POURSUIVRE LA DYNAMIQUE IMPULSÉE PAR LA CONVENTION MARITIME INTERNATIONALE
Dans sa communication Objectifs stratégiques et recommandations concernant la politique du transport maritime de l'Union européenne jusqu'en 2018 , publiée en 2009, la Commission européenne avait insisté sur la nécessité de faire du principe du «lien substantiel», qu'exposé dans la Convention des Nations unies sur le droit de la mer de 1986 un instrument clé des efforts internationaux pour soutenir les objectifs de développement durable. Il est regrettable que cette option ambitieuse ait été progressivement abandonnée et que la politique maritime de la Commission européenne se limite à la transposition partielle de la Convention maritime internationale et une énième proposition visant à libéraliser l'accès aux services portuaires.
Cette même communication insistait pourtant sur la nécessaire mise en place de conditions de concurrence équitables. La valorisation du lien substantiel constitue le fondement même de toute concurrence loyale dans ce domaine en évitant le recours aux pavillons de complaisance. L'Union européenne s'est fortement mobilisée pour mettre en oeuvre la Convention maritime internationale. Il serait désormais utile qu'elle oeuvre en faveur de l'entrée en vigueur du texte de 1986.
Cette action irait de pair avec la jurisprudence récente de la Cour européenne qui fragilise le rattachement social au seul État du pavillon. A l'instar de ce qui a pu être mis en place dans le secteur aérien avec la notion de base d'affectation, il est indispensable que le critère de rattachement au droit du pays du port dans lequel les gens de mer exercent régulièrement leur activité soit dorénavant mis en oeuvre. Une telle initiative permettrait de rapprocher un peu plus les droits de cette catégorie de travailleurs du droit commun.
En ce qui concerne le règlement n°3577/92, une nouvelle communication de la Commission européenne devrait détailler plus qu'elle ne l'a fait en 2003 les règles de l'État d'accueil applicables à l'équipage dans le cadre du cabotage avec les îles. L'application d'un noyau dur analogue à celui mis en place au sein de la directive n°96/71 relative au détachement des travailleurs semble s'imposer.
Si ce «port d'affectation » ou l'adoption d'un noyau dur faciliterait l'application des droits du travail et de la sécurité sociale aux marins communautaires, il convient de ne pas négliger la question des extra-communautaires engagés par les sociétés de manning . La transposition des dispositions prévues en la matière par la Convention maritime internationale n'est que partielle, puisque huit États, dont certains sont d'ailleurs des fournisseurs de main d'oeuvre n'ont toujours pas ratifié le texte et que cette partie n'a pas été transposée dans le droit de l'Union. La Commission européenne avait pourtant indiqué dans sa Feuille de route pour un espace européen unique des transports - Vers un système de transport compétitif et économe en ressources , publiée en 2011, vouloir renforcer l'application de ce texte par les États du port et les pays fournisseurs de main d'oeuvre. Il semble dès lors indispensable d'adapter le droit de l'Union en vue de permettre un meilleur contrôle des sociétés de manning européennes. En ce qui concerne les entreprises situées en dehors de l'Union européenne, il pourrait être envisagé de limiter le recours aux sociétés établies dans les États parties à la Convention maritime internationale. Un mécanisme de responsabilité solidaire visant les armateurs pourrait être mis en place, à l'image de la clause de responsabilité du donneur d'ordre qui vient d'être insérée dans la directive d'exécution sur le détachement des travailleurs .
Une intervention extra-communautaire de l'Union européenne dans le domaine maritime ne constituerait pas une nouveauté, puisque conformément à la directive n°2008/106 du 19 novembre 2008 concernant le niveau minimal de formation des gens de mer, modifiée par la directive n°201/35 du 21 novembre 2012, l'Agence européenne de sécurité maritime (ESMA) évalue les systèmes de formation et de délivrance des brevets de marins, établis par les pays tiers, si ceux-ci souhaitent voir leurs titres reconnus au sein de l'Union européenne. Il s'agit de vérifier si le pays concerné respecte toutes les dispositions de la Convention internationale sur les normes de formation des gens de mer, de délivrance des brevets et de veille, dite convention STCW, a été adoptée le 7 juillet 1978. Aux termes de la directive, les États membres doivent en effet prendre les mesures nécessaires pour que les gens de mer servant à bord d'un navire marchand reçoivent une formation qui soit au moins conforme aux prescriptions de la convention STCW. Un État membre qui a l'intention de reconnaître les brevets délivrés par un pays tiers à un capitaine, à un officier ou à un opérateur des radiocommunications pour le service à bord des navires battant son pavillon doit présenter présente à la Commission une demande motivée de reconnaissance de ce pays tiers. La Commission européenne procède alors via l'ESMA à une évaluation du système de formation du pays concerné. Les Philippines sont notamment concernées par ce dispositif . Il pourrait être envisagé un système analogue de certification des agences de manning .