C. LE FAIT MÉTROPOLITAIN

1. Une tendance majeure de l'économie postindustrielle

Dans sa réflexion précitée, Christian Saint-Étienne écrivait : « La globalisation de l'économie mondiale n'est pas un phénomène homogène mais un phénomène de concentration métropolitaine et de diffusion progressive des innovations sur l'ensemble des territoires : ce n'est pas la Chine qui se développe, mais d'abord Shanghai, Canton, Pékin, Hong-Kong, etc. (...) Les causes des économies d'agglomération qui poussent à la métropolisation sont nombreuses. D'abord, les entreprises, pour être efficaces, ont un besoin croissant de services difficilement transportables, d'activités de maintenance très réactives, de services juridiques, financiers, publicitaires et comptables de haut niveau et surtout, dans l'économie entrepreneuriale de la connaissance, de la proximité des centres de recherche et d'innovation qui sont eux-mêmes concentrés dans le monde. Ensuite, la différenciation des produits au coeur du développement économique moderne exige des compétences que l'on trouve plus facilement dans les grandes villes. De même, les informations stratégiques pour la vie des affaires ne circulent pas sur les réseaux ouverts et ne sont accessibles que par la proximité avec les décideurs. Enfin, l'agglomération du capital humain le plus créatif et le plus innovant est un fait universel dans le temps et l'espace depuis le début de la révolution industrielle. Or, le capital humain est un facteur central de la croissance de la productivité. Les métropoles où se forme un cercle vertueux réunissant les talents, les innovations et les informations critiques, peuvent se développer rapidement en entraînant leur hinterland, à condition qu'il soit bien relié à la métropole. Ce phénomène de croissance métropolitaine doit être bien compris : il ne s'agit pas d'accélérer un processus d'agglutination mais d'accompagner une tendance forte en favorisant, quand cela est possible, la masse critique et l'excellence internationale, et d'interconnecter ces ressources dans des zones denses conçues pour assurer une mobilité maximale car c'est la mobilité en zone dense qui multiplie les opportunités de contacts entre les membres des zones denses, les habitants des zones diffuses bénéficiant de ces opportunités lorsqu'ils se rendent dans les zones denses à condition qu'elles soient facilement accessibles. »

Pour autant, en France, « Les métropoles sont aujourd'hui doublement pénalisées par une faible croissance et par le poids des transferts de richesses qu'elles supportent. Il faut donc rétablir leur compétitivité et améliorer leur attractivité, notamment du point de vue de l'économie résidentielle. Croissance économique, urbanisme et qualité de vie sont indissociablement liés. »

L'intercommunalité est un des outils de la nécessaire relance de la politique métropolitaine.

1. Les propositions de la mission d'information du Sénat

Le fait métropolitain a suscité l'attention soutenue de la mission d'information du Sénat sur l'organisation et l'évolution des collectivités territoriales. Votre délégation ne peut que souscrire à la logique des propositions que celle-ci a élaborées dans ce domaine.

En ce qui concerne le statut, la mission d'information avait proposé de créer, par la loi, une nouvelle catégorie d'EPCI dénommés « métropoles » dont les communes membres resteraient des collectivités territoriales de plein exercice, mais aussi de prévoir la faculté, par la loi, d'ériger les métropoles en collectivités territoriales de plein exercice, en lieu et place des communes membres, sur délibérations concordantes de celles-ci.

En ce qui concerne les critères de détermination de la métropole, la mission sénatoriale d'information avait, dans le rapport d'étape préparatoire à son rapport final, proposé de réserver le statut de métropole aux pôles urbains de la stature des agglomérations européennes les plus dynamiques, identifiés par un critère démographique fixé autour de 500 000 habitants combiné, d'une part, avec des critères fonctionnels garants de leur réputation, de leur attractivité, de leur rayonnement et de leur accessibilité : présence d'un aéroport international, d'un grand port, d'universités, de centres de recherche, d'un salon international ouverts sur l'extérieur, combiné d'autre part avec les notions de bassin de vie, de continuité territoriale, de potentiel économique. Le rapport de la mission mentionnait par ailleurs l'idée de tenir compte de l'appartenance de l'agglomération métropolitaine à des réseaux permettant la mise en oeuvre de péréquations financières et foncières ou encore la mixité sociale. Le rapport « Trente ans de décentralisation : contribution à un bilan » réitère d'ailleurs la proposition de conjuguer critères quantitatifs et qualitatifs pour définir les métropoles. En tout état de cause, le rapport final de la mission sénatoriale a proposé de fixer dans la loi les critères d'accès au statut de métropole et de délimitation du périmètre métropolitain et de créer par la loi un nombre limité de métropoles, telles que Lyon, Lille, Marseille, Toulouse, Nice, Bordeaux, Nantes, Strasbourg. Le même rapport a précisé que le territoire métropolitain devrait inclure les EPCI créés à titre défensif contre la métropole et représentant des « poches de résistance » bénéficiant de l'attractivité de la métropole sans réciprocité. En fonction de ces critères, il était préconisé d'arrêter par décret le périmètre métropolitain après consultation des conseils municipaux des communes membres, dont l'accord ne devait, cependant, pas être requis.

En ce qui concerne la gouvernance, le rapport de la mission sénatoriale proposait d'attribuer un siège au moins à chaque commune membre dans le conseil métropolitain et de fixer un ratio démographique pour l'attribution des sièges restants. Les conseillers métropolitains devaient être désignés au suffrage universel direct par fléchage sur les listes de candidats aux élections municipales.

En ce qui concerne enfin les compétences, la mission sénatoriale proposait de définir un bloc minimal de compétences obligatoires à partir des compétences obligatoires des communautés urbaines créées après la loi du 12 juillet 1999. D'autres compétences devaient pouvoir être délégués par les autres niveaux, sans que la mission ait pris position sur une liste, notant simplement, au sujet de l'hypothèse d'un transfert des attribution sociales du département, que les métropoles devaient se consacrer essentiellement au développement économique, à la dynamique et à l'attractivité de leur territoire et au renforcement des infrastructures, afin d'offrir un service coordonné et combiné aux usagers.

2. Les dispositions de loi du 16 décembre 2010

La loi du 16 décembre 2010 a créé la métropole en tant qu'établissement public de coopération intercommunale regroupant plusieurs communes formant un ensemble de plus de 500 000 habitants, s'associant au sein d'un espace de solidarité pour élaborer et conduire ensemble un projet d'aménagement et du développement économique, écologique, éducatif, culturel et social de leur territoire afin d'en améliorer la compétitivité et la cohésion.

Les conditions de création d'une métropole obéissent aux dispositions régissant les autres EPCI à fiscalité propre, à ceci près que le préfet ne peut pas être à l'origine de cette création.

La métropole exerce de plein droit sur son territoire la totalité des compétences des communautés urbaines créées après la loi précitée du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale, à savoir :

- développement et aménagement économique, social et culturel ;

- aménagement de l'espace métropolitain ;

- politique locale de l'habitat ;

- politique de la ville ;

- protection et mise en valeur de l'environnement ;

- politique de cadre de vie.

En outre, la métropole exerce de plein droit certaines compétences en lieu et place du département : les transports scolaires et la gestion des routes classées dans le domaine public routier départemental, ainsi que de leurs dépendances et accessoires.

Enfin, la métropole est associée de plein droit à l'élaboration, la révision et la modification des schémas et documents de planification en matière d'aménagement, de transports et d'environnement dont la liste est fixée par décret en Conseil d'Etat et qui relèvent de la compétence de l'Etat, d'une collectivité territoriale ou de leurs établissements publics, lorsque ces schémas et documents ont une incidence ou un impact sur le territoire de la métropole.

Par convention avec le département, la métropole peut demander à exercer tout ou partie de ses compétences sociales, économiques, touristiques, culturelles ainsi que la construction, l'aménagement et le fonctionnement des collèges.

La métropole peut également passer une convention avec la région afin d'exercer certaines de ses compétences, notamment la construction, l'aménagement, l'entretien et le fonctionnement des lycées et le développement économique. Ces conventions déterminent l'étendue et les conditions financières du transfert et, après avis des comités techniques paritaires, les modalités de transferts ou de mise à disposition des services ou parties de services départementaux. Le délai de signature de ces conventions est de dix-huit mois.

La métropole est substituée de plein droit aux établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre inclus en totalité dans son périmètre. La loi organise le transfert des biens, droits et obligations attachés aux compétences transférées, et le transfert des personnels du département et de la région affectés à l'exercice des compétences transférées.

Les principes généraux en matière de finances et de comptabilité, définis par les articles L. 1611-1 à L. 1611-5 du CGCT, ainsi que les dispositions budgétaires des communes s'appliquent aux métropoles, sous réserve des dispositions spécifiques du projet de loi. En outre, le régime fiscal d'une métropole est aligné sur celui d'une communauté urbaine.

Les ressources de la métropole sont principalement constituées :

- du produit des impôts directs locaux perçus à la place des communes membres ;

- des différentes parts de la dotation globale de fonctionnement (DGF) ;

- du produit des taxes correspondant aux compétences transférées.

La DGF de la métropole est égale à la somme de la dotation

La compensation financière des transferts de compétences vise à respecter la neutralité budgétaire et la compensation intégrale des charges transférées. L'évaluation des charges induites par les transferts de compétences est confiée à une commission locale pour l'évaluation des charges et des ressources transférées, composée paritairement de représentants de la métropole et de la collectivité transférant les compétences et présidée par le président de la chambre régionale des comptes.

3. Questions pendantes

Jusqu'à présent, seule la métropole Nice Côte-d'Azur a été créée, le 31 décembre 2011, à la suite de la fusion de la communauté urbaine Nice Côte-d'Azur avec trois communautés de communes des Alpes-Maritimes. Elle regroupe 45 communes et environ 545 000 habitants.

La création législative d'un certain nombre de métropoles, préconisée par la mission d'information du Sénat, demeure une option ouverte, à laquelle votre délégation ne peut que réitérer son adhésion dans la continuité des travaux de la mission sénatoriale d'information.

Proposition n°14. Créer par la loi plusieurs métropoles.

L'idée de former les métropoles autour de convergences économiques et structurelles continue de soulever par ailleurs la question des critères de création et du seuil démographique à retenir. Selon l'analyse du rapport précité du professeur Saint-Etienne : « L'institutionnel ne doit pas primer sur le fonctionnel et le stratégique. Autrement dit, une ville de 100 000 habitants qui a un bon projet stratégique doit avoir sa chance et doit être considérée comme un partenaire à part entière par l'État stratège ». « On ne peut interdire un territoire ou une ville d'avenir parce qu'ils n'ont pas des caractéristiques préétablies (personne n'avait prévu l'essor de Nantes et de l'Arc Atlantique) ». « Un réseau de villes peut avoir collectivement les caractéristiques d'une métropole. »

Proposition n°15. Réexaminer les critères de création des métropoles en fonction de l'objectif d'organiser le fait métropolitain autour de convergences économiques et structurelles et pas seulement démographiques.

Notons enfin que, dans la perspective de l'orientation prioritaire des métropoles vers le développement économique et l'attractivité de leur territoire, l'articulation de cette compétence avec celles de la région peut appeler de nouvelles initiatives législatives.

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