Annexe 4 - Résolution 1971 (2014) : Les réfugiés syriens : comment organiser et soutenir l'aide internationale ?
(adoptée le 29 janvier 2014)
1. L'Assemblée parlementaire a traité de la situation des réfugiés syriens dans sa Résolution 1902 (2012) sur la réponse européenne face à la crise humanitaire en Syrie, qu'elle a adoptée en octobre 2012, lors de son débat d'actualité d'avril 2013 sur les réfugiés syriens en Jordanie, en Turquie, au Liban et en Irak: comment organiser et soutenir l'aide internationale ?, dans sa Résolution 1940 (2013) sur la situation au Proche-Orient, adoptée en juin 2013, et dans sa Recommandation 2026 (2013) sur la situation en Syrie, adoptée en octobre 2013.
2. Selon les estimations fournies par le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), environ 2,2 millions de Syriens ont fui le pays pour demander la protection aux pays voisins, parmi lesquels quelque 1,1 million sont des enfants. En Syrie même, on dénombre, selon les mêmes sources, environ 6,8 millions de personnes ayant besoin d'une aide humanitaire (3,1 millions d'enfants) et 4,25 millions de personnes déplacées à l'intérieur du pays, dont la situation mérite d'être examinée.
3. L'Assemblée insiste sur le fait que seules des perspectives de paix et un règlement politique du conflit permettront de régler les problèmes que pose la situation dramatique des réfugiés et des personnes déplacées en Syrie et dans les pays d'accueil, et réaffirme son soutien à la conférence internationale de paix sur la Syrie (Genève 2). Dans ce conteste dramatique, elle appelle tous les belligérants à arrêter les combats.
4. La communauté internationale doit organiser une aide humanitaire sur la base du droit international humanitaire et conformément à la déclaration faite le 2 octobre 2013 par le Président du Conseil de sécurité des Nations Unies.
5. L'Assemblée salue le démarrage de la conférence internationale de paix pour la Syrie à Montreux, et le lancement du processus de dialogue entre les Syriens sur la base du Communiqué de Genève du 30 juin 2012, renforcé par la Résolution du 27 septembre 2013 du Conseil de sécurité des Nations Unies. L'Assemblée espère que cette Conférence ouvrira la voie à une transition de la logique de guerre à une logique de paix, de stabilité et de réconciliation, et permettra de construire une nouvelle Syrie au sein de laquelle tous les Syriens se sentiront bien.
6. L'Assemblée soutient l'appel lancé par M. Chaloka Beyani, Rapporteur spécial des Nations Unies sur les droits de l'homme des personnes déplacées dans leur propre pays, demandant aux parties au conflit de donner les moyens nécessaires aux organisations internationales et aux organisations non gouvernementales (ONG) d'aider les personnes déplacées à l'intérieur du pays, notamment les femmes et les enfants, ainsi que les groupes vulnérables.
7. L'Assemblée exprime une nouvelle fois sa gratitude aux autorités turques, jordaniennes, libanaises et irakiennes pour avoir accueilli un nombre considérable de réfugiés et ce, malgré tous les problèmes de logistique que cela entraîne, et elle remercie les États membres ou non-membres du Conseil de l'Europe qui ont accepté d'accueillir des réfugiés syriens afin d'alléger quelque peu la pression exercée sur les pays voisins de la Syrie. Il s'agit notamment de l'Allemagne, de l'Arménie, de l'Autriche, de la Bulgarie, de la France, du Luxembourg, de la Suède et de la Suisse.
8. L'Assemblée se félicite des initiatives prises par certains États membres pour offrir des possibilités de regroupement familial à des réfugiés syriens présents sur leur territoire. Elle prend note des mesures prises par les autorités suédoises et suisses à cet égard et encourage les autres États à suivre leur exemple dans la mesure du possible.
9. L'Assemblée regrette toutefois que, dans l'ensemble, les États membres n'aient pas adopté de politiques générales en ce qui concerne les réfugiés syriens et qu'ils continuent pour la plupart d'évaluer les demandes d'asile syriennes de manière individuelle.
10. L'Assemblée constate que la situation en Irak, en Jordanie et au Liban devient de plus en plus critique, ces pays devant accueillir de nombreux réfugiés tout en faisant face à la crise économique et au chômage, ce qui exacerbe les tensions déjà existantes entre les populations locales et les réfugiés.
11. L'Assemblée est profondément choquée par les conditions extrêmement précaires dans lesquelles vivent les réfugiés syriens, notamment au Liban. Ce pays ne dispose pas d'infrastructures permettant d'accueillir de nombreux réfugiés, qui souffrent par conséquent d'un manque d'eau potable, de nourriture, de vêtements et d'hébergement. L'Assemblée saisit cette occasion pour rendre hommage au travail des organisations internationales, notamment le HCR, qui s'efforcent néanmoins d'assurer au mieux l'aide humanitaire dans des circonstances difficiles.
12. L'Assemblée souhaite également remercier les autorités turques, ainsi que le Croissant-Rouge turc, d'avoir mis en place des structures d'accueil où les réfugiés syriens peuvent vivre dans des conditions décentes et où les enfants peuvent poursuivre leurs études. Elle soutient pleinement l'appel à l'aide internationale lancé par le Premier ministre de la Turquie, M. Recep Tayyip Erdoðan, pour que la communauté internationale aide son pays à faire face à l'afflux croissant de réfugiés.
13. La situation des femmes et des enfants, qui représentent une grande majorité des réfugiés syriens, est de plus en plus préoccupante. Les enfants sont les premières victimes du conflit syrien et ont besoin d'aide de toute urgence. La plupart d'entre eux rencontrent des difficultés d'accès à l'éducation et certains sont forcés de travailler dans des conditions contraires à la Convention relative aux droits de l'enfant, tandis que de nombreuses femmes subissent des violences sexuelles et des violences fondées sur le genre (viols, mariages forcés, prostitution).
14. L'Assemblée attire également l'attention sur la situation dans les pays d'Afrique du Nord, qui ont accueilli près de 15 000 réfugiés syriens et qui sont de plus en plus affectés par l'afflux massif de réfugiés. La situation est également préoccupante en Égypte, qui accueille plus de 126 000 réfugiés, notamment des réfugiés syriens, dont certains auraient été expulsés vers des pays tiers. On s'inquiète également de ce qu'en Égypte, des enfants réfugiés soient placés en rétention administrative.
15. L'Assemblée demande aux parties au conflit de respecter le droit humanitaire et de permettre aux travailleurs humanitaires d'accéder aux personnes déplacées en Syrie, en particulier aux femmes, aux enfants et aux groupes vulnérables, afin de leur fournir l'aide dont ils ont besoin.
16. En conséquence, l'Assemblée invite les États membres du Conseil de l'Europe, les États observateurs auprès du Conseil de l'Europe et de son Assemblée parlementaire et les autres États concernés par la situation des réfugiés syriens :
16.1. à examiner la possibilité de fournir une protection temporaire ou internationale aux réfugiés syriens conformément à la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés (« Convention de Genève de 1951 ») et leur permettre de travailler durant cette période, comme le fait déjà la Turquie ;
16.2. à appliquer le principe fondamental du non-refoulement et à suspendre les retours forcés des Syriens vers la Syrie et les pays limitrophes de la Syrie, compte tenu des difficultés auxquelles ces pays sont confrontés pour gérer l'afflux de Syriens ;
16.3. à assurer au maximum l'accès à leur territoire et à leurs procédures d'asile, à fournir des conditions d'accueil appropriées et à veiller à ce que les demandeurs d'asile syriens bénéficient de procédures d'asile efficaces, rapides et équitables, en évitant les visas dits « de transit » ;
16.4. à éviter la rétention administrative des Syriens entrés sur le territoire sans documents d'identité ou irrégulièrement, et à n'y recourir que dans des circonstances exceptionnelles et en dernier ressort, après avoir examiné toutes les autres solutions possibles ;
16.5. à faciliter l'octroi de visas et de titres de séjour aux Syriens, notamment à des fins d'études ou d'emploi ou pour des raisons humanitaires ou familiales ;
16.6. à simplifier et accélérer les procédures de regroupement familial ;
16.7. à donner aux organisations humanitaires et aux ONG les moyens administratifs et financiers d'aider les réfugiés syriens, notamment au Liban ;
16.8. à faire preuve de générosité et de solidarité lors de l'accueil sur leur territoire de réfugiés syriens, dont la répartition doit être équilibrée entre les pays, et à mettre en place les infrastructures nécessaires de façon à ce que l'hébergement, les installations sanitaires, l'eau, l'éducation, les soins de santé, la nourriture, etc. soient fournis dans des conditions décentes ;
16.9. à prévoir un plan de contingence en cas de nouvel afflux massif de réfugiés syriens et fournir une aide au développement supplémentaire aux pays voisins de la Syrie, afin de leur donner les moyens d'accueillir les réfugiés dans la dignité et le respect de leurs droits fondamentaux ;
16.10. à prendre des mesures pour fournir toutes les ressources vitales, notamment la nourriture, des vêtements, une aide médicale et un abri temporaire aux personnes déplacées en Syrie et aux réfugiés dans les pays limitrophes ;
16.11. à soutenir un programme spécifique d'éducation pour les enfants syriens dans chaque pays d'accueil et à appuyer les efforts en faveur de la promotion de l'éducation des enfants syriens déplacés dans leur pays ;
16.12. à assurer une protection adéquate aux femmes et aux jeunes filles en faisant participer activement les femmes réfugiées syriennes à la gestion et à la prise de décision à l'intérieur des camps, en empêchant les mariages forcés et les mariages d'enfants, ainsi qu'en fournissant des installations sanitaires accessibles et sûres et en apportant un soutien psychologique aux femmes et enfants traumatisés ;
16.13. à apporter une aide spécifique aux personnes déplacées à l'intérieur du pays qui vivent dans des conditions d'hygiène déplorables ;
16.14. à mettre en place un programme de réinstallation pour les réfugiés syriens depuis les pays d'accueil, en faisant éventuellement appel à l'aide de la Banque de développement du Conseil de l'Europe ;
16.15. à demander au Gouverneur de la Banque de développement du Conseil de l'Europe d'envisager un don du compte fiduciaire sélectif pour renforcer l'action du HCR en faveur des réfugiés de Syrie ;
16.16. à veiller à ce que les conséquences humanitaires du conflit syrien, non seulement en Syrie mais aussi dans les pays voisins, et la nécessité d'une aide internationale d'urgence, soient inscrits à l'ordre du jour de la conférence internationale de paix sur la Syrie (Genève 2).
17. L'Assemblée invite les États membres de l'Union européenne :
17.1. à mettre en oeuvre, si nécessaire, la Directive 2001/55/CE du Conseil du 20 juillet 2001 relative à des normes minimales pour l'octroi d'une protection temporaire en cas d'afflux massif de personnes déplacées et à des mesures tendant à assurer un équilibre entre les efforts consentis par les États membres pour accueillir ces personnes et supporter les conséquences de cet accueil ;
17.2. à soutenir, dans un souci de solidarité et de partage des responsabilités, les pays de l'Union européenne qui accueillent le plus grand nombre de réfugiés syriens, et à renforcer leurs capacités d'accueil.
18. L'Assemblée demande à l'ensemble des pays voisins de la Syrie d'ouvrir ou de laisser ouvertes leurs frontières aux réfugiés qui fuient la Syrie.