II. PREMIÈRE TABLE RONDE : FILIÈRES - ÉTAT DES LIEUX - PERSPECTIVES

M. Christophe Rupp-Dahlem, président de l'association Chimie du végétal (ACDV) . - Je suis en charge de l'innovation au sein du groupe Roquette pour les produits biosourcés. J'interviens ici en tant que président de l'association Chimie du végétal, qui réunit les différents acteurs industriels de ce domaine en France. Nous regroupons une cinquantaine de représentants de sociétés appartenant à toutes les filières (céréales, huile, cellulose, algues...), ainsi que les principaux acteurs de la chimie en France (Arkema, BASF, Chimex, Total, Solvay...). En effet, de très nombreuses industries utilisent des produits chimiques issus de l'amont pour créer des substances que l'on retrouve dans les peintures, les matières plastiques, les pièces pour automobile, l'emballage, les cosmétiques, les détergents, la construction. La chimie utilise environ 10 % de ressources issues de la biomasse pour ses approvisionnements, 90 % provenant encore de bases fossiles. L'objectif est de doubler le volume de produits biosourcés à horizon 2020, et le secteur est en pleine croissance.

Nous accueillons également des sociétés qui se trouvent en contact direct avec le consommateur, comme Michelin ou des distributeurs, des sociétés d'ingénierie, des sociétés financières, des entreprises émergentes spécialisées dans les biotechnologies... Nous représentons donc tous les acteurs et pôles de compétitivité impliqués dans l'utilisation de la biomasse dans la fabrication industrielle de produits et matériaux : le pôle IAR (Industries & Agro-Ressources), Axelera, Xylofutur, Fibres-Energivie, Matikem, Pass...

Notre objectif n'est pas de labelliser ou de développer des projets d'innovation - ce qui est le rôle des pôles de compétitivité ou des Instituts pour la Transition Énergétique (ITE) - mais d'accompagner les projets, au niveau français ou européen, et de créer un environnement favorable à l'émergence de projets industriels, sources d'affaires et d'emplois en France.

Nous agissons à trois niveaux.

Le premier est celui de la communication, par le biais de notre site ou de congrès. Nous organisons ainsi, tous les deux ans, un congrès sur la chimie et les matériaux regroupant six cents personnes venues de France et d'Europe. La dernière édition, qui s'est tenue à Lille, a accueilli 30 % d'étrangers.

Nous menons également une action sur la réglementation. Nous sommes en charge du groupe sur les normes à l'AFNOR (Association Française de Normalisation), et nous représentons la France au sein du CEN (Comité Européen de Normalisation) pour les normes sur les produits biosourcés (TC 411).

Enfin, nous travaillons sur les orientations possibles de la réglementation afin que l'utilisation de la biomasse dans les produits chimiques soit de plus en plus importante.

Notre association, créée en 2015, comprend l'Union des Industries Chimiques (UIC), la Fédération des Industries des Peintures, Encres, Couleurs, Colles et Adhésifs (FIPEC), et ELIPSO, le syndicat des entreprises de l'emballage plastique et souple.

La bioéconomie consiste en l'utilisation des ressources de la biosphère. Ses trois piliers sont l'alimentaire, l'industrie et l'énergie. Elle constitue un concept global qui recherche un équilibre et une complémentarité des usages. La biomasse peut ainsi être utilisée à différentes fins complémentaires et la synergie entre les usages crée la résilience de la bioéconomie.

La filière du biosourcé utilise donc la biomasse pour la transformer en produits et matériaux, et en recycler ou composter une partie. Se crée ainsi un cercle vertueux permettant d'organiser le système en boucle.

Il existe mille définitions de la bioéconomie, politiques ou techniques. Elle consiste, selon nous, en la production durable, à partir de la biomasse, de produits pour les marchés alimentaire, de la nutrition animale, industriels et de l'énergie.

La bioéconomie en général représente aujourd'hui, selon Nova Institut, 300 milliards d'euros et 1,8 million d'emplois en France. Ces chiffres comprennent l'agriculture, la pêche, les bioénergies, la chimie du végétal. La bioéconomie pèse donc un poids considérable : elle représente, en France et en Europe, près de 10 % des emplois.

La part de la chimie du végétal dans cette économie est estimée autour de 10 milliards d'euros de chiffres d'affaires.

L'ADEME a réalisé, en 2012, une étude sur l'ensemble de la filière, qui regroupait alors 23 000 emplois directs. L'objectif est de doubler, avant 2020, l'utilisation de matières premières issues de la biomasse et de doubler également le nombre d'emplois créés.

La France possède des atouts indéniables dans le secteur du fait de ses richesses agricoles, de ses grandes entreprises de transformation et de chimie - nous sommes, en effet, le deuxième pays européen au niveau de la chimie. Les pôles de compétitivité, l'INRA, le CNRS et les ITE (Instituts pour la Transition Énergétique) sont également des atouts pour le pays.

J'aborderai la question de l'utilisation de la biomasse en termes de surfaces agricoles. 1,4 milliard d'hectares sont cultivés dans le monde, et la chimie du végétal représente 6 millions d'hectares. L'impact de cette activité sur les surfaces arables est donc marginal puisqu'il représente moins de 1 % des terres. L'objectif de doublement des surfaces nous situerait donc autour de 2 % des surfaces agricoles.

Les terres cultivables mais actuellement non utilisées dans le monde, au Brésil ou en Europe de l'Est notamment, représentent 1,6 milliard d'hectares. Il existe donc un réservoir pour le développement de la bioéconomie. À titre d'exemple, la production de bioplastiques n'utilise aujourd'hui que 0,1 % des terres agricoles, ce qui est négligeable. Nous pouvons parler d'équilibre puisqu'il n'existe pas de conflit entre les différentes utilisations des surfaces agricoles.

L'utilisation de la biomasse nécessite plusieurs étapes :

- La première est celle de la bioraffinerie, qui s'effectue sur toutes les bases : bois, résidus, céréales, pommes de terre... On extrait puis sépare les différents composés : cellulose, fibre, amidon, sucres, protéines, huiles, lignines.

- La seconde étape est la conversion, c'est-à-dire la transformation de ces composés en nouveaux produits, destinés aux consommateurs.

Deux notions sont déterminantes dans le schéma de la bioraffinerie : le système de cascade et la dimension circulaire. Le système de cascade consiste à valoriser au mieux les produits issus des bioraffineries. La circularité consiste à fermer la boucle du processus, en compostant ou en recyclant les déchets. Enfin, l'énergie sert à clore le cycle de cette efficacité systémique.

Prenons pour exemple la bioraffinerie sur une base de céréales, comme le blé et le maïs. Il existe deux tiers d'amidon dans les grains, qui serviront à fabriquer des matériaux, et un tiers de protéines, utilisable dans des applications alimentaires et pour la nutrition animale. L'augmentation de la production de maïs fera donc croître, de facto , l'utilisation de ces deux ressources.

La chimie du végétal ne constitue plus une simple opportunité mais une pleine réalité, et de nombreux produits sont aujourd'hui biosourcés : pièces automobiles et murs transparents anti-bruit, par exemple.

M. Arnaud Chaperon, directeur prospective de la branche énergies nouvelles, Total. - Je présenterai les biotechnologies sur base de sucre, un domaine dans lequel Total travaille depuis plusieurs années.

Il s'agit de transformer du sucre par fermentation à partir de levures génétiquement modifiées, afin de fabriquer, dans des réacteurs fermés, une gamme très large de bioproduits allant des biocarburants à la biochimie, sur la base du carbone et de l'hydrogène. Cette technologie est développée en recherche et développement entre la Silicon Valley et la France.

La société américaine Amyris, dont nous sommes actionnaires, possède, au Brésil, une usine qui fabrique la molécule farnésène, une base servant à fabriquer toute une gamme de produits : biosolvants, biolubrifiants... La production atteint plusieurs millions de litres mais la baisse des coûts prend plus de temps que nous ne l'avions prévu. Or elle est nécessaire pour pouvoir produire de manière économique sans aucune subvention. Les coûts de production tiennent pour 60 % au coût du sucre, passé de 20 dollars à 12 dollars par livre ; baisse toutefois insuffisante pour conquérir un marché de masse. Nous travaillons par conséquent sur des marchés beaucoup plus ciblés, des niches comme les cosmétiques, usuellement à base de squalane (huile de foie de requin) à quoi nous substituons nos produits glucosourcés, ou les produits de base pour l'industrie des parfums. Ces produits fonctionnent très bien mais nous devons désormais entrer dans un cercle beaucoup plus vertueux, en baissant nos coûts pour proposer des produits de masse.

Nous avons encore besoin de plus de recherche pour abaisser les coûts et réaliser notre objectif d'entrer, d'abord, sur le marché des lubrifiants puis sur celui des biojets, qui ouvre des perspectives beaucoup plus importantes en termes de volumes.

Un vol Paris-Toulouse se fait déjà, depuis octobre 2014, avec 10 % de Farnésène dans l'un de ses réacteurs. Le produit, validé par tous les organismes internationaux de certification, fonctionne très bien. Nous pensons pouvoir gagner un facteur deux, voire trois, pour atteindre le stade économique sans aucune subvention sur le marché des biocarburants - biodiésels ou biojets . Trois à cinq ans de travail nous sont encore vraisemblablement nécessaires pour ce changement d'échelle.

Les biotechnologies fonctionnent également très bien sur les sucres cellulosiques. Notre usine brésilienne traite du sucre alimentaire issu de la canne à sucre mais nous étudions la possibilité d'obtenir le même produit à partir de sucre cellulosique, par déconstruction de la matière végétale, en particulier des déchets issus du bois. Nous participons ainsi au projet Futurol, avec des partenaires comme l'INRA, l'IFPEN ou Tereos. Le projet est de déconstruire la cellulose sur base enzymatique pour fabriquer de l'éthanol cellulosique. Aux États-Unis d'Amérique, nous travaillons avec une société émergente, Renmatix, qui a choisi une autre méthode : séparer l'albumine de la partie sucre du végétal. Nous en sommes, là aussi, au stade de la recherche et développement. L'objectif est de produire du sucre cellulosique à des prix plus compétitifs que le sucre alimentaire, soit moins de 10 centimes de dollar par livre.

M. Léon Duvivier, directeur technologies à la direction recherche et technologies, ENGIE. - ENGIE est un groupe fortement impliqué dans la transition énergétique, qui poursuit trois grands objectifs.

- Nous pensons, tout d'abord, que, pour réussir la transition énergétique, il faut augmenter les volumes de bois récoltés en France ainsi que toute autre biomasse valorisable. Cette évolution est, en effet, essentielle pour l'approvisionnement des réseaux de chaleur et pour les filières de demain.

- Notre second objectif est de développer le biométhane pour la mobilité. Selon l'ADEME, cette solution contribue largement à la réduction de la pollution atmosphérique, en particulier dans les villes.

- Enfin, nous voulons devenir le fer de lance de la production de biométhane par gazéification.

Le biométhane produit par la méthanisation biologique utilise les déchets organiques, alimentaires ou agricoles, tandis que la technique par gazéification ou méthanation utilise la biomasse sèche : bois, paille, ou résidus de ressources similaires.

Le développement de cette technologie en Europe est encore limité et se trouve au stade de la recherche et développement. Il existe trois démonstrateurs en Europe, dont le démonstrateur Gaya, largement soutenu par l'ADEME, situé dans la région de Lyon. Chacun développe des procédés totalement différents.

La recherche que nous avons entreprise nous a déjà permis de déposer huit brevets. Nous pensons qu'il est important de mettre en place un système de support au développement de ces technologies vers des installations industrielles. Une opportunité de développer un nouveau secteur de production industrielle s'offre, en effet, à la France. L'objectif de Gaya est d'amener le biométhane à des coûts de production très inférieurs à ceux que l'on rencontre à l'heure actuelle, entre 60 euros et 80 euros par mégawattheure. C'est plus que le gaz naturel mais les conclusions auxquelles nous parvenons nous permettent d'affirmer que la rentabilité sera obtenue pour des installations de 10 à 20 mégawatts. Développées par un secteur industriel bien défini, elles permettront de faire appel à la ressource locale. Or il est essentiel de définir une économie locale pour éviter les frais de transport et les émissions de CO 2 .

Notre objectif est de bénéficier du financement approprié afin de passer d'une échelle de démonstrateurs et de pilotes à une première filière industrielle. Nous pourrons ainsi développer des technologies permettant de réduire les coûts de production.

Les résultats du pilote Gaya devraient être disponibles vers 2019, ce qui permettra ensuite un développement de la filière.

M. Jean Sacreste, directeur de Veolia en Lituanie et président de Vilnius Energia. - Veolia est un acteur majeur dans les secteurs de l'eau, du service à l'énergie et des déchets. La biomasse se situe au croisement de toutes les problématiques auxquelles nous sommes confrontés, en matière d'économie circulaire, de transition énergétique et de lutte contre le réchauffement climatique. J'essaierai de montrer en quoi la biomasse peut constituer une réponse très positive à ce type d'activités.

Nous intervenons sur deux filières assez différentes :

- dans la deuxième partie du traitement de la bioéconomie, c'est-à-dire lorsque la biomasse est devenue un déchet qui doit être valorisé ;

- en première intention, lorsque la biomasse est utilisée directement à des fins énergétiques.

C'est sur la valorisation des déchets que nous avons poussé l'innovation technologique le plus loin. Cette filière regroupe :

- l'énergie issue de bois déchet ;

- les usines d'incinération d'ordures ménagères. Je rappelle, à ce propos, que 50 % des ordures ménagères sont considérées comme renouvelables : il s'agit d'une biomasse, en grande partie alimentaire ;

- le biogaz, essentiellement du méthane, beaucoup plus nocif en termes d'effet de serre que le CO 2 ; nous traitons aujourd'hui environ 175 millions de mètres cubes de biogaz ;

- la méthanisation.

La filière déchets mériterait d'être clairement identifiée et considérée comme un élément de réponse important dans le traitement ultime de la filière biomasse. Le traitement des déchets, à des fins énergétiques ou par recyclage, assure le bouclage de l'économie circulaire de la biomasse.

La seconde voie est celle du bois considéré comme combustible. Ses caractéristiques sont extrêmement intéressantes et la France, pays forestier, a tout intérêt à développer cette piste. Le bois est une matière première renouvelable, stockable, c'est-à-dire non intermittente, et locale. L'intermittence est l'une des principales difficultés rencontrées dans le développement des énergies renouvelables, tant pour l'éolien que pour le solaire. Le caractère stockable de la biomasse lui permet, au contraire, de constituer une ligne de base de production de chaleur ou d'électricité.

Nous avons démarré notre activité en Lituanie en 2000, dans un pays qui ne possédait pas de valorisation énergétique de la biomasse. Aujourd'hui, la moitié des réseaux de chaleur lituaniens est assurée par la biomasse. Le pays a été confronté à la multiplication du prix du gaz par quatre entre 2005 et 2008. La filière s'est donc mobilisée pour convertir les installations existantes à la production d'énergie à partir de la biomasse forestière. Il s'agit d'un résidu de forêt qui est immédiatement valorisé, puis recyclé par réépandage des cendres sur le sol forestier, ce qui maintient la minéralisation de la ressource.

La valorisation énergétique peut être envisagée selon deux stratégies différentes.

La première repose sur la cogénération à haute efficacité, c'est-à-dire une production simultanée de chaleur et d'électricité. Ce choix suppose des installations centralisées représentant des volumes et des investissements importants.

La seconde option, qui devrait être fermement soutenue en France, consiste à créer des boucles locales de production de chaleur, associées à de petits réseaux alimentant quelques bâtiments, des quartiers, des bâtiments communaux... L'intérêt de cette voie est son rendement énergétique extrêmement élevé, puisqu'on ne produit que de la chaleur, et également le caractère limité des investissements nécessaires. Cette filière se heurte pourtant à un problème de financement dans la mesure où le prix du gaz carbonique est très bas, aux alentours de sept euros la tonne. De ce fait, la filière de la valorisation énergétique n'est pas compétitive.

Par ailleurs, le système européen d'échanges se limite à vingt mégawatts de puissance. Il n'existe pas d'incitation sur de petites installations inférieures à cette puissance. Nous plaidons, par conséquent, pour une diminution des seuils de prise en compte du CO 2 dans les installations thermiques.

J'insisterai, enfin, sur la notion de boucle courte. En matière industrielle, il est intéressant de traiter le maximum de déchets issus du processus industriel in situ . Je prendrai l'exemple de Diageo en Ecosse, où nous avons installé, pour un fabriquant de spiritueux, une cogénération de biomasse, qui permet de traiter tous les résidus biomasse de l'usine. De ce fait, 98 % de la vapeur nécessaire à l'usine est produite à partir de résidus. 80 % de l'électricité provient également de cette source et le procédé a permis d'économiser 56 000 tonnes de CO 2 .

Toutes les solutions privilégiant les boucles courtes, dans le domaine municipal ou industriel, iront dans le sens du renouvelable, du local et de l'efficacité énergétique.

Mme Sabrina Fuseliez, responsable du département Bioénergie, Syndicat des énergies renouvelables. - Le Syndicat des énergies renouvelables, qui repose sur une équipe d'une vingtaine de personnes, regroupe environ quatre cents membres, couvrant toutes les filières des énergies renouvelables. Il s'organise autour de trois départements principaux : l'éolien, le solaire et la biomasse. Dans le domaine de la biomasse, nous représentons l'ensemble de la filière, du producteur aux énergéticiens, en passant par les cabinets d'étude ou d'avocats.

Le département Bioénergies comprend deux personnes qui s'occupent respectivement du chauffage au bois domestique et des bioénergies : bois énergie, biogaz, biocarburants... Notre champ d'action est celui de toutes les énergies concernées : électricité, gaz, carburant.

En soutenant les énergies renouvelables, nous avons pour objectif d'augmenter l'autonomie énergétique de la France, de limiter les gaz à effet de serre, de valoriser les ressources locales, de créer des emplois. L'enjeu est également de trouver des compléments de revenus pour les acteurs de la filière.

Nous évoluons dans le contexte du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte. Ce projet comprend deux points particulièrement importants : l'évolution des mécanismes de soutien aux énergies renouvelables (ENR) électriques. Ce point concerne surtout le biogaz, moins le bois, exploité surtout pour produire de la chaleur ; la programmation pluriannuelle de l'énergie doit, par ailleurs, être fixée en janvier 2016 et concernera toutes les filières, avec des trajectoires et des enveloppes financières affectées.

De nombreuses actions et orientations politiques vont soutenir plus ou moins notre filière : la loi d'avenir pour l'agriculture, l'agroalimentaire et la forêt, le Programme d'action national sur le bois, le Comité de stratégie filière bois, les lois de finances. Citons également les travaux du Comité national du biogaz, lancés par la ministre de l'écologie au printemps 2015, un appel d'offres Biomasse 2015 et différents appels à projets sur les méthaniseurs.

Certains éléments ne sont, en revanche, guère favorables au développement des bioénergies : la baisse des prix du CO 2 et des énergies fossiles, qui affecte la compétitivité des ENR, la baisse globale des budgets, et, enfin, toute une série de textes en cours de préparation qui créent un manque de visibilité et freinent les prises de décision.

Nous nous sommes fixé un objectif de 23 % d'énergies renouvelables pour 2020. Actuellement, nous nous situons autour de 14 %, et les dernières projections indiquent un taux d'ENR d'environ 17 % en 2020. Il faut donc augmenter la part de toutes les ENR.

Le projet de loi en cours de discussion pose l'objectif de 32 % d'énergies renouvelables en 2030, avec 40 % pour la production d'électricité, 38% pour la consommation finale de chaleur, soit un enjeu très fort pour le bois, 15 % dans la consommation finale des carburants et 10 % dans la consommation de gaz.

La fixation de ce dernier objectif, pour le gaz, permettra une évolution forte de la filière, qui ne s'était pas vu assigner d'objectifs jusqu'à présent.

Ces objectifs sont à mettre en relation avec les objectifs de réduction de la consommation énergétique de 50 %.

La biomasse constitue aujourd'hui la première énergie renouvelable, dont elle représente 65 %. Le bois énergie compte pour 45 %, les biocarburants pour 11 %, les déchets ménagers pour 7 %, le biogaz pour 2 %.

En 2020, elle représentera 58 % des énergies renouvelables, dont 83 % de chaleur renouvelable et 90 % d'énergie renouvelable dans les transports.

Les bioénergies représentent une part très importante des énergies renouvelables, 9 % de notre consommation d'énergie sur les 14 % revenant à l'ensemble des énergies renouvelables.

Le bois énergie représente 45 % de la production actuelle d'ENR. La France possède la troisième forêt d'Europe en surface, soit 30 % de son territoire. La ressource peut toutefois être difficile à mobiliser du fait de son caractère morcelé avec 3,5 millions de propriétaires. On compte actuellement 100 millions de mètres cubes d'accroissement naturel par an alors que la moitié seulement du domaine est utilisée. Nous avons là un défi à relever.

Les perspectives sont les suivantes. Pour le chauffage au bois domestique, l'objectif est de passer de 5,75 millions de logements équipés en 2006 à 9 millions en 2020, tout en conservant la même consommation de bois (7,4 millions de Tep en 2020). Le renouvellement des appareils permettra d'améliorer les performances de chauffage. Nous travaillons sur ce sujet avec l'ADEME qui a créé le label « Flamme verte ».

Dans le domaine du chauffage pour le secteur collectif tertiaire et industriel, on constate un ralentissement des installations. Ce fait s'explique aisément : les installations les plus faciles à mettre en oeuvre ont déjà été réalisées ; les autres sont plus complexes. Par ailleurs, le contexte n'est pas favorable à la compétitivité de nos installations.

Concernant la cogénération, c'est-à-dire l'utilisation du bois pour produire de l'électricité et de la chaleur, on observe un net ralentissement par rapport aux prévisions. Les choix politiques actuels ne sont pas forcément en faveur de cette option.

Nous attendons beaucoup de l'AMI (Appel à Manifestation d'Intérêt) DYNAMIC Bois, mis en place par l'ADEME.

Dans la filière biogaz, on dénombre cinq cents sites en fonctionnement dont douze sites d'injection - il en existe plus de huit mille en Allemagne. Un potentiel énorme existe cependant : le biogaz sera à 90 % d'origine agricole et la France est la première puissance agricole d'Europe.

La filière des biocarburants tend à stabiliser ses productions en fonction des plafonnements qui lui sont imposés : on attend donc beaucoup des objectifs futurs d'incorporation. Les filières françaises sont parmi les premières à avoir développé le schéma de développement des biocarburants dans des conditions durables. Ce secteur représente plus de trente mille emplois, trente unités industrielles, deux milliards d'euros d'investissements. On attend beaucoup de ces biocarburants pour le secteur des transports en raison des externalités positives de cette filière.

M. Jean-Luc Duplan, expert biomasse pour l'énergie et la chimie, IFP Énergies nouvelles (IFPEN). - L'IFP Énergies nouvelles est un établissement public à caractère industriel et commercial qui place l'excellence scientifique au coeur de ses préoccupations mais qui a toujours conduit ses recherches avec un objectif industriel.

Historiquement, l'IFPEN a travaillé du laboratoire au démonstrateur, excellant sur la scène internationale académique tout en développant des filières industrielles, comme Technip ou Axens, en tête dans son secteur. L'IFPEN et ses filiales ont créé des centaines d'emplois ces dernières années ; son chiffre d'affaires avoisine le milliard d'euros. Il est le seul établissement public de recherche à s'autofinancer à hauteur de 50 % grâce à ce modèle.

Nous entendons passer du carbone fossile au carbone végétal, tout en maintenant cette volonté de créer des filières industrielles économiquement viables. Le projet est de codévelopper, avec des petites et moyennes entreprises (PME) et des entreprises de taille intermédiaire (ETI), une contribution à des filières éco-industrielles et de contribuer à l'émergence de nouvelles filières. La France a été à la pointe du développement des biocarburants de première génération grâce à une collaboration entre le monde agricole et le monde pétrolier.

L'IFPEN est propriétaire de la technologie qui produit plus de 50 % du biodiesel français et un peu moins de 10 % du biodiesel mondial.

L'objectif est désormais d'utiliser une matière première non alimentaire, la lignocellulose, pour développer de nouveaux carburants et des produits chimiques biosourcés. L'IFPEN copilote actuellement le plan Nouvelles ressources qui succède au plan industriel Biocarburants-Chimie verte.

Pour plusieurs années encore, ce sont le pétrole et les produits fossiles qui seront à l'origine de nos carburants et de nos intermédiaires pétrochimiques. On fabrique, à partir de produits pétrosourcés, des complexes pétrochimiques, des grands intermédiaires puis des produits finis utilisés dans la vie courante.

Pour construire le même processus à partir du carbone végétal, l'IFPEN en adopte deux approches.

La première consiste à introduire progressivement du carbone végétal dans les filières existantes. On fabrique à partir de la biomasse des molécules plateformes, par exemple de grands intermédiaires comme l'éthylène ou le propylène ; puis on utilise la filière industrielle existante pour y introduire de plus en plus de carbone végétal de façon économique.

Une seconde approche, plus complexe, consiste à créer de nouvelles molécules, biosourcées, pour des usages actuels ou nouveaux. De nombreuses contraintes réglementaires, d'ouverture de marchés et d'acceptabilité sociale se présentent alors. Cette voie est toutefois possible et nous y travaillons également.

La bioéconomie, pour les biocarburants et la chimie biosourcée, passe, d'abord, par le remplacement des grands intermédiaires pétrochimiques. Il s'agit d'introduire la chimie biosourcée en intégration avec les biocarburants comme on le fait dans une raffinerie pétrolière. Cette mise en oeuvre nécessite des coûts de production acceptables, proches de ceux des produits fossiles. Parfois, le fait de combiner les deux sources permet d'accéder à certains marchés.

L'empreinte environnementale d'un produit biosourcé doit, enfin, être moindre que celle d'un produit fossile. Or, il arrive que le contraire se produise.

Cette empreinte varie en fonction des filières utilisées. Ainsi, lorsque l'on utilise du lignite pour apporter l'énergie nécessaire à la distillation, on augmente le bilan CO 2 . Il faut donc veiller à limiter ces effets.

On peut également fabriquer à partir de biomasse cellulosique (bois ou paille) des produits destinés au transport.

Ainsi, le projet BioTfuel que nous menons avec Total et d'autres acteurs a pour objectif de fabriquer du biogazole et du biokérosène, des carburants de synthèse issus de la biomasse.

Le projet Futurol vise, pour sa part, à fabriquer du bioéthanol de deuxième génération à partir de cellulose du bois et de la paille.

Le procédé Atol permet de produire du bio-éthylène sans recourir à des produits fossiles. Il est déjà disponible et notre filiale Axens fabrique de l'éthylène pour des matières plastiques.

Enfin, la fabrication de butadiène biosourcé est développée par l'IFPEN et Axens en association avec Michelin, très intéressé par ce produit. Le projet est cofinancé par l'ADEME. Nous avons l'espoir qu'une part significative de nos pneumatiques soit fabriquée, demain, à partir de produits biosourcés.

Certains procédés, développés avec succès sur du carbone fossile, peuvent l'être également sur du carbone végétal. C'est le cas de l'Alphabutol, par exemple, développé par Yves Chauvin, qui a reçu le Prix Nobel en 2005. On le voit, il n'existe pas d'antinomie entre l'excellence scientifique et le développement industriel.

L'IFPEN a bon espoir de construire, dans les années à venir, des filières industrielles et technologiques à partir de l'innovation sur du carbone végétal. Ce développement répondra au besoin des consommateurs mais aussi des acteurs de l'industrie chimique. Il passe par une offre technologique sur les grands intermédiaires sur laquelle l'IFPEN travaille énormément. La moitié de son activité est, en effet, consacrée aux nouvelles technologies de l'énergie hors fossile. La moitié des brevets que nous déposons concerne ce domaine et l'IFPEN a été classé parmi les cent entreprises les plus innovantes au niveau mondial.

En France, nous avons des champions des technologies de développement pour faire du carburant et de la chimie ; notre monde agricole demeure très performant. En combinant astucieusement des décisions publiques, une bonne organisation du monde agricole et des développeurs technologiques, nous pouvons donc espérer, sans aucun doute, développer demain une nouvelle bioéconomie française.

M. Hermann Höfte, directeur adjoint de l'unité « Institut Jean-Pierre Bourgin », unité mixte de recherche INRA/AgroParisTech/CNRS, centre INRA de Versailles-Grignon, INRA. - Je vais vous présenter les recherches de l'Institut national de la recherche agronomique (INRA) sur le développement de nouvelles cultures de la biomasse.

La production de biomasse repose sur un bouquet de ressources : le bois, la betterave, la paille et les cultures intermédiaires ainsi que des cultures spécifiques au niveau local.

Parmi ces cultures spécifiques, on trouve des taillis à courte rotation mais aussi des graminées pérennes, ou C4, c'est-à-dire offrant un degré de photosynthèse très élevé même dans des situations de stress hydrique. Ce type de culture est très indiqué pour produire de la biomasse de façon efficace et durable.

Le haut rendement des graminées pérennes permet de limiter les surfaces agricoles utilisées. En outre, d'un point de vue environnemental, ces cultures nécessitent très peu d'intrants et produisent de ce fait très peu de gaz à effet de serre. Elles demandent très peu d'intervention. Enfin, comme ce sont des plantes à rhizomes, elles réduisent l'érosion et sont adaptées aux terres marginales.

Le dernier volet du processus consiste à adapter ces cultures à un usage industriel. Ainsi, le miscanthus est récolté au printemps. Il possède donc une faible teneur en eau, ce qui le rend intéressant pour la combustion.

Le système de rhizomes de cette graminée lui permet de stocker de l'azote pendant l'hiver qu'elle récupérera ensuite pendant la période de croissance. Sa culture nécessite, par conséquent, très peu d'apport d'azote, ce qui est intéressant en matière de durabilité.

La culture de miscanthus est encore marginale en France, avec trois mille cinq cents hectares cultivés.

Certains freins à son développement existent encore. Seul un clone est actuellement cultivé et son coût d'implantation demeure assez élevé car il s'agit d'un hybride stérile qui doit être propagé par ses rhizomes.

La domestication de l'espèce constitue donc un enjeu : le miscanthus est une espèce sauvage que nous devons adapter aux besoins industriels même si ses propriétés sont déjà considérables.

Les cibles d'améliorations concernent essentiellement le système de reproduction du miscanthus afin qu'il puisse se multiplier par les graines. La question de son caractère invasif est, en revanche, maîtrisée.

Il importe également d'élargir la base génétique. En effet, nous ne pouvons implanter un seul clone dans la nature. Cela poserait des problèmes au niveau phytosanitaire. Il est également souhaitable de mélanger les espèces-variétés dans un même champ pour améliorer la biodiversité.

Nous avons également défini des cibles d'architecture et d'anatomie, comme l'augmentation de la densité tissulaire afin d'élever les rendements.

Enfin, on peut jouer sur l'amélioration de la plante pour faciliter l'extraction de sucre de la cellulose. Des avancées récentes ont permis de modifier la lignine en ce sens. On peut également travailler sur la teneur en cendres pour améliorer la combustion de la plante.

M. Daniel Perron, directeur de la prospective, Office national des forêts (ONF). - Je vais vous parler de la biomasse vue sous l'angle de l'Office national des forêts (ONF).

L'espace forestier français représente seize millions d'hectares, soit 30 % du territoire. L'ONF gère 25 % de cet espace.

Un membre du Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) disait que « la filière bois n' [était] pas clairement définie ». Or, nous sommes face à un enjeu de solidarité qui est très fort au sein de la filière. L'ONF produit du bois mais il ne peut exister d'économie de filière sans une certaine solidarité des maillons. Cette question pose déjà le problème de la gestion de la biomasse en général.

On estime que la filière économique représente cinquante milliards d'euros de chiffre d'affaires annuel et quatre cent mille emplois, soit le double de la filière automobile. Pour certaines régions, comme le Grand Est, elle constitue une ressource économique fondamentale. Il existe onze mille communes forestières qui vivent du bois.

Le morcellement très fort de l'espace forestier privé peut poser problème. La filière réunit l'ONF et mille sept cent quarante-quatre scieurs (en 2010). Ajoutons que 35 % du sciage en France provient de bois importé : il existe un réel problème d'adéquation entre les besoins de sciage et la ressource disponible en France.

La filière bois est également confrontée au problème de l'acceptabilité sociétale des coupes. La vision de la forêt tend à se patrimonialiser et il est de plus en plus difficile de couper du bois. Il faut donc faire comprendre au public et aux autorités que la gestion d'une forêt consiste à couper et à replanter. Rien n'est plus naturel.

L'ONF, établissement public industriel et commercial, a été créé en 1964. Il gère les dix millions d'hectares de forêts et espaces boisés des personnes publiques, et assure 40 % de la production nationale de bois d'oeuvre. L'intégralité de la production de l'ONF est valorisée en « programme européen des forêts certifiées (PEFC) », ce qui est un gage de durabilité.

L'ONF poursuit trois missions d'intérêt général : la défense de la forêt contre les incendies (DFCI), la protection des dunes et la gestion des forêts dans les départements d'outre-mer (DOM). La Guyane accueille la plus grande forêt française. L'Office comprend 9 300 agents, et offre un maillage territorial parfaitement intégré à la forêt.

Dans notre gestion de la biomasse, nous rencontrons la problématique de la temporalité. L'économiste allemand Martin Faustmann expliquait que l'on ne devait pas calculer la valeur de peuplement non encore exploitable à partir de la valeur marchande du bois présent actuellement sur les surfaces mais avec la valeur des usages probables de ces bois parvenus à l'âge de l'exploitabilité. Or il est bien difficile d'estimer la valeur d'un chêne planté aujourd'hui et exploité dans cent cinquante ans. Les coûts, en revanche, sont précisément calculables. Nous rencontrerons en particulier, dans un avenir plus ou moins proche, une problématique de biomasse singulière : celles des forêts de « restauration des terrains en montagne » (RTM). Elles sont désormais âgées de plus d'un siècle et doivent être régénérées ce qui implique un coût élevé étant donné la nature des terrains. Ce bois coûtera donc beaucoup plus cher à exploiter qu'à vendre et nous serons confrontés à une problématique économique très forte.

Or cette biomasse est essentielle pour la montagne puisqu'elle fixe les sols et abrite la faune.

Se pose également le problème de l'adaptation de la forêt au réchauffement climatique. Les cartes de l'INRA révèlent, en effet, un fort accroissement du pin maritime et du chêne sessile. L'ONF doit donc réfléchir aux essences qu'il replante et à sa révision de la foresterie.

Le choix des essences constitue également un enjeu industriel et technologique : ainsi, la demande de l'aval porte principalement sur les résineux.

L'enjeu carbone devient également extrêmement important : il fera l'objet des débats de la COP21 prochainement.

La forêt constitue une biomasse stratégique pour « l'économie du nouveau monde », pour reprendre les termes de Mme Corinne Lepage dans son récent rapport à Mme la ministre Ségolène Royal.

Quatre problématiques s'imposent au sein d'une problématique plus large qui est celle de la biodiversité. L'équilibre entre la faune et la flore doit, en effet, être préservé, et nous devons gérer la faune, particulièrement le grand gibier, au sein des forêts.

Les quatre grands domaines concernés par la ressource bois sont les suivants :

- la production de bois massif concerne le BTP, la marine, l'ameublement, la tonnellerie... Le matériau bois est à la fois millénaire et très technique, comme en témoigne le pavillon français réalisé à Milan pour l'exposition universelle qui est réalisé en bois ;

- la fibre de bois est également utilisée pour les meubles, la marine ou encore le papier. Par ailleurs, la toute nouvelle industrie de l'imprimerie 3D utilise le filament bois ;

- la chimie verte et la pharmacie constituent également des usages de la biomasse forestière ;

- enfin, 45 % des énergies renouvelables proviennent du bois. La ressource est chère mais crée une « économie grise » et permet la pratique de l'affouage.

Les opportunités pour la filière sont les suivantes :

- l'existence d'un diagnostic partagé avec la création d'un comité stratégique de filière, en décembre 2014, qui représente une avancée considérable ;

- la diversification des usages et des matériaux qui crée un « mix énergétique » ;

- l'horizon carbone. M. Claude Roy a écrit un très bon article sur la rotation forestière ; une problématique que l'ONF essaie de gérer au mieux.

Je termine en indiquant que pendant les huit minutes de mon intervention, mille deux cent quatre-vingt-seize mètres cubes de bois ont été produits.

M. Roland Courteau . - Je remercie tous les intervenants, dont les propos ont permis de cerner les tendances sur le sujet et, par conséquent, de mesurer ce qu'il faudrait entreprendre pour atteindre nos objectifs.

M. Gérard Longuet , sénateur. - Je vous remercie pour cette initiative. Je suis très intéressé par la problématique du bois et de la biomasse, comme sénateur lorrain et comme partenaire du CEA dans le projet de Bure-Saudron. Le CEA est, en effet, le Commissariat à l'énergie atomique mais aussi aux énergies alternatives.

Je voudrais attirer l'attention des intervenants et, en particulier, de la représentante du syndicat des Énergies renouvelables, sur une conviction forte. Les énergies renouvelables sont prometteuses dès lors qu'elles se fixent d'atteindre un équilibre économique dans un environnement parfaitement instable - ce qui est complexe. En effet, la production d'énergie repose sur des investissements lourds dont l'amortissement suppose des périodes longues. Or, nous rencontrons, dans l'exploitation de la biomasse, des problèmes de mobilisation de la ressource et de stabilité des approvisionnements en quantité, en qualité et en prix. Nous rencontrons des blocages tels que les investissements sont soit de nature expérimentale et scientifique, soutenus par le contribuable, soit des opérations de proximité comme les réseaux de chaleur locaux. Je ne suis pas certain que ces systèmes soient pertinents dans un environnement instable ; on le voit avec le prix des énergies fossiles.

Le développement de la biomasse doit être analysé dans un contexte mondial qui offre de forts contrastes. En particulier, le foncier est très cher en Europe de l'Ouest, moins cher en France mais cette différence va s'amenuiser, augmentant par là-même le coût de la biomasse. Quant à la biomasse restante, non mobilisée, elle est très difficilement accessible. Le savoir-faire français peut toutefois s'exprimer dans d'autres régions du monde où l'accès à la biomasse est plus simple et la densité de population plus faible.

Nous savons réaliser des démonstrations en France mais il faut ensuite passer à des réalisations en grandeur nature. Or, dans toute expérimentation, la phase industrielle est ce que l'on appelle « la traversée de la vallée de la mort ». Pour mobiliser des fonds de l'ordre de plusieurs centaines de millions d'euros, il faut apporter aux investisseurs les gages d'une certaine crédibilité. Or, entre le laboratoire et l'industrie, il existe des projets très chers qui dépassent l'échelle du laboratoire sans constituer pour autant des projets économiquement viables. Nous ne savons pas traverser la vallée précitée dans une économie qui peine à mobiliser les fonds publics, d'autant que les principales applications de ces projets ne sont pas destinées à la France mais à des régions où l'énergie est coûteuse, la densité de population faible et l'accès à la biomasse simple : en un mot, le contraire exact de la France.

De plus, l'acceptabilité sociale de l'exploitation de la biomasse n'est pas établie. Nous devons construire une vision mondiale de la bioéconomie car ce que nous allons construire nous le réussirons plutôt ailleurs que dans notre pays où, bien entendu, il faut saisir toutes les opportunités.

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