B. UNE OUVERTURE DES NÉGOCIATIONS D'ADHÉSION LOGIQUE
La Serbie a obtenu le statut de pays candidat à l'Union européenne en mars 2012. Le Conseil européen de décembre 2011 lui avait préalablement adressé une feuille de route précise. Au-delà des réformes techniques visant ses structures juridiques et économiques, la Serbie devait s'engager de façon plus déterminée dans le dialogue avec les autorités du Kosovo et poursuivre sa collaboration avec le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY).
1. Un engagement clair à solder le passé
La position serbe en faveur d'une adhésion à l'Union européenne s'est définitivement - et paradoxalement - concrétisée depuis l'arrivée au pouvoir des partis nationalistes en mai 2012. Le processus de normalisation des relations avec le Kosovo n'a d'ailleurs été rendu possible que par la conversion à l'idée européenne d'une partie des formations radicales présentes sur la scène politique serbe, qu'il s'agisse du parti socialiste - le SPS - ancien parti de Slobodan Miloeviæ (et dont est issu l'actuel Premier ministre Ivica Daèiæ) ou du parti progressiste serbe - le SNS - plus à droite (dirigé par le Président de la République Tomislav Nikoliæ et le Vice Premier ministre Aleksandar Vuèiæ). Une nouvelle génération politique, plus jeune et plus féminisée, a révisé des positions jusque-là considérées comme intangibles pour accélérer le rapprochement avec l'Union européenne. Le cas du Kosovo, considéré par ces formations comme le berceau de la civilisation serbe, est assez révélateur. Compte tenu de leurs histoires respectives, ces formations étaient peut-être les seules à pouvoir faire accepter un désengagement progressif de la Serbie au Kosovo. Le SNS, issu en 2008 du parti radical (SRS) de l'ultranationaliste Vojislav eelj, quand il était dans l'opposition, ou le SPS, déjà membre de la coalition gouvernementale entre 2009 et 2012, considéraient jusqu'alors le statut du Kosovo comme une ligne rouge à ne pas franchir.
Cette position a eu une incidence certaine sur celle du parti démocrate (DS) au pouvoir jusqu'en 2012. Si l'ancrage européen de la formation de l'ancien président de la République Boris Tadiæ et du Premier ministre Zoran Ðinðiæ, assassiné en 2003 par des ultra nationalistes, n'est pas à remettre en cause, la politique étrangère du gouvernement précédent est à analyser à l'aune de cette opposition supposée irréductible. La théorie dite des « quatre piliers » avancée par l'ancien ministre des affaires étrangères, Vuk Jeremiæ, a pu faire douter de la volonté des autorités d'accomplir les réformes indispensables en vue de se rapprocher de l'Union européenne. Belgrade avançait ainsi quatre options pour son avenir : l'intégration au sein de l'Union, une association sur le modèle des liens qui unissent aujourd'hui l'Union européenne à la Suisse ou à la Norvège, un rapprochement avec la Russie (comme en atteste la signature d'un partenariat stratégique entre les deux États en 2011) ou un partenariat privilégié avec des pays non-alignés. Cette volonté affichée sans être réellement étayée de ne pas se focaliser sur l'Union européenne était principalement motivée par une incapacité objective à avancer sur la question du Kosovo, faute de consensus politique sur les suites à donner. Le précèdent gouvernement a tout juste pu mettre en oeuvre un dialogue technique avec les autorités kosovares.
Celui-ci a pris une nouvelle dimension, près d'un an après l'arrivée au pouvoir de la coalition SPS-SNS avec la signature, sous l'égide de l'Union européenne, d'un accord à Bruxelles le 19 avril 2013 qui ouvre un processus de normalisation des relations entre les deux pays. La coopération avec le TPIY relancée par le précédent gouvernement, s'est également maintenue, alors que là encore, une telle inclination n'était pas forcément attendue d'un gouvernement réunissant des courants nationalistes. La population serbe considère par ailleurs que ce Tribunal « ne condamne que des Serbes ».
Outre la normalisation des relations avec le Kosovo, qui faisait figure de priorité pour un certain nombre d'États membres de l'Union européenne au premier rang desquels l'Allemagne, le gouvernement serbe a souhaité insister sur le rapprochement avec les pays voisins, qu'il s'agisse des États issus de l'ex-Yougoslavie - prise de distance avec la Republika Srpska en Bosnie-Herzégovine, rencontres à haut niveau avec les autorités croates - mais aussi avec certains membres de l'Union européenne comme la Hongrie, au travers de la reconnaissance mutuelle des massacres commis pendant la guerre. L'actuel gouvernement poursuit une politique initiée par son prédécesseur, marquée par le déplacement de l'ancien président de la République dans la ville martyre croate de Vukovar le 4 novembre 2010, précédée en mars 2010 d'une déclaration du Parlement serbe condamnant le massacre des Bosniaques par les Bosno-Serbes à Srebrenica en 1995.
2. La volonté affichée d'adopter rapidement l'acquis communautaire
Un plan national de reprise de l'acquis communautaire étalé de 2013 à 2016 a été adopté par le gouvernement le 28 février 2013. Il vient compléter un plan d'action mis en oeuvre en décembre 2012 pour répondre aux demandes contenues dans le rapport de progrès 2012 de la Commission européenne.
La Commission européenne s'est, par ailleurs, montrée satisfaite à la mi-mai 2013 des réformes entreprises par les autorités serbes en matière de justice et d'État de droit. La stratégie de réforme 2014-2018 devrait ainsi permettre de rationnaliser la carte judiciaire, d'introduire la profession de notaire et d'établir définitivement celle d'huissier afin de mieux traiter l'arriéré judiciaire et de renforcer les hauts conseils des magistrats du siège et du parquet.
Le gouvernement a également adopté fin juin un plan d'action de lutte contre la corruption 2013-2018. Il prévoit notamment le traitement de 24 affaires emblématiques, le renforcement de la coordination interservices, l'extension de l'abus de pouvoir aux opérateurs privés ou la prévention des conflits d'intérêt. Des groupes de travail ont, en outre, été mis en oeuvre afin de lutter contre les discriminations, face aux menaces pesant notamment sur les Roms et les lesbiennes, gays, bisexuels, transsexuels et intersexués (LGBTI).
Au regard de ces éléments positifs, la décision d'ouvrir des négociations d'adhésion, prise par le Conseil européen les 27 et 28 juin derniers, est apparue logique. La Commission européenne s'y était d'ailleurs déclarée favorable le 22 avril 2013.