RECOMMANDATIONS DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX
Le pilotage de la politique immobilière du ministère de la justice
Recommandation n° 1 : établir un référentiel fixant, pour chaque catégorie de locaux judiciaires, des objectifs différenciés d'occupation des surfaces.
Recommandation n° 2 : instituer un indicateur mesurant la réalisation des objectifs arrêtés en matière d'occupation des surfaces accueillant des locaux judiciaires, intégré à la mesure de la performance du programme n° 166 « Justice judiciaire » de la mission « Justice ».
La professionnalisation de la gestion immobilière
Recommandation n° 3 : instituer un programme de formations relatives à la gestion du patrimoine immobilier à destination des personnels exerçant des responsabilités en ce domaine, notamment des magistrats délégués à l'équipement.
Recommandation n° 4 : renforcer la présence des personnels chargés de la gestion et de l'entretien du patrimoine immobilier dans les cours d'appel par le biais de mutualisations.
Recommandation n° 5 : engager une réflexion tendant au développement d'une « mémoire » des opérations immobilières au sein des cours d'appel.
Recommandation n° 6 : renforcer les départements immobiliers des plateformes interrégionales du ministère de la justice et mieux encadrer les délégations de conduite d'opération confiées aux directions départementales des territoires.
La programmation des dépenses d'entretien des bâtiments
Recommandation n° 7 : définir, pour chaque cour d'appel, un plan pluriannuel des opérations d'entretien immobilier, permettant de programmer les dépenses d'entretien des bâtiments.
Recommandation n° 8 : établir, préalablement à la sélection de tout projet de construction nouvelle, une évaluation précise des dépenses prévisionnelles d'entretien.
Les modalités de gestion du parc immobilier
Recommandation n° 9 : renforcer la mutualisation des achats de biens et services participant à l'entretien courant et à la gestion du parc immobilier entre les juridictions et les services déconcentrés de l'État.
Recommandation n° 10 : engager une réflexion sur l'opportunité et les modalités de l'externalisation de certaines prestations d'entretien du parc immobilier judiciaire.
I. L'IMMOBILIER, PRINCIPAL ENJEU BUDGÉTAIRE DE LA RÉFORME DE LA CARTE JUDICIAIRE
A. LA RÉFORME DE LA CARTE JUDICIAIRE
Entre 1958 et 2007, la carte judiciaire n'avait que peu évolué, laissant apparaître de profonds décalages entre la localisation des implantations judiciaires et les nouvelles réalités démographiques, économiques et sociales . En effet, depuis la réforme de l'organisation judiciaire, menée à son terme par Michel Debré, seuls quelques ajustements ponctuels avaient pu être apportés à la carte judiciaire . Ainsi, à la suite d'une vaste consultation engagée en 1997, Élisabeth Guigou, garde des Sceaux, avait procédé à la fermeture de 32 tribunaux de commerce.
Toutefois, l'obsolescence de la carte judiciaire se faisant plus évidente, de nombreuses réflexions concernant son évolution avaient été engagées au cours des années 1990. Dès 1994, un rapport de Jean-François Carrez 5 ( * ) relevait que « personne ne conteste sérieusement l'inadaptation de la carte judiciaire actuelle, ni en ce qui concerne les juridictions judiciaires de droit commun, ni en ce qui concerne les tribunaux de commerce et les conseils de prud'hommes ».
En dépit du consensus apparu autour de la nécessité de réformer la carte judiciaire, la modification en profondeur de cette dernière n'a été engagée qu'en 2007, dans un contexte fortement marqué par la révision générale des politiques publiques (RGPP).
La réforme de la carte judiciaire a officiellement débuté en juin 2007 lorsque Rachida Dati, alors ministre de la justice, a exposé les principes directeurs de la réforme dans un discours prononcé à l'occasion de la première réunion du Comité consultatif de la carte judiciaire 6 ( * ) . Il est alors clairement apparu que cette réforme était commandée par une volonté de rationaliser les implantations judiciaires , de manière à constituer des juridictions de « taille suffisante », et ce afin de « renforcer la qualité de la justice », « s'adapter aux évolutions du droit », et « garantir une meilleure compréhension de l'organisation judiciaire ». Enfin, il s'agissait également de « s'assurer une meilleure administration de la justice » ; aussi l'optimisation des « moyens budgétaires et humains » constituait-elle, dès l'origine, l'un des objectifs de la réforme.
Ainsi, dans le cadre de la réforme de la carte judiciaire, 437 implantations judiciaires ont été supprimées (y compris les bureaux fonciers) et 14 juridictions ont été créées . Les suppressions ont été opérées sur la base d' un faisceau de critères principalement liés à l'activité judiciaire , l'objectif premier de la réforme étant, pour reprendre les termes de la garde des Sceaux, de mettre en place des juridictions présentant « une activité suffisante pour bien juger » 7 ( * ) .
Ces différentes restructurations se sont déroulées entre le mois de février 2008, qui a marqué le début de la phase opérationnelle de la réforme, et le 1 er janvier 2011. Plusieurs décrets, adoptés au cours de l'année 2008 8 ( * ) , ont fixé le calendrier de la mise en oeuvre de la réforme de la carte judiciaire. Ces textes réglementaires prévoient la suppression de :
- 62 conseils de prud'hommes au 3 décembre 2008 ;
- 55 tribunaux de commerce au 1 er janvier 2009 ;
- 178 tribunaux d'instance, 85 greffes détachés de tribunaux d'instance et 35 bureaux fonciers 9 ( * ) au 1 er janvier 2010 ;
- 23 tribunaux de grande instance au 1 er janvier 2011.
Parallèlement, ces mêmes décrets créent un conseil de prud'hommes, sept tribunaux d'instance et six tribunaux de commerce.
Il faut cependant préciser que seuls 22 tribunaux de grande instance ont été effectivement supprimés , une décision du Conseil d'État du 19 février 2010 10 ( * ) ayant annulé la suppression du tribunal de grande instance de Moulins. Les conséquences financières de cette décision sont évaluées ultérieurement dans le présent rapport.
Le calendrier de la réforme de la carte judiciaire La réforme de la carte judiciaire a débuté en juin 2007 . Une phase préparatoire, d'une durée de sept mois, a alors été engagée. Au niveau local, une concertation a été confiée aux chefs des cours d'appel et aux préfets. Les propositions et contributions des chefs de cour ont été remises à la fin du mois de septembre 2007 . Des projets de schémas d'organisation judiciaire ont été établis par le ministère de la justice sur la base des résultats des concertations menées au niveau local par les chefs de cour. Ces projets ont été présentés au milieu du mois d' octobre 2007 .
Les décrets arrêtant le calendrier de la
réorganisation de la carte judiciaire ont été
publiés au cours de l'
année 2008
(cf.
supra
). La mise en place de la nouvelle carte judiciaire
- 17 février 2008 pour 31 greffes détachés de tribunaux d'instance (suppressions) ; - 3 décembre 2008 pour les conseils de prud'hommes (62 suppressions et une création) ; - 1 er janvier 2009 pour les tribunaux de commerce (55 suppressions, création de 5 tribunaux de commerce et d'un tribunal mixte de commerce) ; - 1 er janvier 2009 en ce qui concerne sept greffes détachés (Voiron, Manosque, Villefranche-sur-Mer, La Ferté Bernard, Sallanches, Sabres et Vernon) et cinq tribunaux d'instance, outre les juridictions de proximité du même siège (Barbezieux-Saint-Hilaire, Aubusson, Neufchâteau, Pithiviers, Moissac) ; - 1 er février 2009 en ce qui concerne les tribunaux d'instance et juridictions de proximité de Forcalquier et Saint-Sever, et la création du tribunal d'instance et de la juridiction de proximité de Manosque ; - 1 er juillet 2009 en ce qui concerne trois tribunaux d'instance et les juridictions de proximité du même siège (Die, Bar sur Aube, Vouziers) et quatre greffes détachés (Crest, Argelès-sur-Mer, Pézenas, La Grande-Combe) ; - 1 er septembre 2009 en ce qui concerne huit tribunaux d'instance et les juridictions de proximité du même siège (Mayenne, Vierzon, Falaise, Autun, Saint-Pons-de-Thomières, Remiremont, Paimboeuf, Murat) et un greffe détaché (Albert) ; - 1 er octobre 2009 pour deux tribunaux de grande instance (Belley et Millau), neuf tribunaux d'instance et les juridictions de proximité du même siège (Lesparre-Médoc, Bourganeuf, Saint-Affrique, Villefranche-de-Rouergue, Cosne-Cours-sur-Loire, Château-Chinon, Langres, Espalion, Castelnaudary) et un greffe détaché (Champagnole) ; - 31 décembre 2009 pour les 151 autres tribunaux d'instance et juridictions de proximité du même siège, ainsi que pour 41 greffes détachés ; - 1 er juillet 2010 pour le tribunal de grande instance de Péronne ; - 5 septembre 2010 pour le tribunal de grande instance de Bressuire ; - 31 décembre 2010, pour les 17 tribunaux de grande instance (Abbeville, Avranches, Bernay, Dinan, Dole, Guingamp, Hazebrouck, Lure, Marmande, Montbrison, Morlaix, Riom, Rochefort, Saint-Dié-des-Vosges, Saint-Gaudens, Saumur et Tulle). La réforme de la carte judiciaire était donc considérée comme achevée au 1 er janvier 2011 . Toutefois, la fusion du tribunal de grande instance de Bourgoin-Jallieu avec celui de Vienne au sein d'une nouvelle juridiction implantée à Villefontaine, impliquant la construction d'un palais de justice, a été reportée au 1 er janvier 2014 11 ( * ) . Il faut néanmoins préciser que la création du tribunal de grande instance de Villefontaine est entourée d'importantes incertitudes à ce jour. En effet, les moyens nécessaires pour effectuer les travaux n'ont pas été prévus dans le cadre du dernier budget triennal . Par ailleurs, l'opération de Villefontaine ne figure plus parmi les opérations confiées à l'Agence pour l'immobilier de la justice (APIJ). |
* 5 Rapport de Jean-François Carrez pour le comité de réorganisation et de déconcentration du ministère de la justice, 1994.
* 6 Discours de Rachida Dati, ministre de la justice, prononcé le 27 juin 2007 devant le Comité consultatif de la carte judiciaire.
* 7 Ibid.
* 8 Il s'agit du décret n° 2008-146 du 15 février 2008 pour les tribunaux de commerce, du décret n° 2008-514 du 29 mai 2008 pour les conseils de prud'hommes et du décret n° 2008-1110 du 30 octobre 2008 pour les autres juridictions.
* 9 Les bureaux fonciers sont des services des tribunaux d'instance en charge de la gestion du livre foncier, institution civile existant dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle. Les registres du livre foncier assurent la publicité foncière dans les départements précités.
* 10 Cf. décision du Conseil d'État du 19 février 2010 « M. Pierre Moline et autres » (n° 322407).
* 11 Cf. décret n° 2010-1077 du 13 septembre 2010 modifiant le siège et le ressort des tribunaux de grande instance de Bourgoin-Jallieu et Vienne et fixant le siège et le ressort du tribunal de grande instance de Villefontaine.