C. LE RÈGLEMENT OSP ET LES SERVICES DE TRANSPORT RÉGIONAUX
Une ouverture effective de la concurrence en matière ferroviaire nécessite l'ouverture de l'accès aux marchés publics de transport. Toutefois, cette dernière ne doit pas se faire au détriment d'un service public de qualité.
Afin de répondre à ces deux enjeux, le règlement 1370/2007 relatif aux services publics de transport de voyageurs, dit règlement OSP, précise les règles applicables aux services de transport public dont l'équilibre économique ne peut être assuré sans soutien public. Ainsi, comme le précise son considérant 25, ce texte vise à « instaurer un cadre légal en matière d'octroi de compensation et/ou de droits exclusifs pour les contrats de service public ».
L'article 3 du règlement permet à une autorité compétente d'octroyer à l'opérateur de son choix un droit exclusif et/ou une compensation, en contrepartie de la réalisation d'obligations de service public. L'article 5 § 3 du règlement pose le principe d'un appel à concurrence, lorsque l'autorité compétente décide de recourir à un tiers pour opérer ce service.
Toutefois, plusieurs dérogations explicitement listées par le texte permettent à cette autorité d'attribuer l'exécution du service public de transport sans avoir procédé à une mise en concurrence préalable . L'une de ces exceptions concerne le transport ferroviaire : le point 6 de l'article 5 permet aux autorités compétentes de décider d'attribuer directement des contrats de service public de transport par chemin de fer, à l'exception d'autres modes ferroviaires tels que le métro ou le tramway. La durée de tels contrats ne peut dépasser dix ans. L'application de ce règlement au transport régional de voyageurs à donner lieu à un débat portant sur la possibilité pour les régions de choisir un autre prestataire que la SNCF. En effet, comme le constate le rapport d'information d'Hubert Haenel sur la libéralisation des transports ferroviaires dans l'Union européenne 12 ( * ) , deux interprétations de la portée du règlement OSP sont possibles.
- dans le premier cas, l'on considère que le règlement OSP ne vient que préciser des règles de procédures . Il ne vise pas à renforcer l'ouverture de la concurrence. Dès lors, il n'a aucune conséquence sur des dispositions normatives existantes d'États membres lesquelles visent à restreindre l'accès à leur réseau national pour le transport de voyageurs. Dans cette interprétation, le règlement OSP ne remet pas en cause l'article 18 de la LOTI lequel confie à la SNCF un monopole d'exploitation du transport de voyageurs sur le réseau ferré national ;
- dans la deuxième interprétation, l'on considère que le règlement OSP donne à « toute autorité organisatrice locale la possibilité de décider à son niveau si elle souhaite ou non recourir à une mise en concurrence pour le choix de l'opérateur » . Dès lors, le maintien d'un monopole légal de la SNCF est en contradiction avec le règlement européen. Du fait de la hiérarchie des normes, le juge français devrait alors faire primer le règlement européen sur la loi française et ainsi donner raison à un conseil régional qui aurait, après appel d'offre, attribué le marché de transport ferroviaire régional de voyageurs à un prestataire autre que la SNCF.
Interrogé par M. Hubert Haenel par une question orale le 12 janvier 2009, le gouvernement a indiqué que l'application du règlement OSP ne remettait pas en cause le monopole de la SNCF, se ralliant à la première option d'interprétation.
Il a ainsi précisé que l'objet du règlement OSP n'est « pas d'anticiper l'ouverture à la concurrence des services ferroviaires intérieurs ». En effet, « cette ouverture relèverait, le cas échéant, d'une modification de la directive 91/440 » . C'est donc pour cette raison, selon le gouvernement, qu'une exception à la règle générale d'attribution du marché public par appel d'offre est prévu explicitement pour le transport ferroviaire. Aussi, « le règlement OSP ne remet pas en cause le monopole légal conféré à la SNCF par l'article 18 de la loi d'orientation des transports intérieurs pour les services ferroviaires intérieurs de voyageurs sur le réseau ferré national. Ainsi, notamment, les autorités organisatrices des services régionaux de voyageurs ne pourront se prévaloir du règlement OSP pour lancer des appels d'offres afin de confier les services de voyageurs à d'autres opérateurs que la SNCF. En l'absence de modification de la législation française, ces services doivent être réalisés par la SNCF, dans le cadre des dispositions de la LOTI ou, pour l'Île-de-France, de l'ordonnance du 7 janvier 1959 relative à l'organisation des services de transports dans la région parisienne »13 ( * ).
Toutefois, comme le souligne le rapport d'information précédemment évoqué, cette interprétation du texte par le gouvernement n'a pas fait l'objet d'une validation par la Commission européenne ou le Conseil d'État.
* 12 Rapport d'information n°220 de M. Hubert Haenel sur la libéralisation des transports ferroviaires dans l'Union européenne, Sénat, session 2008-2009.
* 13 Question orale sans débat n° 0355S de M. Hubert Haenel, publiée dans le JO Sénat du 4 décembre 2008, page 2401.