B. LA REDÉFINITION DES LEVIERS PRÉFECTORAUX

1. L'affirmation de l'autorité du préfet de région

La place et le rôle de l'administration préfectorale ont tenu compte d'une RéATE dont il est possible de résumer les grands principes de la manière suivante :

- une recherche de clarification des rôles entre le niveau régional et départemental ;

- la mission confiée à l'échelon régional de définir les modalités d'application des directives nationales dans la région et de répartir les moyens alloués par les ministères ;

- l'identification de la région comme le niveau de pilotage des politiques publiques ;

- l'attribution à la circonscription départementale de la mission de contact avec les usagers et de mise en oeuvre des politiques publiques de proximité .

Le décret n° 2010-146 du 16 février 2010 , modifiant le décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'État dans les régions et départements, a tiré les conséquences de cette nouvelle organisation concernant l'architecture préfectorale.

Déjà conforté en 2004, le rôle du préfet de région dans la conduite des politiques publiques a été renforcé par l'autorité qui lui est désormais reconnue sur les préfets de département 9 ( * ) .

Le nouveau schéma préfectoral mis en place par le décret précité du 16 février 2010 vise d'abord à assurer la cohérence de l'action de l'État dans la circonscription régionale.

Le préfet de région , garant de cette cohérence, est responsable de l'exécution des politiques nationales et communautaires, sous réserve des compétences de l'ARS et du Rectorat.

À ce titre, il a autorité sur le préfet de département dans la conduite des politiques publiques par le biais d' un pouvoir d'instruction .

Il dispose par ailleurs d' un pouvoir d'évocation , pour une durée limitée, de tout ou partie d'une compétence à des fins de coordination régionale : dans ce cas il prend les décisions correspondantes en lieu et place des préfets de département. Cette faculté ne peut pas être déléguée. Dans une instruction du 13 décembre 2010 du Premier ministre, il est précisé que « l'autorité reconnue au préfet de région ne remet pas en cause la responsabilité première des préfets de département devant les ministres. À cet égard, les recours hiérarchiques contre les décisions des préfets de département continueront à être portés directement devant les ministres compétents . ». Le préfet de région n'est donc pas une « instance d'appel » des décisions du préfet de département.

Du point de vue budgétaire , le préfet de région arrête la répartition des crédits des budgets opérationnels de programme (BOP). Ce pouvoir lui confère ainsi la capacité d'adapter les moyens mis à sa disposition aux enjeux territoriaux.

2. La montée en puissance du secrétaire général aux affaires régionales (SGAR)

Parallèlement à l'affirmation de son autorité, le préfet de région a pu également s'appuyer sur un secrétaire général aux affaires régionales (SGAR) dont le rôle n'a fait que croître au cours de ces dernières années. La montée en puissance du SGAR et son influence sur les enjeux administratifs de l'État en région représentent d'ailleurs l'une des principales innovations de l'organisation du travail préfectoral au cours de la période récente.

Cette montée en puissance n'est toutefois pas surprenante. Elle correspond à la prise en compte par le préfet de région de l'évolution du paysage administratif issu de la RéATE. D'une certaine façon, la montée en puissance du SGAR représente le pendant de la RéATE au niveau préfectoral et le signe de l'adaptation des préfectures à une nouvelle cartographie administrative ainsi qu'au glissement des centres de décision au niveau régional.

Les fonctions du SGAR

La circulaire JORF n° 246 du 19 octobre 2004 relative à la réforme de l'administration territoriale de l'État (création de pôles régionaux - organisation des préfectures de région) plaçait déjà le SGAR en situation centrale sur toute une série de thématiques : le pilotage du comité de l'administration régionale (CAR) 10 ( * ) , la mise en oeuvre territoriale de la LOLF, l'évaluation des politiques publiques et le contrôle de gestion, la mutualisation des moyens des services de l'État...

Toutefois, le décret n° 2009-587 du 25 mai 2009 relatif aux missions des SGAR a renforcé le SGAR, qui assiste le préfet de région dans l'exercice de ses missions.

Sous l'autorité du préfet de région , le SGAR exerce les fonctions suivantes :

1. Il coordonne l'action des services régionaux de l'État et veille à l'articulation de celle-ci avec celle des services départementaux ;

2. Il veille à la cohérence de la mise en oeuvre des politiques nationales et de celles de l'Union européenne (UE) qui relèvent du niveau régional et met en oeuvre certaines d'entre elles. Il peut également mettre en oeuvre certaines politiques nationales ou européennes qui relèvent du niveau interrégional lorsque le préfet de région en a été désigné coordonnateur ;

3. Il anime l'action des services régionaux de l'État dans les domaines des études , de l'évaluation et de l'utilisation des technologies de l'information et de la communication ;

4. Il coordonne la mise en oeuvre des actions d'information et de communication de l'État relatives aux politiques publiques dans la région, en relation avec le service d'information du Gouvernement (SIG) ;

5. Il anime et coordonne l'organisation et la mise en oeuvre des fonctions mutualisées des services de l'État en région ;

6. Il organise et anime une plate-forme d'appui interministériel à la gestion des ressources humaines (GRH) .

Au titre du secrétariat du CAR, le SGAR prépare et suit l'application des décisions et des avis relatifs à la mise en oeuvre territoriale des programmes au titre de la LOLF. Il est donc au coeur de la mission de coordination et d'animation de l'action des administrations déconcentrées de l'État .

L'éclatement du droit des femmes : le positionnement des déléguées aux droits des femmes et à l'égalité des chances

En application de l'article 2 du décret n° 2009-587 du 25 mai 2009 relatif aux missions des SGAR , la déléguée régionale aux droits des femmes et à l'égalité assiste le SGAR, sous l'autorité duquel elle est placée.

Ce positionnement présente certes l'avantage de mettre les déléguées régionales en situation de pouvoir continuer à conduire leurs missions interministérielles . Il est en outre préférable à la solution, un temps envisagée, d'intégrer les déléguées régionales dans les directions régionales de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale (DRJSCS).

Pour autant, de nombreuses questions subsistent quant à la place des déléguées dans l'organisation administrative actuelle. En effet, dans ce schéma, le niveau régional est dissocié du niveau départemental. Ainsi, alors qu'auparavant les déléguées régionales étaient également chargées de mission départementales dans le département chef-lieu et pouvaient s'appuyer sur de petites équipes légères, ces équipes sont désormais éclatées entre l'échelon régional et les départements . Les déléguées départementales relèvent pour leur part des directions départementales de la cohésion sociale (DDCS).

Cette dispersion freine le travail thématique des délégations, tout en leur faisant perdre de la visibilité au regard des partenaires extérieurs. Elle représente également un facteur d'inquiétude quant à la capacité à préserver le rôle opérationnel d'animation des déléguées dans les axes d'action qu'elles poursuivent (l'accès des femmes aux responsabilités, l'égalité professionnelle, le respect des droits personnels et sociaux, l'articulation des temps de vie...).

Le SGAR s'appuie sur une équipe interministérielle de chargés de missions et de collaborateurs contractuels. Cette équipe regroupe aussi bien des agents du ministère de l'intérieur ou d'autres ministères que des agents détachés de la fonction publique territoriale.

Son organisation est variable d'une région à l'autre , en fonction des spécificités des territoires. Votre rapporteure spéciale vous présente par exemple ci-dessous l'organigramme du SGAR de la région Midi-Pyrénées.

Les effectifs des SGAR ont connu un « fort accroissement » au cours des dernières années , ainsi que le rappelait la Cour des comptes en 2013 11 ( * ) . L'année dernière, ils s'appuyaient ainsi sur 897 équivalents temps plein travaillé (ETPT) au titre du seul programme « Administration territoriale » de la mission « Administration générale et territoriale de l'État ». La Cour des comptes précisait par ailleurs qu'« en réalité, le nombre d'agents des SGAR est sensiblement supérieur : il comprend des agents relevant de plusieurs administrations des niveaux régional et national, et donc de plusieurs programmes. Ainsi le SGAR du Languedoc-Roussillon comporte 50,5 ETP, celui de Nord-Pas-de-Calais 70,3 ETP avec des objectifs cibles de 78,1 ETP, celui de Poitou-Charentes 46,1 ETP ». Pour 2014, le projet annuel de performances de la mission « Administration générale et territoriale de l'État » prévoit qu'« au sein des préfectures de région, 884 ETPT sont affectés dans les secrétariats généraux pour les affaires régionales (SGAR) et services zonaux de défense ».

La taille des effectifs des SGAR mérite une attention particulière . Ces secrétariats n'ont en effet pas vocation à se transformer en administration lourde. Les SGAR comportent un ou deux conseillers dans le domaine de chacune des directions régionales et constituent en quelque sorte pour le préfet de région un « cabinet régional ». Pour autant, leur rôle consiste à assurer le suivi et à accompagner le pilotage de l'activité des directeurs régionaux, pas à se substituer à ces directeurs et encore moins à être un facteur de leur déresponsabilisation. Or, dans son rapport précité, la Cour des comptes indiquait que « dans certains cas, les dossiers préparés par les directions régionales sont ré-instruits par ces conseillers et [que] la relation entre le SGAR et les directions régionales s'effectue, dans nombre de cas, par leur intermédiaire ». Elle observait ainsi que « les SGAR sont devenus de véritables services dont le nombre d'agents est parfois supérieur à celui de directions comme la DRJSCS ou la DDCS ».

Recommandation n° 1 : maîtriser l'évolution des effectifs des secrétariats généraux aux affaires régionales (SGAR), ceux-ci ne devant ni doublonner les directions régionales, ni limiter le rôle de pilotage de ces dernières.

Par ailleurs, la question de l'articulation entre le SGAR et le secrétaire général de la préfecture du chef-lieu de région pose question. Avant l'avènement du SGAR, le secrétaire général de la préfecture du chef-lieu de région était en effet jusqu'à présent censé avoir la haute main sur la gestion des moyens préfectoraux en région et dans les départements. Dans le nouveau schéma, il s'agit donc d'exercer une réelle vigilance afin qu'un nouvel équilibre se dégage et d'éviter d'éventuels recoupements ou redondances des responsabilités entre ces deux intervenants.

Recommandation n° 2 : veiller au juste équilibre des compétences entre le SGAR et le secrétaire général de la préfecture du chef-lieu de région s'agissant de l'administration des moyens préfectoraux.

3. Le renforcement du pilotage de la stratégie de l'État au niveau régional : l'utilité du comité de l'administration régionale (CAR)

Assisté des directeurs régionaux issus de la RéATE, le préfet de région est le garant de la cohérence de l'action de l'État dans la région pour les politiques nationales et communautaires de sa compétence. Dans ces conditions, il exerce un pilotage régional portant sur :

- la fixation des priorités annuelles de l'action de l'État dans la région et des moyens associés , dans le respect des instructions ministérielles ;

- l'animation et la coordination de l'action de l'État dans la mise en oeuvre des politiques publiques et des programmes d'enquêtes ;

- la mise en cohérence de l'action de l'État dans la région en partenariat avec les organismes publics et notamment les nouveaux acteurs régionaux (ARS, Pôle emploi...) ;

- l'animation des réseaux de compétence et des échanges de pratiques ;

- l'organisation du pilotage des projets de dimension supra-départementale ;

- l'organisation du suivi et de l'évaluation de la mise en oeuvre des politiques publiques, dans un souci d'amélioration continue.

Dans ce but, il dispose d'un outil précieux en terme de méthode de travail : le comité de l'administration régionale (CAR) .

La composition du comité de l'administration régionale (CAR)

Le décret du 16 février 2010 précité a modifié la composition du CAR, présidé par le préfet de région . Désormais ce comité est constitué :

- des préfets de département ;

- du ou des recteurs d'académie ;

- du directeur régional des finances publiques ;

- du secrétaire général placé auprès du préfet du département où se situe le chef-lieu de la région ;

- du secrétaire général pour les affaires régionales ;

- du directeur régional de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt ;

- du directeur régional de l'environnement, de l'aménagement et du logement ;

- du directeur régional de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale ;

- du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi ;

- du directeur régional des affaires culturelles ;

- le cas échéant, du directeur interrégional de la mer.

En outre, le directeur général de l'ARS est également membre du CAR.

Le préfet de région associe, en tant que de besoin, les responsables des établissements publics et des services de l'État ayant leur siège dans la région ou dont l'activité s'exerce au-delà de la région. Il peut également proposer aux chefs de cour et de juridiction d'assister aux travaux du CAR. Enfin, il peut inviter toute personne qualifiée à être entendue.

Le secrétariat du CAR est assuré par le SGAR. Celui-ci réunit les secrétaires généraux des préfectures et les directeurs régionaux et prépare les réunions du CAR. Il s'appuie également sur le réseau des sous-préfets d'arrondissement.

Ce comité représente le lieu de l'animation interministérielle et interdépartementale. Il constitue l'instance collégiale où s'élabore la stratégie de l'État en région, via la déclinaison des politiques publiques en stratégies régionales coordonnées et la répartition des moyens en fonction des priorités définies.

Tout à la fois instance de concertation et de décision, le CAR représente l'alternative idoine pour sortir de dialogues bilatéraux ne permettant pas de déboucher sur une vision stratégique de l'allocation des ressources au niveau régional .


* 9 Ainsi que l'a mis en évidence la mission commune d'information du Sénat sur la RGPP et les services publics locaux, ce renforcement constitue « l'aboutissement des réformes conduites au cours des vingt dernières années ». Pour davantage de développements, votre rapporteure spéciale renvoie au rapport d'information n° 666 (2010-2011) - Tome I, « La RGPP : un défi pour les collectivités territoriales et les territoires » de Dominique de Legge.

* 10 Véritable « conseil d'administration » de l'État en région, le CAR constitue le lieu de délibération collégiale des décisions stratégiques et le cadre dans lequel le préfet de région s'assure de la cohérence de l'action de l'État dans la région et de la mise en oeuvre des priorités gouvernementales. Sous l'autorité du préfet de région, le CAR réunit les préfets départementaux, les directions régionales et les DDI.

* 11 Cf . Cour des comptes, rapport public thématique « L'organisation territoriale de l'État » (juillet 2013).

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