Rapport d'information n° 97 (2014-2015) de M. Roger KAROUTCHI , fait au nom de la commission des finances, déposé le 12 novembre 2014

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N° 97

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2014-2015

Enregistré à la Présidence du Sénat le 12 novembre 2014

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur les centres provisoires d'hébergement (CPH),

Par M. Roger KAROUTCHI,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : Mme Michèle André , présidente ; M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général ; Mme Marie-France Beaufils, MM. Yvon Collin, Vincent Delahaye, Mmes Fabienne Keller, Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. André Gattolin, Jean Germain, Charles Guené, Francis Delattre, Georges Patient , vice-présidents ; MM. Michel Berson, Philippe Dallier, Dominique de Legge, François Marc , secrétaires ; MM. Philippe Adnot, François Baroin, Éric Bocquet, Yannick Botrel, Jean-Claude Boulard, Michel Bouvard, Michel Canevet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Carcenac, Jacques Chiron, Serge Dassault, Éric Doligé, Philippe Dominati, Vincent Eblé, Thierry Foucaud, Jacques Genest, Alain Houpert, Jean-François Husson, Mme Teura Iriti, MM. Pierre Jarlier, Roger Karoutchi, Bernard Lalande, Marc Laménie, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Hervé Marseille, François Patriat, Daniel Raoul, Claude Raynal, Jean-Claude Requier, Maurice Vincent, Jean Pierre Vogel, Richard Yung .

PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. Les centres provisoires d'hébergement (CPH) constituent le dispositif historique d'accompagnement des bénéficiaires de la protection internationale en France . Ce dispositif présente 1 083 places réparties dans 28 centres , certains sous la forme d'habitat collectif, d'autres sous la forme d'habitat diffus. La dépense budgétaire correspondante est stable, autour de 12 millions d'euros , soit un coût moyen journalier à la place d'environ 30 euros.

2. À côté de ce dispositif, dont l'ampleur et la règlementation n'a pas évolué depuis quinze ans, se sont développés des programmes hétérogènes d'accompagnement des réfugiés plus ou moins proches des CPH, en particulier le Dispositif provisoire d'hébergement des réfugiés statutaires (DPHRS), qui propose 300 places à des réfugiés en Île-de-France, ou le CADA-IR, en région lyonnaise. Au-delà du dispositif des CPH stricto sensu existe ainsi une « nébuleuse » CPH , organisée par les associations, non pilotée par l'État mais le plus souvent financée par ce dernier et par les fonds européens.

3. En l'absence de réglementation actualisée et de pilotage par l'État, les CPH ont évolué de façon hétérogène, conduisant à des prestations et à des coûts moyens journaliers très variables d'un centre à l'autre . Les prestations des CPH devraient être centrées autour de l'hébergement, de préférence sous un format collectif plus intégrateur, l'accompagnement vers le droit commun pour les personnes hébergées et le rôle de « point d'accueil » pour les réfugiés du département qui ne sont pas hébergés dans le centre.

4. Du point de vue budgétaire, les écarts de coûts journaliers à la place devraient être progressivement réduits par la mise en place d'un référentiel commun de prestations . En outre, la participation financière des personnes hébergées devrait être généralisée, dans un objectif budgétaire et d'intégration à terme des réfugiés.

5. Le pilotage par l'État des CPH est aujourd'hui quasi-inexistant, à l'exception d'une remontée d'informations, partielle, sur les places vacantes, qui ne conduit à une orientation nationale via l'Office français d'immigration et d'intégration que d'environ la moitié des places. Il conviendrait d' intégrer les CPH dans le dispositif national d'accueil et, ainsi, de centraliser l'orientation des réfugiés en sortie de CADA ou d'hébergement d'urgence. Cela permettrait de garantir une certaine égalité de traitement des réfugiés et une orientation en CPH des réfugiés les plus vulnérables.

6. Au-delà de l'orientation, c'est l'ensemble du parcours d'intégration du réfugié qui a été largement abandonné par l'État. Votre rapporteur spécial propose ainsi de refonder et de financer le parcours d'intégration du réfugié, qu'il soit ou non hébergé dans un CPH , autour de deux prestations d'accompagnement majeures : une formation linguistique complémentaire des formations dans le cadre du contrat d'accueil et d'intégration, et un accompagnement personnalisé au logement et à l'emploi.

LISTE DES PRINCIPALES PROPOSITIONS

Proposition n° 1 : remettre à plat et, le cas échéant, intégrer au statut de CPH les dispositifs d'hébergement des réfugiés dont les missions sont proches de celles des CPH.

Proposition n° 2 : réserver le statut de CPH aux seules structures collectives.

Proposition n° 3 : redéfinir les prestations obligatoires des CPH autour de l'hébergement et de l'accompagnement au logement des réfugiés hébergés d'une part, et de l'assistance administrative pour l'ensemble des réfugiés du département (rôle de « point d'accueil ») d'autre part.

Proposition n° 4 : déterminer les dotations de fonctionnement des CPH sur la base des prestations obligatoires définies afin d'harmoniser progressivement le coût à la place.

Proposition n° 5 : généraliser la participation financière des réfugiés.

Proposition n° 6 : permettre la signature du CAI dès réception de la décision favorable de l'OFPRA ou de la CNDA sans attendre les documents d'état civil.

Proposition n° 7 : prévoir des crédits d'intégration des réfugiés hors CPH consacrés à la formation linguistique complémentaire au CAI.

Proposition n° 8 : mettre en place une répartition nationale, centralisée par l'OFII et intégrée au DNA, des places en CPH.

Proposition n° 9 : modifier l'article L. 348-2 du CESEDA afin, d'une part, de différencier la situation des déboutés et des réfugiés et, d'autre part, de prévoir que les réfugiés peuvent se maintenir, à titre subsidiaire, dans un CADA pendant une durée de six mois renouvelable.

Proposition n° 10 : mettre en place un parcours d'intégration harmonisé pour les résidents des CPH avec une remontée d'informations régulière à l'OFII.

Proposition n° 11 : prévoir un financement spécifique de l'État en faveur de l'accompagnement et de l'intégration des réfugiés, sur le modèle du programme « Accelair ».

Proposition n° 12 : désigner un référent « intégration des réfugiés » au sein de chaque direction territoriale de l'OFII pour faciliter l'accès aux droits des réfugiés au sein des différentes administrations (CPAM, CAF, Pôle Emploi, etc.).

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

La mission historique des administrations de l'immigration, qu'il s'agisse du ministère de l'Intérieur ou des organismes rattachés, en particulier l'Office français de l'immigration et de l'intégration, consiste à accompagner sur la voie de l'intégration ceux des étrangers qui , soit du fait d'un titre de séjour obtenu préalablement, soit du fait d'un statut de réfugié reconnu par la République française, ont vocation à rester durablement sur le territoire et dans la société française .

Or, depuis dix ans, la pression continue et croissante de la demande d'asile en Europe et, tout particulièrement, en France a conduit à une réorientation des politiques publiques : contraintes de gérer un flux massif d'arrivées, en termes d'hébergement disponible, de répartition régionale, de dotations budgétaires limitatives, les administrations ont largement délaissé leur mission historique d'accompagnement vers l'intégration .

Le pilotage des centres provisoires d'hébergement (CPH) des réfugiés est l'un des symptômes les plus évidents de cette évolution . Autogéré par le secteur associatif depuis près de quinze ans, sans augmentation du nombre de places ni, surtout, actualisation de la règlementation applicable, ce dispositif a végété plus qu'il ne s'est développé, avec des prestations et des coûts moyens journaliers de plus en plus hétérogènes d'un centre à l'autre. Au-delà de la question des moyens, qui ont stagné, ce sont les outils de gestion et de suivi du dispositif CPH que l'État ne s'est pas donnés pour accompagner correctement vers l'intégration ceux qui, parmi les étrangers, sont ceux à qui la République a offert sa protection et qui, en outre, en sont les plus vulnérables.

Le projet de loi de réforme de l'asile permet, dans une certaine mesure, de faire évoluer les procédures de traitement et les conditions d'accueil des demandeurs d'asile pour les adapter à un traitement de masse. Le présent rapport rappelle qu'au-delà de ce traitement plus rapide et mieux encadré des demandes, la réussite de notre politique d'asile dépendra avant tout de la capacité de la France à accompagner le parcours d'intégration de ceux à qui elle offre la protection . Pour cela, il convient de remettre à plat le dispositif des CPH et la nébuleuse de programmes qui s'en approchent, pour redéfinir un cadre d'action où les centres d'hébergement des réfugiés, accueillant la population la plus vulnérable autour d'un socle de prestations communes, ne sont que le noyau d'une politique d'accompagnement plus large, à destination de tous les réfugiés accueillis en France .

PREMIÈRE PARTIE : LES CENTRES PROVISOIRES D'HÉBERGEMENT, UNE SOLUTION D'HÉBERGEMENT ET D'ACCOMPAGNEMENT DES RÉFUGIÉS

I. LE STATUT PROTECTEUR DES BÉNÉFICIAIRES DE L'ASILE ET DE LA PROTECTION SUBSIDIAIRE

D'après l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA), la France accueillait, au 31 décembre 2013, 186 234 personnes placées sous la protection de l'Office , dont 169 990 réfugiés, 14 997 bénéficiaires de la protection subsidiaire et 1 247 apatrides.

En moyenne 10 000 personnes obtiennent le statut de réfugiés chaque année . Ce nombre est relativement stable sur les dix dernières années, malgré la forte augmentation du nombre de demandes d'asile sur les années 2008-2013.

Évolution des octrois de protection internationale par la France

Année

Nombre d'obtentions d'une protection internationale

2004

11 292

2005

13 770

2006

7 354

2007

8 771

2008

11 441

2009

10 373

2010

10 347

2011

9 976

2012

10 702

2013

11 371

Source : OFPRA

Le statut de ces réfugiés ainsi que les obligations de la France, État d'accueil, sont régis par la convention de Genève de 1951 1 ( * ) . Celle-ci prévoit en particulier, dans son chapitre IV « Bien-être », les différentes obligations des États contractants en matière d'accueil des réfugiés.

Ces obligations internationales sont traduites en droit français, à la fois pour les réfugiés et pour les bénéficiaires de la protection subsidiaire 2 ( * ) , par différents articles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), du code de l'action sociale et des familles (CASF) et du code de la sécurité sociale (CSS). Le premier des droits des réfugiés est celui, défini au 8° de l'article L. 311-14 du CESEDA, d'une carte de résident de dix ans renouvelable de droit .

Le statut des réfugiés est en réalité, sur plusieurs points, plus favorable que celui des étrangers primo-arrivants : un accès immédiat au RSA (contre une condition de résidence de cinq ans pour les primo-arrivants) ; une procédure de rapprochement familial spécifique sans conditions de ressources ni de durée de résidence (le « regroupement familial ») ; une possibilité de demander l'accès à la nationalité française sans condition de durée de séjour en France 3 ( * ) .

Malgré ces avantages, les associations rencontrées par votre rapporteur spécial ont souligné le fait que les réfugiés connaissaient souvent un « passage à vide » dans leur parcours personnel après l'obtention du statut de réfugié. Ils comprennent en effet, au regard de la difficulté pour obtenir les documents d'état civil, le rapprochement familial, un emploi et un logement, que l'obtention du statut n'était que la première étape d'un parcours d'insertion encore long. La proclamation des droits des réfugiés, leur accès aux dispositifs d'insertion de droit commun et leur probable naturalisation à moyen terme ne suffisent pas. C'est précisément l'accompagnement dans ce parcours d'intégration que les centres provisoires d'hébergement (CPH) ont été historiquement chargés d'assurer.

II. LES CENTRES PROVISOIRES D'HÉBERGEMENT : UNE STRUCTURE HISTORIQUE, UN DISPOSITIF STABLE

A. UN DISPOSITIF HISTORIQUE

Les CPH sont prévus par l'article L. 345-1 du code de l'action sociale et des familles tel que modifié par l'article 38 de la loi du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration : « les étrangers s'étant vu reconnaître la qualité de réfugié ou accorder le bénéfice de la protection subsidiaire (...) peuvent être accueillis dans des centres d'hébergement et de réinsertion sociale dénommés "centres provisoires d'hébergement" ».

Ainsi, les CPH sont considérés comme des centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) au sens du 8° de l'article L. 312-1 du même code. Ils sont donc soumis à la réglementation applicable à ces établissements, en particulier les articles R. 314-150 et suivants (issus du décret n° 2004-1136 du 21 octobre 2004) et l'arrêté du 19 avril 2006 fixant les indicateurs et leurs modes de calcul applicables aux centres d'hébergement et de réinsertion sociale.

En réalité, cette intégration des CPH au sein des CHRS, qui date des années 1990, donne un statut à ces centres mais a peu d'effets pratiques sur leur fonctionnement. Il résulte d'un effort de « standardisation » d'un dispositif antérieur , issu d'initiatives ponctuelles d'associations oeuvrant en faveur de l'accueil des réfugiés. Par exemple, le CPH de Massy, que votre rapporteur spécial a visité, est un centre ancien, qui a notamment accueilli plusieurs réfugiés sud-américains exilés dans les périodes de dictature des années 1960 et 1970. En cela, les CPH représentent un dispositif historique, rattaché à la tradition d'asile de la France . Au regard de cette histoire particulière, le dispositif de CPH est unique en Europe (voir encadré ci-dessous).

Ce dispositif est d'ailleurs antérieur aux centres d'accueil des demandeurs d'asile , qui se sont surtout développés dans les années 1990 et 2000. Pourtant, depuis une vingtaine d'années, l'explosion de la demande d'asile a conduit le dispositif CADA à prendre le pas, en termes de nombre de places et de pilotage par le ministère de l'intérieur, sur le dispositif CPH .

Ce renversement historique entre CPH et CADA est tel que le CPH est désormais d'abord vu comme une solution de sortie des CADA (engorgés en raison du flux de demandeurs d'asile). Ainsi, le directeur général des étrangers en France a indiqué à votre rapporteur spécial que les CPH avaient selon lui deux missions : accompagner les bénéficiaires et fluidifier les accueils en CADA .

Les solutions d'hébergement des réfugiés dans les principaux pays européens

D'après les réponses au questionnaire de votre rapporteur spécial, « le modèle de centres dédiés uniquement à l'accueil de réfugiés est constaté uniquement en France », même si certains pays (Belgique, Norvège) réfléchissent à l'opportunité d'en créer.

Au Pays-Bas, les réfugiés peuvent, pendant trois mois, rester dans le centre de demandeurs d'asile en vue de trouver, avec l'aide des travailleurs sociaux, une solution de relogement. En Belgique, ce délai est de deux mois renouvelables et, en Autriche, il est de quatre mois. En Suède et en Norvège, les réfugiés peuvent se maintenir dans le centre de demandeurs d'asile jusqu'à ce qu'ils trouvent une solution de relogement.

Dans l'ensemble des pays partenaires, ce sont les municipalités qui sont chargées de fournir des logements sociaux aux réfugiés statutaires. Ce rôle des municipalités prend plusieurs formes :

Aux Pays-Bas, les municipalités doivent respecter un quota de logements à mettre à disposition des réfugiés.

En Suède, l'agence nationale pour l'emploi conclut des accords avec les municipalités volontaires en la matière.

En Belgique, aux Pays-Bas, en Norvège et en Suède, le gouvernement incite les municipalités à coopérer en versant des aides financières couvrant certaines prestations d'intégration.

Source : DGEF, réponses au questionnaire de votre rapporteur spécial

B. UN NOMBRE DE PLACES ET UN COÛT LIMITÉS

Le parc de CPH représente 1 083 places réparties sur 28 centres . Ce parc n'a pas évolué depuis 2008. Ces CPH sont gérés par 23 associations différentes 4 ( * ) et par une collectivité locale (la mairie de Nantes, qui gère directement le CPH de Nantes). Les CPH sont de taille variable, le plus petit centre comprenant 16 places (CPH de Nice) et le plus important en présentant 75 (CPH de Strasbourg).

Les centres provisoires d'hébergement des réfugiés représentent l'essentiel des moyens dédiés par l'Etat à l'accompagnement des réfugiés , dans le cadre de la ligne budgétaire « Action d'intégration en faveur des réfugiés » du programme 104 « Intégration et accès à la nationalité française ». La dotation est en très légère baisse depuis 2008, pour environ 12 millions d'euros .

Dépense budgétaire et coût moyen à la place des CPH

Année

Dépense exécutée

(en millions d'euros)

Coût moyen journalier

(en euros)

2008

13,96

30,08

2009

12,23

30,20

2010

12,10

30,60

2011

12,10

31,60

2012

12

30,2

2013

11,7

29,60

Source : rapports annuels de performances

Au regard de la stabilité du nombre de centres et de places, votre rapporteur spécial s'étonne de l'évolution de la dotation et du coût journalier à la place telle que retracée dans les différents rapports annuels de performances , puisque le coût journalier varie quand bien même la dotation globale, ainsi que le nombre de places agrées, sont stables ; cela s'explique sans doute par des « erreurs d'imputation » mentionnées systématiquement dans le RAP, qui illustrent la difficulté du suivi budgétaire des centres .

C. UN PUBLIC MAJORITAIREMENT CONSTITUÉ DE FAMILLES, DANS LE CADRE D'UN SÉJOUR D'ENVIRON DIX MOIS

S'agissant du public accueilli en CPH , les Russes 5 ( * ) constituent la première nationalité représentée, avec 30 % du total des présents en CPH au 31 décembre 2013. Viennent ensuite les Syriens, les Afghans, les Kosovars et les Sri Lankais.

Du point de vue de la situation familiale, 88,3 % des réfugiés accueillis en CPH sont des familles , notamment des familles nombreuses (plus de quatre personnes dans 69 % des cas). Ainsi, seules 11,7 % des personnes hébergées sont des personnes isolées. Il s'agit alors notamment d'Erythréens et de Congolais.

La durée moyenne de séjour en CPH est de 298 jours , soit environ dix mois. En moyenne sur les dix dernières années, la durée moyenne de séjour s'établit plutôt autour de onze mois. Il convient de noter qu'il existe d'importantes différences entre les centres ; ainsi, le CPH de Massy présente une durée moyenne de séjour d'environ trente mois, tandis que le CPH de Villeurbanne a une durée moyenne d'environ dix mois. Ces différences s'expliquent notamment par le public accueilli et la situation locale du logement.

III. UN ENSEMBLE DE DISPOSITIFS D'HÉBERGEMENT ET D'ACCOMPAGNEMENT DES RÉFUGIÉS AUX AMBITIONS PROCHES

A. LES CPH : UNE PART MINORITAIRE DES SOLUTIONS DE SORTIE DES RÉFUGIÉS EN CADA

En raison du nombre limité de places, le dispositif des CPH représente une part minoritaire des sorties des réfugiés en CADA , comme l'illustre le graphique ci-dessous. La plupart des réfugiés qui sortent de CADA accèdent à un logement autonome ou personnel (56,9 %). 18,4 % des réfugiés sont hébergés, à leur sortie du CADA, dans un dispositif d'hébergement temporaire hors CPH. Il s'agit, pour l'essentiel, d'un CHRS de droit commun. Or, les CHRS de droit commun ne sont pas adaptés à l'accueil des réfugiés ; en CHRS ou en hébergement d'urgence, les réfugiés sont confrontés, sinon assimilés, à un public marginalisé (sans domicile fixe notamment) dont les problématiques d'insertion dans l'emploi et le logement sont différentes.

Modalités de sortie des réfugiés en CADA en 2012

(en %)

Source : ministère de l'intérieur

Il convient de souligner que le graphique ci-dessus et les chiffres qui s'y rapportent ne tiennent compte que des réfugiés sortant de CADA ; le ministère ne dispose en effet d'aucun suivi statistique pour les réfugiés qui, lorsqu'ils étaient demandeurs d'asile, n'ont pas pu ou n'ont pas souhaité être hébergés en CADA.

Depuis dix ans, le nombre d'obtentions d'une protection internationale et le nombre d'entrées en CPH sont globalement stables, comme l'illustre le tableau ci-dessous. Ainsi, environ 10 % des réfugiés (indépendamment du dispositif d'hébergement dont ils bénéficiaient en tant que demandeurs d'asile) sont accueillis en CPH .

Année

Nombre d'obtentions d'une protection internationale

Nombre d'entrées en CPH

2004

11 292

1 029

2005

13 770

1 111

2006

7 354

1 048

2007

8 771

1 048

2008

11 441

1 173

2009

10 373

1 105

2010

10 347

1 279

2011

9 976

1 300

2012

10 702

1 224

2013

11 371

1 175

Sources : ministère de l'intérieur et OFPRA

Malgré l'affirmation de leur droit au logement de droit commun, ceux des réfugiés qui ne sont pas hébergés en CPH présentent en réalité une situation souvent plus précaire que les migrants primo-arrivants . Ainsi, un quart d'entre eux vivent dans un logement temporaire (hôtel, CADA ou CPH), contre 8 % pour les autres migrants 6 ( * ) .

En outre, les réfugiés sont souvent concentrés dans les grandes zones urbaines , au premier rang desquelles l'Île-de-France ; cette concentration, qui est la réplique de la situation des demandeurs d'asile, accroît la pression sur l'hébergement d'urgence en région parisienne . À cet égard, il existe une tension certaine entre l'objectif d'accès au logement autonome (qui est plus facile dans les zones détendues) et l'accès à l'emploi (qui, pour des personnes réfugiées tout particulièrement, est plus difficile dans ces mêmes zones).

B. DES DISPOSITIFS D'ACCUEIL ET D'ACCOMPAGNEMENT DES RÉFUGIÉS PROCHES DES CPH

Parmi les solutions de sortie pour les personnes réfugiées existent, à côté des CPH, un ensemble de dispositifs dont les missions sont proches mais qui n'ont pas le statut de CPH .

Deux principaux dispositifs sont financés par l'État à ce titre : le dispositif provisoire d'hébergement des réfugiés statutaires (DPHRS) et le CADA-Intégration des réfugiés (CADA-IR) .

Le DPHRS est un dispositif, géré par l'association France Terre d'Asile et qui propose des logements à des personnes réfugiées. Le DPHRS comprend 300 places - soit quatre fois la capacité du plus important des CPH, celui de Strasbourg, qui en compte 75. Il s'agit d'appartements pris à bail dans la région parisienne (hors Paris intra-muros) et qui sont partagés par plusieurs familles de réfugiés. En complément, une équipe d'intégration, financée par des fonds européens, est chargée de l'accompagnement des réfugiés ainsi hébergés.

Le CADA-IR est un dispositif d'inspiration similaire, géré par l'association Forum-Réfugiés, et qui est situé dans la région lyonnaise. Fonctionnant sur la base d'une convention avec l'État renouvelée chaque année depuis 2004, il présente un total de 57 places .

Ces deux dispositifs complémentaires, dont les missions sont strictement identiques à celles des CPH, sont spécifiquement mentionnés dans le projet de loi de finances pour 2015 parmi les « actions d'accompagnement des réfugiés », qui représente une dotation totale de 4,5 millions d'euros.

En outre, les associations ont développé des dispositifs d'accompagnement et de logement des réfugiés d'inspiration proche des CPH , qui sont notamment recensées par le rapport de 2013 du Haut-commissariat pour les réfugiés (HCR) des Nations Unies sur les réfugiés en France 7 ( * ) . Il s'agit, par exemple, du comité d'aide aux réfugiés (CAAR) à Bois-Colombes qui offre à neuf familles réfugiées la possibilité de rester dans un logement temporaire pour six mois en échange d'une participation financière. De même, vingt appartements temporaires sont mis à la disposition de familles réfugiées à Villejuif par le Groupe Accueil et Solidarité.

Dans le même ordre d'idée, l'opération d'accueil de 500 réfugiés syriens , conformément à l'engagement du Président de la République, a été menée hors du cadre des CPH . Ainsi, l'association Coallia a indiqué à votre rapporteur spécial qu'elle avait accueilli, hors dispositif CPH, environ 400 réfugiés d'origine syrienne en 2013-2014, dans des logements diffus pris à bail.

Au total, le ministère a recensé en 2012 27 projets d'accès à l'hébergement ou au logement pour les réfugiés , à destination d'environ 1 700 bénéficiaires, en plus des 1 083 places de CPH existantes.

L'ensemble de ces structures et de ces initiatives illustre l'étroitesse du statut CPH , qui est figé depuis environ quinze ans à la fois dans ses règles et dans son ampleur, d'une part, et l'absence de visibilité et de coordination de l'action publique en faveur des réfugiés - qui sont pourtant pris en charge, plus ou moins directement, par des subventions publiques - d'autre part.

Ainsi, les CPH ne sont pas le seul vecteur de l'accompagnement et de l'intégration des réfugiés : ils appartiennent en réalité à une « nébuleuse » constituée de structures empilées et d'initiatives ponctuelles des différentes associations qui peinent, faute de pilotage et de visibilité, à constituer une politique efficace d'accueil des personnes réfugiées. En conséquence, il est nécessaire d'unifier le cadre d'accueil des réfugiés pour mettre fin à la dispersion des structures et homogénéiser les missions dévolues aux unes et autres, au-delà même de la réforme du statut des CPH .

Cette unification permettra en outre d' améliorer la lisibilité et la continuité du suivi budgétaire de ces dispositifs , dont on peut voir aujourd'hui les limites à travers les répétitions systématiques d'erreurs d'imputation dans les rapports annuels de performances. En outre, le financement des dispositifs de quasi-CPH (DPHRS et CADA-IR) est parfois spécifié en loi de finances, parfois non ; en 2015, le projet annuel de performances prévoit leur financement, mais avec un écart de 80 places pour le DPHRS.

Au total, il est donc nécessaire de remettre à plat l'ensemble des dispositifs de cette nébuleuse CPH et, en fonction de leurs missions et de leur réussite, de les intégrer à ce statut.

Proposition n° 1 : remettre à plat et, le cas échéant, intégrer au statut de CPH les dispositifs d'hébergement des réfugiés dont les missions sont proches de celles des CPH.

DEUXIÈME PARTIE : UNIFORMISER LES PRESTATIONS ET LES COÛTS

I. DES PRESTATIONS À HARMONISER

Le seul texte règlementaire régissant spécifiquement le fonctionnement des CPH est la circulaire du 14 novembre 1996 8 ( * ) . Elle prévoit que « la mission centrale du CPH est de permettre l'accès des réfugiés accueillis aux dispositifs de droit commun ». Elle insiste sur cinq aspects d'intégration : l'hébergement-logement, l'accès au RMI (RSA), l'accès à l'emploi et à la formation, l'accès aux soins, l'aide et l'action sociale.

Au regard du caractère obsolète de ce texte, il n'y a pas de prestations « obligatoires » des CPH . En outre, contrairement aux évolutions entreprises par le ministère de l'intérieur s'agissant, notamment, des CADA mais aussi des centres de rétention administrative (CRA), aucun cahier des charges ou référentiel des missions n'a été mis en place pour les CPH.

Dès lors, les CPH offrent des prestations variables d'un centre à l'autre . Dans les réponses au questionnaire de votre rapporteur spécial, le ministère a indiqué que « les missions des CPH sont orientées vers une approche globale des personnes au regard de leurs problématiques psychologiques, sociales, culturelles et médicales qui freinent momentanément leur capacité d'adaptation et d'insertion dans la société française, et qui sont souvent cumulées (barrière de la langue, suivi médical dû au manque de soin, traumatisme lié à l'exil et à l'histoire personnelle des familles, méconnaissance de l'environnement social et culturel, etc.) ». Cependant, il s'agit là d'une reconstruction a posteriori sur la base des prestations effectivement servies aujourd'hui par les CPH, et non d'un objectif stratégique poursuivi par le ministère dans le cadre d'un référentiel de prestations.

Globalement, les prestations des CPH peuvent ainsi se regrouper en deux catégories : celles que l'on retrouve de façon systématique dans l'ensemble des 28 CPH, et celles qui sont mises en oeuvre, de façon ponctuelle, par certains CPH.

A. LES PRESTATIONS SYSTÉMATIQUES DES CPH

Le ministère a fourni, dans ses réponses au questionnaire, une liste des prestations qui peuvent être considérées comme systématiques au regard des rapports d'activité des différents CPH.

1. Une prestation majeure : l'hébergement

La première mission d'un CPH est, comme son nom l'indique, de fournir un hébergement aux personnes réfugiées qu'il accueille . De ce point de vue, deux solutions coexistent : soit l'hébergement est « diffus », c'est-à-dire sous la forme d'appartements pris à bail dans l'agglomération concernée, soit l'hébergement est collectif (sous la forme d'un « centre » à proprement parler). Les CADA peuvent également se présenter sous ces deux formes.

Le ministère, interrogé en ce sens par votre rapporteur spécial, ne dispose pas de l'information sur les modalités de l'hébergement en CPH pour chaque CPH. D'après l'enquête partielle réalisée par le ministère, sur les 1 083 places existantes :

- 205 places, correspondant à 4 centres, sont des places collectives ;

- 135 places, correspondant à 4 centres, sont dans des structures mixtes (partiellement collectives, partiellement diffuses) ;

- 450 places, correspondant à 12 centres, sont installées dans des structures diffuses ;

- 293 places, correspondant à 8 centres, ne sont pas renseignées.

Votre rapporteur spécial s'étonne que l'absence de remontée d'informations depuis les CPH vers la direction générale des étrangers en France soit telle que cette dernière ne soit pas même renseignée sur la nature des places en question.

Du reste, l'absence d'évolution de la situation budgétaire ou réglementaire des CPH ne correspond pas à la réalité de ces structures, dont certaines ont évolué et vu leur nombre de places augmenter, même si les places agréées sous le statut de CPH n'ont pas évolué. Ainsi, le CPH de Massy présente un total de 83 places effectives, mais 60 seulement sont agréées et financées par l'État, les 23 autres places relevant du « secteur libre », financé par une dotation privée. En conséquence, il conviendrait de commencer par une revue généralisée des centres existants, pour déterminer leurs caractéristiques et le nombre de places disponibles . Il conviendrait d'inclure dans cette étude les dispositifs hors CPH mais réalisant des prestations équivalentes, mentionnés précédemment. Cette revue devrait être intégrée à la remise à plat évoquée précédemment pour les dispositifs hors CPH.

Votre rapporteur spécial a pu visiter une structure collective (le CPH de Massy, géré par l'association La Cimade) et une structure diffuse (le DPHRS qui, bien qu'il n'ait pas le statut de CPH et ne soit donc pas comptabilisé dans les places mentionnées précédemment, assure des prestations équivalentes). Il en conclut que si le CPH a pour vocation, au-delà de l'hébergement, d'assurer l'intégration et l'accompagnement des réfugiés, alors la structure collective, permettant d'organiser l'accompagnement et l'encadrement des réfugiés autour d'activités en commun et d'espaces de sociabilisation, semble plus adaptée . Les places en CPH diffuses ne présentent pas ou peu de différence avec une structure identique de type CADA qui soit de nature à faciliter de façon significative l'intégration des réfugiés. En passant d'un CADA à un CPH diffus, les réfugiés changent de domicile et gagnent une visibilité à six ou douze mois sur leur hébergement sans qu'il y ait un saut qualitatif majeur en termes d'accompagnement et d'intégration.

En conséquence, votre rapporteur spécial propose que le statut de CPH soit réformé pour le limiter aux seules structures collectives . Au regard du faible nombre de places aujourd'hui concernées (environ 300 places), cette évolution nécessiterait la création de nouvelles places collectives ou la transformation de places existantes pour atteindre un nombre de places en CPH collectifs de 1 000 places à terme . En tout état de cause, elle est cohérente avec les autres évolutions souhaitées par votre rapporteur spécial, qui visent à recentrer la mission des CPH sur l'accueil des plus vulnérables et sur l'animation de l'accompagnement des réfugiés sur l'ensemble du territoire où il est installé.

Proposition n° 2 : réserver le statut de CPH aux seules structures collectives, à même d'assurer l'accompagnement renforcé nécessaire.

2. Les autres prestations : l'accompagnement à l'accès aux droits communs

Les réfugiés ont, en vertu de la convention de Genève de 1951 et des dispositions législatives, accès à l'ensemble des droits sociaux garantis pour les citoyens français. Les CPH ont ainsi pour rôle d'accompagner les réfugiés afin qu'ils connaissent ces droits et puissent s'en saisir :

• Assistance quotidienne et administrative (accompagnement dans la compréhension des documents administratifs, adaptation au mode de vie en France)

• Accès aux droits civiques et sociaux (obtention des documents d'état-civil, aide aux démarches de rapprochement familial, ouverture des droits sociaux)

• Accès au logement (construction d'un projet d'accès au logement, aide aux démarches auprès des bailleurs sociaux ou DALO)

• Accès à la santé et aux soins (accompagnement administratif et orientation vers les acteurs de santé)

• Accompagnement vers l'emploi et la formation professionnelle (aide aux démarches auprès de Pôle Emploi)

Ainsi, les CPH agissent comme un « sas » entre la situation de demandeur d'asile et celle de membre à part entière de la société française , avec les opportunités d'emplois, de logements et les droits (CMU, RSA, aides à l'emploi ou à la formation, etc.) qui y sont associées. Au-delà de l'ouverture des droits, un accompagnement est nécessaire car, comme l'a souligné le directeur général des étrangers en France auprès de votre rapporteur spécial, les réfugiés représentent des « populations vulnérables au regard de leurs parcours personnels et de la distance qu'ils peuvent avoir avec la société et la culture françaises ».

B. LES PRESTATIONS NON SYSTÉMATIQUES

Au-delà du « socle commun » de prestations systématiques fournies par les CPH, votre rapporteur spécial a constaté que plusieurs CPH fournissaient des prestations spécifiques , en fonction d'initiatives locales ou personnelles et des besoins du public. Il s'agit, par exemple, de l'accompagnement des réfugiés domiciliés dans le département mais non hébergés dans le centre, de la formation linguistique ou encore, de façon plus inattendue, d'un garde-meuble ou encore d'infrastructures sportives.

Certaines de ces prestations non systématiques sont recensées dans le tableau ci-dessous, sur la base des informations transmises par le ministère.

D'un point de vue budgétaire, il est frappant de constater qu' en l'absence de tout référentiel de prestations, la dotation budgétaire de chaque CPH ne résulte pas de l'analyse des prestations effectivement fournies . Votre rapporteur spécial n'a pas été en mesure d'identifier un lien entre le coût à la place de chaque CPH et les prestations qu'il assure. D'ailleurs, comme l'ont souligné les responsables de l'association Coallia auditionnés par votre rapporteur spécial, « les différences de coût entre les différents CPH sont le résultat de la reconduction de l'historique ; il n'y a pas d'explication rationnelle : le CPH le plus cher ne fait pas davantage que le CPH le moins cher ».

Ainsi, un CPH fournissant des prestations minimales peut recevoir une dotation à la place plus importante qu'un CPH fournissant des prestations supplémentaires. Dans le même temps, un CPH fournissant des prestations supplémentaires peut recevoir une dotation plus importante, ce qui revient à subventionner indirectement des initiatives qui n'ont pas été évaluées et qui participent à une forme d' inégalité de traitement des réfugiés sur l'ensemble du territoire.

Liste des prestations non systématiques des CPH recensées
par le ministère de l'Intérieur

CPH

Gestionnaire

Prestations non systématiques fournies

Nantes

CCAS de Nantes

- Accompagnement des réfugiés domiciliés dans le département mais non hébergés au centre

- Psychologue

- Formation linguistique

Massy

CIMADE

- Formations universitaires ponctuelles

- Infrastructures sportives

Miribel

ALFA 3 A

Psychologue

Miramas

Unicil

Psychologue

Mulhouse

Aleos

Garde-meuble (pour les résidents en sortie vers un logement autonome)

Quetigny

CRF

Initiation au code de la route

Lyon

Entraide Pierre Valdo

Accueil de jour des réfugiés du département non hébergés au centre

Source : commission des finances, sur la base des réponses au questionnaire

C. ORGANISER LE FINANCEMENT DES CPH AUTOUR DE PRESTATIONS RECENTRÉES

1. La définition d'un référentiel commun actualisé de prestations obligatoires pour les CPH

En conséquence, votre rapporteur spécial préconise que soient définies, par décret ou par circulaire ministérielle, les prestations obligatoires du CPH, centrées autour de quatre principaux éléments :

• l'hébergement (sous une forme collective, pour faciliter l'accompagnement et l'intégration). Au regard du nombre de places limité en CPH, cet hébergement devrait être réservé aux personnes les plus vulnérables . Cela nécessite un système efficace d'orientation centralisée des réfugiés, alors que la sélection du public accueilli en CPH est aujourd'hui largement déléguée par l'État aux associations gestionnaires (voir infra ).

• l'accompagnement vers l'accès à un logement durable pour le public accueilli dans le CPH . Cet accompagnement, érigé en prestation obligatoire, remplit deux principaux objectifs. D'une part, il permet d'assurer la fluidité des entrées et des sorties dans les CPH, dont le nombre restera limité. D'autre part, il centre l'accompagnement sur ce qui constitue la clé d'une stabilisation de la vie sociale et, partant, d'une intégration réussie, à savoir le logement.

• l'aide aux démarches administratives , en particulier l'obtention des documents d'état civil et l'aide aux démarches de regroupement familial.

• l'accompagnement vers l'accès aux droits sociaux de droit commun (accès aux soins [démarches CMU], accès à l'emploi [accompagnement vers le Pôle Emploi], accès aux droits sociaux [démarches RSA]).

Les deux dernières prestations (assistance administrative et accompagnement vers l'accès aux droits sociaux de droit commun) devraient être fournies par les CPH pour l'ensemble des réfugiés du département voire, selon les cas, de la région, et non pour les seuls réfugiés hébergés dans le centre . À cet égard, le CPH aurait un rôle de « point de contact » ou de point d'accueil pour les réfugiés sur un territoire . Les équipes d'accompagnement présentes dans les CPH devraient être renforcées en conséquence, de manière à pouvoir accueillir les réfugiés non hébergés dans le centre ; ces derniers y seraient orientés, en particulier dans le cadre d'un suivi régulier (rendez-vous mensuel de situation).

Proposition n° 3 : redéfinir les prestations obligatoires des CPH autour de l'hébergement et de l'accompagnement au logement des réfugiés hébergés d'une part, et de l'assistance administrative pour l'ensemble des réfugiés du département (rôle de « point d'accueil ») d'autre part.

L'organisation d'un tel schéma implique une capacité de suivi centralisée des réfugiés après l'obtention du statut. En conséquence, le suivi des demandeurs d'asile dans le cadre du dispositif national d'accueil (DNA) devrait être prolongé au-delà de la décision définitive favorable pour permettre d'orienter et de suivre les réfugiés.

2. La révision de la dotation budgétaire en fonction des prestations et d'une participation financière obligatoire

D'un point de vue budgétaire, la dotation annuelle de chaque CPH est aujourd'hui fournie par la direction départementale de la cohésion sociale sur la base de la reconduction de la dotation historique (moyennant quelques ajustements, notamment à la baisse dans le contexte de restriction budgétaire). Votre rapporteur spécial préconise deux évolutions.

La première, cohérente avec la proposition précédente, consiste à recalculer chaque dotation sur la base du référentiel de prestations commun à l'ensemble des CPH ainsi défini . Aujourd'hui, les prix à la place sont très différents. Ils le sont même entre les différentes structures d'un même gestionnaire, comme l'illustre le graphique ci-dessous s'agissant des centres gérés par Coallia.

Evolution du prix de journée dans les CPH gérés par Coallia

Source : Coallia

Afin d'assurer la transition entre le système actuel, où le coût à la place est très différent d'un CPH à l'autre, à un système plus homogène, votre rapporteur spécial propose que soit, dans un premier temps du moins, maintenue une faculté d'adaptation encadrée (de l'ordre de 15 ou 20 % par rapport au coût moyen) pour tenir compte des spécificités locales, en particulier du prix du foncier.

Proposition n° 4 : déterminer les dotations de fonctionnement des CPH sur la base des prestations obligatoires définies afin d'harmoniser progressivement le coût à la place.

Par ailleurs, votre rapporteur spécial propose de généraliser la participation financière des personnes accueillies . Une participation financière est d'ores et déjà prévue pour la plupart des CPH, en pourcentage de leurs ressources (le RSA et les prestations familiales, lorsque ces allocations sont versées aux réfugiés [voir infra ]). Ainsi, au CPH de Massy, le public participe à hauteur de 15 % de ses ressources (ou 10 % pour les familles). De la même manière, Coallia impose une participation financière aux réfugiés à hauteur de 15 % du montant de leurs ressources.

La participation financière n'est généralement pas déterminante, d'un point de vue budgétaire, dans l'équilibre des comptes du CPH . En revanche, sa généralisation permet à la fois d'assurer une égalité de traitement des réfugiés accueillis en CPH sur l'ensemble du territoire, mais aussi de réduire l'inégalité de traitement entre ces derniers et ceux qui ne le sont pas. Enfin, cette participation financière est un élément du processus d'intégration des réfugiés et de transition vers le logement de droit commun. Le niveau précis de cette participation, en pourcentage des ressources des réfugiés, pourrait être fixé par le pouvoir réglementaire, à environ 15 % au regard des pratiques existantes.

Proposition n° 5 : généraliser la participation financière des réfugiés.

II. UN CADRE COMMUN HORS CPH : LE CONTRAT D'ACCUEIL ET D'INTÉGRATION

A. UN PROCESSUS D'INTÉGRATION COMMUN AUX ÉTRANGERS PRIMO-ARRIVANTS

Le programme d'accompagnement des réfugiés en matière d'intégration linguistique et civique est commun à celui des étrangers primo-arrivants dans le cadre du contrat d'accueil et d'intégration (CAI) , qui a été généralisé par la loi du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration. S'agissant des réfugiés, le CAI n'est pas obligatoire mais il est prévu, de façon facultative, par l'article L. 711-2 du CESEDA qui dispose que « l'étranger qui a obtenu le statut de réfugié en application du présent livre VII et a signé le contrat d'accueil et d'intégration prévu par l'article L. 311-9 bénéficie d'un accompagnement personnalisé pour l'accès à l'emploi et au logement ».

D'après les données transmises par l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), chargé de la mise en oeuvre et du suivi des CAI, 11 321 CAI ont été signés en 2013 par des personnes réfugiés ou apatrides ou les membres de leurs familles . Les réfugiés représentent ainsi, de façon stable depuis 2009, de 10,5 % à 12,5 % des signataires du CAI.

Le CAI s'articule autour de trois principales prestations :

- la formation linguistique ;

- le bilan de compétences professionnelles ;

- la formation civique.

Toutefois, il convient de souligner que les réfugiés - dont la présence sur le territoire français découle de leur statut et de la protection garantie par la convention de Genève - ne sont évidemment pas soumis aux obligations d'assiduité et de contrôle des connaissances auxquelles sont normalement soumis les étrangers primo-arrivants.

B. RENFORCER L'APPRENTISSAGE DU FRANÇAIS POUR LES RÉFUGIÉS

La maîtrise de la langue française constitue la clé de l'intégration sociale et économique des réfugiés . Ainsi, non seulement l'accès à l'emploi mais, d'après le ministère dans les réponses au questionnaire précité, l'accès à Pôle Emploi lui-même n'est, en règle générale, possible qu'à condition d'une maîtrise suffisante du français.

Le niveau de français des personnes sous protection n'est pas connu avec précision, faute de suivi qualitatif. Cependant, la direction générale des étrangers en France a mené une enquête longitudinale sur l'insertion des primo-arrivants (ELIPA), dans laquelle environ 700 réfugiés entrés en France en 2009 ont été suivis. Les principales conclusions de cette étude sont les suivantes :

- en 2010, 36 % des personnes interrogées ont une « faible maîtrise du français », et 28 % une « bonne maîtrise » ;

- en 2013, pour la même cohorte, 36 % ont un français fluide et 22 % ont une faible maîtrise de la langue, les hommes ayant davantage progressé que les femmes.

Certes, le progrès entre 2010 et 2013 est réel, les chiffres s'étant inversés entre la mauvaise et la bonne maîtrise du français. Il n'en est pas moins très limité : en dépit de quatre années passées sur le territoire national, seul un tiers des réfugiés a une maîtrise fluide du français . Il est donc nécessaire de renforcer les moyens portés, dans le cadre de l'OFII, sur l'apprentissage linguistique, conformément aux préconisations déjà mises en avant par votre rapporteur spécial dans ses précédents rapports 9 ( * ) .

À cet égard, votre rapporteur spécial formule deux propositions permettant d'améliorer et d'accélérer l'apprentissage du français par les personnes réfugiées .

La première a trait à la procédure de signature du CAI . La formation linguistique dans le cadre du CAI débute à partir de la signature de ce contrat par les réfugiés. Or, la signature du CAI ne peut intervenir qu'après la réception des documents d'état civil du réfugié en provenance de l'OFPRA, ce qui peut différer de plusieurs mois le début de la formation linguistique. L'ensemble des responsables associatifs et gestionnaires de CPH rencontrés par votre rapporteur spécial a souligné la lourdeur de cette procédure qui retarde le processus d'intégration et conduit au maintien (coûteux pour l'État) du réfugié dans des dispositifs transitoires tels que les CPH.

En conséquence, il est proposé de permettre aux réfugiés de signer le CAI dès réception de la décision favorable de l'OFPRA ou de la CNDA accordant la protection internationale , à charge pour le signataire de délivrer ses documents d'état civil dans les quatre mois suivant la signature.

Proposition n° 6 : permettre la signature du CAI dès réception de la décision favorable de l'OFPRA ou de la CNDA sans attendre les documents d'état civil.

Par ailleurs, certains CPH proposent également des formations linguistiques en parallèle de celles mises en place dans le cadre du CAI . Il s'agit non seulement d'une réponse aux retards mentionnés précédemment, mais surtout d'une survivance du système antérieur à la généralisation du CAI, où les CPH étaient chargés des cours de français de leurs résidents. D'après les informations transmises à votre rapporteur spécial, il s'agit notamment du CPH de Nantes ; le CADA d'Albi propose également des formations « d'adaptation socio-linguistique » aux personnes dans l'attente d'une formation du CAI.

Il ne s'agit pas de rendre ce type de prestations obligatoires en CPH, car il serait difficile d'assurer l'articulation nécessaire avec les formations délivrées dans le cadre du CAI. En revanche, ces formations témoignent du fait que les partenaires associatifs en charge du suivi des personnes réfugiées ont, pour certains, une expérience en matière de formation linguistique qu'il convient de valoriser. C'est pourquoi les crédits budgétaires d'intégration en faveur des réfugiés hors CPH devraient être concentrés en particulier sur les actions de formation linguistique, à destination de l'ensemble des personnes réfugiées (et non des seules personnes en CPH, qui ne représenteront jamais qu'une minorité de l'ensemble du public réfugié).

Proposition n° 7 : prévoir des crédits d'intégration des réfugiés hors CPH consacrés à la formation linguistique complémentaire au CAI.

TROISIÈME PARTIE : PILOTER L'ACCUEIL ET L'ACCOMPAGNEMENT DES RÉFUGIÉS

I. L'ACCUEIL ET L'INTÉGRATION DES RÉFUGIÉS, UN CHAMP DÉLAISSÉ PAR L'ETAT

La gestion des centres provisoires d'hébergement est le symptôme du renoncement de l'État en matière de pilotage des politiques publiques d'intégration , en particulier à destination des réfugiés. L'augmentation exponentielle des demandes d'asile a en effet conduit le ministère de l'intérieur à concentrer ses priorités et ses effectifs sur les demandeurs d'asile plutôt que sur les réfugiés, dont la demande a été acceptée, dont le statut est protégé par la convention de Genève de 1951 et qui ont vocation à s'intégrer dans la société française. Les difficultés de gestion administrative et budgétaire des CADA, de l'hébergement d'urgence, de l'accueil des demandeurs dans les plateformes associatives, mais aussi des centres de rétention administrative, ont monopolisé l'attention et les moyens publics, au détriment d'un public vulnérable, parfois traumatisé .

L'État, après avoir déclaré, parmi les demandeurs, lesquels étaient des réfugiés et lesquels ne le sont pas, ne sait pas en tirer les conséquences . Il ne se donne les moyens ni de raccompagner efficacement ceux (déboutés du droit d'asile) qui doivent partir, ni de suivre, d'accompagner et d'intégrer ceux (réfugiés) qui restent sur le territoire français.

Ainsi, l'accueil et l'accompagnement des réfugiés sont autogérés, sans pilotage, sans remontée d'information ni harmonisation des prestations par les acteurs associatifs . Ces derniers ne se satisfont pas pour autant de cette situation car, comme ils l'ont indiqué à votre rapporteur spécial à Paris ou lors de ses visites dans les CPH, elle les pénalise pour l'organisation de l'accompagnement des réfugiés et les moyens qui y sont alloués.

Le symptôme le plus évident de ce quasi-renoncement de l'État est l'absence d'actualisation des textes ministériels applicables . Ainsi, la dernière circulaire applicable aux CPH est la circulaire du 14 novembre 1996 précitée. L'obsolescence de cette circulaire 10 ( * ) a conduit à la situation, décrite ci-dessus, de prestations et de conditions d'accueil très hétérogènes d'un CPH à l'autre. Ces lacunes, en termes de pilotage et d'harmonisation des pratiques, ont été soulignés par le rapport de notre collègue Valérie Létard et de notre collègue député Jean-Louis Touraine pour la réforme de l'asile 11 ( * ) .

Extraits du rapport Létard-Touraine sur la réforme de l'asile

« Il est également nécessaire de revoir l'organisation et le pilotage de l'offre d'hébergement et d'accompagnement existante.

La première étape d'un meilleur pilotage des pouvoirs publics est d'identifier cette offre avec précision. Les services centraux de l'État en charge de l'asile, mais également les différents organismes dits de "droit commun" accueillant le public sous protection au cours de son parcours d'intégration, ou encore les services spécialisés dans l'accueil des réfugiés financés par l'États, doivent être informés des différents dispositifs existants.

Ces dispositifs regroupent aussi bien les CPH que des structures d'hébergement dédiées similaires, des projets d'insertion par la formation et l'emploi ou encore l'accès direct au logement par des solutions d'intermédiation locative. Il s'agit donc d'assurer l'élaboration et la diffusion d'une cartographie de l'offre spécifique existante et des opérateurs qui en assurent la gestion.

Une deuxième étape consiste à renforcer le pilotage actuel des dispositifs spécifiques financés par l'État en faveur des réfugiés par l'élaboration et l'actualisation de règles communes et nationales. En effet, un certain nombre de disparités sont observées, qui concernent aussi bien les taux d'encadrement que les délais de séjour voire même les types de prestations délivrées.

Une mise à jour de la réglementation encadrant les CPH doit ainsi permettre, non seulement d'en harmoniser les pratiques et de conférer plus d'équité au dispositif existant, mais également de développer les modalités voire les instances d'échanges avec les pouvoirs publics et entre les opérateurs, qui interviennent souvent de manière isolée, en faveur d'un public très spécifique.

Il est ensuite nécessaire de tenter un rééquilibrage territorial de l'offre existante, notamment au travers d'un système d'orientation repensé et assuré principalement au niveau national. À ce jour, seule la moitié des orientations en CPH sont assurées directement par le siège de l'OFII. Or ces orientations permettent de faire bénéficier les personnes résidant dans des territoires tendus en termes d'accès au logement, comme l'Ile-de-France, de l'offre existant dans d'autres régions.

Enfin, l'amélioration du pilotage et de la définition de l'offre existante doit être appuyée par un système d'information et de suivi du public concerné, notamment aux fins d'évaluer de manière objective et chiffrée, le parcours d'intégration et les besoins qui en découlent -- besoins qui peuvent s'avérer très hétérogènes en fonction du niveau d'autonomie et de ressources des personnes suivies. »

À cet égard, votre rapporteur spécial constate qu'il n'existe, au sein de la direction générale des étrangers en France (DGEF), aucun service spécifique dédié aux réfugiés . L'accompagnement des réfugiés et le suivi des CPH sont ainsi assurés par le service de l'asile qui, en pratique, concentre l'essentiel de son activité sur la gestion du flux des demandes d'asile . Il serait donc nécessaire de créer un service spécifique ou, à tout le moins, d'affecter un cadre de l'administration pour le suivi des politiques en faveur des réfugiés , afin d'éviter qu'elles ne soient « noyées » par l'urgence et la masse des problématiques liées à la demande d'asile.

II. METTRE EN PLACE UN DISPOSITIF NATIONAL D'ORIENTATION DES RÉFUGIÉS

A. LA MISE EN PLACE D'UN SYSTÈME CENTRALISÉ D'ORIENTATION DES RÉFUGIÉS LES PLUS VULNÉRABLES EN CPH

L'un des principaux symptômes de l'absence de pilotage en matière de gestion des CPH concerne l'orientation des personnes réfugiées dans les centres au moment de leur sortie de CADA . En pratique, ce sont, dans un grand nombre de cas, les gestionnaires de centres eux-mêmes qui sélectionnent les personnes réfugiées qu'ils vont accueillir dans leur centre ; la puissance publique, chargée pourtant d'assurer la fluidité du parcours et l'égalité de traitement de l'ensemble des personnes réfugiées sur le territoire national, n'est alors qu'informée des entrées et sorties dans le CPH.

S'agissant des CPH gérés par l'association Coallia, qui est le plus gros gestionnaire de places CPH 12 ( * ) , l'admission se fait par deux canaux :

- un canal national , une partie (environ 50 %) des places disponibles étant signalées à l'OFII ;

- un canal local , les places disponibles étant réparties en fonction des organisations locales par le service intégré d'accueil et d'orientation (SIAO) pour l'hébergement d'urgence, la direction départementale de cohésion sociale (DDCS) ou les gestionnaires de CADA directement. Coallia a cependant indiqué à votre rapporteur spécial qu'elle cherchait à « prioriser » les demandes émanant des CADA afin d'assurer la fluidité de ces derniers.

En tout état de cause, chaque responsable de CPH instruit les dossiers et décide de l'admission, dans le cadre d'une commission interne, sur la base d'entretiens, afin, selon les gestionnaires, d'évaluer l'adéquation entre la situation du demandeur et la vocation du CPH.

S'agissant du DPHRS de Paris, les candidatures sont envoyées par les CADA aux différentes plateformes. Le DPHRS sélectionne les candidatures en fonction, outre de leur vulnérabilité, de quelques critères qui lui sont propres, en particulier le fait que les personnes réfugiées acceptent la cohabitation, le fait de loger hors de Paris et la participation financière.

Ce constat est également dressé par l'OFII sans équivoque : les responsables de l'Office rencontrés par votre rapporteur spécial ont ainsi estimé que chaque gestionnaire de CPH disposait de sa propre liste d'attente, qu'il gère de façon autonome sans intégration à une quelconque liste nationale . L'OFII se contente, faute d'informations et de consolidation suffisante, de traiter les cas les plus vulnérables dont elle a connaissance, pour assurer leur accueil dans un CPH. Le directeur général de l'OFII a ainsi estimé qu'il captait environ la moitié des entrées en CPH, soit 500 entrées par an, dont environ 300 en Île-de-France.

Souvent, les places en CPH, à défaut d'une coordination nationale, sont attribuées dans le cadre, a minima , d'une concertation locale ou régionale. C'est le cas en Île-de-France où les admissions dans le CPH de Massy, ainsi que dans le DPHRS, se font certes par décision du gestionnaire, mais à l'issue d'une concertation avec les gestionnaires de CADA sous l'égide de la direction départementale de la cohésion sociale .

Un schéma plus innovant et plus intégrateur a été retenu dans la région Rhône-Alpes , où une instance d'admission concertée a été mise en place, sous la présidence du préfet, et qui se réunit de façon hebdomadaire afin de valider les orientations des personnes à tous les stades de la procédure : l'instance gère ainsi les entrées et les sorties dans l'ensemble des dispositifs d'asile (centre de transit, CADA, hébergement d'urgence, CPH, etc.). Cette instance réunit la direction départementale de la cohésion sociale, les associations gestionnaires et la direction territoriale de l'OFII. Elle a pour rôle de valider des orientations en CPH qui restent malgré tout proposées par l'association gestionnaire.

Votre rapporteur spécial propose donc, dans la ligne tracée par la réforme de l'asile actuellement en discussion au Parlement s'agissant de l'orientation des demandeurs d'asile dans le cadre du dispositif national d'accueil (DNA) géré par l'OFII, une centralisation de l'orientation des réfugiés à leur sortie de CADA (ou de l'hébergement d'urgence) par ce même DNA.

La généralisation du DNA donnera à l'OFII les moyens de mieux suivre la population admise en CADA ou en hébergement d'urgence et, ainsi de pouvoir accompagner sa sortie vers un centre provisoire d'hébergement s'agissant des personnes reconnues réfugiées. En outre, dans la mesure où la réforme prévoit une évaluation de la vulnérabilité dès le début de la procédure de demande d'asile, l'orientation des réfugiés les plus vulnérables vers les CPH après une décision favorable de l'OFPRA serait également facilitée.

Les associations gestionnaires rencontrées par votre rapporteur spécial ne sont, pour la plupart, pas défavorables à une telle évolution. Par exemple, l'association Coallia s'est dite favorable à une orientation nationale des places en CPH. Elle a ainsi souligné auprès de votre rapporteur spécial qu'au vu du faible nombre de places et de la mauvaise répartition territoriale des centres, une répartition nationale était nécessaire. En effet, en l'absence d'une telle répartition, les CPH accueillent essentiellement un public « local », notamment de réfugiés en sortie de CADA du département en question.

De même, l'association Forum Réfugiés-Cosi, active essentiellement en Rhône-Alpes, a également indiqué qu'elle ne voyait pas d'inconvénient à ce que l'OFII reprenne, en concertation, le rôle jusqu'à dévolu à l'instance d'admission concertée mentionnée précédemment. Elle a souligné que cette évolution pouvait aller dans le sens d'une plus grande transparence et d'un accompagnement plus fluide d'une solution d'hébergement à une autre .

Proposition n° 8 : mettre en place une répartition nationale, centralisée par l'OFII et intégrée au DNA, des places en CPH.

B. RENFORCER LA POSSIBILITÉ DE MAINTIEN DES RÉFUGIÉS DANS LES CADA POUR CEUX QUI NE SONT PAS ACCUEILLIS EN CPH

Aujourd'hui, l'article L. 348-2 du code de l'action sociale et des familles prévoit que « les personnes s'étant vu reconnaître la qualité de réfugié ou accorder le bénéfice de la protection subsidiaire et les personnes ayant fait l'objet d'une décision de rejet définitive peuvent être maintenues dans un centre d'accueil pour demandeurs d'asile à titre exceptionnel et temporaire ».

Sur ce fondement, l'article R. 348-3 du même code précise que « si elle en fait la demande, la personne ayant eu notification d'une décision définitive favorable est maintenue dans le centre jusqu'à ce qu'une solution d'hébergement ou de logement lui soit présentée, dans la limite d'une durée de trois mois à compter de la date de notification . (...) A titre exceptionnel, cette période peut être prolongée, pour une durée maximale de trois mois supplémentaires avec l'accord du préfet ».

Ces dispositions ne sont pas modifiées par le projet de loi de réforme de l'asile, qui les reprend dans un nouvel article L. 744-5 du CESEDA.

Ce dispositif présente deux limites . La première est que la disposition législative ne fait pas de différence entre la situation du débouté et celle du réfugié . Or, le maintien dans le CADA devrait être exceptionnel pour les personnes déboutées, qui sont statistiquement plus nombreuses que les personnes réfugiées et qui ont vocation à quitter le territoire français ; à l'inverse, le maintien dans le CADA pour les personnes réfugiées devrait être non pas exceptionnel mais seulement subsidiaire, dans la mesure où aucune solution de relogement n'a pu être trouvée.

Par ailleurs, la durée de ce maintien est très encadrée par ces dispositions (période de trois mois renouvelable) . Au-delà du fait que cela ne correspond pas à la réalité des durées de maintien de certains réfugiés en CADA, votre rapporteur spécial estime qu'au regard du nombre de places limitées offertes en CPH, des difficultés rencontrées par certains réfugiés pour accéder à un logement, le maintien dans un CADA pendant une période d'un an maximum pourrait permettre aux réfugiés de stabiliser leur situation (documents d'état civil, droits sociaux, regroupement familial, début de la formation linguistique le cas échéant), de manière à assurer la transition vers un logement dans la mesure du possible autonome.

Plusieurs raisons poussent votre rapporteur spécial à formuler cette préconisation.

La première est que le nombre de places en CPH, au regard du contexte budgétaire, n'a pas vocation à augmenter fortement . Au contraire, votre rapporteur spécial a déjà indiqué qu'il était favorable à ce que les CPH, qui doivent accueillir les publics les plus vulnérables ayant besoin d'un accompagnement et d'une sociabilisation importants, soient des centres collectifs ce qui, à court terme, devrait réduire les capacités d'accueil en CPH stricto sensu . En conséquence, orienter l'ensemble des réfugiés, ou même une proportion significative d'entre eux en CPH à leur sortie de CADA est illusoire.

La seconde raison est que, s'agissant des places en CPH diffus du moins, l'hébergement en CADA et en CPH n'est pas fondamentalement différent . La différence ne se fait pas entre les réfugiés hébergés en CADA et ceux hébergés en CPH, mais entre ceux hébergés dans l'une ou l'autre de ces structures, et ceux qui ne le sont pas. C'est le constat qui ressort du rapport précité du HCR : « les inégalités entre les réfugiés hébergés et non hébergés au sein des CADA sont importantes, car les premiers disposent d'un endroit où résider et bénéficient d'un accompagnement dans leurs démarches d'insertion après avoir obtenu le statut de réfugié ». D'ailleurs, la proximité du suivi des réfugiés en CADA et en CPH est illustrée par le fait que, dans certains CPH gérés par Coallia, une même équipe sociale est chargée de l'accompagnement des demandeurs d'asile en CADA et des réfugiés en CPH.

Enfin, la troisième raison est que, pour des personnes dont on peut espérer, en raison de leur profil, qu'elles puissent obtenir dans des délais raisonnables un accès à un logement autonome, le maintien en CADA est préférable à un parcours saccadé, marqué par des relogements provisoires successifs . Le directeur général de l'OFII a ainsi souligné auprès de votre rapporteur spécial qu'« en termes d'intégration, il vaut mieux passer directement des CADA au logement autonome que d'un CADA à un CPH puis au logement autonome ». Dans la seconde option, le réfugié doit en effet reprendre à chaque fois son intégration à zéro, avec une nouvelle équipe d'accompagnant et un nouvel univers de sociabilité.

Les associations sont réticentes à cette solution pour deux raisons principales. D'une part, elles estiment que les modalités d'accompagnement en CADA et en CPH sont différentes et que les réfugiés sont un public spécifique, présentant des besoins spécifiques, qui doivent donc être satisfaits par un suivi spécifique. Votre rapporteur spécial partage ce constat, mais estime que l'harmonisation et la généralisation d'un accompagnement plus resserré des réfugiés, comme il le préconise (voir infra ) permet d'y répondre quelle que soit la solution d'hébergement retenue.

En outre, les associations estiment que le maintien dans le CADA des réfugiés réduit la fluidité des entrées et des sorties en CADA nécessaire au regard du flux de demandes d'asile. Certes, la fluidité des CADA est un objectif essentiel pour répondre à l'accroissement du nombre de demandes. Toutefois, au regard du nombre stable de personnes obtenant le statut de réfugié chaque année, la fluidité des sorties de CADA sera d'abord améliorée par le raccourcissement des délais d'examen des demandes et par les sorties des personnes déboutées du droit d'asile. En outre, faire passer la fluidité des CADA devant l'hébergement des personnes réfugiées revient précisément à faire ce que votre rapporteur spécial dénonce, à savoir gérer l'urgence des demandes d'asile au détriment d'un accueil et d'un accompagnement des réfugiés qui ont vocation à rester sur le territoire français. A cet égard, les CPH sont souvent appréhendés, par la puissance publique comme par les associations, d'abord comme un outil de fluidité des CADA, avant d'être des instruments de promotion de l'intégration et de l'insertion des personnes sous protection.

En conséquence, votre rapporteur spécial propose de modifier l'article L. 348-2 précité afin, d'une part, de différencier la situation des déboutés et des réfugiés et, d'autre part, de prévoir que les réfugiés peuvent se maintenir, à titre subsidiaire, dans un CADA pendant une durée de six mois renouvelable .

Proposition n° 9 : modifier l'article L. 348-2 du CESEDA afin, d'une part, de différencier la situation des déboutés et des réfugiés et, d'autre part, de prévoir que les réfugiés peuvent se maintenir, à titre subsidiaire, dans un CADA pendant une durée de six mois renouvelable.

III. AMÉLIORER LE SUIVI ET L'ACCOMPAGNEMENT DES RÉFUGIÉS

Les réfugiés, dès lors que la République française leur accorde ce statut et reconnaît ainsi la persécution ou les menaces dont ils font l'objet dans leur pays, ont vocation à demeurer au sein de la société française et à s'intégrer à celle-ci. Or, confrontée à des situations d'exil, parfois de traumatismes et des barrières sociolinguistiques importantes, cette intégration est un long processus qui ne fait que commencer avec l'obtention du statut et des documents d'état civil. En conséquence, un accompagnement adéquat est nécessaire. Il doit être organisé par l'État grâce à une harmonisation du suivi des réfugiés accueillis en CPH, à un financement des actions d'intégration hors CPH et à un meilleur pilotage de l'accès des dispositifs de droit commun pour les réfugiés.

A. HARMONISER LE SUIVI DES RÉFUGIÉS ACCUEILLIS EN CPH

La circulaire de 1996 prévoyait que les réfugiés devaient signer avec les centres un « contrat de séjour » qui définit les droits et les obligations et organiser le parcours du réfugié. Même si cette formule a été conservée dans la plupart des CPH, son contenu est très différent d'un centre à l'autre et chaque gestionnaire de CPH organise de façon autonome le suivi des réfugiés qu'il accueille . Au centre de Massy, qui est un hébergement collectif avec une équipe d'accompagnement sur place, le parcours du réfugié est organisé autour d'un contrat d'une durée de six mois renouvelable, qui s'articule autour d'un projet d'insertion individualisé ; un bilan est tiré tous les six mois pour décider de la reconduction du contrat. Au sein du DHPRS, le suivi n'est pas de même nature et repose sur une équipe d'accompagnants sociaux qui rendent visite aux réfugiés dans les appartements qu'ils occupent environ toutes les deux semaines.

Dans un cas comme dans l'autre, l'évolution du parcours du réfugié est, au mieux, connu du seul gestionnaire du CPH . L'ensemble des associations rencontrées par votre rapporteur spécial ont souligné qu'hormis le nombre de places vacantes, les autorités publiques (préfectures, DDCS, OFII, direction générale des étrangers en France) ne sollicitent aucune information de la part des gestionnaires. Elles n'ont donc pas d'information sur le suivi des réfugiés, les étapes de leur parcours d'intégration ; partant, elles ne sont pas en mesure de contrôler les centres et d'apprécier la qualité de l'accompagnement qui y est fourni.

Aussi votre rapporteur spécial propose-t-il que, dans le cadre de l'actualisation des textes règlementaires et de la circulaire de 1996, un suivi des réfugiés soit formalisé sous la forme d'un contrat de séjour actualisé, stipulant notamment des rendez-vous réguliers avec un membre de l'équipe sociale et une remontée d'informations régulières à l'OFII sur la situation de la personne réfugiée (regroupement familial, accès à un emploi, accès à un logement, difficultés particulières, etc.).

Proposition n° 10 : mettre en place un parcours d'intégration harmonisé pour les résidents des CPH avec une remontée d'informations à l'OFII.

B. FINANCER UN ACCOMPAGNEMENT DES RÉFUGIÉS HORS CPH

Au regard du nombre de places qu'ils offrent, les CPH ne sont et ne peuvent être une solution d'accueil et d'accompagnement que pour une minorité de réfugiés les plus vulnérables (familles nombreuses, malades ou handicapés, traumatisés, etc.).

Pourtant, même les réfugiés moins vulnérables ont besoin d'un accompagnement spécifique pour accélérer, sinon pour réussir leur intégration ; leur statut, leurs parcours personnels, ainsi que les barrières culturelles, en font un public spécifique au sein des étrangers admis à séjourner sur le territoire français, à qui le simple accès aux droits sociaux ne suffit pas pour assurer l'intégration dans la société française.

Cela est d'autant plus vrai que les réfugiés célibataires et sans enfants, qui ne sont pas prioritaires en CADA, seront également non prioritaires en CPH. Or, l'étude précitée du HCR a montré qu'ils « font souvent l'expérience d'un parcours résidentiel chaotique » ; ils connaissent souvent l'hébergement d'urgence, dans laquelle ils côtoient un public marginalisé (sans domicile fixe, demandeurs d'asile isolés, etc.), ce qui ne facilite pas l'intégration.

En conséquence, l'État devrait financer un accompagnement spécifique des réfugiés vers l'intégration à la société française, qu'ils soient ou non hébergés en CPH . Cet accompagnement, qui serait parallèle à la formation linguistique dans le cadre de l'OFII, devrait se centrer autour de deux éléments : l'emploi et le logement.

À cet égard, votre rapporteur spécial a entendu l'association Forum Réfugiés-Cosi qui, outre les centres (CADA, CPH et CADA-IR) qu'elle gère, a mis en place le programme « Accelair » . Ce programme consiste à accompagner les réfugiés en vue de favoriser leur accès à l'emploi, à la formation et au logement . Pour ce faire, le programme repose sur un partenariat et des réunions conjointes régulières entre les préféctures, la DDCS, la direction territoriale de l'OFII, Adoma (structure publique d'hébergement d'urgence), le Pôle Emploi et les bailleurs sociaux. Ces rencontres permettent à l'ensemble des parties prenantes de mieux connaître la situation des réfugiés et, le cas échéant, de débloquer ou de faire avancer certains dossiers individuels.

Ce programme est une initiative locale de Forum-Réfugiés et est ainsi mis en oeuvre dans la région Rhône-Alpes. En 2014, il a suivi 794 ménages et a permis de loger 530 personnes grâce, notamment, à une convention qui le lie avec les bailleurs sociaux pour réserver environ 200 baux par an aux réfugiés.

En 2008, l'association Forum Réfugiés a été missionnée par le ministère pour développer son initiative dans d'autres départements et régions ; des réunions d'informations ont eu lieu dans certains départements et certaines associations ont localement lancé certains programmes d'inspiration similaire. Il s'agit, par exemple, du « service locatif plus » mis en place par France Terre d'Asile et qui prend en charge l'assurance couvrant les risques locatifs au nom des réfugiés pendant un an.

L'extension du programme Accelair en Rhône-Alpes et, a fortiori , sur le reste du territoire national a cependant buté sur les difficultés budgétaires. En effet, ce programme, dont le coût annuel est d'environ 1,4 million d'euros, est financé à moitié par le fonds européen (fonds européen pour les réfugiés (FER) et, depuis le 1 er janvier 2014, le Fonds asile, migration et intégration (FAMI)) et à moitié par des subventions publiques nationales, dont 500 000 euros par l'État . Or, les procédures de demandes et de justifications des subventions européennes sont souvent très longues et complexes. Ainsi, les responsables de l'association ont indiqué à votre rapporteur spécial qu'elle était encore en attente des fonds correspondant aux années 2011 et 2012. Ces retards de trésorerie pénalisent grandement le développement de l'activité et rendent impossibles son extension sur d'autres territoires.

En conséquence, un financement de l'État devrait désormais être prévu de façon spécifique pour l'accompagnement des réfugiés sur ce type de programme . Ainsi, la ligne budgétaire (action n° 4 du programme 104) qui est aujourd'hui essentiellement consacrée au financement des CPH pourrait être diversifiée en prévoyant une pérennisation du financement d'actions d'intégration des réfugiés. À cet égard, l'éventuelle déclassification de certains centres aujourd'hui « CPH » , dans le cadre de la revue générale préconisée précédemment, permettrait de dégager une marge de manoeuvre budgétaire pour un tel financement.

Proposition n° 11 : prévoir un financement spécifique de l'Etat en faveur de l'accompagnement et de l'intégration des réfugiés, sur le modèle du programme « Accelair ».

C. CONFIER À L'OFII LE RÔLE DE RÉFÉRENT POUR L'ACCÈS AUX PRESTATIONS DE DROIT COMMUN DES RÉFUGIÉS

En théorie, les réfugiés devraient constituer un public d'autant plus apprécié des bailleurs sociaux et des gestionnaires de centres d'hébergement, qu'ils sont « solvabilisés » par les allocations sociales (RSA, aides au logement, allocations familiales, etc.).

Cependant, toutes les associations rencontrées par votre rapporteur spécial ont souligné la difficulté, pour les réfugiés, d'accéder à leurs droits. À la complexité des démarches administratives pour des personnes réfugiées peu familières de l'administration française et souvent non francophone s'ajoute la méconnaissance, par ces administrations (CPAM, Pôle Emploi, CAF, etc.), du statut de réfugié et des droits auxquels il ouvre. Ainsi, d'après les informations recueillies auprès de certaines associations (FTDA), il faut parfois jusqu'à dix mois à certains réfugiés entre l'obtention du statut de réfugié et l'obtention de l'ensemble des documents et droits associés (documents d'état civil, RSA, CMU, etc.). Pour le regroupement familial, les délais peuvent parfois être bien plus longs et dépasser une année.

Par exemple, il arrive régulièrement que les CAF départementales refusent d'accorder les aides personnelles au logement aux réfugiés, qui y ont pourtant droit. De même, les associations indiquent que les référents de Pôle Emploi ne sont pas armés face au public réfugié. Le parcours d'accès à l'emploi des réfugiés est ainsi retardé, entre les étapes hors Pôle Emploi (notamment le bilan de compétences professionnelles du CAI) et les démarches longues et complexe pour obtenir la reconnaissance des diplômes étrangers ou des acquis de l'expérience.

En conséquence, votre rapporteur spécial préconise de désigner un agent de chaque direction territoriale de l'OFII comme référent pour l'intégration des réfugiés . Cet agent sera notamment chargé d'assurer le lien entre les CPH présents sur le territoire, les réfugiés suivis dans le cadre de l'accompagnement préconisé ci-dessus, et les guichets de droit commun. Il permettrait notamment de faire une information générale aux administrations sur le statut des réfugiés pour accélérer le traitement de leurs dossiers, ou de régler certaines difficultés ponctuelles et individuelles.

Proposition n° 12 : désigner un référent « intégration des réfugiés » au sein de chaque direction territoriale de l'OFII pour faciliter l'accès aux droits des réfugiés au sein des différentes administrations (CPAM, CAF, Pôle Emploi, etc.).

CONCLUSION

Le statut de réfugié n'est pas un sésame . Il clôt un premier parcours du combattant (la demande d'asile) pour en ouvrir un second, plus ardu encore, plus long et plus déstabilisant : l'intégration à la société française.

Les CPH se sont vu historiquement confier pour mission d'accompagner les réfugiés dans ce parcours et de jouer le rôle de « sas » entre la situation précaire du demandeur et celle de membre à part entière de la société française . Toutefois, ce « sas » est depuis plusieurs années mis à mal, à la fois par la faiblesse du nombre de places, la durée de certaines démarches administratives et de l'accès à un logement autonome, et par l'abandon, par l'État, d'une politique volontariste d'accompagnement et d'intégration des réfugiés, dans le contexte de la gestion de masse de la demande d'asile.

Ainsi, le présent rapport vise d'abord à remettre la politique d'intégration et d'accompagnement des réfugiés au coeur de la politique d'asile . Pour ce faire, il préconise trois principales orientations : d'une part, une centralisation par l'État, via son bras armé qu'est l'OFII, de la collecte d'informations sur les réfugiés, du suivi de ces derniers et de leur orientation dans les centres provisoires d'hébergement ; d'autre part, une remise à plat des prestations de ces centres, qui devraient être des centres collectifs, organisés autour d'un objectif d'insertion dans les dispositifs de droit commun ; enfin, un financement spécifique pour l'intégration des réfugiés quel que soit leur mode d'hébergement, concentré sur la formation linguistique complémentaire à l'OFII et des programmes d'accompagnement vers le logement et l'emploi.

Au total, il s'agit à la fois d' améliorer le pilotage et l'égalité de traitement des réfugiés en CPH, mais aussi d'assurer un accompagnement adéquat pour la grande majorité des réfugiés, qui ne sont pas hébergés en CPH .

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le 12 novembre 2014, sous la présidence de Mme Michèle André, présidente, la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial, sur la mission « Immigration, asile et intégration » et a entendu une communication sur son contrôle budgétaire relatif aux centres provisoires d'hébergement (CPH) des réfugiés.

M. Roger Karoutchi , rapporteur spécial . - J'annonce d'emblée que je demanderai à la commission de réserver sa position sur les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration », car je ne suis pas convaincu de la sincérité du budget qui nous est présenté et j'attends des éclairages complémentaires du Gouvernement. On peut avoir des visions différentes sur le droit d'asile ; il n'est pas possible de continuer à sous-évaluer les budgets pour constater en fin d'année qu'il manque 30 % de crédits. Certains responsables reconnaissent ce manque de sincérité, le mettant sur le compte d'une politique d'affichage destinée à faire taire les critiques. Je souhaite que le Gouvernement modifie son budget sur le droit d'asile, et je présenterai en séance un amendement sur les crédits d'intégration. Toute politique d'immigration est vouée à l'échec, à partir du moment où l'on ne consacre pas suffisamment de moyens à l'intégration.

Mme Michèle André , présidente. - Nous reverrons donc ces crédits mardi.

M. Roger Karoutchi , rapporteur spécial . - Malgré un budget modeste (666 millions en 2015), la mission « Immigration, asile et intégration » occupe un rôle majeur dans nos débats politiques et sociaux. L'année prochaine, avec un an de retard, le Sénat devrait être saisi de deux réformes en cours d'examen à l'Assemblée nationale : la réforme de l'asile et celle du droit des étrangers. L'objectif de la réforme de l'asile est double et en partie contradictoire : accélérer la procédure de demande d'asile et, en même temps, donner plus de garanties procédurales aux demandeurs. La mise en place de ces réformes devrait marquer toute la période du budget triennal 2015-2017. La prévision d'évolution des dépenses n'est pas réaliste au regard des derniers exercices. C'est pourquoi, le budget ne me paraît pas sincère.

Le programme 303, dans son volet consacré à la demande d'asile représente plus de 75 % des dépenses de la mission. Ces dépenses ont connu une explosion depuis 2008. En 2013, 67 000 personnes ont demandé l'asile en France. C'est un chiffre historiquement très élevé. Au premier semestre de 2014, ce nombre reflue légèrement. Le reclassement du Kosovo sur la liste des pays d'origine pourrait cependant relancer les demandes d'asile en provenance de ce pays vers la France.

Les moyens de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA) - bras armé de l'État en matière de droit d'asile - sont augmentés en crédits (- 7 millions d'euros) et en effectifs (+ 55 équivalents temps pleins (ETP)). Cela pourrait réduire le délai de la demande, qui est encore de 205 jours au 1 er juillet 2014 contre un objectif affiché de 90 jours. Je doute toutefois que nous l'atteindrons, malgré les effectifs supplémentaires. Quant aux centres d'accueil des demandeurs d'asile (CADA), les 4 000 places prévues y ont été créées en 2013 et 2014 et la subvention est portée à plus de 220 millions d'euros.

Les quelque 40 000 demandeurs d'asile qui ne peuvent pas être accueillis en CADA ont droit à l'hébergement d'urgence - notamment des nuitées d'hôtel - et à l'allocation temporaire d'attente (ATA). Sur ces deux dispositifs, l'exécution budgétaire 2014 est explosive. Des besoins complémentaires de 40 millions d'euros pour l'hébergement d'urgence, et de près de 100 millions d'euros pour l'ATA sont attendus. Pourquoi le Gouvernement ne prend-il pas en compte le nombre des demandeurs d'asile ? Une erreur de 100 millions d'euros n'est pas possible. Il s'agit d'un effet d'affichage. On nous annonce le remplacement de l'ATA par un dispositif plus familial, l'allocation de demande d'asile (ADA), mais cette évolution ne devrait pas faire baisser la dépense. Or, le Gouvernement prévoit que la dépense diminue de 227 millions d'euros en 2014 à 110 millions d'euros en 2015. Diviser par deux les dépenses d'allocation, en un an, avec autant de demandeurs d'asile et pas plus de places en CADA tiendrait du miracle !

Les crédits de lutte contre l'immigration irrégulière restent stables à 73 millions d'euros. Je m'étonne que seulement un million d'euros soit prévu pour l'assignation à résidence, pourtant présentée comme l'alpha et l'oméga de la future politique. Sur près de 70 000 demandeurs d'asile, plus de 50 000 essuient un refus, dont une grande majorité reste en France, en situation irrégulière. On ne peut pas développer l'assignation à résidence avec un million d'euros. La faiblesse de cette ligne budgétaire montre que le Gouvernement ne se donne pas les moyens financiers de ses choix politiques.

Je ne suis pas opposé à une politique migratoire raisonnable. Mais, que dire du financement du programme 104 relatif à l'intégration des étrangers ? Il faudrait donner à l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) les moyens d'accomplir sa mission - formation linguistique et civique et accompagnement des étrangers en situation régulière. Or, après des baisses de plafond de taxes affectées en 2013, en 2014, la loi de finances rectificative a supprimé la subvention de 10 millions d'euros que l'État versait à l'OFII, qui doit gérer l'ATA à la place de Pôle emploi. La réforme du droit des étrangers en France conditionne la délivrance du titre de séjour à la connaissance de la langue française au niveau A2. Mais jusqu'alors, l'assiduité suffisait. Sera-t-elle désormais vérifiée par un examen ? Par manque de moyens l'on se contentera sans doute de valider la présence à des cours obligatoires... Je présenterai à titre personnel un amendement pour transférer 10 millions du programme 303 vers le programme 104, afin de renforcer les moyens de l'OFII en matière de formation linguistique, pierre angulaire d'une intégration réussie. Certes, le budget du programme 303 est déjà insuffisant. Un peu plus, un peu moins, le Gouvernement devra abonder le programme en cours d'année et prendra ses responsabilités... La loi de finances ne doit pas masquer les réalités.

Enfin, la dernière ligne du budget est consacrée aux centres provisoires d'hébergement des réfugiés (CPH). J'appelle votre attention sur le faible montant de la dotation, de 16 millions d'euros, soit 3 % du total de la mission. C'est peu pour des gens qui ont obtenu le statut de réfugiés et qui obtiendront vraisemblablement la naturalisation. Drôle de manière de les faire entrer dans la nation française ! Un vrai droit d'asile ne repose pas sur un traitement quantitatif, mais qualitatif. Sans moyens, on n'intègre pas bien, d'où ma proposition de réserver la position de la commission sur ces crédits, dans l'attente d'explications supplémentaires du Gouvernement.

Mon contrôle budgétaire a porté sur les CPH. On en dénombre vingt-huit sur le territoire national, soit 1 083 places. Chaque année, environ 10 000 personnes obtiennent le statut de réfugié en France. La durée moyenne de séjour dans un CPH étant de dix mois, 80 à 85 % des réfugiés n'ont pas d'hébergement en CPH. Pour la plupart, après les CADA ou l'hébergement d'urgence, ils trouvent un logement de droit commun. La majorité du public en CPH (88 %) est constituée de familles. Les nationalités les plus représentées sont les Russes (essentiellement des Tchétchènes), les Syriens, les Afghans, les Sri Lankais et les Kosovars. Tout comme les CADA, les CPH sont gérées par des associations, à une exception près, un CPH de 40 places géré par la mairie de Nantes. Ces centres peuvent être des structures collectives ou diffuses, avec des appartements, individuels ou partagés, pris à bail par les associations. En 2015, 16 millions d'euros leur sont consacrés au sein du programme 104. En comparaison, 220 millions d'euros sont budgétés pour les CADA. L'effort financier est clairement réalisé en priorité sur les demandeurs d'asile, et non sur les réfugiés.

Au cours de mes auditions à Paris, et des deux visites de CPH effectuées, j'ai constaté cinq problèmes dans la gestion des CPH. Le premier constat, c'est l'absence d'évolution depuis quinze ans. Le nombre de places est stable, autour de 1 000 places, alors qu'il a quadruplé dans les CADA. Les règles qui régissent les CPH sont inadaptées, figurant dans une circulaire ministérielle obsolète, datant de 1996...

Deuxième constat : la disparité des prestations fournies par les différents CPH. Laissé à lui-même, chacun a développé ses propres activités depuis vingt ans, sans homogénéisation par l'État. Ainsi, alors que certains CPH offrent un simple hébergement avec accompagnement ponctuel, d'autres prévoient un accompagnement social fort, d'autres encore un soutien psychologique ou des formations linguistiques ; celui de Massy que j'ai visité, dispose même d'un terrain de sport...

Troisième constat : les coûts varient d'un centre à l'autre. Ils s'échelonnent de 24 à 39 euros par jour et par place, sans aucune justification d'un tel écart. Quatrième constat : des dispositifs, également financés par l'État, concurrencent les CPH dans leur mission, sans en avoir le statut, ainsi le « Dispositif provisoire d'hébergement des réfugiés statutaires » (DPHRS) en Île-de-France, géré par France Terre d'Asile, et le CADA-IR, géré par Forum Réfugié, en Rhône-Alpes. Certaines associations favorisent également l'intégration des réfugiés par l'accès au logement et à l'emploi, comme le dispositif ACCELAIRE en Rhône-Alpes. Cinquième et dernier constat : l'attribution des places dans les CPH est erratique et s'effectue sur la base de critères non harmonisés. Le processus reste opaque.

Dans son ensemble, le dispositif donne l'impression d'une nébuleuse CPH, plus ou moins autogérée par les associations. L'État s'est contenté de fournir des subventions, sans pilotage stratégique, sans harmonisation des prestations, sans orientation des réfugiés. Le ministère est conscient de l'insuffisance de pilotage et demandeur de propositions de réforme.

Il importe de recentrer les crédits et les dispositifs sur l'objectif d'intégration des réfugiés, qui ont vocation à rester longtemps sur le territoire national. Il serait également utile de définir, au sein de l'OFII, un parcours d'intégration des personnes réfugiées, adaptant le parcours d'intégration des étrangers en situation régulière.

Trois conditions sont essentielles pour réussir la première phase d'intégration : l'hébergement, la langue et l'emploi. En conséquence, je préconise de conserver le statut de CPH en le réservant aux seules structures collectives. À terme, seuls les réfugiés les plus vulnérables y seraient orientés. Pour favoriser l'intégration des autres réfugiés, il faudrait les autoriser, comme c'est le cas en Belgique et aux Pays-Bas notamment, à rester dans les CADA jusqu'à quatre ou cinq mois après la décision de l'OFPRA, puis les insérer dans le droit commun.

Les associations ont un rôle à jouer, moins comme gestionnaires de structures que dans le cadre de l'accompagnement et du suivi des réfugiés. Elles n'applaudissent pas à ces propositions. Cependant, malgré le travail humain essentiel qu'elles fournissent, elles ne peuvent pas compenser le terrible désengagement de l'État : je recommande une vraie réflexion sur les CPH.

M. Philippe Dallier . - Est-il vraiment justifié de différencier les CADA et les CPH ? Après tout, ce sont des locaux qui ont une fonction d'accueil et que gèrent des associations. Du temps où les accords collectifs entre l'État et les bailleurs sociaux fonctionnaient, un pourcentage d'appartements était réservé aux réfugiés. Ces appartements existent-ils toujours ou le droit au logement opposable (DALO) a-t-il tout phagocyté ?

M. Maurice Vincent . - L'approche financière doit coller à la réalité sur ce sujet qui va prendre de plus en plus d'ampleur, au regard de l'évolution du monde. Le rapport signale une progression considérable du nombre des demandeurs d'asile dans l'Union européenne - 435 000 en 2013. La France n'est pas le premier pays d'accueil ; elle est devancée par l'Allemagne.

Mon expérience passée de maire m'a montré combien le problème était difficile à résoudre sur le terrain. La saturation est incontestable dans certains territoires, les villes, notamment. Les difficultés ne sont pas seulement budgétaires. Dans la Loire, où Saint-Etienne est saturée, nous nous sommes heurtés au refus des collectivités locales, toutes orientations politiques confondues. J'ai cru comprendre que la réforme de l'OFPRA raccourcirait la durée d'examen des dossiers, allégeant ainsi la pression sur les CADA. Vous ne semblez pas y croire. Est-ce parce que les effets ne se feront sentir que dans quelques années ? Il est peu probable que le nombre de demandeurs d'asile diminue dans les années à venir. Comment résoudre le problème de l'inégalité de leur répartition sur notre territoire ? Peut-on envisager des moyens plus coercitifs pour que les collectivités locales accueillent ces demandeurs d'asile et désengorger les villes ? Vous avez parlé d'un million d'euros au sujet de l'OFII...

M. Roger Karoutchi , rapporteur spécial . - Dix millions d'euros de subventions ont été supprimés.

M. Maurice Vincent . - La situation ne s'améliorera pas sans un effort de coordination des politiques au niveau européen. Nous allons devoir faire face à des flux importants de réfugiés. Le problème des réfugiés syriens, par exemple, ne sera pas réglé avant longtemps. Nous sommes d'accord pour réserver à ce stade notre position sur les crédits de la mission. Au-delà de ce rapport, des solutions restent à trouver pour éviter d'aggraver le problème.

M. Michel Canevet . - Je salue l'excellente manière que vous avez eue d'aborder le dossier et l'orientation dynamique que vous avez su lui donner. La répartition territoriale est un enjeu à ne pas négliger. Dans le Finistère, nous accueillons des mineurs étrangers, isolés de leurs familles. Cinquante places ont été créées l'an dernier, cinquante autres durant le premier semestre 2014, et trente autres sont prévues en 2015. Pour 130 places, nous aurons une dépense de quatre millions d'euros en un an et demi, que je ne suis pas sûr de pouvoir assumer. Des crédits ont été prévus pour accompagner l'effort des départements. Au total, c'est un budget considérable qui est consacré à l'accueil des étrangers.

M. Richard Yung . - Où est la coopération européenne ? On laisse l'Espagne se débrouiller à Ceuta et Melilla, les Italiens régler la situation à Lampedusa. Il n'y a ni convergence, ni solidarité européennes. Quant à la Grèce, elle supprime tout simplement les centres de rétention, et repousse les demandeurs d'asile vers d'autres pays. Ce sont des politiques de Gribouille !

La réforme du droit d'asile raccourcira le délai d'examen des demandes de dix-huit à neuf mois, et sera plus dirigiste pour l'hébergement. Certes il y faut des moyens, mais cela me semble raisonnable. Quelle est l'origine de votre scepticisme, que je suppose fondé ? Cinquante ou soixante postes en plus à l'OFPRA et autant à l'OFII, c'est déjà bien par les temps qui courent !

M. Jean-Claude Boulard . - La raison du scepticisme du rapporteur, c'est qu'il connaît bien le dossier ! Afficher un délai de six mois au pays des droits de la défense n'est pas raisonnable. Il n'est pas vrai que cela coûtera moins cher. La preuve en est l'écart actuel entre prévision et réalisation. De temps en temps, il faut se dire la vérité, la réforme se mettra en place très progressivement : la lucidité mène à la prudence...

M. Roger Karoutchi , rapporteur spécial . - J'aurais préféré, tout en étant en désaccord avec une politique, pouvoir reconnaître que les moyens lui correspondent. Or l'on suit une politique sans s'en donner les moyens. Cela ne peut que susciter le scepticisme et l'amertume dans les collectivités et l'opinion publique.

Je suis d'accord avec Philippe Dallier : favoriser les CADA au détriment des CPH, sans argent, ce serait mettre un cautère sur une jambe de bois, ou presque. Les CADA sont malgré tout plus encadrés et les 4 000 places annoncées sont là. L'État ne sait pas gérer les CPH. Je me suis rendu dans un centre d'Île-de-France, car la direction ministérielle ne sait pas ce qui s'y passe. Je m'en suis étonné : ce n'est qu'à quelques kilomètres de Paris, et pourtant la direction n'a aucun retour. Les responsables du CPH ont un contact avec tel service de la préfecture, telle direction, reçoit des noms, demande des subventions... Mais il n'y a aucune remontée centralisée d'information, aucun suivi national. Comment cela est-il possible ?

Même s'il n'y en a pas assez, les CADA sont plus contrôlés, plus accompagnés, tandis que les CPH ont été laissés en déshérence : il n'y a pas de critères, pas de liste de réfugiés prioritaires parce que plus fragiles. Si nous maintenons les CPH, il faudra résoudre le problème du financement de l'intégration et les encadrer davantage.

La convention qui prévoit un pourcentage de logements réservés aux réfugiés existe toujours, mais elle n'est plus appliquée. L'État ne l'impose plus : les associations se débrouillent pour sortir les réfugiés des CADA et des hébergements hôteliers.

Ai-je une approche financière d'un problème qui n'est pas que financier, monsieur Vincent ? S'il est bon de formuler un objectif, encore faut-il qu'il soit réaliste. Or, dans le même texte qui prévoit 55 postes supplémentaires à l'OFPRA et des délais de trois mois pour ce dernier et six mois pour la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), le Gouvernement augmente les garanties, autorise l'intervention plus régulière des avocats, organise des recours, etc. Si à droit constant, nous pouvions espérer qu'un personnel plus nombreux pouvait réduire les délais, ce n'est plus le cas quand le système devient plus complexe. Tant qu'il y aura 65 000 à 70 000 demandeurs d'asile et si nous n'évitons pas cette complexification, le délai ne sera pas réduit.

Cette prétention est d'autant plus ridicule que le texte arrivera au Sénat en début d'année : la réforme ne sera appliquée au mieux qu'au 1 er janvier 2016. La plupart des réfugiés sont hébergés en Île-de-France et en Rhône-Alpes, faute de places d'hébergement suffisantes dans les autres régions, sans compter, il est vrai, les réticences de certaines collectivités.

Chacun réclame une politique coordonnée au niveau européen ou mondial, mais en réalité, les pays moins concernés essaient d'éviter une action qui les contraindrait. Cela reste donc l'affaire du Royaume-Uni, de l'Allemagne, de la France, de l'Italie et de l'Espagne. Les autres nous laissent nous débrouiller. La Grèce a vidé ses centres de rétention ? Oui : les États en difficulté financière profitent du désordre en Europe pour laisser filer les demandeurs d'asile dans l'espace Schengen et laisser les autres États en assumer les conséquences.

Il est difficile de forcer la répartition territoriale : souvent, les demandeurs ont des réseaux, de la famille. L'Allemagne a ainsi reçu de très nombreuses demandes de Syriens, bien plus que nous - moins que les 5 000 dont parlait le Président de la République. C'est sans doute que lors de leur passage en Turquie, ils sont pris en charge par des réseaux kurdes qui les envoient en Allemagne. La France reçoit des Tchétchènes, des Albanais, des Kosovars. Ce dernier pays avait été ajouté à la liste des pays d'origine sûrs, mais il en a été retiré à la suite d'un recours. Le Gouvernement y a ajouté des pays comme l'Albanie. Il est normal que des pays qui ont un régime démocratique y figurent.

Il faut dire la vérité sur ce que cela coûte. Il n'y a rien de pire que d'afficher des chiffres faux. L'ATA - ou l'ADA, quel que soit son nom - ne sera pas divisée par deux en 2015 ; en fin d'année prochaine, vous verrez fleurir les articles de presse disant que les coûts ont explosé... Cela ne me paraît pas de bonne politique.

Mme Michèle André , présidente . - Nous donnons acte de la communication du rapporteur spécial et, conformément à sa préconisation, nous réservons les crédits de la mission.

À l'issue de ce débat, la commission a décidé de réserver sa position sur les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration ».

Elle a donné acte à M. Roger Karoutchi, rapporteur, de sa communication sur les centres provisoires d'hébergement des réfugiés (CPH) .


* 1 Convention de 1951 relative au statut des réfugiés, signé à Genève.

* 2 La protection subsidiaire bénéficie, au terme de l'article L. 712-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à « toute personne qui ne remplit pas les conditions pour se voir reconnaître la qualité de réfugié (...) et qui établit qu'elle est exposée dans son pays à l'une des menaces graves suivantes :

a) La peine de mort ;

b) La torture ou des peines ou traitements inhumains ou dégradants ;

c) S'agissant d'un civil, une menace grave, directe et individuelle contre sa vie ou sa personne en raison d'une violence généralisée résultant d'une situation de conflit armé interne ou international. »

* 3 Articles L. 314-11 (8°) et L. 313-13 (2 e alinéa) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

* 4 L'association Coallia (anciennement Aftam) gère 5 CPH sur l'ensemble du territoire national.

* 5 Il s'agit en réalité, pour l'essentiel, de minorités caucasiennes (notamment Tchétchènes).

* 6 Enquête ELIPA (Enquête longitudinale sur l'intégration des primo-arrivants) réalisée par le département des statistiques, des études et de la documentation de la Direction générale des étrangers en France (DGEF), 2011.

* 7 Rapport « Vers un nouveau départ : l'intégration des réfugiés en France », UNHCR, septembre 2013.

* 8 Circulaire MATVI/DPM n° 699 du 14 novembre 1996 du ministre de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration relative au fonctionnement des centres provisoires d'hébergement.

* 9 Voir en particulier le rapport n° 47 (2012-2013) « L'office français de l'immigration et de l'intégration: pour une politique d'intégration réaliste et ambitieuse », 16 octobre 2012.

* 10 Elle vise notamment à prévoir des partenariats avec les collectivités locales ou les associations qui, au regard de l'évolution de leurs compétences, ne sont plus d'actualité ; elle prévoit une durée d'admission de six mois avec rapport écrit pour tout renouvellement, ce qui n'est pas appliqué par les CPH, etc.

* 11 Rapport sur la réforme de l'asile remis au ministre de l'intérieur le 28 novembre 2013.

* 12 Coallia gère 5 CPH, pour un total de 209 places.

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