E. LES DÉPENSES D'ASSURANCE-MALADIE : MALGRÉ UN RESPECT DE L'ONDAM, UN DÉFICIT TOUJOURS TRÈS ÉLEVÉ

Avec 168,4 milliards d'euros de charges et 161,9 milliards d'euros de produits, la branche maladie du régime général présente un besoin de financement de 6,5 milliards d'euros , en légère diminution, 265 millions d'euros, par rapport à 2013.

1. Une exécution globale des dépenses sous Ondam conforme aux prévisions révisées mais un rythme de dépenses qui ne ralentit pas

En exécution provisoire, les dépenses d'assurance maladie dans le champ de l'Ondam se sont élevées à 177,9 milliards d'euros en 2014 , soit une sous-exécution de 400 millions d'euros par rapport à l'objectif révisé en LFSS 2015.

Par rapport à 2013, ces dépenses représentent une progression de 4,2 milliards d'euros et de 2,4 %.

Les dépenses sous Ondam ont continué à croitre beaucoup plus fortement que la richesse nationale : sur la même période, la croissance du PIB en valeur a été de 0,8 %.

Évolution comparée de la croissance du PIB en valeur et de l'Ondam

Source : Insee et LFSS

L'article 65 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2014, fixait l'Ondam 2014 à 179,1 milliards d'euros , soit une progression de 4,3 milliards d'euros et de 2,4 % par rapport à l'Ondam rectifié pour 2013 (174,8 milliards d'euros).

La commission des comptes de la sécurité sociale de juin 2014 ayant prévu une exécution de l'Ondam 2013 à 174 milliards d'euros, soit une moindre réalisation de 1,4 milliard d'euros par rapport à l'objectif voté et de 800 millions d'euros par rapport à l'objectif rectifié, l'article 17 du projet de loi de financement rectificative pour 2014 a procédé à un rebasage de l'Ondam 2014 de 800 millions d'euros pour le fixer à 178,3 milliards d'euros .

Évolution des prévisions d'Ondam 2013 et 2014

En milliards d'euros

Ondam 2013

Ondam 2014

Augmentation

LFSS 2013

175,4

En md€

En %

LFSS 2014

174,8

179,1

4,3

2,5%

CCSS juin 2014

174

178,3

4,3

2,5%

LFSS 2015

173,8

178,3

4,5

2,6%

CCSS juin 2015

173,7

177,9

4,2

2,4%

Source : LFSS et CCSS pour 2015

Le rapport de la commission des comptes de septembre 2014 notait : « les produits de santé et les indemnités journalières connaissent depuis le début de l'année des évolutions plus rapides qu'anticipé », anticipant un dépassement de l'Ondam d'environ 100 millions d'euros avant mesures correctrices éventuelles, sous l'effet d'une sur exécution des dépenses de soins de ville de l'ordre de 400 millions d'euros.

L'objectif de 178,3 milliards d'euros a été confirmé en loi de financement pour 2015, avec une modification de la répartition entre les sous-objectifs de l'Ondam hospitalier au profit des soins de ville

Évolution des sous-secteurs de l'Ondam

En milliards d'euros

Base 2014

PLFSS 2014

PLFRSS 2014

PLFSS
2015

CCSS 2015

évolution

Dépenses de soins de ville

78,6

81,1

80,7

80,9

80,8

2,8%

Dépenses relatives aux établissements de santé tarifés à l'activité

73,5

75,5

75,3

75,2

74,8

1,8%

Contribution de l'assurance-maladie aux dépenses en établissements et services pour personnes âgées

8,4

8,6

8,6

8,5

8,5

1,2%

Contribution de l'assurance-maladie aux dépenses en établissements et services pour personnes handicapées

8,7

9

9

9

9

3,4%

Dépenses relatives au fonds d'intervention régional

2,9

3,2

3,1

3

3

3,4%

Autres prises en charge

1,6

1,7

1,7

1,7

1,7

6,2%

Total

173,7

179,1

178,3

178,3

177,9

2,4%

Source : LFSS et CCSS juin 2015.

Par rapport à cette nouvelle répartition entre sous-objectifs, l'Ondam hospitalier confirme la sous-exécution attendue tandis que l'Ondam « soins de ville » confirme, mais dans une moindre mesure (100 millions d'euros), le dépassement programmé.

a) Ondam ville

Les dépenses de soins de ville ont représenté 80,8 milliards d'euros , soit 100 millions de plus que le sous-objectif rectifié en LFRSS 2014 et 100 millions d'euros de moins que le sous-objectif rectifié en LFSS 2015.

Au total, l'augmentation sur ce sous-objectif de l'Ondam est de 2,9 %. Elle est de 4,3 % sur le champ des seules prestations du régime général. Cette évolution est principalement imputable à trois postes : la rétrocession hospitalière, les honoraires médicaux et les indemnités journalières.

La hausse des dépenses de prestations a été compensée par le rendement supérieur aux prévisions des remises conventionnelles des laboratoires pharmaceutiques (160 millions d'euros dont 60 millions au titre de médicaments VHC).

(1) La rétrocession hospitalière

L'année 2014 a été marquée par la montée en puissance des nouveaux médicaments contre le virus de l'hépatite C qui contribuent pour 25 % à l'augmentation des soins de ville dans le champ du régime général. Ces médicaments sont à eux seuls responsables de la hausse de 2,4 % des dépenses de remboursement de médicaments (18,9 milliards d'euros en 2014), les dépenses relatives à la rétrocession hospitalière ayant augmenté de 40 %, de 1,3 milliard d'euros en 2013 à 1,9 milliard d'euros en 2014.

A l'inverse, les remboursements de médicaments en ville baissent de 0,7 % et s'établissent à 17 milliards d'euros.

Le coût des médicaments anti-VHC

L'année 2014 a été marquée par la montée en puissance des traitements contre le virus de l'hépatite C, dont le coût net pour l'assurance-maladie s'élève à 600 millions d'euros en 2014.

Sur ce poste, les remboursements se sont élevés à 1,2 milliard d'euros, minorées de 600 millions d'euros liés :

- au mécanisme de contribution spécifique au titre des médicaments contre l'hépatite C, pour 250 millions d'euros

- au mécanisme classique des remises conventionnelles pour 350 millions d'euros.

Selon le directeur général de la Cnam, la montée en charge des médicaments contre le VHC est achevée et ne devrait pas se poursuivre en 2015.

Les remises conventionnelles sont des recettes mais elles sont comptabilisées en moindres dépenses pour l'Ondam.

(2) L'évolution des indemnités journalières.

Les dépenses d'indemnités journalières ont augmenté de 4,4 % en 2014 et représentent 9,15 milliards d'euros. Un objectif d'économies de 100 millions d'euros par rapport à l'évolution tendancielle avait été défini, seuls 4 millions ont été réalisés.

Le comité d'alerte de l'Ondam a, dans un premier temps, considéré ces évolutions comme « encore largement inexpliquées ». Après neutralisation des effets de la grippe, beaucoup moins virulente en 2014 et qui se traduit par moins d'arrêts de travail, la Cnam explique cette évolution à 90 % par l'augmentation du nombre de bénéficiaires d'un arrêt de travail.

Une augmentation de la durée des arrêts de travail moyens à longs est également observée. La durée des arrêts de travail des plus de 60 ans a tendance à s'allonger, les arrêts de plus de 180 jours étant liés à des troubles musculo-squelettiques et psychologiques.

La réforme du temps partiel thérapeutique, intervenue en LFSS 2012 et mise en oeuvre en 2014 contribue pour 15 % à la croissance des dépenses.

(3) Les honoraires médicaux

Les dépenses d'honoraires médicaux et dentaires ont augmenté de 3 % en 2014 pour s'établir à 17,5 milliards d'euros. Ils représentent 23,2 % de l'augmentation des dépenses de soins de ville du régime général.

L'évolution des honoraires médicaux ne résulte pas d'un effet volume mais de la montée en charge des modes de rémunération prévus par la convention de 2011 et de l'avenant n° 8 de 2013, en particulier des rémunérations sur objectifs de santé publique (300 millions d'euros en 2014, dont 20 millions d'euros n'avaient pas été anticipés) et de la rémunération pour personnes âgées.

Entre 2011 et 2014, les rémunérations versées par l'assurance-maladie ont progressé de 8,9 %.

Cette dynamique devrait se poursuivre en 2015, l'application de la majoration pour personne âgée étant applicable à partir de 80 ans contre 85 ans en 2014, ce qui devrait entrainer un doublement de son volume à 135 millions d'euros en 2015 contre 66 millions d'euros en 2014.

D'autres postes connaissent une évolution particulièrement dynamique mais avaient été anticipés, comme les dispositifs médicaux (+5,6 % après une progression de 6,5 % en 2013) et les auxiliaires médicaux (+4,9 %).

Les autres postes de dépenses de soins de ville sont légèrement en retrait par rapport aux objectifs fixés.

b) Ondam hospitalier

Avec une dépense de 74,8 milliards d'euros en 2014, les versements de l'assurance-maladie aux établissements de santé ont progressé de 1,7 % par rapport à 2013 (contre + 2,1% en 2013), en retrait de 400 millions d'euros par rapport aux prévisions rectifiées en LFSS 2015.

La sous-consommation résulte en quasi-totalité de mesures de régulation : l'annulation en fin d'année de 250 millions d'euros de crédits de dotation aux établissements de santé et le maintien des gels de début d'année sur la dotation annuelle de financement (DAF), à hauteur de 180 millions d'euros. Le respect des objectifs de dépenses a en revanche permis le dégel des crédits gagés par le coefficient de réserve prudentiel.

Les 545 millions d'euros mis en réserve début 2014

montants

Coefficient prudentiel

141

DAF

179

FMESPP

20

FIR

75

Médico-social

100

Autres prises en charge

30

Source CCSS septembre 2014

Les cliniques privées ont contribué à la sous exécution à hauteur de 100 millions d'euros, tandis que les établissements publics de santé, principalement sous l'effet du dynamisme des dépenses liées aux médicaments de la liste en sus, ont eu des dépenses de 175 millions d'euros supérieures à l'objectif révisé en LFSS 2015.

c) Ondam médico-social

La contribution de l'assurance-maladie aux dépenses des établissements et services médico-sociaux s'élève à 17,5 milliards d'euros, en progression de 2,2 % dont 8,5 milliards d'euros au titre de l'enveloppe pour personnes âgées et 9 milliards d'euros au titre de l'enveloppe pour personnes handicapées.

Par construction, cette enveloppe est conforme aux prévisions et ne peut être ni dépassée, ni sous-consommée.

En revanche, les dépenses entrant dans le champ de l'objectif global de dépenses (OGD) qui regroupe les versements de l'assurance-maladie et de la CNSA ont été sous-exécutées à hauteur de 80 millions d'euros en 2014, dont 35 millions d'euros pour les personnes âgées et 45 millions d'euros pour les personnes handicapées.

d) Le fonds d'intervention régional

La contribution de l'assurance-maladie au FIR s'est établie, conformément aux prévisions, à 3 milliards d'euros en 2014.

Les dépenses du FIR ont comporté 20 millions d'euros au titre de la fongibilité des dotations hospitalières et 45 millions de crédits affectés à des dépenses de prévention relevant de l'État mais néanmoins comptabilisées dans l'Ondam.

e) Les autres prises en charge

Les dépenses au titre des autres prises en charge se sont élevées à 1,7 milliard d'euros en 2014, en dépassement de 45 millions d'euros, principalement sous l'effet de dépenses de soins des ressortissants français à l'étranger plus élevées que prévu.

2. Les dépenses hors Ondam et accidents du travail-maladies professionnelles

Les prestations maladie et AT-MP hors Ondam s'élèvent à 15,9 milliards d'euros en 2014, en augmentation de 1,5 % par rapport à 2013.

Le premier poste de dépense, qui est aussi le principal contributeur à l'augmentation des prestations est celui des prestations d'invalidité (5,4 milliards d'euros), en progression, comme en 2013, de 5,3 %. Cette évolution s'explique, pour la plus grande part (2,4 %), par un allongement de la durée passée en invalidité sous l'effet du recul de l'âge de la retraite. Les autres postes de dépenses importants en volume (prestations d'incapacité permanente AT-MP, IJ maternité et paternité) progressent modérément, de 0,8 %.

Prestations sociales hors Ondam et AT-MP

en millions d'euros

2013

2014

Évolution

Prestations d'incapacité permanente

4 299,5

4 334,1

0,8%

Préretraite amiante (ACAATA)

532,6

486,4

-8,7%

Prestations d'invalidité

5 151,1

5 425,7

5,3%

IJ maternité et paternité

2 984,2

3 009,3

0,8%

Soins des étrangers (conventions internationales)

773,2

832,1

7,6%

Actions de prévention (hors INPES et FNPEIS)

395,5

356,1

-10,0%

Prestations légales décès

165,9

163,5

-1,4%

Prestations extralégales (hors OGDPC)

147,5

122,8

-16,7%

Établissements médicaux sociaux à la charge de la CNSA

848,1

905,4

6,8%

Établissements médicaux sociaux PH hors OGD

33,3

31,3

-6,0%

Autres prestations

43,7

40,5

-7,3%

Provisions et pertes sur prestations

249,9

144,3

-42,3%

Total des prestations hors Ondam

15 624,5

15 851,5

1,5%

Source : CCSS juin 2015.

Avec des produits nets de 12,3 milliards d'euros, en augmentation de 3,1 % et des charges nettes de 11,6 milliards d'euros, en hausse de 2,8 %, l'excédent de la branche AT-MP s'est amélioré de 50 millions d'euros en 2014 pour atteindre 691 millions d'euros .

Les cotisations sociales nettes, qui représentent 97 % des produits de la branche, ont augmenté de 3,8 % en 2014 après 5 % en 2013. Si l'augmentation du produit des cotisations en 2013 était imputable à des augmentations de taux, la progression observée en 2014 résulte d'une diminution des charges liées au remboursement et d'une réduction des cotisations versées suite à des litiges avec les employeurs.

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