LE TEMPS DE TRAVAIL
La distinction européenne entre temps de travail et temps de conduite
Le droit communautaire distingue le temps de travail du temps de conduite. Le temps de travail inclut, au-delà de la conduite, le chargement et le déchargement, le nettoyage et l'entretien technique, ainsi que les formalités administratives. Il intègre également les périodes durant lesquelles le conducteur ne peut disposer librement de son temps et doit se trouver à son poste de travail, comme les périodes d'attente de chargement ou déchargement par exemple. Le temps de travail ne prend cependant pas en compte le temps de disponibilité , soit la période durant laquelle le chauffeur, bien que n'étant pas à son poste de travail, peut répondre à des appels éventuels en vue de reprendre la conduite ou d'effectuer des travaux. Les périodes d'attentes aux frontières ou celles durant lesquelles le camion est immobilisé sur un bateau ou sur un train sont apparentées à ce temps de disponibilité.
Le règlement n°561/2006 du 15 mars 2006 relatif à l'harmonisation de certaines dispositions de la législation sociale dans le domaine des transports par route encadre le temps de conduite. Ce texte s'inscrit dans la lignée de deux règlements, datant de 1969 et 1985. L'intervention communautaire se justifiait à l'époque par des considérations ayant trait au renforcement de la sécurité routière.
Aux termes du texte de 2006, la durée de conduite journalière ne doit pas dépasser neuf heures. Elle peut toutefois être prolongée jusqu'à dix heures, mais pas plus de deux fois par cours de la semaine, soit entre le lundi à zéro heure et le dimanche à minuit. En tout état de cause, une pause d'au moins quarante-cinq minutes est obligatoire après quatre heures et demie de conduite. La durée de conduite ne peut dépasser cinquante-six heures par semaine et quatre-vingt-dix heures durant deux semaines consécutives.
Le temps de repos est également encadré par le règlement. Il est fixé à onze heures par jour, voire à douze s'il est pris de façon fractionnée (trois et neuf heures). Il peut également être réduit à neuf heures trois fois par semaines. Quoi qu'il en soit, le temps de repos hebdomadaire doit être d'au moins quarante-cinq heures toutes les deux semaines. Une certaine flexibilité permet via un système de compensation de ramener ce temps de repos hebdomadaire à vingt-quatre heures.
Les dispositions de ce règlement peuvent être modifiées par les États membres souhaitant réduire les maxima de conduite ou allonger les minima de repos.
La directive n°2002/15 du 11 mars 2002 relative à l'aménagement du temps de travail des personnes exécutant des activités mobiles de transport routier limite la durée hebdomadaire du travail des conducteurs à quarante-huit heures. Elle peut toutefois être plus longue, dans la limite de soixante heures, à condition toutefois que la moyenne de quarante-huit heures hebdomadaires ne soit pas dépassée sur une période de quatre mois consécutifs.
Deux autres limites sont imposées :
- les chauffeurs ne peuvent travailler plus de six heures consécutives sans pause ;
- si un travail de nuit est effectué, soit entre zéro et sept heures du matin, le temps de travail quotidien ne dépasse pas dix heures pour chaque période de vingt-quatre heures.
La directive énonçant des prescriptions minimales, les États membres et les conventions collectives peuvent instituer des dispositions plus favorables aux chauffeurs. Le troisième considérant du texte précise, par ailleurs, qu'il a été élaboré en absence d'accord entre les partenaires sociaux.
Une prise en compte du temps de conduite qui varie d'un pays à l'autre au sein de l'Union européenne
L'écart observé entre les rémunérations et les cotisations sociales entre la France et un certain nombre de ses partenaires européennes trouve une nouvelle illustration dans la détermination du temps de travail. Le droit français intègre en effet dans le temps de travail des conducteurs le temps de disponibilité qui se voit, en conséquence, rémunéré.
Une telle option, qui va plus loin que la directive de 2002, a un impact direct sur le temps de conduite, mécaniquement moins important que ceux de ses partenaires européens. Elle contribue également à l'augmentation du coût de l'heure de conduite.
Certains États s'écartent, en outre, de la notion de temps de travail pour la détermination de la rémunération des conducteurs. Les conventions collectives allemandes prévoient des salaires forfaitisés prenant en compte un temps de travail forfaitisé. L'Espagne ou la Slovaquie n'intègrent pas de leur côté le temps de disponibilité dans le calcul du salaire. Enfin, si le droit polonais, prévoit de rémunérer une partie du temps de disponibilité à un taux moindre que le temps de conduite (entre 30 et 60 %), la pratique tend à montrer que les chauffeurs sont généralement rémunérés au kilomètre.
Temps de conduite et rémunération au
kilomètre en Europe
(chauffeur travaillant à
l'international)
Temps de conduite annuel |
Kilométrage annuel |
Coût de l'heure de conduite |
Coût kilométrique |
|
Allemagne (Länder de l'Ouest) |
1 806 h |
126 000 km |
23,23 € |
0,33 € |
Allemagne (Länder de l'Est) |
1 980 h |
140 000 km |
15,41 € |
0,22 € |
Espagne |
1 980 h |
125 000 km |
19,31 € |
0,31 € |
Espagne (filière low cost ) |
1 997 h |
130 000 km |
13,16 € |
0,20 € |
France |
1 572 h |
105 327 km |
29,28 € |
0,44 € |
Pologne |
1 980 h |
132 000 km |
9,94 € |
0,15 € |
Slovaquie |
1 935 h |
130 000 km |
12,14 € |
0,18 € |
Source : Comité national routier
Ces écarts affectent directement la compétitivité du pavillon français à l'international.
Il convient de rappeler que le règlement n°561/2006 encadre l'attribution de primes ou de majorations de salaire en relation avec la distance parcourue ou le volume de marchandises transportées : il prohibe toute incitation financière à commettre des entorses au code de la route, à la réglementation du temps de travail ou de conduite, au chargement des véhicules.
Un dispositif de contrôle en pleine évolution : le chronotachygraphe
Le contrôle des temps de conduite, de disponibilité et de repos mais aussi de la vitesse est facilité par la mise en place au sein des véhicules de plus de 3,5 tonnes d'un chronotachygraphe. Cette installation est obligatoire aux termes du règlement n°3821/85 du 20 décembre 1985 concernant l'appareil de contrôle dans le domaine des transports par route. Ce texte a été modifié par le règlement n°561/2006 du 15 mars 2006 relatif à l'harmonisation de certaines dispositions de la législation sociale dans le domaine des transports par route. Celui-ci prévoit le remplacement des chronotachygraphes analogiques qui enregistrait les données sur disques papiers par un chronotachygraphe numérique, nécessitant une carte électronique.
Une étape supplémentaire a été franchie avec l'adoption le 4 février 2014 du règlement n°165/2014 relatif aux tachygraphes dans les transports routiers dit « tachygraphe intelligent ». Les poids lourds devraient être progressivement dotés de ce dispositif à partir de 2018. Ces appareils, appelés à enregistrer les temps de conduite et de repos des chauffeurs professionnels ainsi que la vitesse et la distance parcourue seront connectés au service de positionnement par satellite. Les poids lourds de plus de 3,5 tonnes seront les premiers véhicules concernés. L'ensemble des camions, bus et cars déjà en circulation devraient être pris en compte d'ici 15 ans. L'appareil devrait donc permettre d'assurer un respect plus rigoureux du droit applicable au fret routier, notamment pour le temps de conduite. La transmission des données par voie électronique permise par le nouvel instrument devrait en outre faciliter les contrôles en les dématérialisant.
Les conducteurs non professionnels de poids lourds de moins de 7,5 tonnes devraient être exemptés de cet équipement dans un rayon de 100 kilomètres autour du siège de l'entreprise, alors que l'exemption actuellement applicable aux tachygraphes est limitée à 50 kilomètres. Ce point a suscité un certain nombre de crispations au Conseil, l'Allemagne s'opposant à la rédaction de cette clause d'exemption qu'elle juge insuffisamment adaptée compte tenu de la superficie de son territoire.
Le nouveau dispositif permettra de faciliter la géolocalisation du véhicule et donc de reconstituer des itinéraires. Le recueil des informations à distance facilite de surcroît les opérations de contrôle. L'appareil est par ailleurs techniquement renforcé afin de limiter sa vulnérabilité. Le coût du nouvel appareil est estimé entre 1 000 et 2 000 euros.