N° 388
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2013-2014
Enregistré à la Présidence du Sénat le 19 février 2014 |
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la délégation sénatoriale
à la prospective (1) sur :
Comment
enrayer
le
cycle
de la
pauvreté
?
Osons
la
fraternité
!
Par M. Yannick VAUGRENARD,
Sénateur.
(1) Cette délégation est composée de : M. Joël Bourdin, président ; Mme Natacha Bouchart, MM. Vincent Capo-Canellas, Yvon Collin, Mme Évelyne Didier, M. Alain Fouché, Mme Fabienne Keller, MM. Ronan Kerdraon et Yannick Vaugrenard, vice - présidents ; MM. Gérard Bailly et Jean Desessard, secrétaires ; Mme Jacqueline Alquier, MM. Jean-Paul Amoudry, Pierre André, Claude Bérit-Débat, Pierre Bernard-Reymond, François Calvet, Alain Chatillon, Jean-Pierre Chevènement, Mme Cécile Cukierman, M. Marc Daunis, Mme Marie-Hélène des Esgaulx, M. Philippe Esnol, Mmes Samia Ghali, Françoise Laurent-Perrigot, MM. Philippe Leroy, Michel Magras, Jean-François Mayet, Jean-Jacques Mirassou, Aymeri de Montesquiou, Robert Navarro, Louis Nègre, Mme Renée Nicoux, MM. Philippe Paul, Jean-Pierre Plancade et Jean-Pierre Sueur . |
INTRODUCTION
« Tant que l'injustice et l'inégalité perdureront, aucun d'entre nous ne pourra prendre de repos. [...] Comme l'esclavage ou l'apartheid, la pauvreté n'est pas naturelle. Ce sont les hommes qui créent la pauvreté et la tolèrent, et ce sont les hommes qui la vaincront. Vaincre la pauvreté n'est pas un geste de charité. C'est un acte de justice. »
Nelson Mandela (1918-2013) -Extrait d'un appel lancé à Trafalgar Square, à Londres, en février 2005.
Madame, Monsieur,
Lors de sa réunion du 8 novembre 2012, la délégation à la prospective a retenu, au titre de son programme de travail pour l'année 2013-2014, la proposition de Yannick Vaugrenard visant à établir un rapport d'information consacré à la pauvreté et aux actions à mettre en place pour enrayer le cercle vicieux de la permanence et de l'intensification de ce phénomène dans notre pays.
La France est un pays riche. Pourtant, la pauvreté touche 14,3 % de sa population, 8,7 millions de personnes, près de 4 millions de ménages 1 ( * ) , c'est-à-dire un niveau jamais atteint depuis le début des années soixante-dix. Plus déstabilisant, plus choquant encore, un enfant sur cinq est pauvre ; dans les zones urbaines sensibles, c'est le cas de plus d'un enfant sur deux.
En dépit de nombreux rapports sur le sujet, d'une multitude de propositions formulées, d'une protection sociale considérée comme l'une des meilleures au monde, de toutes les mesures qui ont déjà été mises en place, il faut se rendre à l'évidence : le système tel qu'il est actuellement conçu ne protège plus contre l'exclusion . Quelles sont les raisons d'un tel dysfonctionnement ? Nul ne peut répondre à cette question aujourd'hui, en l'absence d'évaluation des politiques publiques fondée sur des indicateurs suffisamment précis et pertinents.
Face à ce « raz-de-marée de la misère » , pour reprendre l'expression de Julien Lauprêtre 2 ( * ) , président du Secours populaire français, il ne faut pas se résigner. C'est de cette conviction partagée qu'est né le souhait d'élaborer un tel rapport.
L'ambition de conduire une démarche prospective sur le thème de la pauvreté peut apparaître comme une entreprise pour le moins originale, singulière, voire téméraire. Mais elle a le mérite de devoir se mettre dans l'inconfort et de reconsidérer un certain nombre de principes. C'est un vaste projet et il a été mené avec toute l'humilité qui devait l'accompagner.
Ce rapport doit beaucoup à l'écoute et à l'échange. Il se veut la traduction de la quarantaine d'auditions 3 ( * ) qui ont été menées. Celles-ci ont été complétées par deux déplacements, l'un à Bruxelles, pour examiner l'évolution de la situation au niveau tant de l'Union européenne que de la Belgique, un pays plutôt en pointe sur toutes ces questions de pauvreté et d'exclusion ; l'autre en Loire-Atlantique, un département investi dans l'action et l'innovation, pour observer les initiatives engagées au niveau d'un territoire. La réflexion s'est ensuite prolongée par un atelier de prospective, dont le compte rendu figure en annexe et qui a permis d'enrichir encore davantage le débat.
Toutes ces rencontres, que ce soit au Sénat ou sur le terrain, notamment à l'occasion de deux maraudes avec le Samusocial de Paris, ont été l'occasion de discussions aussi intéressantes que fructueuses : élus, personnalités, universitaires, responsables administratifs et associatifs, sans oublier, bien sûr, personnes en situation de pauvreté elles-mêmes, tous ont contribué, par leur expertise et leur expérience, à nourrir la réflexion et dégager des pistes d'amélioration. Qu'ils en soient, ici, sincèrement remerciés.
Le rapport s'articule autour de quatre grandes parties. La première sera consacrée à expliciter le choix d'entreprendre une démarche prospective sur le thème de la pauvreté. La deuxième s'appuiera sur un état des lieux de la pauvreté en France et ailleurs dans le monde pour démontrer l'impérieuse nécessité d'une prise de conscience collective. La troisième détaillera les failles constatées à tel ou tel niveau pour mettre en avant le refus de la fatalité et l'importance du principe de confiance. La quatrième s'attachera à répertorier toutes les initiatives susceptibles de revivifier le vivre-ensemble et la fraternité.
Ce rapport se veut ancré dans le concret. S'il ambitionne d'avoir une portée générale, on ne s'est pas interdit de privilégier les références, les citations, et de recenser des exemples très précis mais ô combien éclairants. Par le choix de titres de parties ou de sous-parties volontiers accrocheurs, dont certains reprennent des expressions entendues tout au long des travaux ou des intitulés d'ouvrages, transparaît la volonté d'être force de propositions en direction de la puissance publique, tout comme celle d'agir, à la fois vite et de manière raisonnée, car, bien souvent, en matière de pauvreté, le temps n'est pas un luxe mais une nécessité.
* 1 Voir glossaire en annexe.
* 2 Audition du 6 juin 2013.
* 3 La liste des personnes auditionnées figure en annexe.