II. METTRE EN PLACE UN DISPOSITIF NATIONAL D'ORIENTATION DES RÉFUGIÉS
A. LA MISE EN PLACE D'UN SYSTÈME CENTRALISÉ D'ORIENTATION DES RÉFUGIÉS LES PLUS VULNÉRABLES EN CPH
L'un des principaux symptômes de l'absence de pilotage en matière de gestion des CPH concerne l'orientation des personnes réfugiées dans les centres au moment de leur sortie de CADA . En pratique, ce sont, dans un grand nombre de cas, les gestionnaires de centres eux-mêmes qui sélectionnent les personnes réfugiées qu'ils vont accueillir dans leur centre ; la puissance publique, chargée pourtant d'assurer la fluidité du parcours et l'égalité de traitement de l'ensemble des personnes réfugiées sur le territoire national, n'est alors qu'informée des entrées et sorties dans le CPH.
S'agissant des CPH gérés par l'association Coallia, qui est le plus gros gestionnaire de places CPH 12 ( * ) , l'admission se fait par deux canaux :
- un canal national , une partie (environ 50 %) des places disponibles étant signalées à l'OFII ;
- un canal local , les places disponibles étant réparties en fonction des organisations locales par le service intégré d'accueil et d'orientation (SIAO) pour l'hébergement d'urgence, la direction départementale de cohésion sociale (DDCS) ou les gestionnaires de CADA directement. Coallia a cependant indiqué à votre rapporteur spécial qu'elle cherchait à « prioriser » les demandes émanant des CADA afin d'assurer la fluidité de ces derniers.
En tout état de cause, chaque responsable de CPH instruit les dossiers et décide de l'admission, dans le cadre d'une commission interne, sur la base d'entretiens, afin, selon les gestionnaires, d'évaluer l'adéquation entre la situation du demandeur et la vocation du CPH.
S'agissant du DPHRS de Paris, les candidatures sont envoyées par les CADA aux différentes plateformes. Le DPHRS sélectionne les candidatures en fonction, outre de leur vulnérabilité, de quelques critères qui lui sont propres, en particulier le fait que les personnes réfugiées acceptent la cohabitation, le fait de loger hors de Paris et la participation financière.
Ce constat est également dressé par l'OFII sans équivoque : les responsables de l'Office rencontrés par votre rapporteur spécial ont ainsi estimé que chaque gestionnaire de CPH disposait de sa propre liste d'attente, qu'il gère de façon autonome sans intégration à une quelconque liste nationale . L'OFII se contente, faute d'informations et de consolidation suffisante, de traiter les cas les plus vulnérables dont elle a connaissance, pour assurer leur accueil dans un CPH. Le directeur général de l'OFII a ainsi estimé qu'il captait environ la moitié des entrées en CPH, soit 500 entrées par an, dont environ 300 en Île-de-France.
Souvent, les places en CPH, à défaut d'une coordination nationale, sont attribuées dans le cadre, a minima , d'une concertation locale ou régionale. C'est le cas en Île-de-France où les admissions dans le CPH de Massy, ainsi que dans le DPHRS, se font certes par décision du gestionnaire, mais à l'issue d'une concertation avec les gestionnaires de CADA sous l'égide de la direction départementale de la cohésion sociale .
Un schéma plus innovant et plus intégrateur a été retenu dans la région Rhône-Alpes , où une instance d'admission concertée a été mise en place, sous la présidence du préfet, et qui se réunit de façon hebdomadaire afin de valider les orientations des personnes à tous les stades de la procédure : l'instance gère ainsi les entrées et les sorties dans l'ensemble des dispositifs d'asile (centre de transit, CADA, hébergement d'urgence, CPH, etc.). Cette instance réunit la direction départementale de la cohésion sociale, les associations gestionnaires et la direction territoriale de l'OFII. Elle a pour rôle de valider des orientations en CPH qui restent malgré tout proposées par l'association gestionnaire.
Votre rapporteur spécial propose donc, dans la ligne tracée par la réforme de l'asile actuellement en discussion au Parlement s'agissant de l'orientation des demandeurs d'asile dans le cadre du dispositif national d'accueil (DNA) géré par l'OFII, une centralisation de l'orientation des réfugiés à leur sortie de CADA (ou de l'hébergement d'urgence) par ce même DNA.
La généralisation du DNA donnera à l'OFII les moyens de mieux suivre la population admise en CADA ou en hébergement d'urgence et, ainsi de pouvoir accompagner sa sortie vers un centre provisoire d'hébergement s'agissant des personnes reconnues réfugiées. En outre, dans la mesure où la réforme prévoit une évaluation de la vulnérabilité dès le début de la procédure de demande d'asile, l'orientation des réfugiés les plus vulnérables vers les CPH après une décision favorable de l'OFPRA serait également facilitée.
Les associations gestionnaires rencontrées par votre rapporteur spécial ne sont, pour la plupart, pas défavorables à une telle évolution. Par exemple, l'association Coallia s'est dite favorable à une orientation nationale des places en CPH. Elle a ainsi souligné auprès de votre rapporteur spécial qu'au vu du faible nombre de places et de la mauvaise répartition territoriale des centres, une répartition nationale était nécessaire. En effet, en l'absence d'une telle répartition, les CPH accueillent essentiellement un public « local », notamment de réfugiés en sortie de CADA du département en question.
De même, l'association Forum Réfugiés-Cosi, active essentiellement en Rhône-Alpes, a également indiqué qu'elle ne voyait pas d'inconvénient à ce que l'OFII reprenne, en concertation, le rôle jusqu'à dévolu à l'instance d'admission concertée mentionnée précédemment. Elle a souligné que cette évolution pouvait aller dans le sens d'une plus grande transparence et d'un accompagnement plus fluide d'une solution d'hébergement à une autre .
Proposition n° 8 : mettre en place une répartition nationale, centralisée par l'OFII et intégrée au DNA, des places en CPH. |
* 12 Coallia gère 5 CPH, pour un total de 209 places.