III. L'IMPACT DU DROIT EUROPÉEN

Les réformes introduites par le droit européen depuis le début de la décennie 1990 ont eu de fortes incidences sur le paysage ferroviaire français.

D'autres ne manqueront pas de suivre et concerneront directement nos collectivités, tout spécialement la région.

Bien que n'étant pas, pour l'instant, les principales intéressées, ces réformes ne sont pas sans conséquence pour les collectivités territoriales.

En effet, la perspective d'ouverture à la concurrence du transport national de voyageurs concernera aussi les transports régionaux. L'Union européenne faisant du principe de libre circulation un élément essentiel pour la construction du marché intérieur, le transport en devient un moyen déterminant. Ne soyons donc pas surpris par les évolutions juridiques à venir du ferroviaire français.

Retrouvons tout d'abord la directive 91/440 du 29 juillet 1991 qui impose la séparation de la gestion du réseau, de l'infrastructure et de l'exploitation de ou des entreprises de services de transport ferroviaire.

Ce texte sera transposé en France par la loi n°97-135 du 13 février 1997 portant création de l'établissement public Réseau ferré de France 9 ( * ) .

A. L'ORGANISATION DE RÉSEAU FERRÉ DE FRANCE

Responsable de l'aménagement, du développement, de la cohérence et de la mise en valeur du réseau ferré national, RFF est propriétaire des biens constitutifs de l'infrastructure ainsi que des immeubles appartenant à l'État non affectés à l'exploitation des services de transport. RFF est le second investisseur public de France (CA : 5,5 MD€ en 2012)

1. Les relations entre la SNCF et RFF

L'article 1 er de la loi n°97-135 prévoit que « la gestion du trafic et des circulations sur le réseau ferré national ainsi que le fonctionnement et l'entretien des installations techniques et de sécurité de ce réseau sont assurés par la Société nationale des chemins de fer français pour le compte et selon les objectifs et principes de gestion définis par Réseau ferré de France. Il la rémunère à cet effet. »

Les articles 11-1 et 11-2 du décret n°97-444 du 5 mai 1977 relatif aux missions et aux statuts de Réseau Ferré de France mettent en place une convention entre RFF et la SNCF, d'une part, pour l'exercice de la mission de gestion du trafic et des circulations et, d'autre part, pour « l'exercice de la mission relative au fonctionnement et à l'entretien des installations techniques de sécurité du réseau ferré national. » Ce sont ces textes qui expliquent que les 55 000 agents de la SNCF infra travaillent pour le compte de RFF, et que la SNCF facture ces travaux à RFF.

L'article 5 de la loi n°97-135 du 13 février 1997 précitée partage les biens ferroviaires entre la SNCF et RFF :

« Les biens constitutifs de l'infrastructure et les immeubles non affectés à l'exploitation des services de transport appartenant à l'État et gérés par la Société nationale des chemins de fer français sont, à la date du 1er janvier 1997, apportés en pleine propriété à Réseau ferré de France. Les biens constitutifs de l'infrastructure comprennent les voies, y compris les appareillages fixes associés, les ouvrages d'art et les passages à niveau, les quais à voyageurs et à marchandises, les triages et les chantiers de transport combiné, les installations de signalisation, de sécurité, de traction électrique et de télécommunications liées aux infrastructures, les bâtiments affectés au fonctionnement et à l'entretien des infrastructures.

Sont exclus de l'apport, d'une part, les biens dévolus à l'exploitation des services de transport, qui comprennent les gares, les entrepôts et cours de marchandises ainsi que les installations d'entretien du matériel roulant, et, d'autre part, les ateliers de fabrication, de maintenance et de stockage des équipements liés à l'infrastructure, ainsi que les immeubles administratifs. Il en est de même des biens affectés au logement social ou au logement des agents de la Société nationale des chemins de fer français par nécessité de service et de ceux affectés aux activités sociales, des filiales et des participations financières.

Les modalités de détermination de ces biens sont fixées par décret en Conseil d'Etat. »

Le décret en Conseil d'Etat n°97-445 du 5 mai 1997 portant constitution du patrimoine initial de l'établissement public Réseau ferré de France précise les séparations de patrimoine entre les deux entités. L'arrêté du 27 novembre 2006 portant approbation de la liste des biens établie en application du décret n°97-445 du 5 mai 1997 portant constitution du patrimoine initial de l'établissement public Réseau Ferré de France valide les transferts de propriété à RFF.


La création de nouvelles lignes et leur incorporation dans le réseau national

Aux termes de l'article 6 du décret n°97-445 du 5 mai 1997, RFF « exerce la maîtrise d'ouvrage des opérations d'investissement ». Il peut le confier à un tiers conformément à la loi n°85-704 relative à la maîtrise d'ouvrage publique.

L'article 2 du décret n°97-445 du 5 mai 1997 précise que « la consistance du réseau ferré national est fixée par décret. Toutefois, sauf dans le cas prévu au deuxième alinéa de l'article 5 de l'ordonnance n°2005-898 du 2 août 2005 portant actualisation et adaptation des livres III et IV du Code des ports maritimes (partie législative), l'incorporation de lignes ou de sections de lignes au réseau ferré national est prononcée par arrêté du ministre chargé des transports après avis de RFF. »

2. Les relations entre RFF et les collectivités territoriales

L'article 19 du décret n°97-445 du 5 mai 1997 prévoit que « RFF mène une politique de coopération avec les régions, et plus généralement avec l'ensemble des autorités organisatrices de transport. »

En matière d'investissement, un lien juridique existe également entre RFF et les collectivités territoriales. Ainsi, l'article 4 du même décret prévoit que « RFF ne peut accepter un projet d'investissement sur le réseau ferré national, inscrit à un programme à la demande de l'État, d'une collectivité locale ou d'un organisme public local ou national, que s'il fait l'objet de la part des demandeurs d'un concours financier propre à éviter toute conséquence négative sur les comptes de RFF sur la période d'amortissement de cet investissement. Les investissements financés par les collectivités territoriales, leurs groupements ou les organismes publics donnent lieu à convention avec RFF. »

L'article 20 permet à RFF de mettre à disposition d'une collectivité territoriale une ligne ou une section de ligne pour la mise en oeuvre d'une exploitation touristique sur cette ligne ou cette section de ligne : « RFF peut, après consultation de la SNCF, mettre à disposition d'une collectivité territoriale ou de plusieurs d'entre elles regroupées en syndicat, une ligne ou section de ligne du réseau ferré national pour la mise en oeuvre d'une exploitation touristique sur cette ligne ou section de ligne.

Les conventions passées à cet effet entre RFF, les collectivités territoriales intéressées et la personne morale désignée pour l'exploitation touristique de la ligne sont soumises à l'approbation préalable du ministre chargé des transports. L'autorisation est réputée tacitement accordée à l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la transmission du projet de convention. »

L'article 22 du même décret est relatif à la fermeture de lignes. La région doit alors être consultée. Elle dispose d'un délai de trois mois pour donner son avis : « lorsque RFF envisage la fermeture d'une ligne ou d'une section de ligne, il soumet le projet de fermeture à la région compétente pour organiser les services ferroviaires régionaux de voyageurs sur la ligne ou la section de ligne en cause ou, le cas échéant, au Syndicat des transports d'Ile-de-France. La région ou le syndicat dispose d'un délai de trois mois pour faire connaître son avis. L'absence de réponse de l'organe délibérant dans ce délai vaut avis favorable. »

Le décret n°97-445 du 5 mai 1997 organise également des relations entre RFF et les collectivités territoriales lors de la cession par RFF d'un de ses biens immobiliers . En matière de déclassement, la région peut être amenée à intervenir et faire connaître son avis si RFF souhaite procéder au déclassement plus de cinq ans après l'autorisation de fermeture d'une ligne ou section de ligne.

Article 49 du décret n°97-445 du 5 mai 1997

« L'autorisation du ministre chargé des transports de fermer une ligne ou une section de ligne vaut autorisation de procéder au déclassement des biens constitutifs de son infrastructure. Toutefois, ne peuvent être déclassés les biens dont la cession ne serait pas compatible avec la décision du ministre, prise en application du cinquième alinéa de l'article 22, de maintenir en place la voie ou tout ou partie des biens constitutifs de l'infrastructure.

RFF peut procéder au déclassement dans les cinq ans de l'autorisation de fermeture. Au-delà de ce délai, RFF consulte la région ou, le cas échéant, le Syndicat des transports d'Ile-de-France, qui dispose d'un délai de trois mois pour faire connaître son avis sur le déclassement. L'absence de réponse de l'organe délibérant dans ce délai vaut avis favorable. RFF transmet cet avis au ministre chargé des transports qui dispose d'un délai de deux mois pour s'opposer au déclassement. Le silence gardé par le ministre pendant ce délai vaut absence d'opposition. RFF dispose d'un délai de cinq ans à compter de l'absence d'opposition du ministre pour procéder au déclassement. Ce délai peut être renouvelé en suivant la même procédure.

RFF communique au ministre les décisions de déclassement de ces biens. Ces décisions sont publiées au recueil des actes administratifs de la préfecture du département dont le territoire est traversé par la ligne ou section de ligne considérée. »

En outre, les articles 51 et 52 du même décret prévoient la cession d'un bien immobilier de RFF devenu inutile à la poursuite de ses missions. L'article 51 donne à l'État et aux collectivités territoriales la possibilité de se porter acquéreur de ce bien. L'article 52 détermine les conditions de fixation de l'indemnité.

Article 51 du décret n°97-445 du 5 mai 1997

« Lorsque RFF envisage de céder un bien immobilier devenu inutile à la poursuite de ses missions, il en informe le préfet ainsi que le président du conseil régional, le président du conseil général et le maire de la commune où est situé le bien. L'Etat, les collectivités disposent d'un délai de deux mois pour manifester leur intention de se porter acquéreur dudit bien. »

Article 52 du décret n°97-445 du 5 mai 1997

« Lorsque la cession par RFF, le cas échéant après déclassement, d'un bien immobilier utilisé pour la poursuite de ses missions est consentie au profit de l'Etat ou d'une collectivité territoriale pour des motifs d'utilité publique, l'indemnité due à RFF est fixée par le directeur départemental des services fiscaux. Elle est, dans tous les cas, égale à la valeur de reconstitution du bien cédé, laquelle tient compte notamment :

- soit du prix d'acquisition du terrain de remplacement dans la limite de la valeur vénale du terrain cédé considéré comme non bâti, soit de la valeur vénale du terrain cédé lorsqu'il n'y a pas lieu de procéder à l'acquisition d'un terrain de remplacement ;

- du coût de reconstruction des bâtiments et des installations de nature immobilière édifiés sur le terrain cédé, corrigé de la part du coût correspondant aux améliorations ou à l'accroissement de capacité qui seraient éventuellement apportés par rapport aux immeubles cédés ;

- du coût de déplacement et de réinstallation des équipements transportables. »

Les collectivités territoriales sont également présentes, de manière indirecte, au conseil d'administration de RFF . En effet, l'article 26 du décret n°97-445 du 5 mai 1997 précise que « parmi les personnalités choisies en raison de leur compétence, deux membres, détenteurs d'un mandat électoral local, sont choisis en raison de leur connaissance des aspects régionaux, départementaux ou locaux des questions ferroviaires ».

Enfin, aux termes de l'article 2-1 de la loi n°97-135, les régions, en tant qu'autorités organisatrices des transports, sont représentées dans « un conseil de développement durable du réseau ferré national ».

3. Pouvoirs du directeur régional RFF

Par délégation de pouvoir, le président de RFF peut déléguer certaines de ses compétences au directeur régional RFF. À titre d'exemple, il a été délégué au directeur régional Bretagne-Pays de la Loire la passation de marchés, dans la limite de 16 millions d'euros hors taxes pour les marchés de travaux et de fournitures. Il dispose également d'une délégation de pouvoir en matière foncière et immobilière pour les montants inférieurs à 1,5 million d'euros hors taxes.


* 9 Lors de son audition le 16 septembre 2013, la fédération FO Cheminots rappelle toutefois que le droit européen ne demandait qu'une séparation comptable. C'est la France qui a fait le choix de procéder à une séparation structurelle.

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