III. LA SITUATION DES DROITS DE L'HOMME EN EUROPE ET DANS LE MONDE
A. DÉBAT LIBRE
La réforme du Règlement entrée en vigueur en janvier 2012 prévoit l'organisation d'un débat libre. Les parlementaires disposent de trois minutes pour intervenir sur un sujet qui n'est pas inscrit à l'ordre du jour.
Mme Josette Durrieu (Hautes-Pyrénées - SOC) a souhaité évoquer la situation de l'Afrique et de la Méditerranée :
« Je parlerai de la Méditerranée - et de l'Afrique, aussi.
Nous avons en effet tendance à oublier que la Méditerranée est la deuxième mer au monde pour son trafic, après la Manche.
En ce qui concerne la rive sud, nous sommes particulièrement préoccupés par les révolutions arabes, qui ne font sûrement que commencer. Nous suivons les événements de Tunisie et d'Égypte avec beaucoup d'attention.
Le Maghreb nous est encore plus proche depuis que le Maroc nous a rejoints dans le cadre d'un partenariat pour la démocratie ; j'espère que d'autres pays suivront. Entre l'Espagne et le Maroc, il n'y a que 14 kilomètres, et la plupart des capitales européennes ne sont qu'à deux ou trois heures du Maghreb - et même de l'Afrique.
Quant à l'Afrique, justement, elle sera certainement le continent du XXI e siècle ; d'ici à 2050, elle pourrait compter jusqu'à 2 milliards d'habitants.
Alors, je vous invite à suivre les contours de ce qui pourrait devenir l'une des grandes régions du monde - peut-être même l'une des premières : du nord au sud, l'Europe, la Méditerranée, le Maghreb, l'Afrique.
L'avenir de l'Europe est sûrement au sud ; il serait dans la logique des choses que l'Europe soit amenée à revoir sa politique de voisinage. »
Mme Pascale Crozon (Rhône - SOC) s'est inquiétée de l'éventuelle adoption du projet de loi restreignant en Espagne le recours à l'interruption volontaire de grossesse (IVG) :
« Le gouvernement espagnol a présenté en décembre dernier un projet de loi qui, s'il était adopté, restreindrait considérablement le droit à l'IVG. Il ne remet en effet pas uniquement en cause la liberté de choix affirmée par la loi de 2010, mais apparaît même plus restrictif que la loi de 1985 sur la dépénalisation de l'avortement en matière d'interruption thérapeutique de grossesse.
Ce projet heurte profondément l'opinion publique espagnole qui reste, selon un sondage publié par El Pais , favorable à 86 % au libre accès à l'IVG, et même à 68 % parmi les électeurs du Partido Popular au pouvoir. Mais il heurte au-delà les opinions publiques européennes, comme en témoignent les condamnations exprimées par plusieurs gouvernements, qui pèsent pourtant leurs mots avant toute ingérence dans la vie politique de leurs voisins. En France, ce projet a ravivé un débat que l'on pensait enterré depuis près de quarante ans et a donné lieu non pas uniquement à des manifestations, mais également à une tentative de déremboursement des IVG par une petite minorité de parlementaires de droite.
Le retour de discours culpabilisant les femmes et voulant les réduire à une vocation maternelle au bénéfice des hommes est inacceptable.
L'ampleur et la violence des réactions enregistrées dans toute l'Europe démontrent s'il en était besoin que le droit des femmes à disposer librement de leur corps ne peut être réduit à une simple question de santé publique qui pourrait être réglée à l'intérieur des frontières nationales.
C'est une condition de l'émancipation des femmes, sans laquelle aucune égalité, aucune interdiction de liberté sexuelle, ne saurait être effective. C'est une atteinte au respect de leur vie privée, qui ne saurait exister sans liberté de fonder ou non une famille. C'est une violation, enfin, de leur liberté de conscience, tant il est clair qu'aucun gouvernement ne restreint jamais les droits sexuels et reproductifs pour des motifs de santé publique, mais bien au contraire par idéologie, pour imposer à toutes et à tous des principes moraux et religieux qui ne devraient relever que de choix personnels.
Voilà pourquoi, comme tant d'autres Européennes, je veux affirmer ici ma solidarité avec les femmes espagnoles, consciente que je suis de la fragilité des libertés que nous avons mis tant de temps à faire reconnaître, et convaincue que je suis que les valeurs que nous affirmons dans tous nos textes fondamentaux doivent nous conduire à consolider les droits sexuels et reproductifs à l'échelle continentale, pour faire enfin de l'Europe un espace commun de droits pour les femmes. »
M. François Rochebloine (Loire - UDI) a souhaité intervenir sur la situation en Syrie :
« Le retour continuel, comme un ressac, des images et des nouvelles de morts qui nous viennent de Syrie ne peut, humainement, qu'engendrer l'écoeurement, l'angoisse et la tristesse. En même temps, comme l'a montré l'épisode de l'offensive prévue, programmée, annulée, la solution n'est pas simple.
Il n'y a pas, d'un côté, les bons, de l'autre, les méchants, entre lesquels on pourrait faire un choix manichéen. Il y a des forces en opposition violente, tributaires de relations complexes et de conflits séculaires sur lesquels on ne peut pas plaquer les schémas préfabriqués de l'Occident, sous peine d'aggraver encore la situation.
Il y a un gouvernement dont le caractère autoritaire et les méthodes plus qu'expéditives ne sont contestés par personne, mais qui jouit d'un certain soutien dans une partie significative de la population syrienne.
En face, nous avons toujours autant de mal à discerner qui s'active dans les rangs de ce qu'on appelle bien imprudemment, au singulier, « l'opposition syrienne ». Il y a bien plutôt des oppositions. C'est sans doute dans la difficulté de faire l'unité dans ces oppositions qu'il faut rechercher la cause des réticences de ses représentants officiels, apparues au début de l'actuelle négociation entre les parties syriennes au conflit, dite « Genève 2 ».
En revanche, nous constatons les exactions de certains groupes islamistes contre les sanctuaires de la ville chrétienne de Maaloula, et l'enlèvement de deux évêques, de plusieurs religieuses et du père jésuite Dall'Oglio. Ce sont des faits inquiétants, qui laissent entrevoir de sombres perspectives si ces groupes, ou leur expression politique, venaient à participer au pouvoir.
La défense de la liberté religieuse prend ici tout son sens dans la perspective d'un règlement équilibré du conflit. En effet, il apparaît clairement que le respect ou le non-respect de cette liberté est un critère déterminant pour l'évaluation de l'attitude de chaque force en présence au regard des exigences minimales de liberté démocratique. Cette évaluation est évidemment nécessaire pour l'établissement d'un règlement politique durable de la crise en Syrie.
Dignité de la personne humaine et liberté d'opinion et de croyance sont des valeurs-fanions du Conseil de l'Europe. C'est pourquoi nous devrions tous ici faire ce qui est en notre pouvoir pour obtenir que ces valeurs soient concrètement prises en compte au cours des négociations de Genève. Au-delà de la protection d'une communauté minoritaire, il en va de la solidité de la solution politique à la crise et de l'équilibre géopolitique de la région. »
M. Jean-Yves Le Déaut (Meurthe-et-Moselle - SRC) a souhaité appeler l'attention de l'Assemblée parlementaire sur la transition énergétique :
« Le développement durable et la diversification de l'énergie ne vont pas nécessairement de pair.
L'objectif du développement durable ferme la voie à toutes les formes de diversification de l'énergie à partir des ressources fossiles. En France, par exemple, il est évident qu'on ne pourrait pas imaginer une diversification en revenant à l'utilisation du charbon.
Quant aux diversifications, elles peuvent avoir des effets secondaires néfastes pour le développement durable : le développement des énergies renouvelables pour la production d'électricité a profité de toutes les avancées technologiques réalisées au cours des deux derniers siècles.
Une éolienne offshore est une merveille d'innovation. Mais la production d'électricité nécessite une continuité d'approvisionnement : les industriels ne pourraient pas rester longtemps dans un pays fournissant un courant peu fiable. »
Interrompu par la présidente au motif que ce sujet serait traité lors du débat conjoint sur le changement climatique et la diversification de l'énergie, M. Jean-Yves Le Déaut a conclu :
« Je voulais simplement dire que, sur ces questions, le Conseil de l'Europe a un rôle actif à jouer et que le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, notamment ses articles 191 et 194, ne nous dispense pas de faire progresser l'innovation dans ces domaines. »