B. LA STRATÉGIE EUROPE 2020
1. Une première étape au travers de la stratégie de Lisbonne
Lors du lancement de la stratégie de Lisbonne en mars 2000, le Conseil européen a invité les États membres et la Commission à prendre des mesures pour donner « un élan décisif à l'élimination de la pauvreté » d'ici à 2010 et a posé les bases d'une convergence entre États membres en matière de lutte contre l'exclusion ou, pour reprendre l'expression communautaire, d'« inclusion sociale ».
En 2001, lors du Conseil européen de Laeken, les chefs d'État et de gouvernement ont approuvé un premier ensemble de dix-huit indicateurs statistiques communs ainsi qu'une « méthode ouverte de coordination » 63 ( * ) , pour diffuser les bonnes pratiques des États et instaurer une évaluation des plans d'actions nationaux en matière de pauvreté et d'exclusion sociale. Au côté d'indicateurs traditionnels de pauvreté monétaire, des indicateurs structurels ont été retenus dans le domaine de l'emploi, de la santé et de l'éducation. Enrichis depuis, la liste comprend à l'heure actuelle une vingtaine d'indicateurs dont l'un est relatif aux travailleurs pauvres.
2. Les objectifs affichés en 2010
« Europe 2020 » est le nom de la stratégie de croissance de l'Union européenne adoptée le 17 juin 2010. Il s'agit d'un cadre qui doit permettre à l'Union de tirer parti de l'ensemble de ses instruments et politiques, et aux États membres de coordonner davantage leur action. Elle énonce cinq objectifs ambitieux à atteindre d'ici à 2020 en matière d'emploi, d'innovation, d'éducation, d'inclusion sociale et d'énergie (ainsi que de lutte contre le changement climatique), parmi lesquels « favoriser l'inclusion sociale, en particulier en réduisant la pauvreté, en s'attachant à ce que vingt millions de personnes au moins cessent d'être confrontées au risque de pauvreté et d'exclusion » .
À cette occasion a été mise en place une « plateforme européenne contre la pauvreté et l'exclusion sociale » pour soutenir les initiatives prises afin d'atteindre l'objectif fixé. Elle promeut notamment une meilleure utilisation des fonds - 20 % du Fonds social européen devraient être alloués à la lutte contre la pauvreté - et la coordination renforcée des politiques des États membres.
Malgré tout, l'objectif de sortir vingt millions de personnes de la pauvreté paraît aujourd'hui s'être bien éloigné puisque, entre-temps, comme le rappelle Pierre Baussand 64 ( * ) , directeur de Social Platform 65 ( * ) , le nombre de pauvres en Europe, au lieu de se réduire, a augmenté, depuis 2010, de sept millions.
Si l'ambition affichée récemment de compléter le tableau de bord des indicateurs sociaux dans le cadre du semestre européen 66 ( * ) va dans le bon sens, force est de constater l'absence réelle de coordination, les politiques sociales restant de la responsabilité de chaque État membre. C'est ce qui fait dire à la directrice du Réseau européen anti-pauvreté, Barbara Helfferich 67 ( * ) , que « la pauvreté en Europe est trop souvent considérée comme un "dommage collatéral" » .
Il n'est pas inutile de rappeler à ce propos un dernier chiffre. Selon le tableau de bord des aides d'État de la Commission européenne portant sur l'année 2011, le volume des aides publiques en faveur du secteur financier dont ont effectivement bénéficié les banques entre le début de la crise, en octobre 2008, et le 31 décembre 2011, s'est élevé au total à quelque 1 600 milliards d'euros, soit 13 % du Pib de l'Union européenne, constitué à 67 % de garanties publiques sur le financement des banques.
On constatera que, lorsque la volonté et le portage politiques sont là, on sait trouver les moyens.
Envoyer un message fort en faisant aboutir le projet de
pénaliser
La vingt-septième Journée mondiale du refus de la misère, le jeudi 17 octobre dernier, a été l'occasion de mettre l'accent sur la lutte contre la discrimination fondée sur la précarité sociale. Il convient de soutenir l'initiative prise par ATD Quart Monde et également relayée par le Défenseur des droits visant à ajouter à l'article 225-1 du code pénal un vingtième critère de discrimination « pour précarité sociale », au même titre, notamment, que l'âge, sexe, l'origine, l'orientation sexuelle, ou l'appartenance, réelle ou supposée, à une ethnie, race ou religion. |
* 63 La méthode ouverte de coordination (MOC) vise à atteindre des objectifs communs par l'échange d'idées sur les moyens d'action et par l'apprentissage mutuel, tout en permettant aux États membres de définir les politiques qu'ils mettront en oeuvre pour les atteindre. Dans le cadre de la MOC sociale, ces derniers élaborent des plans d'action nationaux définissant les priorités et les mesures prévues. La Commission européenne appuie et suit les progrès réalisés en fonction des normes, des objectifs et des indicateurs communs.
* 64 Audition du 8 janvier 2014 lors d'un déplacement à Bruxelles.
* 65 Social Platform regroupe quarante-deux réseaux paneuropéens d'organisations non gouvernementales avec la mission commune d'oeuvrer en faveur de la justice sociale et de la démocratie participative en Europe.
* 66 Le semestre européen est une période de coordination des politiques structurelles, macroéconomiques et budgétaires des États membres, se déroulant chaque année pendant six mois. Il vise à permettre aux États membres de tenir compte des orientations de l'Union européenne à un stade précoce de l'élaboration de leurs budgets nationaux et d'autres politiques économiques.
* 67 Audition du 9 janvier 2014 lors d'un déplacement à Bruxelles.