2. Des lacunes capacitaires, une absence d'autonomie militaire
42. L'opération Unified Protector en Libye, menée dans le cadre de l'OTAN, a montré que les nations européennes auraient été incapables de mener l'opération avec la rapidité et l'efficacité avec laquelle elle s'est déroulée sans la contribution des Etats-Unis, notamment en matière de ravitaillement en vol, de moyens de renseignement, de reconnaissance et de surveillance, et, dans une moindre mesure, de moyens de frappe dans la profondeur.
43. Les enseignements de l'opération SERVAL au Mali sont du même ordre. Les lacunes capacitaires en matière de ravitaillement en vol, de drones MALE et de transport stratégique et tactique ont été manifestes. A nouveau, sans l'aide de nations non européennes, et en particulier des Etats-Unis, l'intervention française eût été plus difficile, plus longue et plus couteuse.
44. Il faut également souligner l'absence d'un authentique quartier général européen permanent, permettant de faire une « planification à froid » des opérations et susceptible de les conduire.
3. Un manque de volonté politique
45. La politique de sécurité et de défense commune a surtout progressé grâce au lancement d'opérations. Or, à l'exception de la mission de formation des troupes somaliennes « EUTM Somalia », lancée en 2010, l'Union européenne n'a lancé aucune nouvelle opération, civile ou militaire, entre 2008 et mi-2012, ce qui a donné le sentiment d'un certain « essoufflement ».
46. En Libye, l'Union européenne a été singulièrement absente face à une crise à proximité immédiate de ses frontières, comme cela avait été le cas il y a dix ans dans les Balkans. En raison de l'opposition de certains Etats-membres, il n'a même pas été possible de lancer une opération européenne de surveillance maritime de l'embargo sur les armes.
47. Au Mali, les conditions idéales étaient réunies pour permettre le déploiement d'un groupement tactique de l'Union européenne : solidité du cadre juridique ; consensus européen ; demande des autorités légitimes de l'Etat concerné. Pour beaucoup d'observateurs le Mali constituait un test pour l'Europe de la défense. Et l'Europe ne l'a pas réussi.
48. De manière plus générale, depuis leur création en 2004 les groupements tactiques européens n'ont jamais été déployés sur le terrain.
49. Le renforcement de la coopération entre l'Union européenne et l'OTAN demeure durablement bloqué en raison du différend entre la Turquie et Chypre, malgré les inconvénients de cette situation sur les théâtres d'opérations comme le Kosovo ou l'Afghanistan où interviennent les deux organisations.
50. Pour l'instant, aucun Etat européen n'a manifesté sa volonté de mettre en place une coopération structurée permanente, pourtant prévue par le traité de Lisbonne en 2007.
51. Malgré les avantages évidents que représenterait la création d'un quartier général européen permanent, le Royaume-Uni demeure farouchement opposé à une telle initiative, de même qu'il bloque toute augmentation, même pour la simple prise en compte de l'inflation, du maigre budget de l'AED.
52. Pour de nombreux pays européens, les questions de défense ne sont clairement pas une priorité.
53. L'Allemagne reste fondamentalement attachée à l'OTAN et demeure extrêmement réticente à toute projection des forces en dehors du territoire européen.
54. La France elle-même, qui se considère comme le principal moteur de l'Europe de la défense, porte une part de responsabilité dans la situation actuelle. La façon dont ses dirigeants ont signé les accords franco-britanniques de défense de 2010 et sa réintégration pleine et entière au sein de l'OTAN ont pu donner le sentiment à ses partenaires qu'elle renonçait à l'idée même d'Europe de la défense, même si, évidemment, cela n'était pas le cas.