B. UN CONCEPT ÉMERGENT EN FRANCE

En France, le rapport parlementaire précité des députés François-Michel Lambert et Sophie Rohfritsch, en date de juin 2013, considère la biomasse en tant qu'ensemble cohérent , et non sous-secteur par sous-secteur. Il se situe, ce faisant, dans la logique de la bioéconomie, même si ce terme n'est pas employé.

Le rapport précité de la mission sur les usages non alimentaires de la biomasse, en date de septembre 2012, consacre, quant à lui, explicitement, des développements à la notion de bioéconomie.

1. La pertinence du concept de bioéconomie

Le concept de bioéconomie doit permettre, d'une part, d'avancer dans la réflexion sur la hiérarchisation des différents usages des ressources issues de la biomasse , dont la disponibilité est par nature limitée.

Ce concept doit, par ailleurs, permettre de dépasser la question du partage de la ressource , pour envisager les moyens de produire mieux et davantage , de façon durable.

a) Une réflexion sur la hiérarchisation des usages de la biomasse

Née de la substitution de procédés de production biosourcés à ceux utilisant les ressources fossiles, la bioéconomie suppose une analyse des conditions de la concurrence entre divers usages de la ressource biomasse.

À cet effet, le rapport précité de la mission sur les usages non alimentaires de la biomasse préconise l'élaboration d'outils d'analyse, permettant de procéder à des arbitrages optimaux . Cette démarche rejoint celle de la stratégie allemande de bioéconomie, évoquée plus haut.

La mission identifie deux axes d'arbitrage économique qui constituent « la structure fondamentale du paradigme émergent de la bioéconomie ». Ces deux axes sont relatifs, d'une part, à « une consolidation économique durable des investissements consentis », et, d'autre part, aux « externalités générées par ces usages » (voir encadré ci-dessous).

BIOMASSE ET BIOÉCONOMIE :
LES TRANSITIONS ÉNERGÉTIQUE ET ÉCOLOGIQUE À LONG TERME

« Les arbitrages à venir (...) sur les usages concurrents de la biomasse, pour répondre aux objectifs publics vitaux que sont la sécurité alimentaire, la sécurité énergétique, et la préservation des biens communs environnementaux (disponibilité et fertilité des sols, biodiversité, ressources hydriques, équilibres climatiques), devront :

- D'une part, rechercher une consolidation économique durable (en terme de productions et d'emplois, ainsi que de développement, d'aménagement et de cohésion des territoires), des investissements consentis pour la valorisation des ressources biologiques accessibles ;

- D'autre part, intégrer dans la formation des prix et dans le calibrage des instruments d'incitation, des mécanismes régulateurs représentatifs des externalités positives ou négatives générées par ces usages, spécialement quant aux effets sur la productivité des sols et sur l'atténuation du changement climatique.

Ces deux axes d'arbitrage économique constituent la structure fondamentale du paradigme émergent de la bioéconomie. »

Source : rapport précité de la mission sur les usages non alimentaires de la biomasse (septembre 2012)

Ce rapport met en évidence l'absence de vision d'ensemble du secteur de la bioéconomie . Or une telle vision est aujourd'hui nécessaire, afin de structurer un secteur émergent et foisonnant. La cohérence et l'efficacité des investissements en dépendent.

Aujourd'hui, les questions ne sont pas traitées de façon globale mais secteur par secteur.

Le manque de cohérence de l'action publique se manifeste, par exemple, s'agissant de la filière forêt-bois, par le fait que la valeur du puits forestier notifié à la Convention climat pour 2013-2020 n'est pas cohérente avec la mobilisation de biomasse forestière prévue pour la même période par les objectifs du plan national de développement des énergies renouvelables (2009-2020).

L ' approche économique globale du secteur de la biomasse est très complexe car elle fait intervenir de nombreux marchés dont les échelles et les règles du jeu sont différentes et dont les équilibres économiques sont souvent incertains, notamment à moyen et long termes : marchés alimentaires, marchés énergétiques, marchés de l'industrie chimique... Il n'est qu'à mentionner l'incertitude sur l'évolution des prix du pétrole à moyen et long terme, qui conditionne le positionnement concurrentiel des produits issus de la biomasse , et fait peser une incertitude sur les modèles économiques de la filière.

La bioéconomie est donc complexe car multifactorielle. Elle requiert l'élaboration d'indicateurs et de modèles économiques susceptibles d'apporter une aide à la décision .

b) Une réflexion sur les moyens de produire mieux et davantage

La bioéconomie ne doit pas se limiter à l'analyse des conflits d'usage.

Le rapport précité sur les usages non alimentaires de la biomasse souligne également la nécessité « de produire mieux et davantage, en préservant la fertilité des sols, de réduire les gaspillages partout dans le monde, d'instaurer une exigence générale de sobriété dans les comportements ».

La réflexion sur la hiérarchisation des usages ne doit pas constituer la seule réponse aux questions posées par la bioéconomie. Cette réflexion doit aussi porter sur les moyens de produire mieux et davantage , et de consommer moins en réduisant les gaspillages et en promouvant la sobriété .

Enfin, la bioéconomie naît aussi de la dynamique des biotechnologies . Cet aspect constitue l'axe prioritaire de la stratégie des États-Unis.

La dynamique des biotechnologies s'est, en particulier, accélérée en raison des effets critiqués des molécules de la chimie pétro-sourcée, qui a entraîné la recherche de substituts, afin d'étendre la gamme des molécules disponibles. Le développement des outils de biotechnologies constitue une question distincte de celle de l'utilisation des ressources. Ainsi, par exemple, le Danemark a vu naître deux des plus grandes sociétés mondiales de biotechnologies (Novozymes et Genencor), alors que ce pays ne dispose pas de grandes surfaces forestières ou agricoles.

2. Une priorité de la stratégie nationale de recherche

La bioéconomie cherche des réponses à cinq défis , mis en évidence par la stratégie européenne :

- répondre à des besoins alimentaires croissants, c'est-à-dire garantir la sécurité alimentaire ;

- réduire la dépendance aux ressources non renouvelables (fossiles) ;

- exploiter durablement les ressources renouvelables (d'origine biologique) ;

- limiter la concentration de l'atmosphère en gaz à effet de serre pour lutter contre les changements climatiques ;

- élargir la gamme des molécules chimiques disponibles pour une fonction donnée ;

Pour la France, le développement de la bioéconomie permettrait, en outre, de participer à trois objectifs de politique économique :

- réduire le déficit commercial ;

- tendre vers une indépendance énergétique accrue ;

- participer à un objectif de ré-industrialisation.

La biomasse est évoquée, au titre de l'engagement dans la transition énergétique, dans l'Agenda stratégique « France Europe 2020 » , présenté en mai 2013.

Enfin, la bioéconomie doit figurer, de façon explicite, comme priorité de la Stratégie nationale de recherche , élaborée au titre de la loi du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et la recherche, et dont l'Office parlementaire est chargé d'évaluer la mise en oeuvre (article L.111-6 du code de la recherche).

Cette mention de la bioéconomie au titre de la Stratégie nationale de recherche pourrait préfigurer l'élaboration d'une stratégie nationale en faveur de la bioéconomie afin d'élaborer la vision d'ensemble et les outils favorables à un développement cohérent de ce secteur en France.

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