IV. DÉBAT

M. Roland Courteau, sénateur, rapporteur . - Merci à tous. Je souligne que, dans le projet de loi de transition énergétique, un article vise à mettre en place une stratégie de développement de la biomasse. Il est le résultat de plusieurs amendements déposés par M. Denis Baupin à l'Assemblée nationale, et par M. Charles Revet au Sénat, amendements que j'avais soutenus en séance plénière.

M. Denis Baupin, député. - Merci à tous les orateurs pour ces interventions extrêmement riches. Je voudrais signaler que deux articles concernent, dans la loi de transition énergétique, des planifications relatives à la biomasse :

- le premier est l'article 48 ter , qui prévoit une stratégie nationale de mobilisation de la biomasse. Je rappelle à ce propos, alors que les sénateurs peuvent encore amender le projet de loi, que ce serait l'occasion de poser des jalons chronologiques pour l'élaboration de la stratégie nationale. En effet, aucune date butoir n'a été fixée et il faudrait éviter que cette volonté reste lettre morte ;

- le second article est le 57 ter , qui prévoit l'élaboration de schémas régionaux sur la biomasse, cette fois assortie d'un délai, puisque ces schémas doivent être publiés au plus tard dix-huit mois après la promulgation de la loi. Ces schémas seront élaborés par le préfet de région et le conseil régional. Un décret précisera leur articulation avec la loi nationale. C'est nécessaire afin de concilier les choix des diverses régions.

Je souhaiterais ajouter une remarque sur la question du carbone. M. Jean-David Abel a évoqué la nécessité de lui donner un prix, une question qui est actuellement débattue dans le cadre de la préparation de la COP21. Je suis, pour ma part, défenseur d'un concept complémentaire, porté notamment par le Brésil, qui est de donner une valeur à la diminution du dioxyde de carbone. Ce principe pourrait participer à la valorisation économique des filières dont nous avons parlé.

Enfin, M. André-Jean Guérin a indiqué que, en augmentant de 4 %o la capacité de captation du CO 2 par les sols, nous pourrions absorber nos gaz à effet de serre. Quelles seraient les mesures permettant de parvenir à ce résultat impressionnant ?

M. René-Paul Savary , sénateur. - J'interviendrai, non comme sénateur, mais en tant que président de la Fondation du site Paris-Reims, qui, depuis vingt ans, soutient le développement des agro-ressources, conduisant à la création du pôle IAR et à cet espace situé à Pomacle qui accueille des projets et développements extraordinaires, notamment autour d'ARD.

Des étapes ont été franchies. Ainsi, la question de la rivalité alimentaire-non alimentaire ne devrait plus se poser, au vu des pourcentages de terres concernées. De même, le principe de précaution est désormais complété par le principe d'innovation. Il me semble par conséquent possible de trouver de justes équilibres.

Ce qui pose problème, en revanche, c'est le changement des règles au fil des années, notamment sur la fiscalité ou le taux d'incorporation. Le risque est de casser des chaînes d'investissement et d'avenir portées par le secteur privé. Je pense aux futures générations de biocarburants. L'élaboration d'une stratégie interministérielle constitue à ce titre une bonne démarche.

Par ailleurs, une fois que les procédés ont été découverts et mis au point, leur développement bute régulièrement sur des problèmes de financement. Il arrive trop souvent que les pilotes soient réalisés en France, et les développements industriels, créateurs d'emploi, à l'étranger. Nous devons, comme d'autres pays, développer des soutiens publics en appui aux investissements des nouvelles entreprises.

Je me réjouis de constater que nous sommes entrés dans une logique de coconstruction sur ces sujets ; demeure cependant un problème financier pour parvenir à des créations d'emplois et de valeur ajoutée.

M. André-Jean Guérin. - Je souscris pleinement aux propos de M. René-Paul Savary sur Pomacle, qui constitue un modèle de combinaison entre travail de recherche et développement industriel.

Le chiffre de 4 %o évoqué par M. Stéphane Le Foll symbolise, sous forme de slogan volontariste, les ambitions de contribution du secteur agricole à la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Il s'appuie sur les travaux de l'INRA menés depuis quinze ans, dont une recension de 2002 donne les principaux éléments.

Le schéma est simple. Le stock de carbone dans les sols est évalué, au niveau mondial, à 2 000 gigatonnes environ. Une part de 4 %o de cette masse correspond à 8 gigatonnes de carbone, soit 32 gigatonnes de CO 2 .

Les moyens pour parvenir à ce résultat sont en revanche beaucoup plus complexes. L'équivalence posée relève avant tout du modèle et indique une orientation à développer ; elle vise également à affirmer les possibilités de l'agriculture en termes de réduction des gaz à effets de serre, en recourant à des principes d'agro-écologie ou d'agriculture et arboriculture couplées. Bien sûr, on peut voir cela comme un simple report mais, en soi, c'est intéressant.

Pour plus de précisions, vous pourrez vous reporter à l'intervention du ministre de l'agriculture, le 17 mars 2015 à Montpellier, lors de la conférence scientifique internationale « Agriculture intelligente face au climat ».

M. Claude Roy. - Lors du sommet de La Haye, précédant le sommet de Kyoto, les États-Unis d'Amérique avaient fait une proposition de ce type, visant à faire absorber par les sols les émissions de gaz à effet de serre ; cette proposition avait été rejetée par l'Europe.

M. Hubert Boizard. - Rappelons que, du point de vue de l'agronome, la priorité est déjà de ne pas réduire les surfaces qui stockent le carbone, comme les prairies et les forêts. C'est le contenu du projet de directive européenne sur les sols. En revanche, pour des terres arables, au taux de carbone naturellement plus faible, mon propos est quelque peu contradictoire avec ce qui a été dit. En effet, utiliser la paille pour fabriquer de l'éthanol revient à puiser sur les réserves de stockage. Notre objectif est d'atteindre un équilibre en termes de carbone, non de stockage. C'est un choix.

Toutefois, depuis quelques années le système des cultures de couverture après la récolte, dites intermédiaires, est désormais obligatoire. Or ces cultures contribuent de façon significative au stockage du carbone. Des équilibres sont donc à trouver entre deux voies : stocker ou transformer.

M. Daniel Perron. - Pour revenir sur la nécessité de gérer la forêt, évoquée par MM. René-Paul Savary et Claude Roy, je souligne que cette gestion nécessite des moyens. Or l'ADEME préconise de passer de 48 % à 75 % de prélèvement sur l'accroissement naturel en 2030. La bioénergie ne pourra se développer en aval sans accroissement de la production de biomasse initiale. Le ministère de l'économie ne doit l'oublier ni pour la forêt publique ni pour la forêt privée.

M. Jean-Christophe Pouet. - La lutte contre le gaspillage alimentaire constitue un autre axe important de la bioéconomie qui permettra de dégager des surfaces agricoles.

M. André-Jean Guérin. - Réaffirmons également qu'il n'y a aura pas de développement de la bioéconomie sans un renchérissement du prix de l'accès aux carburants et aux combustibles fossiles.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page