B. DE NOMBREUX SERVICES ÉTATIQUES EN CHARGE DE LA SÉCURITÉ DES TRANSPORTS TERRESTRES
1. Une mission assurée par la gendarmerie nationale sans dispositif particulier
Dans la mesure où 90 % du réseau ferré français relève de zones de compétence de la gendarmerie, la sûreté ferroviaire est une mission importante de la gendarmerie nationale.
Celle-ci ne dispose pas d'une unité spécialisée pour assurer la sécurité des transports ferroviaires ou des gares. Comme l'ensemble de ses autres missions, celle-ci est assurée par tous les effectifs d'une zone, sans spécialisation.
Cette organisation a l'avantage de la souplesse et de la complémentarité, permettant par exemple que des renseignements collectés dans un cadre soient utilisés au bénéfice d'une autre mission.
En outre, en cas de crise, l'ensemble des moyens d'une zone pourront être déployés pour faire face à une menace identifiée.
La sécurité ferroviaire peut alors bénéficier du renfort des pelotons de surveillance et d'intervention de la gendarmerie (PSIG), mobilisables immédiatement en cas de crise - par exemple l'attaque d'un train ou d'une gare isolée -, en attendant le renfort des unités spécialisées, en particulier le GIGN.
En 2010, la gendarmerie a renforcé son dispositif territorial pour mieux prendre en compte la mission de police ferroviaire, en répartissant 300 effectifs supplémentaires au titre de cet objectif dans 43 départements, au sein de 78 PSIG, de 19 brigades territoriales autonomes (BTA) et de 33 brigades de proximité (BP). Ainsi, 130 unités ont bénéficié de ce renforcement, allant de 1 à 8 personnes. Seules les régions de gendarmerie de Franche-Comté, du Limousin et de Corse n'ont pas été dotées d'effectifs supplémentaires.
Enfin, la gendarmerie nationale met à disposition de la préfecture de police de Paris un escadron de gendarmerie mobile, composé de 75 militaires, pour sécuriser le métro parisien . Toutefois, ce renfort a été redéployé vers d'autres missions depuis les évènements du 13 novembre dernier.
2. Un service spécifique en charge de la police ferroviaire au sein de la police nationale
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Le service national de la
police ferroviaire, service spécialisé de la police nationale
disposant d'une compétence nationale
Créé le 27 juin 2006, le service national de la police ferroviaire (SNPF), qui dépend de la direction centrale de la police aux frontières (DCPAF), dispose d'une brigade centrale des chemins de fer (BCCF), composée de 275 personnes, et exerce une autorité fonctionnelle sur les brigades de chemin de fer organisées à l'échelle des zones de compétence de la police aux frontières, qui rassemblent 271 personnes supplémentaires.
Le SNPF est compétent sur le territoire national, à l'exception de la zone relevant de la compétence de la sous-direction régionale de la police des transports (SDRPT), qui dépend de la préfecture de police de Paris mais assure une compétence en matière de protection des transports ferroviaires à l'échelle de l'ensemble de la région Île-de-France . Toutefois, sur ce ressort, le SNPF sécurise les trains pour les liaisons internationales 8 ( * ) . En effet, ce service sécurise les flux et non les emprises, qui restent de la compétence des services locaux de sécurité.
Le SNPF est organisé autour d'un pôle d'analyse et de gestion opérationnel (PAGO), qui comprend des officiers de liaison de la direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN), de la direction générale de la police nationale 9 ( * ) (DGPN) et du SDRPT ainsi qu'un représentant de la SNCF, qui coordonne les différents services opérationnels pour mener des opérations ciblées sur le réseau ou sur un certain type de délinquance.
Au plan local, la structure nationale est déclinée à l'échelle des zones de compétences de la police aux frontières (PAF) et fonctionne selon un schéma analogue : un « PAGO zonal » rassemble des officiers de liaison des différents services locaux de sécurité et assure leur coordination.
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Le cas particulier de la région
Île-de-France : une fonction de sécurisation assurée
par la SDRPT qui dispose d'un rôle de coordination propre à
l'échelle de la région
La sous-direction régionale de la police des transports (SDRPT), qui dépend de la direction de la sécurité de proximité de l'agglomération parisienne (DSPAP) de la préfecture de police de Paris a été créée par le décret n° 2003-932 du 1 er octobre 2003 portant création d'un service de police déconcentré chargé de la sécurité des personnes et des biens sur les réseaux de transport en commun de voyageurs par voie ferrée de la région d'Île-de-France et modifiant le code de procédure pénale. Elle assure la sécurisation des transports sur le ressort de la région Île-de-France .
Cette sous-direction dispose à cette fin de la brigade des réseaux franciliens (BRF), forte de 1 156 policiers , renforcée par des forces de la gendarmerie mobile 10 ( * ) , des compagnies républicaines de sécurité (CRS), ainsi que des forces militaires, mises à la disposition et placées sous le commandement de la SDRPT.
Ce dispositif s'appuie en outre sur les moyens des services de police et de gendarmerie d'Île-de-France et sur les moyens du service de sûreté de la SNCF (SUGE) et du groupe de protection et de sécurisation des réseaux (GPSR) de la RATP, dont l'action est également coordonnée par la SDRPT sur ce ressort.
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Les autres forces de
police
Plusieurs escadrons de compagnies républicaines de sécurité sont déployés pour assurer la sécurisation des gares. Ils sont mis à disposition des forces de police, pour assurer des missions de sécurisation ou de lutte contre l'immigration irrégulière.
Par ailleurs, à Marseille, Lyon et Lille, un service interdépartemental de sécurité des transports en commun (SISTC), relevant de la direction centrale de la sécurité publique (DCSP) 11 ( * ) , assure une mission de sécurisation de proximité dans les réseaux de transports locaux de métro, de tramway ou de bus en collaboration avec la brigade des chemins de fer zonale.
Enfin, des unités de sécurisation des transports en commun (USTC) sont implantées dans les villes de Montpellier, Saint-Étienne, Strasbourg, Nantes, Rouen, Bordeaux et Toulouse. Relevant également de la DCSP, ces unités assurent une mission comparable à celle des SISTC, sur un ressort plus limité.
Les effectifs des SISTC et USTC sont de 400 fonctionnaires de police , dont les trois-quarts sont affectés au sein des seuls SISTC.
3. Le rôle de sécurisation des gares et des réseaux également assuré par d'autres acteurs
• Les effectifs
militaires
Dans le cadre de l'opération Vigipirate, 317 militaires étaient déployés dans 30 gares pour assurer leur surveillance. Ils ont bénéficié d'un renfort de 249 militaires, à la suite des attentats du 13 novembre dernier, permettant d'assurer la surveillance de 17 gares supplémentaires.
Au total, 566 militaires sont donc mobilisés pour cette mission , qui est assurée par des équipes allant du trinôme à la section de 27 militaires.
Ils sont mis à disposition de la préfecture de police de Paris ou des directions départementales de la sécurité publique.
• La douane
La direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI) intervient également dans la mission de sécurisation des transports ferroviaires, dans le cadre de la lutte contre la fraude douanière . Ainsi, les douaniers effectuent des contrôles sur le fondement de l'article 60 du code des douanes, qui les autorise notamment à procéder à la visite des marchandises au moment où elles entrent sur le territoire national, leur permettant notamment de jouer un rôle essentiel dans la lutte contre le trafic d'armes.
Article 60 du code des douanes Pour l'application des dispositions du présent code et en vue de la recherche de la fraude, les agents des douanes peuvent procéder à la visite des marchandises et des moyens de transport et à celle des personnes. |
Près de 500 douaniers sont mobilisés sur la mission de sécurisation des transports ferroviaires, dont six brigades embarquées à bord des trains de la SNCF. Le tunnel sous la Manche ou la sécurisation de l'Eurostar mobilisent l'essentiel des effectifs.
La coordination de l'action des douanes et du SNPF s'effectue par le biais d'échanges très réguliers, peu formalisés, entre les directions interrégionales des douanes et les directions zonales de la police aux frontières.
Les liens entre la douane et la SNCF, qui y a détaché un cadre de la SUGE, ayant un rôle d'interface entre les deux entités, sont également très étroits, permettant une articulation des contrôles.
Par ailleurs, une convention de partenariat a été signée le 8 janvier 2013 entre la SNCF et la DGDDI, afin d'améliorer les relations entre les deux parties et permettre une meilleure coopération en matière de lutte contre la fraude douanière.
4. Une protection s'inscrivant vraisemblablement dans le cadre de la protection des organismes d'importance vitale
Le code de la défense définit un régime particulier de protection applicable à certains opérateurs, en raison des conséquences particulièrement graves pour l'ensemble du pays qu'aurait une attaque terroriste, un sabotage ou un acte de malveillance sur les installations qu'ils gèrent. L'article L. 1332-1 du code de la défense les définit comme les « installations et ouvrages, dont l'indisponibilité risquerait de diminuer d'une façon importante le potentiel de guerre ou économique, la sécurité ou la capacité de survie de la nation ».
En application de l'article R. 1332-2 du code de la défense, un arrêté du 2 juin 2006 fixe la liste des secteurs d'activités d'importance vitale 12 ( * ) . Dans ces domaines, les ministres coordonnateurs du secteur - ou le préfet du département si l'opérateur ne gère qu'un établissement - désignent des opérateurs d'importance vitale. Cette désignation s'effectue après avis de la commission interministérielle de défense et de sécurité des secteurs d'activités d'importance vitale, présidée par le secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN).
Parmi les secteurs d'importance vitale figurent notamment les transports . Si la désignation d'un opérateur d'importance vitale (OIV) est couverte par le secret de la défense nationale, certaines gares ou certains ouvrages, au regard de leur importance, relèvent très probablement de l'article L. 1332-1 du code de la défense.
L'article L. 1332-3 du même code prévoit que ces opérateurs doivent établir, en concertation avec le ministre coordonnateur ayant désigné l'opérateur et l'opérateur, un plan de de sécurité opérateur , soumis pour approbation au SGDSN. En cas de non-respect de leurs obligations, les opérateurs peuvent faire l'objet de sanctions pénales, en application de l'article L. 1332-7 du même code.
Ce plan porte bien sûr sur les mesures de protection des installations définies par l'article L. 1332-1 du code de la défense, désignées comme des points d'importance vitale (PIV).
Les mesures de protection des PIV font l'objet de contrôles réguliers par l'autorité administrative.
Enfin, au plan national, les directives nationales de sécurité précisent par secteurs d'activité les mesures du plan Vigipirate applicables au secteur d'importance vitale concerné, permettant d'articuler le régime de protection applicable avec le degré de menace constaté au plan national.
5. Le rôle encore trop marginal des polices municipales
Certaines polices municipales disposent d'une compétence de sécurisation des transports, de la ville ou de l'intercommunalité. En effet, le bon ordre et la sécurité dans les transports relèvent des missions générales du maire, en application de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales.
La police intercommunale des transports : l'expérience d'Orléans Cette police intercommunale des transports (tram, bus, navettes SNCF) a été créée en 2004. Elle agit dans le cadre du contrat local de sécurité dans les transports (CLST) de la communauté d'agglomération, signé par 18 communes sur 22. Les policiers intercommunaux, recrutés et gérés administrativement par l'EPCI, sont mis à la disposition des maires pour l'exercice de leurs missions opérationnelles et notamment la constatation d'infractions. Le service fonctionne en complémentarité avec la police nationale et la gendarmerie nationale. La police intercommunale est composée de 22 agents dont des policiers municipaux, des agents de surveillance et des agents de médiation. Les compétences judiciaires des policiers et les agents de surveillance s'exercent sur l'ensemble des 18 communes de l'agglomération signataires du CLST. Les principales missions de cette police intercommunale sont les suivantes : - assister le service contrôle du réseau de transport de l'agglomération orléanaise (lutte contre la fraude) ; - surveiller le réseau de transport de l'agglomération orléanaise par des patrouilles embarquées à bord des bus et trams du réseau ; - interpeller les auteurs d'infractions aux fins de présentation aux officiers de police judiciaire territorialement compétents, et intervenir sur des opérations spécifiques en coordination avec les services de la police nationale, de la gendarmerie et les polices municipales concernées.
Source : Rapport d'information
n° 782 (2011-2012) de MM. François Pillet
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Il existe toutefois aujourd'hui très peu de polices municipales ou intercommunales des transports. Leur cadre d'action est en effet compliqué, dans la mesure où les policiers de la structure intercommunale passent alternativement sous l'autorité du maire de la commune sur le ressort duquel ils interviennent.
Dès lors, le plein exercice de certaines compétences transférées au niveau de l'intercommunalité, en particulier le transport, nécessiterait d'être complété par un transfert concomitant au président de l'intercommunalité de la police spéciale relevant de cette compétence.
* 8 La sécurisation des gares internationales relève toutefois de la SDRPT.
* 9 Il s'agit d'un représentant de la direction centrale de la sécurité publique (DCSP).
* 10 Ce renfort est suspendu depuis le 13 novembre 2015 : Voir supra.
* 11 Cette direction étant elle-même rattachée à la direction générale de la police nationale.
* 12 Arrêté du 2 juin 2006 fixant la liste des secteurs d'activité d'importance vitale et désignant les ministres coordonnateurs desdits secteurs, n° NOR : PRMX0609332A.