VI. LES DERNIÈRES PROJECTIONS DU COR CONFIRMENT QUE NOTRE SYSTÈME DE RETRAITE N'EST TOUJOURS PAS SOUTENABLE FINANCIÈREMENT
La loi n° 2014-40 du 20 janvier 2014 garantissant l'avenir et la justice du système de retraite a donné pour mission au COR de produire un rapport annuel sur le système de retraite, qui doit permettre d'évaluer à la fois sa soutenabilité financière et son caractère équitable.
Ce rapport, adopté le 10 juin dernier, propose des projections financières plus pessimistes que ne l'étaient celles adoptées au mois de décembre dernier et que le COR avait présenté à la Mecss au mois de janvier.
A. LES HYPOTHÈSES DE PROJECTIONS SONT FONDÉES SUR CINQ SCÉNARIOS ÉCONOMIQUES DIFFÉRENTS, LES SCÉNARIOS LES PLUS OPTIMISTES APPARAISSANT TOUTEFOIS PEU CRÉDIBLES
Les projections financières réalisées par le COR dépendent de trois paramètres : la démographie française, la législation en matière de retraites et la situation économique du pays.
Par définition, la situation financière du système de retraite est étroitement liée à la démographie de notre pays, et notamment à la fécondité, à la mortalité, ainsi qu'au solde migratoire. Pour l'ensemble de ses scénarios économiques, le COR se base sur les hypothèses de l'Insee élaborées en 2011 et qui tablent notamment sur une fécondité de 1,95 enfant par femmes et un solde migratoire de + 100 000 personnes par an.
Les projections du COR sont réalisées à législation constante et incluent les effets de la loi n° 2014-40 du 20 janvier 2014 garantissant l'avenir et la justice du système de retraites ainsi que du dernier accord Agirc-Arrco du 13 mars 2013.
Afin de réaliser ses projections, le COR se base à court terme sur les prévisions économiques du Gouvernement, telles qu'elles résultent du programme de stabilité d'avril 2015, et étudie cinq scénarios économiques de moyen et long terme en faisant varier deux paramètres :
- la croissance annuelle de la productivité du travail, qui détermine les revenus d'activité sur lesquels sont assisses les cotisations d'assurance vieillesse. Le rapport du COR envisage plusieurs hypothèses variant entre 1 et 2 % par an ;
- le taux de chômage, pour lequel des taux de 4,5 %, 7 % et 10 % sont envisagés.
Hypothèses économiques de long terme
retenues pour les cinq scénarios
(A, A', B, C') et les tests de
sensibilité
B. LES RÉSULTATS DES PROJECTIONS DU COR SONT TRÈS INQUÉTANTS ET DÉMONTRENT LE CARACTÈRE INSUFFISANT DE LA RÉFORME DE 2014
En moyenne à l'horizon de 25 ans et au-delà, le système de retraite serait en besoin de financement dans l'ensemble des scénarios, à l'exception des scénarios A' et A qui paraissent très optimistes.
Les cinq trajectoires projetées pour le solde financier du système de retraite
Source : COR
Si les scénarios A et A' étudiés par le COR venaient à se réaliser, le système de retraite pourrait revenir à l'équilibre dès le milieu des années 2020 puis dégager des excédents importants, mais ces scénarios apparaissent fondés sur des hypothèses très peu réalistes , puisqu'ils s'appuient sur un taux de chômage de 4,5 % que la France n'a plus connu depuis plus de quarante ans et une productivité très élevée au regard des performances atteintes par notre pays ces dernières années.
Le scénario central du COR - le scénario B, qui table sur une croissance annuelle de la productivité du travail de 1,5 % et sur un taux de chômage de 4,5 % - prévoit pour sa part que le système de retraite pourrait retourner à l'équilibre au début des années 2030.
Ce scénario, pourtant lui aussi très optimiste, table donc sur une permanence des déficits pendant encore quinze ans , soit quinze ans de dette supplémentaire accumulée au détriment des jeunes générations.
A l'inverse, le système de retraite demeurerait durablement en besoin de financement en cas de croissance des revenus d'activité inférieure à 1,5 % par an à long terme .
Dans le scénario C, qui table sur une croissance annuelle de la productivité de 1,3 % et un chômage de 7 % , le déficit du système se stabiliserait à environ 0,5 % du PIB à partir du milieu des années 2030 , soit un niveau assez proche de celui enregistré actuellement.
Dans le scénario C', qui envisage une croissance annuelle de la productivité de 1 % et un chômage compris entre 7 et 10 % , les besoins de financement atteindraient un peu plus de 1 % du PIB en 2040 et un peu plus de 1,5 % du PIB en 2060 , soit un niveau de déficit sans précédent qui ne pourrait que conduire à une profonde remise en question de notre système de retraite.
Si notre pays connaît actuellement une timide reprise économique, beaucoup d'économistes s'accordent à penser que la croissance économique potentielle de notre pays devrait être plus faible à moyen et long terme qu'elle ne l'était avant la crise. Aussi, les scénarios C et C' doivent-ils être considérés comme les plus plausibles.
Solde financier en moyenne sur les 25 prochaines années du système de retraite selon les scénarios économiques retenus
Source : COR