C. LE CAS PARTICULIER DES FEMMES OFFICIERS : « ENCORE UNE PLACE À ACQUÉRIR AU SEIN DE L'INSTITUTION »

Cette remarque de Françoise Gaudin est inspirée par certaines préoccupations concernant la catégorie des femmes officiers, pour laquelle l'égalité professionnelle doit être consolidée.

Ce constat ne concerne pas les conditions d'avancement et le temps moyen de changement de grade, dont elle a relevé qu'ils étaient tout-à-fait comparables entre les hommes et les femmes, dans toutes les catégories.

Il ne concerne pas non plus les femmes sous-officiers , dont Françoise Gaudin a noté que les déroulements de carrière et les responsabilités étaient globalement similaires à ceux de leurs homologues masculins.

Le haut fonctionnaire à l'égalité a fait observer que le taux de féminisation des officiers (14,3 %), considéré comme satisfaisant, était en réalité fragile : il tient en effet surtout aux taux favorables constatés dans le service de santé (plus de 41 %) et, dans une moindre mesure, dans le Service du commissariat (21,9 %). Dans les armées en revanche, la proportion de femmes officiers est nettement moins élevée (8,5 % dans l'armée de Terre, 10,4 % dans la Marine, 12,5 % dans l'armée de l'Air).

Ce taux de 14,3% est également lié à la proportion importante de femmes parmi les officiers sous contrat, dont la carrière est parfois précaire.

Les effectifs de femmes officiers sont caractérisés par une forte érosion .

Introduisant la troisième table ronde consacrée au déroulement de carrière et posant la question de l'existence d'un « plafond de verre » dans les armées, Françoise Gaudin a fait le constat que la durée moyenne de service des femmes officiers représentait la moitié de celle des hommes officiers (12,6 ans contre 24,7 ans).

Les carrières d'officiers semblent pourtant attirer les jeunes filles puisque la proportion de candidates aux concours, rappelée par Françoise Gaudin, s'établit généralement à 18-20 % , ce qui devrait permettre avec le temps, selon le haut fonctionnaire à l'égalité, d'« accroître l'encadrement féminins dans les armées », même si le taux de réussite des candidates aux concours organisés en 2014 semble avoir connu une certaine diminution. Cette évolution doit d'ailleurs faire l'objet d'une attention particulière de la délégation.

Les départs prématurés de femmes officiers posent la question de la rentabilité de leur formation, de la perte des compétences qu'elles apportent à l'institution militaire et de l'affaiblissement du vivier de recrutement pour l'accès des femmes aux grades les plus élevés.

En effet, l'accès aux plus hautes responsabilités des femmes est encore limité dans les armées (moins de dix femmes à ce jour ont été admises au Centre des hautes études militaires (CHEM) qui permet un déroulement de carrière optimal).

Si les femmes représentent 14 % des officiers, elles ne sont que 5 % des officiers généraux : on ne compte encore que 19 femmes officiers-généraux, et aucune actuellement dans l'armée de Terre.

Comme l'a souligné le médecin-chef de service Maryline Genero, le faible nombre de femmes officiers généraux concerne aussi le Service de santé, pourtant largement féminisé et où les femmes représentent 41 % des officiers : les femmes sont « peu nombreuses à rester au sein de l'institution suffisamment longtemps pour accéder à ce grade » , a-t-elle relevé.

Françoise Gaudin a donc fait valoir que l'accès des femmes aux étapes de sélection décisives que sont l'École d'État-major, l'École de guerre et le Centre des hautes études militaires (CHEM) devait être encouragé. Elle a également relevé que le caractère récent de certaines mesures favorables aux femmes (suppression des quotas en 1998, ouverture de l'École navale en 1992...) permettrait progressivement d'élargir le vivier de recrutement des officiers généraux . Avec le temps, la nomination de femmes officiers généraux deviendrait ainsi moins exceptionnelle , même si les réductions de postes d'officiers généraux successivement opérées dans les armées ont rendu la concurrence pour l'accès aux plus hautes responsabilités particulièrement vive.

Des progrès sont donc nécessaires pour donner envie aux femmes militaires de rester dans les armées et, également, pour qu'elles puissent disposer de modèles féminins auxquels s'identifier .

Sur ce plan, il est probable que la féminisation récente de l'encadrement de l'école de Saint-Cyr opérée par l'armée de Terre favorisera tant l'intégration des élèves femmes que l'émergence de modèles féminins. L'une de ces cadres participait à la rencontre du 5 mars 2015 et son témoignage avait confirmé l'intérêt de cette mesure. On peut même s'étonner qu'elle n'ait pas été prise plus tôt, si l'on en juge par les difficultés particulières d'intégration qu'ont pu connaître les femmes à Saint-Cyr (même si les échanges du 5 mars 2015 semblent attester une évolution favorable sur ce plan).

Dans une logique comparable, l'intégration de trois femmes officiers à un équipage de sous-marin lanceur d'engins à l'échéance de 2017 et, dans l'armée de l'Air, l'annonce par le ministre de la Défense de la décision de confier à des femmes deux commandements d'escadrons de chasse devraient avoir une importance non négligeable pour faire évoluer les mentalités .

Dans les armées comme dans le secteur civil, les progrès en termes d'égalité entre hommes et femmes suivent en effet parfois des mesures volontaristes .

À cet égard, M. Jean-Yves Le Drian a rappelé, le 5 mars 2015, son intention de doubler le nombre de femmes officiers généraux à l'échéance de 2017 . Cet objectif ne relève pas, selon lui, d'une « question de mode » , mais est destiné à reconnaître les mérites et les compétences. Il peut aussi contribuer à « fidéliser » les femmes officiers et à limiter le nombre de départs anticipés. Par ailleurs, M. Le Drian a déclaré attacher une importance particulière au fait que la nation, « composée d'hommes et de femmes, [puisse] compter sur des forces qui ressemblent à ce qu'elle est aujourd'hui » .

Par ailleurs, la délégation estime que la nomination de femmes officiers à des postes de prestige , par exemple au cabinet du ministre de la Défense, pourrait également contribuer à l'émergence de modèles susceptibles d'inspirer les plus jeunes et d'encourager leur ambition.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page