C. LES FACTEURS QUI FREINENT L'ACCÈS AUX DROITS SOCIAUX ET AUX SOINS
L'environnement dans lequel évoluent les personnes prostituées, fait de violences, de conditions d'hébergement précaires, d'isolement social et de méfiance à l'égard des acteurs publics, est un puissant frein à l'accès aux droits et aux soins.
1. La prostitution : un monde de violences
« Témoignages et études convergent vers un constat : les violences font partie du paysage de la prostitution quelle qu'en soit la forme et le mode d'exercice » . Cette phrase, tirée du rapport de l'Igas, résume à elle seule la réalité du monde prostitutionnel.
a) Une exposition aux violences qui concerne toutes les formes de prostitution
Le degré d'exposition aux violences est souvent mis en relation avec les formes de prostitution. Ainsi, le fait de se prostituer dans la rue est généralement associé à un niveau de violence accru par rapport aux autres modes d'exercice « indoor ». Cette corrélation tient à la fois à la plus grande fragilité des publics concernés (nationalité étrangère, emprise des réseaux, mobilité accrue, grande précarité...) et aux contraintes qui s'exercent dans la rue.
En outre, tous les acteurs de terrain s'accordent à dire que la LSI de 2003 pénalisant le racolage passif a eu pour effet de déplacer les personnes prostituées exerçant sur la voie publique des centres villes vers des lieux plus éloignés et moins accessibles (routes nationales, forêts, aires d'autoroute), les exposant à un surcroît de violences.
Cependant, les autres formes de prostitution ne sont pas exemptes de violences , loin de là. L'exercice « indoor » étant par définition caché, l'isolement des personnes qui le pratiquent est source d'une plus grande vulnérabilité. La prostitution occasionnelle est également exposée, compte tenu de la méconnaissance des pratiques et des codes de la prostitution par les personnes qui y recourent.
b) Des violences qui émanent d'une pluralité d'acteurs
Les enquêtes montrent clairement qu' une part importante des violences, si ce n'est leur très grande majorité (90 % des cas selon l'étude du Lotus Bus Médecins du Monde), sont perpétrées par des clients . Ces violences sont principalement physiques, allant des coups et blessures, parfois avec armes, aux violences sexuelles (retrait non-consenti du préservatif, viol). Elles sont également verbales et psychologiques (insultes, stigmatisations, remarques humiliantes...). Les vols d'argent ou de biens de la part des clients sont aussi courants. Vos rapporteurs s'étonnent en outre qu'en l'état actuel de la législation, le retrait forcé du préservatif par le client n'est pas considéré comme un viol alors qu'il y est assimilable.
La violence du monde prostitutionnel est aussi le fait des proxénètes et des réseaux , qui utilisent la violence physique, sexuelle et/ou psychologique pour s'assurer de la docilité des personnes prostituées. Les témoignages recueillis à ce sujet sont édifiants : « parcours de dressage » avant d'arriver en France, viols à répétition, menaces sur l'intégrité de la personne prostituée ou de sa famille restée au pays, emprise psychologique exercée par les « Mama », obligation à avorter en donnant des coups de pied dans le ventre...
Le milieu prostitutionnel génère également des violences entre personnes prostituées en raison du climat concurrentiel et des conflits de territoires (menaces, chantage, coups...).
Enfin, les passants et les riverains figurent aussi parmi les auteurs de violences (virées en bande, insultes, jets d'objets...).