2. Un contentieux en croissance mais sans annulation à ce jour

Les différentes critiques émises à l'encontre du « vote par internet » ont connu un prolongement devant le juge électoral examinant des protestations électorales élevées contre les scrutins pour lesquels le vote par correspondance électronique est autorisé.

Lors des premières élections de députés élus par les Français établis hors de France en juin 2012, quelques recours introduits devant le Conseil constitutionnel contenaient un ou plusieurs griefs directement liés aux suffrages exprimés par voie électronique. De même, le Conseil d'État, a été saisi de protestations dans le cadre de l'élection des instances représentatives des Français de l'étranger, ce qui l'a conduit à statuer explicitement sur plusieurs griefs dirigés contre le « vote par internet ».

Le juge électoral a alors appliqué sa jurisprudence traditionnelle au « vote par internet », manifestant néanmoins une prudence, si ce n'est une réticence, à admettre un moyen fondé sur un dysfonctionnement informatique.

Tout d'abord, le juge de l'élection a dû examiner les griefs portant sur l'impossibilité rencontrée par une partie du corps électoral de ne pas avoir pu voter par voie électronique.

En 2007, le Conseil d'État a rejeté un tel moyen en estimant qu'il n'était pas établi par le requérant que « les dysfonctionnements rencontrés ont été de nature à influer sur les résultats du scrutin » vu que les électeurs disposaient d'autres modalités de vote (vote par correspondance papier et vote à l'urne).

Saisi de griefs identiques en 2013, le Conseil constitutionnel a subordonné l'annulation des opérations par voie électronique à la preuve qu'un « nombre significatif d'électeurs de la circonscription » soit concerné par d'éventuels dysfonctionnements et que ces faits « aient été de nature à altérer la sincérité du scrutin ».

Le Conseil constitutionnel ou le Conseil d'État ont également statué sur des griefs portant sur des allégations de fraude. Ils les ont systématiquement rejetés.

Tout requérant doit en effet apporter la preuve de la fraude ou de l'erreur qu'il allègue pour l'élection et la circonscription en cause. Ne se contentant pas de simples soupçons, le juge électoral fait peser la charge de la preuve sur le requérant. Cette difficulté explique la plupart des rejets des protestations électorales.

Le juge de l'élection se refuse à admettre une présomption ou un doute raisonnable de fraude qu'il tirerait des faits rapportés ou du contexte dans lesquelles se sont déroulées les opérations électorales. Ainsi, le Conseil d'État, en retenant « qu'aucune disposition législative ou règlementaire ne fait obstacle à ce que plusieurs électeurs utilisent le même ordinateur pour voter par correspondance électronique », n'a pas admis que plusieurs votes émis à partir d'un même ordinateur - sans doute familial - soient irréguliers 44 ( * ) . Qu'en serait-il s'il était prouvé qu'un nombre significatif de votes ont été émis à partir d'un même ordinateur ?

Dans la même logique, le Conseil constitutionnel a été saisi du cas d'opérations électorales interrompues à cause de la « présence d'un vote ne correspondant pas aux paramètres retenus par le système », ce qui était théoriquement impossible en l'absence d'erreur ou, plus sûrement, de manoeuvre volontaire. Or, le juge électoral se borne à relever que « le bulletin en cause a été déclaré nul, dans des conditions de sécurité et de fiabilité conformes » au droit applicable pour en déduire la régularité des opérations électorales 45 ( * ) .

Au stade contentieux, la critique de l'opacité du vote par voie électronique trouve donc à s'illustrer : comment prouver un dysfonctionnement qui a eu lieu sans qu'aucun participant n'ait matériellement le moyen de le constater ?


* 44 Par comparaison, le Conseil d'État a pu regarder comme irrégulièrement émis des votes par procuration dès lors que cette modalité de vote avait atteint une « proportion exceptionnelle tant en valeur absolue qu'au regard de la situation des autres communes de la circonscription » et alors même que la validité de chaque procuration n'était pas directement contestée (Conseil d'État, arrêt du 16 octobre 2009, Élections de la province des îles Loyauté , n° 328626).

* 45 Conseil constitutionnel, décision n° 2012-4580/4624 AN du 15 février 2013, Français établis hors de France - 6ème circonscription .

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