II. L'EXEMPLE MAROCAIN : UN PAYS AMBITIEUX EN MATIÈRE D'ÉNERGIE ET DE TRANSPORT

Le choix de vos rapporteurs spéciaux d'illustrer leur travail d'analyse sur le secteur de l'énergie par un déplacement au Maroc se justifie tout d'abord par le poids qu'occupe ce pays dans la politique d'aide publique au développement française.

En effet, la France est le premier bailleur de fonds bilatéral du Maroc , avec 524 millions de dollars d'aide nette en 2011 (376 millions d'euros environ), représentant 42 % de l'aide en provenance des pays du comité d'aide au développement (CAD). D'autre part, le Royaume est le premier bénéficiaire de l'APD française . L'encours des prêts du Gouvernement français au Maroc s'élevait ainsi à 1,13 milliard d'euros au 31 décembre 2012. De même, depuis 2007, quatorze études ont été financées par la France par la Fasep, pour un montant de 81 millions d'euros. Enfin, le Maroc est le premier bénéficiaire des financements du groupe AFD avec un total des autorisations d'engagements de un milliard d'euros sur 2010-2012.

Chiffres clés de l'économie marocaine

Le produit intérieur brut du Maroc s'élevait en 2011 à 71,7 milliards d'euros. Le secteur primaire représentait en 2012 15,5 % de la valeur ajoutée contre 30,2 % pour le secteur secondaire et 54,3 % pour le secteur tertiaire. Le taux de croissance s'est établi à 2,7 % en 2012 (4,5 % en moyenne sur les cinq années précédentes). Le taux de chômage au sens du BIT atteint 8,8 % et le Royaume est à la 130 ème place sur 187 en termes d'indice de développement humain.

Les échanges commerciaux ont connu une progression de 6 % en 2012 et le déficit commercial a atteint 198,4 milliards de dirhams (environ 18 milliards d'euros), en forte progression (plus 8,6 % par rapport à 2011 et plus 33,7 % par rapport à 2010).

La France demeure le principal client du Maroc (22,6 % - 3,7 milliards d'euros) devant l'Espagne (16,9 %). En revanche, cette dernière est devenue en 2012 le principal fournisseur du Royaume (12,9 %), devant la France (12,5 % - 4,3 milliards d'euros). La France est le premier investisseur étranger (plus d'un milliard d'euros par an sur les dix dernières années environ) et représente plus de la moitié des flux d'investissements directs à l'étranger (IDE) au Maroc.

Source : ministère des affaires étrangères

D'autre part, le choix du Maroc se justifiait également par l'ambition et la qualité des projets qui y sont menés dans le secteur de l'énergie et dans celui des transports .

L'APD française y a financé des projets portant sur l'ensemble de la chaîne de valeur du secteur de l'énergie, que ce soit dans la production d'électricité, dans le renforcement du réseau de transport d'électricité, sur la question de l'accès à l'électricité ou encore dans le domaine de l'efficacité énergétique. La France a également contribué de façon importante au financement du réseau ferroviaire à grande vitesse et au développement des transports publics dans les grandes agglomérations.

C'est pourquoi votre rapporteure spéciale Fabienne Keller s'est rendue à Casablanca et Rabat, du dimanche 21 au mardi 23 avril, où elle a pu rencontrer les acteurs de la politique d'APD au Maroc, se faire présenter les projets les plus pertinents au regard de l'objet de ce contrôle et visiter les installations les plus emblématiques.

A. UN SYSTÈME ÉNERGÉTIQUE CONFRONTÉ À DE FORTES CONTRAINTES MAIS OBJET D'AMBITIEUX PROGRAMMES DE MODERNISATION, DANS LE CADRE D'UNE VÉRITABLE STRATÉGIE ÉNERGÉTIQUE

1. La situation énergétique du Maroc : un système confronté à de fortes contraintes

Le Maroc ne dispose que de ressources énergétiques limitées et se trouve donc très fortement dépendant de l'extérieur pour son approvisionnement : 97 % de l'énergie consommée au Maroc est importée.

Le Royaume est donc fortement exposé à la volatilité du prix des combustibles fossiles et à leur hausse tendancielle, ainsi que, à moyen terme, aux risques d'approvisionnement.

La facture énergétique du Maroc, c'est-à-dire le montant total de ses importations d'énergie, s'est élevée en 2009 à 54,1 milliards de dirhams , soit 4,9 milliards d'euros 8 ( * ) , et à 71,7 milliards de dirhams en 2010, soit 6,4 milliards d'euros. Ce montant considérable vient grever la balance commerciale et représente environ la moitié des exportations du Royaume (147,1 milliards de dirhams en 2010, soit 13,2 milliards d'euros) et 9,2 % du PIB du pays.

La hausse importante de la facture énergétique entre 2009 et 2010 s'explique par la hausse du prix du pétrole, passé de 61,6 dollars en moyenne le baril sur l'année 2009 à 79,5 dollars sur 2010. Elle illustre également la hausse de la demande énergétique, tirée par la croissance démographique (plus 1,1 % par an), l'amélioration du niveau de vie et le développement économique. La consommation d'énergie primaire croît ainsi de 5 % par an sur les dernières années. Elle était de 18 millions de tonnes équivalent pétrole (tep) en 2012 et devrait atteindre 26 millions de tep en 2020 (plus 45 %) et 43 millions de tep en 2030 (plus 140 %).

La demande d'électricité croît à un rythme plus rapide encore, de 7,5 % par an. Cette hausse s'explique pour moitié par l'augmentation de la consommation des ménages, l'amélioration du niveau de vie ayant entraîné de nouveaux usages, à commencer par la généralisation de la climatisation, y compris dans les zones rurales. La consommation d'électricité par habitant est ainsi passée de 305 kWh en 1990 à 440 kWh en 2000 et 700 kWh en 2009, soit une augmentation de 130 % en 20 ans. L'autre moitié de la hausse trouve son origine dans la demande des entreprises, alimentée par le développement économique.

Au total, entre 1999 et 2009, la consommation d'électricité a doublé, passant de 13,3 GWh à 25 GWh ; elle devrait doubler encore sur la décennie suivante et atteindre 52 GWh en 2020 et même 95 GWh en 2030.

Ce dynamisme rend nécessaire des investissements dans les moyens de production, mais également dans le réseau de transport et de distribution, et pose la question du respect de l'environnement. En tout état de cause, il nécessite du pays une véritable réflexion sur sa stratégie énergétique et notamment électrique.

Pour répondre à des besoins énergétiques croissants, le Maroc a adopté en 2009 une stratégie énergétique , reposant sur quatre objectifs :

- diversification de l'offre énergétique ;

- développement des ressources énergétiques nationales et plus particulièrement des énergies renouvelables ;

- exploitation du potentiel d'efficacité énergétique ;

- intégration dans les marchés énergétiques régional et international.

C'est ainsi que l'Office national de l'électricité et de l'eau potable (ONEE) a arrêté un programme d'équipement prévoyant l'installation d'une capacité additionnelle de près de 5 500 MW à l'horizon 2016, soit plus de 85 % de la capacité actuelle. L'enveloppe totale allouée à ce programme s'élève à 110 milliards de dirhams, soit 9,9 milliards d'euros .

De même, un ambitieux programme de renforcement du réseau de transport d'électricité et de développement des interconnexions avec les pays voisins va être mené, représentant 12 milliards de dirhams d'investissements, soit 1,1 milliard d'euros , à l'horizon 2016.

L'ONEE, acteur clé du système électrique marocain

L'office national de l'électricité et de l'eau potable (ONEE), issu de la fusion en 2011 de l'office national de l'électricité (ONE) et de l'office national de l'eau potable (ONEP), est l'acteur clé du système électrique marocain.

Il est chargé d'assurer l'approvisionnement permanent du pays en électricité dans les meilleures conditions de coût et de sécurité. L'office n'a pas le monopole de la production d'électricité et le Maroc compte plusieurs producteurs privés : Jorf Lasfar Energy Company et Énergie électrique de Tahaddart notamment. En revanche, l'ONEE est l'acheteur unique d'électricité non renouvelable ; pour la production à partir de sources renouvelables, les opérateurs privés n'ont pas l'obligation de vendre leur électricité à l'ONEE, pour des utilisations en haute et très haute tension.

L'ONEE dispose du monopole du transport d'électricité et assure la distribution en l'absence de délégations ou de régies municipales de distribution d'électricité (soit environ 56 % des ventes).

Source : AFD

2. Le plan solaire marocain : un projet ambitieux de développement d'une filière locale dans les énergies renouvelables
a) Le choix des énergies renouvelables
(1) Un potentiel élevé

Le Maroc bénéficie d'un potentiel considérable de production d'énergie renouvelable , que ce soit à partir de l'énergie solaire ou de l'énergie éolienne.

Concernant le potentiel éolien, le Royaume dispose d'une excellente exposition aux vents, avec près de 3 600 km de côtes et des vents allant jusqu'à 11 m/s, si bien que son potentiel éolien est estimé à 25 000 MW.

S'agissant du potentiel solaire, le Maroc bénéficie d'un excellent ensoleillement, supérieur à 4,7 kWh/m² journaliers sur la quasi-totalité du pays et dépassant même les 5,3 kWh/m² sur une grande partie du territoire. À titre de comparaison, le territoire français n'offre un ensoleillement journalier de 5 kWh/m² que sur une petite portion du territoire de la région Provence-Alpes-Côtes-d'Azur, tandis que toute la moitié Nord varie entre 3 et 4 kWh/m². Au total, le potentiel solaire marocain est estimé à 20 000 MW.

Potentiel solaire

Potentiel éolien

Sources : Masen et Agence marocaine de développement des investissements

(2) Un objectif de 42 % de renouvelable en 2020

Les énergies renouvelables constituent une composante majeure de la nouvelle stratégie du Royaume. L'objectif est qu'à l'horizon 2020, les énergies renouvelables représentent 42 % de la capacité électrique installée, également réparties entre l'hydraulique, l'éolien et le solaire.

Évolution du mix électrique marocain entre 2008 et 2020 (projections)

Source : graphique commission des finances, données Masen

Compte tenu de la croissance de la demande d'électricité et donc de l'augmentation des capacités de production nécessaires, l'atteinte de cet objectif nécessiterait de disposer de 2 000 MW pour chacune des trois sources d'énergie précitées.

En juin 2010, le Royaume a lancé le « programme marocain intégré d'énergie éolienne » qui prévoit la construction de cinq nouveaux parcs éoliens d'ici 2020, localisés à Tanger (Tanger II), Tétouan (Koudia El Baida), Taza, Tiskrad près de Laayoune et Boujdour. Leur développement portera la puissance électrique installée d'origine éolienne de 280 MW actuellement à 2 000 MW.

De même, en novembre 2009, le Maroc a lancé le « plan solaire marocain », qui a particulièrement retenu l'attention de vos rapporteurs spéciaux du fait de son caractère novateur.

(3) Le plan solaire marocain

Le plan solaire marocain vise au développement d'une capacité de 2 000 MW d'ici 2020, répartie sur cinq sites. Il représente un investissement estimé à 9 milliards de dollars, soit 6,8 milliards d'euros. Il permettra en outre d'éviter l'émission de 3,7 millions de tonnes de CO 2 .

Son développement a été confié à la Moroccan Agency for Solar Energy (MASEN). Au cours de son déplacement au Maroc, votre rapporteure spéciale Fabienne Keller a souhaité obtenir des informations détaillées sur ce projet, qui a fait l'objet d'un prêt de 100 millions d'euros de l'AFD et qui a la particularité de porter sur une technologie qui n'est pas encore arrivée à maturité.

Elle a ainsi rencontré Obaïd Amrane, membre du directoire de MASEN, et Nabil Saimi, directeur de la coopération internationale, qui l'ont reçue dans leurs locaux de Rabat, le 22 avril dernier, pour lui présenter ce projet et en particulier la première centrale, prévue sur le site de Ouarzazate.

Le plan solaire méditerranéen

Le plan solaire méditerranéen (PSM) a été approuvé lors du Sommet de Paris pour la Méditerranée, le 13 juillet 2008. Il a pour objectif la construction, d'ici à 2020, de 20 000 MW de capacités additionnelles de production d'électricité renouvelable au Sud et à l'Est de la Méditerranée, le développement d'interconnexions et le renforcement de l'efficacité énergétique dans la zone.

Son coût est évalué entre 38 et 46 milliards d'euros et devrait permettre la création de 40 000 emplois sur 10 ans, dont plus de 25 000 dans la rive Sud et Est.

Depuis 2008, 2 200 MW d'éolien ont été mis en place. En matière de technologie solaire, la centrale de Ouarzazate au Maroc est le projet le plus ambitieux (160 MW) actuellement en construction, auquel il faut ajouter trois centrales combinant gaz et usage thermique du soleil à proximité d'Oujda au Maroc (472 MW dont 20 MW solaires), en Égypte (150 MW dont 20 solaires) et en Algérie (150 MW dont 30 solaires).

Huit projets d'interconnexion reliant les deux rives de la Méditerranée ont été identifiés, notamment au niveau de l'Espagne (avec le Maroc), de l'Italie (avec la Tunisie et l'Algérie) et de la Grèce (avec la Libye et l'Égypte).

Source : ministère des affaires étrangères

b) Un projet à la pointe de la technologie servi par une équipe efficace et fortement soutenu par les bailleurs internationaux
(1) Le choix de créer une structure dédiée à ce projet

Le Gouvernement marocain aurait pu confier la réalisation de ce projet à l'Office national de l'eau et de l'électricité (ONEE), comme il l'a fait pour le plan éolien.

Il a à l'inverse choisi de créer, en janvier 2010, une structure dédiée, la Maroccan Agency for Solar Energy (MASEN). Celle-ci a pris la forme d'une société anonyme, dont le capital s'élève à 500 millions de dirhams, détenu à parts égales par l'État marocain, le fonds Hassan II pour le développement économique et social, l'ONEE et la société d'investissement énergétique.

Le fonds Hassan II pour le développement économique et social

Le Fonds Hassan II pour le développement économique et social est un établissement public doté de la personnalité morale et de l'autonomie financière. Ses recettes proviennent :

- des versements du budget de l'État ;

- des produits provenant de ses activités ;

- des produits et intérêts de ses placements ;

- des remboursements des prêts et avances accordés par le Fonds ;

- du produit de cession de ses actifs ;

- du produit des emprunts concessionnels autorisés par le ministre chargé des finances et n'impliquant pas le budget de l'État ;

- des dons, legs et produits divers ;

- de toute autre ressource qui peut lui être affectée en vertu de la législation ou de la réglementation en vigueur.

Les objectifs du fonds sont :

a) D'apporter un concours financier :

- à des programmes d'habitat, d'infrastructure autoroutière, d'irrigation, d'aménagement du domaine forestier, de réalisation de structures d'accueil pour les investissements industriels et touristiques, de construction de complexes sportifs et culturels, de création d'infrastructures de petits ports de pêche et de développement des technologies de l'information ;

- à des actions de promotion de l'emploi notamment par les associations de micro-crédit ;

- à tout projet contribuant à la promotion de l'investissement et de l'emploi.
Ces concours peuvent être apportés, dans le cadre de conventions, sous forme de prises de participations financières, d'avances ou de prêts remboursables ou de contributions financières non remboursables ;

b) D'effectuer des placements financiers en valeurs du Trésor, en titres de créances négociables et en valeurs mobilières ;

c) De réaliser ou faire réaliser des études, soit de sa propre initiative, soit à la demande des administrations concernées permettant d'identifier des projets ou actions présentant un fort impact au regard de ses missions.

Source : AFD

Le choix de créer une structure ad hoc correspond à une logique marocaine de mettre en place des opérateurs sectoriels très ciblés sur de grands projets, sous la forme de petites équipes hautement qualifiées.

Cela permet de surmonter les lourdeurs qui pourraient apparaître dans le cadre d'une grande administration ou d'une très grande entreprise. Cela permet également d'unifier la problématique solaire en un seul endroit. Ainsi, MASEN regroupe à peine 25 agents, dotés d'une expérience professionnelle internationale, auxquelles s'ajoutent autant d'agents au titre des fonctions support. MASEN s'appuie également sur des consultants externes dans les domaines technique, juridique, fiscal, financier ou organisationnel.

Schéma de fonctionnement du plan solaire marocain

Source : schéma commission des finances, données AFD et MASEN

MASEN est responsable de la mise en oeuvre du projet. Il détient 25 % de chaque société constituée à la fin du processus d'adjudication ( cf. infra ), pour chaque phase de centrale, les 75 % restant étant détenus par le consortium ayant remporté l'appel d'offre.

MASEN participe financièrement à cette société spécialement constituée ( Special Purpose Company ou SPC) sous forme de fonds propres et de dette, en utilisant ses capitaux propres (fonds publics marocains) et les prêts concessionnels octroyés par les bailleurs internationaux.

MASEN est maître d'ouvrage du projet et propriétaire du terrain. La SPC pour sa part, est en charge du développement, du financement, de la construction, de l'exploitation et de la maintenance de la centrale, pour toute la durée du contrat.

S'agissant de l'électricité produite, MASEN la rachète à la SPC à un tarif fixé dans le cadre de l'appel d'offres, et qui s'élève à 14,5 centimes d'euros le kWh en heure de pointe pour la première centrale de Ouarzazate.

Elle la revend à l'ONEE à un tarif défini dans une convention tripartite État-ONEE-MASEN, qui s'élève à 7 centimes d'euros environ en heures creuses et 10 centimes d'euros en heures de pointe 9 ( * ) . Ce tarif a été réglé en référence au prix pour les clients très haute tension et est indexé sur ce dernier. Enfin, une part de l'électricité pourra être exportée vers l'Union européenne, à un prix supérieur au coût de revient ( cf. infra ). Une autre convention entre MASEN et l'ONEE a également réglé la question du raccordement de la centrale au réseau de transport.

L'écart entre les deux tarifs sera supporté par MASEN, avec l'appui financier de l'État et de certains bailleurs. Enfin, l'État assure l'équilibre financier de chaque projet, selon les termes d'une convention conclue avec MASEN.

Vos rapporteurs spéciaux ont constaté la grande efficacité de cette stratégie de mise en place de petites équipes très qualifiées concentrées sur l'atteinte d'objectifs précis et invitent les différents acteurs de l'APD française à la promouvoir dans les projets qu'ils soutiennent.

(2) Un projet à la pointe de la technologie suscitant un fort intérêt des investisseurs internationaux

Le choix de la technologie solaire employée a été guidé par la courbe de charge de la demande d'électricité au Maroc. Celle-ci atteint sa pointe le soir, autour de 19 heures. Il était donc nécessaire de pouvoir stocker l'électricité produite, ce qui a orienté MASEN vers la technologie des centrales solaires thermodynamiques (ou CSP), qui permet de stocker l'énergie dans les sels de nitrate pendant plusieurs heures. La chaleur est ensuite restituée au moment de la pointe et est exploitée de façon traditionnelle, en faisant chauffer de l'eau pour alimenter une turbine.

La technologie CSP avait également l'avantage d'ouvrir des perspectives de fabrication locale des équipements et de nécessiter un besoin important de main d'oeuvre pendant les travaux et l'exploitation, source d'emploi local.

Centrale solaire thermodynamique

Une centrale solaire thermodynamique (ou concentrating solar power plant en anglais) est une installation de miroirs concentrant les rayons du soleil afin de chauffer un fluide caloporteur. Celui-ci est ensuite envoyé dans une chaudière et transforme de l'eau en vapeur, afin de faire fonctionner une turbine, qui entraîne à son tour un alternateur produisant de l'électricité.

On peut distinguer les centrales à tour, à miroir cylindro-parabolique et à miroirs de Fresnel, qui permettent de suivre le cours du soleil.

S'agissant de la taille du projet, MASEN a souhaité que le projet ait une envergure importante, afin d'attirer des investisseurs, sachant que le plus grand projet à ce jour se trouve en Espagne et porte sur 50 MW. Il ne fallait pas cependant non plus qu'il soit trop important, pour ne pas placer MASEN dans les mains d'un seul constructeur de turbines.

Les cinq sites qui accueilleront les centrales ont déjà été identifiés. Il s'agit de Ouarzazate (500 MW), Ain Beni Mathar (400 MW), Sebkha Tah (500 MW), Foum El Oued (500 MW) et Boujdour (100 MW).

La première centrale du projet sera donc d'une puissance de 500 MW. Elle comportera une première tranche de 160 MW (miroirs cylindro-paraboliques), une seconde de 300 MW (miroirs cylindro-paraboliques et tour) et une dernière de 50 MW (photovoltaïque). À titre de comparaison, un réacteur EPR représente une puissance de 1 650 MW. La production attendue est supérieur à 1 200 GWh/an.

Le choix du premier site, situé à 10 km de la ville de Ouarzazate, a été justifié par un ensoleillement particulièrement favorable de 7,2 kWh/m²/jour, par la présence d'un barrage à proximité, permettant d'alimenter le site en eau, et par la présence de lignes à 60 kV et 225 kV. Enfin, le site est localisé en dehors de toute zone naturelle ou touristique.

La mise en service de la première centrale de Ouarzazate est prévue pour 2014.

Le choix de cette technologie, la taille du projet et la qualité du site ont permis de donner au projet de Ouarzazate le caractère de projet phare au niveau mondial, attirant de ce fait nombre d'investisseurs . C'est ainsi que le consortium ayant finalement remporté l'appel d'offres ( cf. infra ) a proposé un prix de sortie de l'électricité extrêmement bas 10 ( * ) (21 % de moins que la seconde offre), car la participation à ce projet leur permettait de devenir la référence mondiale sur cette technologie .

(3) Un support important des bailleurs internationaux témoignant de l'attrait du projet

Le projet de Ouarzazate a fait l'objet d'un soutien important des bailleurs internationaux, comme le montre le tableau ci-dessous.

Tableau de financement de la première phase de la centrale de Ouarzazate

(en millions d'euros)

Bailleur

Montant

Prêt de l'AFD

100

Prêt de la KfW

100

Prêt de la BEI

100

Prêt du Clean Technology Fund (CTF)

150 11 ( * )

Prêt de la banque africaine de développement

168

Subvention du ministère allemand de l'environnement

15

Subvention de la facilité d'investissement pour le voisinage (FIV)

30

TOTAL Ouarzazate 1

663

Source : MASEN

Il faut ajouter à ce tableau une aide budgétaire de la Banque mondiale, pour un montant de 200 millions de dollars - soit environ 150 millions d'euros -, servant à financer le différentiel entre le prix d'achat de l'électricité par MASEN et son prix de revente à l'ONEE.

Par ailleurs, l'AFD a également accordé à MASEN une subvention de 300 000 euros, pour le financement d'études et d'expertise technique.

L'obtention des prêts concessionnels a permis de faire baisser de 25 % le coût de l'électricité produite. Ce chiffre s'explique par l'intensité capitalistique particulièrement forte de ce secteur : les coûts marginaux de production de l'électricité sont très faibles, la majeure partie du coût est dans l'investissement de départ, ce qui permet d'augmenter l'effet de levier des prêts concessionnels.

(4) Une mise en concurrence tout au long du processus, sous le contrôle des bailleurs internationaux

MASEN étant une société anonyme, elle n'est pas soumise au code des marchés publics. Néanmoins, compte tenu de la complexité du projet et afin de bénéficier des connaissances des promoteurs préqualifiés pour le choix des technologies, les bailleurs de fonds ont recommandé de recourir à des appels d'offres .

Ce processus de sélection s'est déroulé en plusieurs étapes : pré-qualification, appel d'offres technique et appel d'offres technico-commercial.

Les bailleurs de fonds internationaux ont été associés tout au long du processus à travers la procédure de « l'avis de non objection » :

- lors de la phase de pré-qualification, sur le dossier d'appel à pré-qualification et le rapport de pré-qualification ;

- lors de la phase d'appel d'offres techniques, sur le dossier d'appel d'offres ainsi que sur le rapport d'évaluation des offres techniques (des experts techniques ayant été mobilisés par les bailleurs) ;

- lors de la phase d'appel d'offres technico-commerciale, sur dossier d'appel d'offres et sur le rapport d'évaluation des offres techniques. La sélection de l'adjudicataire final est validée par les bailleurs sur la base de ce processus.

De plus, les bailleurs de fonds ont validé l'ensemble de la documentation contractuelle conclue entre les différentes parties au projet (contrats d'achat d'électricité MASEN - adjudicataire et MASEN - ONEE, contrat de prêt entre MASEN et l'adjudicataire, pacte d'actionnariat pour la constitution de la société de projet, etc...).

Enfin, en amont de ce processus, les bailleurs ont eu un droit de regard sur la documentation technique du projet. Une attention particulière a été accordée à l'étude d'impact environnemental et social, qui a fait l'objet d'un suivi très rapproché.

Le processus de pré qualification, lancé en juillet 2010 a permis de sélectionner trois consortiums fin 2011 : le premier mené par la société Abeinsa (Espagne), le deuxième par la société International company for water and power - ACWA - (Arabie saoudite), associé aux sociétés Aries Ingenieria y Sistemas et TSK Electronica y Electricidad (Espagne), et le troisième par la société Enel (Italie). C'est le consortium ACWA qui a été finalement retenu.

Il n'y a pas eu d'entreprise française qui ait candidaté, car elles ne disposaient pas, en 2010, de la technologie. Pour les prochains appels d'offre, il pourrait en être autrement. Les sociétés Total, Areva et Alstom ont depuis acquis des entreprises et disposent de la technologie nécessaire.

Le processus de pré-qualification des opérateurs pour la deuxième phase (300 MW) vient d'être lancé.

Vue aérienne modélisée du complexe solaire de Ouarzazate

Source : MASEN

c) Un projet porteur de développement économique
(1) Le développement économique local pris en compte

Tout d'abord, il faut souligner que le développement de la centrale de Ouarzazate permet de valoriser économiquement des terrains actuellement totalement improductifs , en dehors d'une légère activité pastorale. Contrairement à ce qui peut se produire en Europe, où des centrales solaires sont développées en alternative à des activités agricoles, les projets considérés n'emportent pas de substitution.

La construction de la centrale de Ouarzazate est l'occasion d'aménager le territoire et de contribuer au développement local. Des études socio-économiques ont été menées en amont du projet pour maximiser son impact.

Le terrain sur lequel sera construite la centrale était un terrain collectif, qui a été valorisé en accord avec les responsables locaux. Il n'a pas été recouru à la procédure d'expropriation pour cause d'utilité publique. Le montant de l'achat (25 millions de dirhams, soit 2,25 millions d'euros) a été reversé à la direction des affaires rurales et sera utilisé pour financer des investissements au profit de la collectivité , avec l'aval des communautés concernées.

La centrale a également nécessité la mise en place d'infrastructures routières, téléphoniques ou hydrauliques, qui ont été installées en prenant en compte les besoins de proximité.

Enfin, MASEN joue un rôle de facilitateur pour l'aménagement du territoire, qui reste à la charge des autorités territoriales, et mène des actions de solidarité , comme le don de 121 vélos.

S'agissant de la dimension locale de l'emploi, MASEN a souhaité améliorer l'employabilité de la population locale et a ainsi exigé que 70 % des emplois non qualifiés soient réservés à la population locale . La phase de construction de la centrale, qui va durer trois ans, permettra d'ores-et-déjà de créer entre 2 000 et 5 000 emplois.

Enfin, MASEN a souhaité créer une activité autour de la région sur le thème de l'énergie solaire. En juin 2012, l'avion solaire Solar Impulse a ainsi réalisé une traversée Rabat-Ouarzazate qui a été l'occasion d'organiser une semaine d'évènements autour de l'énergie solaire. De même, MASEN envisage de prévoir une activité touristique, à travers des visites du site.

(2) Le développement d'une filière solaire marocaine

Le plan solaire marocain vise également au développement d'une véritable filière industrielle marocaine dans le domaine de l'énergie solaire .

Le développement du projet s'accompagne ainsi d'une stratégie d'intégration industrielle, de la mise en place d'une filière de recherche et développement et de mesures d'accompagnement en matière de formation.

S'agissant de la première tranche de Ouarzazate, l'appel d'offres comprenait l'exigence que 30 % du montant de l'investissement soit réalisé par des entreprises marocaines .

Des études, financées par la Banque mondiale, montrent que le tissu industriel marocain existant permet d'atteindre, moyennant une spécialisation technologique, un taux d'intégration locale de 30 % à horizon 2015 et de 50 % en 2020, sans risque de renchérissement du prix de production de l'électricité.

Afin d'améliorer la formation de la main d'oeuvre marocaine, un institut dédié aux énergies renouvelables sera ouvert à Ouarzazate, qui sera accompagné de deux autres à Tanger et à Oujda. Ils formeront les jeunes pour les besoins des développeurs, afin qu'ils trouvent au Maroc du personnel qualifié. Ces instituts seront gérés par des opérateurs privés où siègeront l'ONEE, MASEN et les fédérations professionnelles du secteur privé.

MASEN est également chargée de promouvoir la recherche dans ce domaine.

Enfin, en termes d'emplois, le cumul des emplois créés durant les phases de construction, de fabrication, et d'exploitation des 2 000 MW du plan solaire marocain atteindrait 11 000 emplois en 2020.

(3) Une source de revenus : les perspectives d'exportation vers l'Europe

Les 2 GW de puissance prévus dans le plan solaire marocain sont destinés à la consommation locale. Cependant, à terme, le développement d'une filière solaire marocaine pourra permettre d'exporter de l'énergie verte vers l'Europe .

Cela permettra notamment aux pays européens, en application du droit communautaire, d'intégrer cette énergie pour le calcul de la part d'énergie renouvelable de leur mix électrique et donc de faciliter l'atteinte de l'objectif de 20 %. Il en découlerait une véritable intégration des politiques énergétiques marocaine et européenne . L'Allemagne s'est déclarée particulièrement intéressée par cette perspective.

Aujourd'hui, l'exportation d'électricité verte depuis le Maroc vers l'Europe est bloquée par des difficultés à s'accorder sur la question du transit. Vos rapporteurs spéciaux formulent le souhait que cette situation puisse se résoudre, ce qui profitera autant au Maroc qu'aux États européens.

3. Les investissements dans le réseau électrique : améliorer l'accès à l'énergie et sécuriser le réseau

Au cours de son déplacement au Maroc, votre rapporteure spéciale Fabienne Keller a rencontré dans ses bureaux de Rabat Ali Fassi Fihri, directeur général de l'Office national de l'électricité et de l'eau potable (ONEE) et Mohammedi Allach, directeur général adjoint de la branche électricité.

Ils lui ont notamment présenté la situation du système électrique marocain, soumis à une croissance très forte de la demande, et ont abordé particulièrement la question de l'électrification rurale et du renforcement du réseau de transport d'électricité, lesquels ont fait l'objet de financements importants de l'AFD.

a) Le programme d'électrification rurale global (PERG) : donner à 12 millions de personnes un accès à l'électricité

En 2004, le Maroc comptait 13,4 millions d'habitants en milieu rural (44,8 %), ce chiffre connaissant une baisse tendancielle en proportion, mais une croissance en valeur absolue (plus 760 000 habitants en dix ans). Ces populations demeurent les plus fragiles et les écarts de développement entre villes et campagne sont encore profonds.

La France accompagne depuis ses origines le programme d'électrification rurale global (PERG), lancé en 1996. L'AFD a ainsi accordé six contrats de prêt :

- un premier prêt de 30,5 millions d'euros en 1996, permettant de raccorder au réseau 569 villages et permettant la mise en place de mini centrales hydroélectriques ;

- un deuxième prêt de 45,7 millions d'euros en 1998, permettant le raccordement au réseau de 1 297 villages ;

- un troisième prêt de 40 millions d'euros en 2002, permettant de raccorder au réseau 1 325 villages ;

- un quatrième prêt de 50 millions d'euros en 2004, permettant de raccorder au réseau 1 487 villages et l'installation de 10 000 kits photovoltaïques ;

- un cinquième prêt de 45 millions d'euros en 2006, permettant le raccordement au réseau de 954 villages et l'installation de 3 000 kits photovoltaïques ;

- un sixième prêt de 30 millions d'euros en 2010, permettant le raccordement au réseau de 559 villages.

Au total, l'AFD a accordé 241 millions d'euros de prêts, représentant plus de 10 % du budget global du PERG.

Le PERG a adopté dès le début une approche participative qui associe au financement l'ONEE, les foyers bénéficiaires et les communes . La programmation des raccordements au réseau repose sur un partage du PERG en quatre tranches, chacune correspondant à l'électrification de villages dont le montant des investissements par foyer est compris dans la même fourchette.

Coût moyen par foyer et répartition des contribution des différents PERG

(en dirhams)

PERG

Période

Coût moyen par foyer

Contribution par foyer

Contribution moyenne des collectivités locales

Contribution moyenne de l'ONEE

PERG 1 et 2

1996 - 2001

6 500

2 500

2 085

1 915

PERG 3

2002 - 2004

8 500

2 500

2 085

3 915

PERG 4-1

2004 - 2005

12 000

2 500

2 085

7 415

PERG 4-2

2006 - 2007

19 000

2 500

2 085

14 415

PERG 5

2009 - 2011

29 900

2 500

7 948

19 429

Source : AFD

On observe ainsi qu'au fur et à mesure des différents programmes, le coût moyen par foyer augmente, illustrant le choix de terminer par l'électrification des villages au coût de connexion le plus élevé.

Au-delà d'un certain coût, l'électrification s'est faite au moyen de systèmes décentralisés, principalement par kits individuels solaires photovoltaïques, particulièrement adaptés aux zones isolées ou à habitat dispersé.

La contribution de chaque foyer est en revanche restée stable tout au long des différents programmes, à 2 500 dirhams, soit 225 euros.

Les résultats de ce programme sont particulièrement bons. Ainsi, en 1990, le taux d'électrification rurale au Maroc ne dépassait pas 14 % quand il atteignait 70 % en Tunisie, 80 % en Algérie et 84 % en Égypte. Il était encore de 18 % en 1995 .

Fin 2012, il s'élevait à 98 % , au terme de près de 20 milliards de dirhams d'investissements, soit 1,8 milliard d'euros. Plus de 35 600 villages, soit environ 12 millions de personnes ont ainsi eu accès à l'électricité, que ce soit par un raccordement en réseau, dans l'immense majorité des cas, ou par des installations solaires décentralisées.

Évolution du taux d'électrification rurale au Maroc

Source : AFD

Le PERG s'inscrit donc pleinement dans la logique de l'accès universel à l'énergie et, en l'occurrence, à l'électricité .

Au-delà de la mesure du taux d'électrification, il est difficile de mesurer les effets indirects en termes de développement . Si le PERG n'est pas rentable d'un point de vue financier, on peut estimer qu'il l'est d'un point de vue économique. Il permet également une meilleure qualité de services sanitaires, avec le réfrigérateur et le stérilisateur qui permettent la conservation des vaccins et rendent plus sûr les accouchements. L'impact sur le niveau d'éducation est aussi positif, en permettant de travailler le soir et en améliorant les équipements des établissements éducatifs.

D'un point de vue environnemental, l'accès à l'électricité réduira l'utilisation du bois de feu, d'autant plus que les villages enclavés ont peu recours aux bouteilles de gaz.

b) Accompagner le développement du système électrique marocain à travers le renforcement du réseau de transport d'électricité

Comme on l'a vu précédemment, la demande d'électricité au Maroc croît à un rythme très important de 7,5 % par an, nécessitant des investissements importants dans les moyens de production. Parallèlement, un renforcement du réseau de transport d'électricité est donc nécessaire .

L'AFD a accordé un premier prêt de 50 millions d'euros en 2008 à l'ONEE 12 ( * ) , pour la construction d'une ligne 400 kV à double terne entre Ghanem et Chichaoua, de deux tronçons de lignes à 400 kV entre Jorf Lasfar et Ghanem et de trois postes de transformation 225/60 kV.

La première ligne a été mise en service en juin 2011 et la deuxième devrait l'être très prochainement. Enfin, un des trois postes est en construction et devrait être mis en service à l'automne prochain.

Un second prêt de l'AFD a été accordé en décembre dernier, pour un montant de 57 millions d'euros. Il servira à financer notamment :

- les projets d'évacuation des moyens de production : évacuation de la centrale solaire de Ouarzazate, du parc éolien d'Akhfenir, des énergies renouvelables du sud, des centrales thermiques de Safi et Jorf Lasfar V et VI et de la centrale de Jerada ;

- le renforcement du réseau 400 kV dans le Nord (évacuation de l'énergie importée d'Espagne) et dans la région du Grand Casablanca ;

- le développement et le renforcement du réseau 225 kV et 60 kV.

Il servira également à financer le renforcement de capacités, à travers un appui à la planification du secteur électrique et plus précisément à l'élaboration d'un nouveau schéma directeur de production et de transport à l'horizon 2025, prenant en compte l'évolution de la demande et l'ensemble des opportunités de développement des énergies renouvelables, de diversification des sources d'approvisionnement et de renforcement des raccordements avec l'Espagne et avec les autres pays du Maghreb. Il s'agit également de renforcer les capacités de l'ONEE et d'appuyer sa mise en place.

Financement du deuxième projet de renforcement du réseau

(en millions d'euros)

Bailleur

Montant

Prêt AFD

57

Prêt Banque africaine de développement

50

Prêt de la Banque européenne d'investissement

180

Prêt de la KfW

100

Subvention de la facilité d'investissement pour le voisinage (FIV)

15

ONEE

6

Total

408

Source : AFD

4. La promotion de l'efficacité énergétique : l'exemple de l'habitat social
a) L'intégration de l'exigence environnementale dans les financements accordés par l'AFD au Holding d'aménagement Al Omrane

Le Maroc connaît une urbanisation rapide sous la pression conjuguée de la croissance démographique et de l'exode rural. Le taux d'urbanisation est passé de 29 % en 1960 à 58 % aujourd'hui et la population urbaine, qui s'élevait à 3 millions en 1960 est passée à 19 millions d'habitants en 2012.

Cette croissance importante vient densifier les quartiers d'habitat insalubre et les bidonvilles des villes marocaines. Face à cela, l'offre en logements demeure encore insuffisante.

Pour soutenir la politique de l'habitat social au Maroc, l'AFD a concentré ses financements sur le Holding d'aménagement Al Omrane (HAO), organisme public sous la tutelle du ministère de l'habitat, de l'urbanisme et de la politique de la ville. Il est chargé de la mise en oeuvre de la politique du gouvernement dans le domaine de l'habitat social par la mobilisation de financements et la réalisation directe (aménagement du foncier et construction de logements).

Dès 1999, l'AFD a accordé un prêt de 15 millions d'euros, puis un deuxième prêt de 50 millions d'euros en 2005 et enfin un troisième prêt de 50 millions d'euros en 2010. Un quatrième prêt est en cours d'instruction pour participer au financement du programme d'investissement 2013-2016 d'Al Omrane.

Dans le cadre du troisième concours accordé au HAO, l'AFD a, entre autre, conditionné l'obtention du prêt au respect de normes environnementales (normes « Haute qualité environnementale ») en matière d'efficacité énergétique afin notamment de minimiser les émissions de CO 2 .

Cette exigence permet également de nourrir les réflexions sur l'application d'une réglementation thermique nationale.

b) Le projet de Sidi Moumen

Au cours de son déplacement au Maroc, votre rapporteure spéciale Fabienne Keller s'est rendue à l'agence d'Al Omrane de Casablanca Est, dans la périphérie de la capitale économique du Royaume. Elle y a rencontré Sadok Abderrazak, directeur général d'Al Omrane Casablanca, et Abdelilah Miloudi, directeur de l'agence Casablanca Est. Ils lui ont présenté la politique de résorption de l'habitat spontané au Maroc et en particulier le projet mené dans le quartier de Sidi Moumen. Votre rapporteure spéciale a ensuite visité ce quartier et a pu se rendre chez certains bénéficiaires de cette politique de relogement, afin de pouvoir apprécier directement la qualité des logements construits.

Visite d'un logement financé par l'AFD dans le quartier de Sidi Moumen.

Ce projet porte sur le relogement des bidonvillois des quartiers de Rhamna (6 007 ménages et 4 994 baraques), de Thomas (3 501 ménages et 1 983 baraques), de Zaraba (1 100 ménages et 603 baraques) et de Sekouila (7 527 ménages et 6 077 baraques).

Ancien site du bidonville de Sekouila

L'ancien site du bidonville de Sekouila est déjà entièrement démoli, celui de Thomas à 75 % et celui de Zaraba à 54 %.

Ces démolitions permettent de dégager de la ressource foncière pour les prochaines opérations de constructions de logements.

Votre rapporteure spéciale a pu apprécier la qualité des logements financés et notamment le niveau des finitions. Elle a également pu constater que la construction de logements sociaux s'accompagnait de la construction de logements intermédiaires, afin de favoriser la mixité sociale. De même, des équipements publics ont été prévus afin de faire de ce quartier un véritable espace de vie : écoles, foyer, dispensaire, complexes sportifs, mosquées, etc... 32 de ces équipements ont d'ores et déjà été réalisées et 6 sont encore programmés.

c) Le mécanisme du tiers investisseur

Votre rapporteure spéciale s'est particulièrement intéressée à un mécanisme de financement innovant, mis en oeuvre dans la construction des logements visités à Sidi Moumen : le recours à un « tiers investisseur » ou « tiers associé ».

Dans le cadre de certaines opérations, un même lot - d'une superficie de 84 m² - est attribué à deux familles pour leur relogement dans des immeubles de quatre étages. Les deux ménages attributaires ont la possibilité de recourir à un « tiers associé » - par exemple un promoteur - qui s'engage par contrat à financer et réaliser la construction des logements des deux familles. Chacune reçoit un étage, tandis que le « tiers associé » devient propriétaire des deux étages restants (en général le rez-de-chaussée et le premier étage).

Cette solution, adoptée spontanément par les ménages bidonvillois, a été utilisée dans 70 % des cas. Au-delà de sa contribution au financement de la construction, elle a permis d'assurer une certaine mixité sociale à l'intérieur même des immeubles et de créer une certaine activité économique, les rez-de-chaussée étant souvent utilisées comme boutiques.

Ce système est un réel succès, les rez-de-chaussée attirant un nombre important de demandeurs - et donc de tiers investisseurs - montrant ainsi leur volonté de venir s'installer dans ce nouveau quartier et donc la réussite de son réaménagement.

Le succès du recours aux tiers investisseurs conduit vos rapporteurs spéciaux à souhaiter que ce mode de financement innovant soit développé dans d'autres projets d'APD où il pourrait s'avérer judicieux.


* 8 Sur la base d'un taux de change de 1 euro pour 11,12 dirhams, correspondant à la moyenne des taux de change de fin de mois de l'année 2012 établis par la Banque de France.

* 9 Entre 18 heures et 23 heures en été.

* 10 19 centimes d'euros le kWh.

* 11 197 millions de dollars arrondi à 150 millions d'euros.

* 12 L'Office national de l'électricité et l'Office national de l'eau potable ont fusionné en avril 2012, donnant naissance à l'Office national de l'électricité et de l'eau potable (ONEE). Par soucis de simplicité, quelle que soit la date, il est toujours fait référence dans le présent rapport à l'ONEE.

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