N° 92
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2013-2014
Enregistré à la Présidence du Sénat le 22 octobre 2013 |
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation (1) sur le service public ferroviaire et les collectivités territoriales ,
Par M. Edmond HERVÉ,
Sénateur.
(1) Cette délégation est composée de : Mme Jacqueline Gourault, présidente ; MM. Claude Belot, Christian Favier, Yves Krattinger, Antoine Lefèvre, Hervé Maurey, Jean-Claude Peyronnet, Rémy Pointereau et Mme Patricia Schillinger, v ice-présidents ; MM. Philippe Dallier et Claude Haut, secrétaires ; MM. Jean-Etienne Antoinette, Yannick Botrel, Mme Marie-Thérèse Bruguière, MM. François-Noël Buffet, Raymond Couderc, Jean-Patrick Courtois, Michel Delebarre, Éric Doligé, Jean-Luc Fichet, François Grosdidier, Charles Guené, Edmond Hervé, Pierre Jarlier, Georges Labazée, Joël Labbé, Gérard Le Cam, Jean Louis Masson, Stéphane Mazars, Rachel Mazuir, Jacques Mézard, Mme Renée Nicoux, MM. André Reichardt, Bruno Retailleau, Alain Richard et Jean-Pierre Vial. |
INTRODUCTION
Au cours de ces dernières années de nombreux rapports ont été consacrés à notre système ferroviaire. Leurs complémentarités et convergences doivent servir les réformes attendues et enrichir le débat parlementaire précédant le vote de la future loi sur la réforme ferroviaire dont le projet a été présenté en conseil des ministres le 16 octobre 2013 par M. Cuvillier, Ministre délégué aux transports, à la mer et à la pêche.
Par cohérence et souci de service public, la modernisation de notre système ferroviaire doit tenir compte du processus de décentralisation : à l'appui de cet impératif, il suffit de rappeler les compétences des régions en matière de transport et d'évaluer l'importance prise par les transports express régionaux. Compétences et importance qui contribuent, sans contestation, au développement de nos territoires 1 ( * ) .
En réalité, ce sont toutes nos collectivités qui sont intéressées par le ferroviaire eu égard aux exigences de la mobilité et des intermodalités.
Dans un excellent rapport, Jacques Auxiette, écrit très justement : « Alors que la montée en puissance des régions aurait dû avoir comme effet une adaptation de la SNCF dans le sens d'une organisation plus décentralisée, le phénomène inverse s'est produit » 2 ( * ) .
Il exprime là une insatisfaction que nombre de personnes que nous avons auditionnées partagent.
L'autorité politique, par abstention, est à l'origine de cette déviation qui ne remet pas en cause la qualité des dirigeants de la société.
Sans craindre la contradiction, le couple « SNCF - Décentralisation » a besoin d'un État stratège qui pilote, d'un Parlement qui contrôle, d'acteurs qui se retrouvent dans un pacte national de service public et de performance.
Ce sont là des conditions premières : il en est d'autres qui intéressent plus directement la SNCF et les collectivités territoriales. C'est tout l'objet de ce rapport et de ses propositions.
I. UN CADRE JURIDIQUE EN ÉVOLUTION
L'approche décentralisée du transport ferroviaire repose sur quatre principaux textes législatifs. Ils obéissent à une logique pragmatique soucieuse de proposer une réponse territoriale au plus proche des besoins de la population.
Ce cadre pose des principes de service public, de complémentarité, de cohérence et laisse toute la place qui convient à la négociation entre les intéressés.
A. LA LOI N°82-1153 DU 30 DÉCEMBRE 1982 D'ORIENTATION DES TRANSPORTS INTÉRIEURS (DITE LOI LOTI)
Ce texte fondateur, philosophique et technique, pose le principe d'un droit au transport au service de diverses finalités. L'Etat partage la responsabilité de la mise en oeuvre de ce droit avec les collectivités territoriales.
La loi LOTI, entre autres innovations, confie aux régions la responsabilité des liaisons ferroviaires inscrites au plan régional 3 ( * ) .
Article 1 er
« Le système de transports intérieurs doit satisfaire les besoins des usagers dans les conditions économiques et sociales les plus avantageuses pour la collectivité. Il concourt à l'unité et à la solidarité nationale, à la défense du pays, au développement économique et social, à l'aménagement équilibré du territoire et à l'expansion des échanges internationaux, notamment européens.
Ces besoins sont satisfaits par la mise en oeuvre des dispositions permettant de rendre effectifs le droit qu'a tout usager de se déplacer et la liberté d'en choisir les moyens ainsi que la faculté qui lui est reconnue d'exécuter lui-même le transport de ses biens ou de la confier à l'organisme ou à l'entreprise de son choix. »
Article 4
« L'élaboration et la mise en oeuvre de la politique globale des transports sont assurées conjointement par l'État et les collectivités territoriales concernées dans le cadre d'une planification décentralisée, contractuelle et démocratique, avec la participation des représentants de tous les intéressés. Cette politique globale s'inscrit dans le cadre du plan de la nation et donne lieu à l'établissement de schémas de développement de transports, élaborés sur la base d'une approche intermodale, tenant compte des orientations nationales et locales d'aménagement.
Le développement de l'usage des transports collectifs de personnes revêt un caractère prioritaire. Cet usage doit être encouragé.
Pour la réalisation de ces objectifs, des contrats peuvent être passés entre l'Etat et les collectivités territoriales. »
Le 1 er chapitre du Titre II concerne plus spécialement le transport ferroviaire : la SNCF devient un établissement public industriel et commercial qui a pour objet « d'exploiter, d'aménager et de développer, selon les principes du service public, le réseau ferré national » 4 ( * ) .
L'article 22 donne compétence à la région pour organiser les liaisons ferroviaires inscrites au plan régional des transports :
I. « L'organisation des liaisons ferroviaires inscrites au plan régional des transports, établi et tenu à jour par le conseil régional après avis des conseils généraux et des autorités compétentes pour l'organisation des transports urbains, fait l'objet de conventions passées entre la région et la Société nationale des chemins de fer français.
La région est consultée sur les modifications de la consistance générale des services assurés, dans son ressort, par la Société nationale des chemins de fer français.
Toute ouverture ou fermeture de lignes, toute création ou suppression de points d'arrêt sont soumises pour avis à la région, aux départements et aux communes concernées.
II.A la demande des collectivités régionales intéressées, une commission consultative peut être instituée auprès de chaque direction régionale de l'établissement public. Un décret en Conseil d'État précise la composition de cette commission et ses attributions. Il détermine les règles de son organisation et de son fonctionnement. Elle est consultée notamment sur les conséquences des activités de l'établissement sur la vie économique et sociale de la région et peut faire toutes suggestions sur l'exercice et le développement de ces activités. »
Au cours de la décennie 1980, toutes les régions, à l'exception des Pays-de-la-Loire, vont signer une convention avec la SNCF.
Comme le souligne la commission d'enquête du Sénat de 1993 sur la SNCF, l'information obligatoire donnée par la SNCF aux collectivités en matière de suppressions ou de créations de lignes a amené certaines régions à s'engager financièrement, dans un souci d'aménagement du territoire, afin d'éviter l'arrêt d'une desserte.
Cette commission d'enquête va d'ailleurs proposer, de « confier aux régions la responsabilité des services régionaux de voyageurs ». En effet, le système de conventionnement issu de la LOTI est alors jugé « fort complexe, favorisant la confusion des responsabilités juridiques et financières entre les régions, l'État et la SNCF. »
Cette recommandation nous amène à une nouvelle loi.
* 1 Nos collègues, Jean Germain, sénateur maire de Tours, et Marie-France Beaufils, sénatrice maire de Saint-Pierre-des-Corps, apportent un témoignage concret (cf. le compte-rendu de leurs auditions 2 et 17 avril 2013).
* 2 Jacques Auxiette, rapport au Premier ministre et au ministre délégué des Transports, de la Mer et de la Pêche « Un nouveau destin pour le service public ferroviaire français : les propositions des régions », avril 2013, page 47.
* 3 Suite à un avenant de 1971 modifiant la convention liant l'État et la SNCF, cette dernière est autorisée à négocier des conventions avec les collectivités territoriales.
* 4 En application de l'article 6 du cahier des charges de la SNCF approuvé par le décret n°83-817 du 13 septembre 1983, l'État a transféré à la SNCF l'organisation et la mise en oeuvre des services ferroviaires (cf. rapport d'Yves Krattinger « Les collectivités territoriales et les transports » Délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, n° 319, 2011-2012, page 7).