2. Renforcer les capacités

121. Les lacunes capacitaires européennes sont connues de tous et nul n'est besoin d'être un partisan fanatique de l'Europe pour reconnaître la nécessité d'actions communes pour les combler. Le temps n'est plus à la réflexion, mais à l'action. Que les chefs d'Etat et de gouvernement s'en emparent et établissent une « feuille de route » en matière capacitaire lors du Conseil européen de décembre.

122. D'après l'AED, en mutualisant nos efforts, les pays européens pourraient faire 1,8 milliard d'euros d'économies dans le domaine du spatial militaire, 2,3 milliards d'euros sur les navires de surface, 5,5 milliards sur les véhicules blindés sur les dix prochaines années.

123. De ce point de vue, dans l'ordre des priorités, la toute première lacune capacitaire à combler est celle du ravitaillement en vol .

124. En second lieu, il est impératif que les Européens s'entendent sur un soutien commun des A400M, la formation des pilotes et des mécaniciens .

125. Troisièmement, si l'Europe aspire à une autonomie stratégique en matière de surveillance et de renseignement, elle doit se doter de drones MALE . Tout d'abord, il convient de mettre en commun les moyens disponibles ou en cours d'acquisition au travers d'un club des utilisateurs. Ensuite, il faut entreprendre un programme européen de drones MALE de troisième génération à l'horizon 2025, et, pour ce faire, il est indispensable de partir du besoin opérationnel, en cours de définition entre Britanniques et Français, puis de regrouper la commande et non l'inverse car cela condamnerait le projet. Il faut également organiser un appel d'offres européen et laisser les industriels s'organiser entre eux sans les forcer à s'associer dans des groupements dont ils ne veulent pas. Enfin, il faudra désigner une nation cadre qui prenne le leadership du programme et en assume la responsabilité devant les autres nations.

126. Il serait suicidaire de se déchirer sur la politique à mener en matière d' espace militaire et de ne pas capitaliser sur les succès de l'Agence Spatiale Européenne. Cela vaut aussi bien en matière de lanceurs qu'en matière de satellites. S'il est un domaine donnant un contenu concret au concept d'autonomie d'appréciation, c'est bien celui-là. C'est pourquoi, il serait souhaitable que les européens renforcent leur autonomie en matière de satellites d'écoute et d'observation et se dotent d'une capacité d'alerte avancée.

127. Il est de l'intérêt commun des Européens de se regrouper pour développer une base industrielle en matière de cyber défense et, plus largement, dans le secteur des technologies de l'information et de la communication. Il est vital que l'Union européenne développe une « souveraineté numérique ».

128. L'avenir de l'aviation de combat doit être envisagé parallèlement avec celui des drones de combat de type UCAV . En ce domaine, l'Europe n'est pas restée totalement inerte. Une feuille de route doit être mise en place, en partant du besoin opérationnel.

129. Le combat terrestre doit être considéré. Il n'est pas compréhensible, au moment où les budgets se réduisent, que l'on continue à multiplier les programmes de blindés. Par ailleurs, le segment des drones de combat terrestre a été ignoré par les industriels européens, à l'exception de quelques innovations telles que l'exosquelette ou les drones en milieu confiné. La recherche en matière de drones terrestres devrait être développée.

130. La filière optronique (instruments d'observation à distance) constitue une grave lacune capacitaire européenne. Toutes les plateformes d'ISR  ( intelligence, surveillance and reconnaissance) dépendent d'équipements nord-américains ou israéliens. Une action vigoureuse est souhaitable. Il est, en particulier, indispensable d'aboutir à une consolidation en matière de filière infrarouge .

131. Enfin, pourquoi ne pas envisager que l'Union européenne se dote de capacités propres, par exemple des avions A400M ou des drones, qui seraient utilisés aussi bien pour des missions militaires que civiles, par exemple pour de l'aide humanitaire, la surveillance des frontières ou en cas de catastrophes naturelles ? Naturellement, cela suppose que les sujets de gouvernance soient traités de façon prioritaire : comment garantir l'accès des états-majors à ces capacités ; sur quel budget les financer, qui les mettrait en oeuvre ? A défaut d'une capacité propre, qui pourrait apparaître comme un voeu pieu, on pourrait au moins concevoir un « droit de tirage » sur les capacités européennes existantes ou en cours d'acquisition.

132. Dans le domaine des normes, il est tout d'abord indispensable de prendre en compte les aspects militaires dans le cadre du projet de ciel unique européen (SESAR). La possibilité d'aller plus loin à travers une harmonisation des règles de certification et de navigabilité militaires européennes, doit être envisagée sous l'égide de l'AED. Une telle harmonisation doit simplifier la vie des utilisateurs et des constructeurs, ne pas la rendre plus complexe par des surcoûts et des contraintes inutiles.

133. Dans le domaine maritime, une stratégie maritime d'ensemble s'impose. Il serait souhaitable de lancer la négociation d'un accord afin d'autoriser la visite de tout navire battant pavillon d'un Etat-membre par un navire d'Etat de l'Union européenne, quelle que soit sa nationalité. Cela devrait permettre de mieux lutter contre les trafics illicites. En second lieu, il faudrait arriver à mutualiser les moyens maritimes de surveillance des approches et l'harmonisation de la fonction de garde-côtes. Enfin, cette stratégie devrait permettre la surveillance commune des routes maritimes vitales . Plusieurs projets tels MARSUR, lancé par l'AED, pourraient être regroupés au sein d'un ensemble cohérent.

134. Enfin, on pourrait envisager un rapprochement des règles d'engagement des soldats européens agissant en opérations extérieures sous le drapeau de l'Union ou de l'OTAN. Il serait important, en particulier, de limiter le recours à des caveats différents, afin de permettre une interopérabilité plus grande. A terme, pourquoi ne pas envisager la faisabilité d'un statut juridique commun des militaires européens engagés en OPEX ? Dans l'attente, la formation commune des militaires européens doit être encouragée : il faut développer l' Erasmus militaire européen.

Page mise à jour le

Partager cette page