ANNEXE 3 : PRÉSENTATION DU RAPPORT EN RÉUNION DE DÉLÉGATION
Le mardi 17 décembre 2013, la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation examine le rapport de M. Jean-Claude Peyronnet sur la place des parlementaires dans les instances locales après l'adoption des nouvelles règles de non-cumul (présidence de M. Jean-Claude Peyronnet, vice-président)
M. Jean-Claude Peyronnet. - [...] Je vais vous présenter un petit rapport sur la place des parlementaires dans les instances locales après le vote de la loi sur le non-cumul [...].
Un résumé du rapport ainsi qu'un projet d'amendement ou de proposition de loi, qui lui est joint, vous ont été distribués. Le point de départ est le constat qu'avec la suppression du cumul des mandats, les parlementaires risquent d'être complètement coupés de la réalité locale. Ils sont actuellement représentants de leur collectivité dans toute une série d'organismes extrêmement divers - vous les connaissez aussi bien que moi - qui touchent tous les domaines de la vie de nos concitoyens. Lorsqu'il ne sera plus possible aux parlementaires d'être membres d'exécutifs locaux, ils pourront toujours être désignés dans ces commissions par leurs collectivités. Mais il ne faut pas se faire d'illusion, les membres des exécutifs locaux voudront toujours, et c'est logique, représenter eux-mêmes la collectivité dans les commissions importantes. Par ailleurs, le fait de ne plus avoir d'accès à l'exécutif fait que l'on perd assez vite sa technicité.
Le lien qui serait coupé serait celui qui existe avec les électeurs, mais aussi celui avec la circonscription et le mode d'élection qui va avec. Si on a un mode d'élection uninominal, c'est parce qu'on est rattaché à un territoire et que ce rattachement ne peut être seulement lié à une élection, moment fugace qui établit un lien de façon très temporaire.
La crainte est d'avoir des parlementaires « hors-sol ». Pour pallier ces inconvénients, je vous propose de permettre aux parlementaires d'être membres des commissions que j'appelle, faute de mieux, les commissions « régaliennes », celles qui sont présidées par le représentant de l'État ou l'un des représentants de l'Etat.
Ce serait le prolongement au niveau local du mandat national des parlementaires. Ceux-ci seraient présents dans ces commissions pour vérifier la façon dont la loi est appliquée et, par ailleurs, ils recevraient une information qui leur permettrait de faire remonter d'éventuelles difficultés. Pour prendre des exemples très concrets, la Commission départementale de l'éducation nationale leur permettrait d'être au courant de ce qui se passe concernant les rythmes scolaires. La Commission de contrôle des comptes de l'ARS leur permettrait d'être informés sur la politique de santé de leur département et sur la démographie médicale.
Il vous est donc proposé d'ouvrir de droit ces commissions à un certain nombre de parlementaires, tout en fixant des bornes. Il y aurait au moins un parlementaire dans ces commissions et leur nombre ne pourrait être supérieur à 10% du nombre de participants. Le mode de désignation se ferait par une conférence régionale et par une conférence départementale. Dans mon esprit, celle-ci pourrait être convoquée par le préfet - qui n'y participerait pas - et présidée par le doyen d'âge. Ainsi se rétablirait un lien avec le territoire, indispensable, je crois, au parlementaire.
Un projet d'amendement, ou de proposition de loi, concrétise mon propos. J'attends vos commentaires, vos remarques, vos critiques éventuelles.
M. François Grosdidier. - Je me réjouis de cette initiative, mais tiens à faire remarquer que nous sommes déjà, hélas, en train de limiter les conséquences négatives de la loi sur le non-cumul des mandats. Nous savons que nous allons nous heurter à cette vraie difficulté : le risque de se transformer très vite en élus « hors-sol », coupés des réalités dont nous sommes aujourd'hui imprégnés.
Comme nous allons vers l'interdiction stricte du cumul entre un mandat parlementaire et un mandat exécutif, les initiatives pour éviter que cette coupure soit trop forte sont les bienvenues. Je salue donc cette idée et je la soutiens. Sur un plan pratique, je me pose tout de même deux questions.
La première, c'est qu'avec ces dispositions, nous serions surtout présents dans les « grand-messes ». Et ce n'est pas toujours dans ces occasions que s'exprime réellement la réalité du pouvoir déconcentré de l'État. Mais c'est certes mieux que rien.
La seconde, c'est que nous risquons d'être souvent intéressés tous par les mêmes commissions, les plus sensibles, moins par d'autres. Je me demande comment se fera l'arbitrage - tout en comprenant la limitation du nombre de parlementaires par commission.
M. Jean-Claude Peyronnet. - L'adoption de cette proposition de loi pourrait être le moyen de faire le ménage parmi les commissions. Nous en avons recensés 75 dans mon département - certaines ne se réunissent jamais, certaines une fois par an. Notre délégation pourrait pousser à simplifier, à élaguer cela, pour aller vers un mode de fonctionnement plus moderne et plus efficace. La délégation pourrait travailler pour cela avec la DGCL.
Second point : comment choisir ? Ce que j'imagine, c'est, en cas de désaccord dans une conférence, de passer au vote. Par ailleurs, on pourrait prévoir des suppléants aux parlementaires membres des commissions.
M. André Reichardt. - Je voudrais aller dans le sens de M. Grosdidier. Par ailleurs, je ne suis pas certain - malgré ce qui vient d'être dit - que la participation à ce que vous avez qualifié de « grand-messes » puisse être aussi utile que le suivi au quotidien des problèmes par le membre d'un exécutif communal, départemental ou régional. Ainsi, je souhaite bien du plaisir au parlementaire qui voudrait intervenir en toute compétence au Conseil académique de l'éducation nationale, s'il ne suit pas ces thèmes tout au long de l'année.
Je crains aussi qu'on ne spécialise à terme les parlementaires sur une thématique précise, ce qui les conduirait, dans leur assemblée, à intervenir surtout sur cette thématique. Une spécialisation du parlementaire dans un domaine déterminé serait regrettable, et c'est ce que la majorité du Sénat n'a pas accepté en rejetant le projet de loi anti-cumul.
M. Jean-Claude Peyronnet. - Il faut se placer dans la perspective de la loi votée. Et le dispositif permet tout de même de rattacher les parlementaires aux territoires. Je ne vois pas d'autre solution.
M. Georges Labazée. - Le dispositif que vous proposez est bien facultatif ? Il n'y aurait pas d'obligation pour un parlementaire d'aller vers telle ou telle commission régalienne ?
M. Jean-Claude Peyronnet. - Non, les parlementaires seraient membres de droit sur la base du volontariat.
M. Georges Labazée. - Il faudrait un inventaire clair et précis du nombre d'organismes concernés. Par ailleurs la Commission départementale de présence postale, mentionnée dans le contrat entre l'État, la Poste et l'Association des maires de France, voit sa composition fixée par le législateur. Un député ou un sénateur ne pourrait donc pas aller dans cette commission, nous sommes d'accord ?
M. Jean-Claude Peyronnet. - Dans mon esprit, la composition des différentes commissions devrait être modifiée pour prévoir la participation des parlementaires en tant que membres de droit.
M. Edmond Hervé. - Je crois que cette proposition est excellente. Et nous commettrions une erreur en considérant ce projet comme un texte destiné à corriger la loi sur le cumul. Cette proposition est un texte d'accompagnement. La présence dans ces commissions est un moyen de s'instruire.
Concernant la spécialisation, si un président d'exécutif a une démarche générale, un parlementaire choisit tel ou tel sujet qu'il connaît mieux et auquel il s'intéresse plus.
On assiste aujourd'hui à une polysynodie extrêmement coûteuse.
M. Jean-Claude Peyronnet. - Je crois que la présence de parlementaires dans ces commissions va être un moyen de les rénover. Quand un parlementaire, face à des syndicalistes, des élus, etc. demande que l'on applique telle ou telle mesure, cela a un poids.
M. Stéphane Mazars. - J'ai un avis divergent de celui de M. Hervé. Je pense au contraire que l'on est déjà en train de réfléchir à corriger les effets négatifs de la règle du non-cumul. C'est ce qui est clairement exprimé dans le rapport : les nouvelles règles de non-cumul vont couper les parlementaires de toute la vie locale.
Je pense qu'avant de s'engager sur une proposition de loi ou un amendement, il faudrait peut-être que le parlement réfléchisse aux conséquences réelles de la loi sur le non-cumul des mandats.
Mme Renée Nicoux. - Je serai un peu plus tempérée. Si la loi prévoit le non-cumul avec un exécutif, rien ne nous interdit cependant d'être élus locaux et d'avoir une connaissance du terrain, un lien avec la population.
Je partage cette idée de permettre aux parlementaires de participer à certaines instances pour avoir une vision un peu plus large de ce qui se passe sur le terrain, et de constater les répercussions des lois qu'ils votent. C'est un complément de la loi sur le non-cumul, qui permet aux parlementaires de continuer à avoir un rôle dans la vie locale.
M. André Reichardt. - Pour abonder dans le sens de M. Hervé, je ne pense pas du tout que cette proposition puisse être vue comme un correctif à la loi sur le non-cumul. On vise ici des commissions régaliennes, présidées par le préfet. La loi interdisant le cumul vise, quant à elle, le cumul avec des fonctions exécutives de collectivités locales. Ce n'est pas du tout la même chose.
Ainsi je crains que cette proposition ne donne pas aux parlementaires, et particulièrement aux sénateurs, les informations leur permettant d'assurer réellement leur mandat.
M. Antoine Lefèvre. - Pour compléter ce qui a pu être dit, on a l'impression d'essayer de corriger la loi sur le cumul - dont on se rend déjà compte des faiblesses et des manques. L'expérience des élus titulaires d'un mandat exécutif local apportait une certaine plus-value. Ainsi, lors du débat sur la loi Duflot, les collègues les plus affutés dans leur argumentaire avaient, du fait de leurs responsabilités locales, une connaissance précise de la gestion d'un Office. Il en a été de même lors de l'examen, la semaine dernière, de la loi sur les SEM.
Par ailleurs, l'aura des parlementaires n'est plus ce qu'elle a pu être. Il est difficile de discuter en tant que parlementaire avec un directeur d'agence régionale de santé. C'est en tant que maire, donc président du conseil de surveillance d'un hôpital, que l'on dispose d'un véritable poids.
M. Jean-Claude Peyronnet. - Je comprends cela, mais la position du parlementaire serait différente s'il était aussi membre du conseil de surveillance de l'ARS, qui en vérifie les comptes. On peut appeler cela un palliatif.
Y a-t-il des oppositions à l'approbation de ce qui pourrait être une proposition de loi de la délégation ? Pas d'abstention et pas d'opposition. Je vous remercie.
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