TROISIÈME PARTIE : INSTAURER LA CONFIANCE
L'intérêt d'une démarche prospective est de s'attacher à penser l'avenir en termes de pluralité de devenirs possibles, de futurs ouverts et non prédéterminés. En ce sens, elle traduit un refus de la fatalité.
Il ne saurait être question de se résigner à l'irréversibilité de la pauvreté. Quand bien même l'objectif d'éradiquer totalement le phénomène paraîtrait par trop ambitieux, la situation actuelle est suffisamment grave pour qu'on le garde à l'esprit.
Ce refus de la fatalité ne peut trouver sa traduction que par un choc de confiance et un renversement du principe de suspicion qui a trop tendance à prévaloir actuellement.
La stigmatisation est inacceptable : les personnes en situation de pauvreté sont d'abord et avant tout des victimes , et donc, de ce point de vue, des ayants droit, jamais des assistés.
C'est ce message qu'il convient de défendre pour combattre la défiance, laquelle résulte du fonctionnement d'un modèle social français qui forge et entretient des a priori, des idées reçues qu'il faut encore et toujours battre en brèche.
Dès lors que les pauvres ont des droits, il importe non seulement de les reconnaître mais également de les appliquer. Deux leviers essentiels pourraient alors utilement être mobilisés : l'universalité des aides et l'individualisation de l'accompagnement.
I. UN MODÈLE SOCIAL À REPENSER
Élaboré au cours des Trente glorieuses, le modèle social français repose, comme l'explique le Commissariat général à la stratégie et à la prospective (CGSP) 68 ( * ) , sur trois types de transferts : « Des assurances sociales collectives financées par des cotisations assises sur le travail et gérées paritairement par les représentants des salariés et des employeurs ; des prestations d'assistance généralement sous conditions de ressources, financées par l'impôt et par des taxes, et gérées par l'État et les collectivités territoriales ; des services publics gratuits et universels (éducation et santé) financés et organisés par l'État. »
A. UN MODÈLE AUX RÉSULTATS INDÉNIABLES
1. Un rôle de stabilisateur encore performant
En 2013, toujours selon le CGSP, la France reste le pays de l'OCDE dont la part des dépenses de protection sociale dans le Pib est la plus élevée : 33 % contre 26,2 % en Allemagne, 28,6 % en Suède et 23,8 % au Royaume-Uni.
La direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees) du ministère des affaires sociales et de la santé fait la démonstration de la performance du modèle social français pour ce qui est de la réduction des inégalités de niveau de vie 69 ( * ) : « En 2010, les transferts fiscaux et sociaux ont pour effet direct de diminuer le taux de pauvreté monétaire de 8 points. Les prestations familiales et les allocations logement contribuent à cette baisse à hauteur de 2 points chacune tandis que les minima sociaux diminuent le taux de pauvreté de 1,5 point. L'impact des minima sociaux est particulièrement marqué sur l'intensité de la pauvreté 70 ( * ) , qu'ils réduisent de 6 points, alors que les prestations familiales et allocations logement la diminuent de respectivement 5 et 4 points. »
2. Un élément structurant pour l'opinion publique
Point important : les Français témoignent encore d'un attachement très prononcé envers leur modèle social. Selon un récent sondage cité par le CGSP 71 ( * ) , 90 % d'entre eux considèrent qu'il existe un modèle social spécifique à notre pays. Ils y voient un élément positif de protection sociale - à 90 % -, un élément structurant de l'identité nationale - à 86 % -, et s'y déclarent attachés à 82 %.
* 68 Quelle France dans dix ans ? Quel modèle social ? - Note d'introduction au débat national - CGSP - septembre 2013.
* 69 Minima sociaux et prestations sociales - Drees - Édition 2013.
* 70 Voir glossaire en annexe.
* 71 Sondage Louis Harris pour Liaisons sociales - « Le modèle social français, attentes et perspectives » - 2012.