujet, je dirais que nous sommes devant un foisonnement d'études, de rapports, d'initiatives, qui illustrent le progrès rapide des connaissances et des pratiques mais aussi, dans une certaine mesure, pour certaines des questions posées par le développement de la valorisation de la biomasse, la dimension encore expérimentale d'un domaine où nous nous situons encore dans une phase d'apprentissage.
Le périmètre de la biomasse n'est pas tout à fait stabilisé comme le montrent les difficultés à tracer des frontières entre les déchets et ce qui est, de toute évidence, de la biomasse. De même, des incertitudes considérables pèsent sur les évolutions scientifiques et technologiques qui permettraient de convertir des ressources biologiques théoriques en ressources biologiques mobilisables pour satisfaire les différents besoins non alimentaires. Tel est le cas des biocarburants, en particulier de ceux de deuxième et de troisième générations. Par ailleurs, nous avons aussi des interrogations sur l'étendue de la ressource, qui peut varier en fonction des modèles d'agriculture envisagés.
De plus, les utilisations de la biomasse sont susceptibles d'évoluer en fonction des progrès que la recherche, le développement et l'innovation permettront d'effectuer. Aujourd'hui, nous envisageons principalement des utilisations énergétiques, sous des angles d'ailleurs différenciés, avec la production d'énergie, d'un côté, et, de l'autre, la promotion de techniques plus sobres, que ce soit dans le bâtiment ou dans différents matériaux d'usage plus ou moins quotidien. Demain, nous pourrions voir augmenter le nombre des produits biosourcés sans que l'inventaire des possibles soit aujourd'hui réalisable. Le potentiel de mobilisation de la biomasse est donc considérable. Mais, du potentiel à la mobilisation effective, il y a un pas immense.
Et nous ne disposons pas réellement de guides très assurés pour comprendre les déterminants du franchissement de ce pas.
Nous devons nous attacher à mieux les cerner en fonction des enjeux de toutes natures que nous pouvons imaginer.
La saisine de la commission des affaires économiques du Sénat les a mentionnés dans toutes leurs dimensions.
Enjeux écologiques, bien sûr, avec la question de la contribution de la valorisation non alimentaire de la biomasse aux objectifs de la transition énergétique dans le respect d'autres considérations écologiques (biodiversité, intégrité des sols, disponibilité de l'eau), et de contraintes aussi importantes que la couverture des besoins alimentaires. Nous sommes là face à la question cruciale des conflits d'usages.
Enjeux économiques et d'emploi qui posent le problème de l'existence de modèles économiques viables pour valoriser les ressources sans omettre le problème de la prise en considération des coûts associés à l'inaction si l'on devait faire l'impasse sur des ressources économes en émission de gaz à effet de serre. Nous sommes là confrontés à la difficulté d'évaluer les coûts économiques comme d'effectuer des choix économiques, scientifiques et technologiques qui dépendent de la détermination des objectifs sociaux.
Enjeux d'indépendance stratégique aussi compte tenu de l'origine géographique des approvisionnements énergétiques qui, en plus de peser sur la balance commerciale, rendent dépendant de zones où de possibles conflits peuvent compromettre le bon fonctionnement de la vie économique.
Tous ces enjeux soulèvent des questions fondamentales dont plusieurs paradigmes, impossibles à unifier et difficiles à combiner, ne permettant pas l'élaboration des synthèses nécessaires pour guider l'action.
Bref, nous avons devant nous des difficultés analytiques majeures et, en conséquence, à ce jour, un déficit de synthèses.
Je vais vous en donner deux illustrations :
- certains paramètres peuvent à peu près être appréhendés dans des termes marchands (le prix de l'énergie fossile, avec difficulté toutefois), d'autres sont à construire car ils sont essentiellement non marchands (le coût pour la santé humaine de la pollution de l'air sur lequel se penche le Sénat ou encore le coût d'opportunité de l'inaction) ;
- par ailleurs, les échelles de temps et de territoire sont très variées, ce qui pose un problème aigu de choix d'autant que les différentes parties prenantes peuvent ne pas partager les mêmes préférences, les industriels, par exemple, privilégiant le temps court, les pouvoirs publics étant plus partagés comme le montre le dossier des biocarburants.
Il est illusoire, sans doute, d'espérer réconcilier toutes ces questions avant d'agir. Et, de fait, nous n'avons pas attendu. Vous savez que, dans le cadre de la transition énergétique, la contribution de la valorisation de la biomasse aux objectifs fixés (23 % d'énergies renouvelables dans la consommation finale en 2020 et 32 % en 2030) doit atteindre le seuil de 50 %.
Cet objectif implique une véritable stratégie, qui fait défaut aujourd'hui, mais constitue également un élément à part entière d'une stratégie plus globale de développement des biens et services biosourcés qui, elle-même, reste à définir.
Le Sénat a appelé à la définition d'une telle stratégie dans le cadre de l'examen du projet de loi sur la transition énergétique et cette stratégie dépassera certainement le champ strictement énergétique.
Ce processus va prendre un certain temps et il va devoir répondre à des questions qui ne sont peut-être pas toutes envisagées à ce stade.
Il va falloir dessiner le « système biomasse » souhaitable, notamment en fonction des différents enseignements que nous pourrons tirer des analyses de cycle de vie des productions correspondantes, ce qui impliquera sans doute des choix de combinaisons de filières mais aussi des choix de pilotage scientifique.
Il va également falloir assurer la cohérence entre les objectifs et les moyens, ce qui, très certainement, supposera des choix d'interventions réglementaire et économique nouveaux une fois que seront mieux cernées les contraintes d'action à respecter dans les environnements variables.
Ces considérations me conduisent à apporter une réponse aux exigences d'une étude de faisabilité présentée à l'OPECST.
Dans l'étude écrite, je recense les travaux disponibles qui comportent des connaissances appréciables ; mais vous sentez bien qu'il y a encore beaucoup à faire pour élaborer une stratégie vraiment charpentée qui devra mettre à jour une doctrine d'action autour de choix de priorités tenant compte des bilans carbone des différentes ressources et du couple ambitions-contraintes, notamment économiques, des filières. Il faudra également déterminer les instruments de la stratégie et, par exemple, parvenir à mieux couvrir l'ensemble de la chaîne de l'innovation, ce qui suppose sans doute de rénover nos outils aujourd'hui probablement trop centrés sur la recherche et développement d'amont, et insuffisamment préoccupés des outils d'industrialisation, essentiels dans un domaine où il s'agit de disposer d'outils industriels adaptés.
Je pense que l'OPECST devra suivre le chantier qui est ouvert et favoriser son bon déroulement. En revanche, j'estime que nous ne pouvons nous substituer aux entités qui définiront la stratégie nationale biomasse.
Dans cet esprit, je vous suggère que l'Office marque son implication dans un chantier, qui doit pouvoir bénéficier de contributions quelque peu plurielles, en organisant prochainement une audition publique, qui est un de nos savoir-faire reconnus. À sa suite, je vous présenterai un rapport qui pourrait comporter, outre la recension des débats, quelques informations complémentaires sur les éléments les plus pertinents tirés du constat des meilleures pratiques observables.
Je vous remercie.
M. Jean Yves Le Déaut . - Je remercie le sénateur Courteau. Je partage sa recommandation de procéder à une audition publique. Nous devons trouver une date. Je crois que vous suggérez la date du 25 juin au matin qui me semble judicieuse. Je souhaiterais que l'audition publique soit étendue à la chimie verte. Je relève que la chimie verte pourrait modifier assez profondément la perception qu'on tend à avoir de cette branche. La chimie biosourcée a un intérêt majeur en termes de biodégradabilité. Bien entendu, nous devons nous attendre à ce que les conflits d'usage soient assez largement évoqués. Ce sera aussi l'occasion de faire le point sur les perspectives scientifiques des biocarburants de deuxième et de troisième générations. Sont-ils des projets lointains ou existe-t-il déjà des réalisations tangibles ?
M. Gérard Longuet , sénateur . - Je me réjouis de la proposition du rapporteur d'organiser une audition publique sur les potentiels de la biomasse. Il est important qu'elle soit l'occasion d'entendre des intervenants dotés d'une réelle indépendance. Nous sommes face à un thème très fort sur le plan politique et il faut avancer sur ce sujet avec plus de sérénité. Les oppositions sont lourdes, frontales, dans un contexte de très grande complexité des chaînes de production. Une forme de solidarité doit intervenir entre les acteurs mais elle n'est pas facile à susciter. Sur le plan industriel, les filières peuvent être fragilisées par des évolutions qui créent de l'instabilité fiscale et, sur le plan agricole, les équilibres sont fragiles. Je n'évoque que d'un mot le rôle de la logistique pour souligner la très forte dépendance du système envers les ports. Bref, nous devons envisager ce qu'on appelle un système complexe qui voit parfois arriver des invités surprises comme certaines palmes indonésiennes. L'audition publique devra mettre en évidence les conflits multiples qui devront apparaître clairement. Par ailleurs, il apparaît que le contexte est d'emblée mondial. À titre d'anecdote, je citerai les effets de l'abandon de la papeterie aux États-Unis dont une des suites a été l'amplification des exportations des matières premières devenues disponibles vers l'Europe et, en particulier, vers la France.
M. Roland Courteau . - Je voudrais ajouter une considération qui porte sur la notion de bioéconomie. Bien sûr, nous allons devoir définir une stratégie nationale pour la biomasse mais il ne faut pas oublier que ce n'est qu'un élément d'un projet plus vaste qui est de développer la bioéconomie. Il y en a plusieurs approches mais on peut résumer le concept en indiquant qu'il s'agit de la seule possibilité d'assurer la sécurité alimentaire en faisant face à un ensemble de besoins économiques courants. L'OCDE estime que, en 2030, ses activités pourraient représenter près de 3 % du PIB mondial. L'Allemagne a déjà publié deux plans de développement de la bioéconomie et les États-Unis ont une stratégie nationale en ce domaine. La France n'a pas encore formalisé ses objectifs qui peuvent concerner beaucoup de domaines, parmi lesquels la chimie et la santé.
M. Jean-Yves Le Déaut . - Oui cela justifie pleinement d'inclure ces aspects dans l'audition publique. Il sera bon d'associer largement les membres de l'OPECST à cette réunion le 25 juin prochain.
Compte tenu des conclusions de l'étude de faisabilité présentée, l'Office décide, à l'unanimité, de ne pas donner à la question des diverses utilisations de la biomasse de suite autre que l'organisation d'une audition publique dans les meilleurs délais suivie du compte rendu de cette audition assortie de conclusions.