C. UNE SORTIE ACCÉLÉRÉE DU NUCLÉAIRE

1. Une politique engagée dès 2002

L'importance du secteur charbonnier et la menace nucléaire soviétique ont expliqué, au moins en partie, la traditionnelle réserve de l'Allemagne face au nucléaire civil et la naissance d'un puissant mouvement écologiste dans cet État.

Cette réticence a culminé au début des années 2000, sous le gouvernement de coalition entre les écologistes et les sociaux-démocrates de Gerhard Schröder, avec le vote de la loi de sortie du nucléaire du 22 avril 2002 ( Atomausstieg , amendant la loi-cadre sur l'énergie nucléaire, Atomgesetz ). Cette loi fixait un plafond à la production cumulée des 19 réacteurs en service et prévoyait que le dernier réacteur nucléaire serait arrêté en 2021 .

Revenu au pouvoir en 2005, mais dans le cadre d'une grande alliance avec le SPD, le parti chrétien démocrate (CDU) d'Angela Merkel, qui avait déploré cette fermeture anticipée, n'a pas remis en cause immédiatement cette décision, jusqu'au renversement d'alliance au profit du parti libéral (FDP) aux élections de 2009.

La Chancelière a alors proposé, par une loi du 29 octobre 2010 ( Energiekonzept ), de fixer des objectifs extrêmement ambitieux jusqu'à l'horizon 2050 en termes de réduction des émissions de gaz à effet de serre et de développement des énergies renouvelables, tout en prolongeant la durée de vie des centrales nucléaires de 8 à 14 ans, au-delà de 2021 .

Cette solution visait à fournir à l'Allemagne une source de revenus par le biais d'une taxe sur le combustible nucléaire et d'une contribution au fonds « Énergie et Climat » devant servir à promouvoir les énergies renouvelables. Elle devait également permettre une production d'électricité décarbonée jusqu'à l'arrivée à maturité des énergies renouvelables.

2. Une accélération consécutive à la catastrophe de Fukushima

L'allongement de la durée de vie des centrales nucléaires, décidée en 2010, s'est rapidement révélé impopulaire.

L'accident nucléaire de Fukushima survenu au Japon en mars 2011 a permis à la Chancelière allemande de faire marche arrière. Six mois seulement après avoir fait adopter une extension de la durée de vie des 17 réacteurs nucléaires allemands, Angela Merkel a annoncé l'arrêt immédiat des 8 réacteurs nucléaires les plus anciens et la fermeture anticipée des 9 autres avant 2022.

Cette décision implique de se priver de manière anticipée d'une production électrique décarbonée et de diminuer le montant des recettes provenant du parc nucléaire pour faciliter le développement des énergies renouvelables . Pour autant, le paquet législatif ( Gezetzpaket ) adopté le 6 août 2011 ne prévoit pas de revoir à la baisse les objectifs fixés à l'horizon 2050 par la loi du 29 octobre 2010.

Cette conjonction d'un abandon accéléré de la production nucléaire et du maintien d'objectifs extrêmement ambitieux pour les émissions de CO 2 comme pour les énergies renouvelables marque ainsi ce qu'il est convenu d'appeler le « tournant énergétique » ( Energiewende ).

Ce choix de politique énergétique fait figure de gigantesque pari. En effet, les lois de 2000 et 2002 ont favorisé le décollage des énergies renouvelables, mais elles n'ont pas véritablement préparé la sortie du nucléaire. Le tournant de 2011 amène donc l'Allemagne à se priver d'une production d'électricité décarbonée avant que la relève d'autres sources non émettrices de CO 2 soit prête et, en amputant les recettes provenant du parc nucléaire, à réduire les revenus disponibles pour faciliter la transition.

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