B. UNE HAUSSE CONTINUE DES INÉGALITÉS

Pauvreté et inégalités sont indissolublement liées. Les deux dernières décennies ont été marquées par une augmentation à la fois des inégalités de revenus et du nombre de pauvres. Des forts écarts de niveau de vie perdurent, voire s'accentuent, dans l'Hexagone.

Par conséquent, la lutte contre la pauvreté ne peut s'exonérer d'une réflexion sur les inégalités. Entre 2009 et 2011, d'après l'Insee, pratiquement toutes les catégories de population ont subi une baisse de leur niveau de vie ; seul celui des 5 % de personnes les plus aisées s'est amélioré. Les chiffres font, aux dires de Christophe Robert, « froid dans le dos » : les 10 % les plus riches accaparent 50 % de la fortune nationale ; les 50 % les moins fortunés s'en partagent 7 %.

Les 10 % de Français les plus pauvres ont vu leur pouvoir d'achat reculer de 3,4 % entre 2008 et 2011. À l'inverse, les 5 % les plus riches ont vu le leur augmenter de 3,5 %. Par rapport aux 20 % les plus pauvres, les 20 % des Français les plus riches gagnaient en moyenne 4,3 fois plus en 2008, et 4,6 fois plus en 2011, du jamais vu depuis 1996. Dit plus simplement, « les pauvres sont plus pauvres et les riches plus riches. »

Le fait que la montée de la pauvreté s'accompagne d'une progression des inégalités montre que la question de la pauvreté n'a pas fait l'objet d'une réflexion politique globale sur ce qui est juste et acceptable en termes de répartition des richesses. Or c'est de la manière dont ces dernières sont réparties et dont la population juge cette répartition que dépend en grande partie la cohésion sociale d'un pays.

Pour les décideurs, la tentation a souvent été grande de dissocier pauvreté et inégalités. C'est ainsi qu'a prédominé une approche caritative de la pauvreté.

La fiscalité : un levier encore disponible

Il ne paraît pas illégitime d'envisager de mobiliser les leviers fiscaux encore disponibles au service d'une cause comme la pauvreté.

À cet égard, dans une tribune publiée en mars 2009 dans Libération et intitulée Roosevelt n'épargnait pas les riches , l'économiste Thomas Piketty souligne que la taxation confiscatoire des revenus exorbitants est non seulement possible, mais souhaitable.

Il apporte une analyse précieuse, dont il convient ici de faire part : « En 1932, quand Roosevelt arrive au pouvoir, le taux de l'impôt fédéral sur le revenu applicable aux plus riches était de 25 % aux États-Unis. Le nouveau président décide de le porter immédiatement à 63 %, puis 79 % en 1936, 91 % en 1941, niveau qui s'appliqua jusqu'en 1964, avant d'être réduit à 77 %, puis 70 % en 1970.

« Pendant près de cinquante ans, des années trente jusqu'en 1980, jamais le taux supérieur ne descendit au-dessous de 70 %, et il fut en moyenne de plus de 80 %. Cela n'a pas tué le capitalisme et n'a pas empêché l'économie américaine de fonctionner. Pour une raison simple : ces taux ne s'appliquaient qu'à des revenus très, très élevés. En 1941, Roosevelt fixe le seuil du taux de 91 % à 200 000 dollars de l'époque, soit 1 million de dollars d'aujourd'hui (770 000 euros). Or à ces niveaux de revenus, ce ne sont pas les compétences ou le dynamisme que l'on rémunère : ce sont la rapacité, le court-termisme et des prises de risque excessives.

« Il ne s'agissait donc pas de matraquer n'importe quel cadre supérieur ou entrepreneur sortant du lot, ce qui aurait été dévastateur économiquement. En France, comme dans la plupart des pays développés, le taux supérieur atteint 90 % pendant l'entre-deux-guerres, puis se stabilisa autour de 70 % pendant les Trente Glorieuses - ce qui n'a pas empêché des taux de croissance économique de l'ordre de 4 % à 5 % par an tout au long de cette période. »

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