B. GARANTIR L'ÉQUITÉ DES COMPÉTITIONS OU LEUR ANCRAGE LOCAL ET PROTEGER LES JOUEURS

L'absence de définition dans le Traité des « enjeux européens du sport » a été en partie corrigée dans la pratique par la Commission européenne. Son appui à la formation, son soutien affiché à la régulation financière du football professionnel, lancé par l'Union européenne des associations de football (UEFA) dans le cadre du Fair play financier ou la réflexion lancée sur le statut d'agent sportif soulignent sa volonté de préserver le sport professionnel de toute dérégulation excessive.

1. Le rôle ambigu de la Commission européenne : les « joueurs formés localement »

Il existe un paradoxe à voir la Commission défendre une spécificité sportive alors qu'elle s'est attachée à ce que l'arrêt Bosman soit appliqué rapidement et intégralement, sans prise en compte de la notion d'« exception sportive ». La communication qu'elle a publiée le 29 octobre 1996 « Document d'informations et remarques sur l'arrêt de la Cour rendu dans l'arrêt Bosman » est assez claire sur ce point. Trois ans plus tard, le rapport d'Helsinki, en même temps qu'il critiquait l'aspect de plus en plus lucratif des carrières sportives réaffirmait que même si le traité de Rome ne contient pas de dispositions spécifiques sur le sport, toute initiative des autorités nationales ou des organisations sportives devait être conforme au droit communautaire, en particulier au droit de la concurrence et aux principes du marché intérieur. Au même moment, la commissaire européenne à l'éducation et à la culture, Viviane Reding, avait, à l'occasion du congrès de l'UEFA le 30 juin 2000, insisté sur l'aspect « incontournable » de l'arrêt et réfuté toute possibilité de retour en arrière.

L'opposition en 2008 à la réforme dite « 6+5 » proposée par la Fédération internationale de football (FIFA) a été une nouvelle illustration de cette posture. La FIFA souhaitait qu'au moins six joueurs sélectionnables par le pays hôte de la compétition soient alignés au coup d'envoi de chaque match de club à compter de la saison 2014-2015. Une montée en oeuvre progressive du dispositif était prévue, avec trois joueurs nationaux en 2011-2012, quatre en 2012-2013, et cinq la saison suivante. La réforme préconisée par la FIFA était notamment destinée à répondre à l'évolution de certains clubs, privilégiant le recrutement extérieur à l'image de certains clubs anglais. Le club londonien d'Arsenal n'a ainsi aligné aucun joueur anglais sur la feuille de match l'opposant à Crystal Palace lors d'un match de première division le 14 février 2005 5 ( * ) . Au delà de l'aspect symbolique dans le pays où a été créé ce jeu, ce match invalide complètement les conclusions de l'avocat général dans l'affaire Bosman à propos des conséquences d'une suppression des clauses de nationalité. Celui-ci estimait, en effet, le  septembre 1995, qu'il était « invraisemblable que l'afflux de joueurs étrangers soit tellement important que les joueurs nationaux ne pourraient plus avoir accès au football ».

La Commission européenne a néanmoins estimé que la règle « 6+5 » contrevenait à la liberté de circulation. Il convient de noter que la position intransigeante de la Commission s'avère presque en décalage avec celle de la Cour qui, avec l'arrêt Lehtonen , laisse aux autorités sportives le soin de réguler le marché des transferts. La règle proposée par la FIFA était avant tout sportive et ne visait, en aucune manière à interdire le recrutement de joueurs étrangers par les clubs. Elle était jugée conformée au droit communautaire par des juristes indépendants interrogés par la FIFA. Elle constitue de fait une entorse proportionnée au droit communautaire, destinée de surcroît à satisfaire un objectif d'intérêt général, la formation, reconnu comme tel depuis par la Cour. Cette solution était d'ailleurs défendue par la plupart des États membres, le conseil des ministres des sports de l'Union européenne du 28 novembre 2008 appelant à des discussions destinées à développer, au sein des équipes professionnelles, la présence de sportifs sélectionnables en équipe nationale du pays hôte, « afin de renforcer l'ancrage régional et national des clubs professionnels ».

La Commission a préféré privilégier une autre option, celle défendue par l'UEFA, minimaliste, pour pouvoir participer aux compétitions interclubs qu'elle organise. Depuis 2008-2009, huit joueurs sur les vingt-cinq inscrits pour la compétition européenne doivent avoir été formés « localement », c'est-à-dire avoir été formés pendant au moins trois ans entre 15 et 21 ans dans le club lui-même ou au sein de tout autre club affilié à la même fédération nationale. Sur ces huit joueurs, quatre au moins doivent avoir été formés au club. Confirmant ce qu'elle avait indiqué un an plus tôt dans le Livre blanc sur le sport, la Commission a estimé le 28 mai 2008 que ce dispositif était compatible avec le droit de l'Union européenne et respectueux du principe de libre-circulation des travailleurs, puisqu'il n'impose aucune condition de nationalité. À ses yeux, ce règlement vise, en outre, à soutenir la promotion et la protection de la formation de qualité des jeunes footballeurs dans l'Union européenne, ce qui constitue une raison d'intérêt général.

Le résultat n'est pourtant pas aussi net. Lors des six matchs de la phase de poule 2012/2013 de la Ligue des Champions, compétition phare de l'UEFA, le PSG n'a ainsi jamais aligné plus de quatre joueurs formés localement dans sa formation de début de match, se contentant même de deux joueurs lors d'un match jugé important à Kiev, dont un seul était de nationalité française. Le vainqueur du trophée, l'année précédente, le club anglais de Chelsea FC disposait en finale de six joueurs anglais sur les dix-huit retenus sur la feuille de match, quatre étant titularisés. L'écart avec les ambitions de la règle « 6+5 » est particulièrement patent. Sauf à ce que le nombre de joueurs formés localement soit révisé à la hausse, à l'image de ce qu'ont pu introduire la Fédération française de basketball, la Fédération française de hockey sur glace ou la Ligue nationale de rugby, force est de constater que ce dispositif en faveur de la formation est en partie inopérant. Les huit  joueurs concernés ont le plus souvent un rôle de complément 6 ( * ) .

Il convient également de ne pas négliger les effets pervers de la réglementation UEFA. Le recrutement d'un jeune joueur étranger de 18 ans peut être une option pour un club. Au bout de trois ans, il répond, en effet, aux critères de la formation locale. Le projet sportif du club londonien d'Arsenal est en partie fondé sur l'achat de jeunes joueurs étrangers 7 ( * ) . Cette pratique est-elle véritablement compatible avec la protection des jeunes joueurs talentueux, telle qu'affirmée dans le Livre blanc sur le sport publié en 2007 ? Rappelons, en outre, que si la FIFA interdit en principe les transferts des mineurs, ils sont néanmoins autorisés au sein de l'Union européenne et de l'Espace économique européen pour les joueurs âgés de 16 à 18 ans. Une durée de formation au moins égale à cinq ans permettrait de compenser une des failles de la règle UEFA, sans toutefois lui garantir une quelconque efficacité en matière de promotion de la jeunesse.

La Commission européenne devait évaluer courant 2012 le dispositif des joueurs formés localement. Aucune annonce n'a pourtant été faite sur ce sujet l'an dernier . Cette évaluation pourrait constituer une occasion pour Bruxelles de réviser sa position et de prendre un peu mieux en considération les arguments en faveur de la solution Fifa dite « 6+5 », ou le projet présenté en 2011, dit « 9+9 » . La FIFA espérait, à l'époque, mettre en place une règle obligeant les équipes à aligner au moins neuf joueurs formés localement sur les dix-huit de la feuille de match. Ces joueurs devront avoir été affiliés avant l'âge de 18 ans à la fédération du pays hôte de la compétition. Ce système de quota pourrait être décliné à l'ensemble des sports collectifs, en fonction de leurs spécificités.

Sollicité par la FIFA, l' Institute for European studies , composé d'experts internationaux, avait estimé que la règle « 6+5 » était compatible avec le droit communautaire. D'autant plus que le traité de Lisbonne est désormais entré en vigueur et que la prise en compte des « enjeux européens du sport » permet de dépasser une lecture par trop dogmatique de l'article 45 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne consacrant la liberté de circulation des travailleurs. Le Livre blanc sur le sport insistait sur le fait que des règles qui restreignent la concurrence ne pouvaient constituer une violation du droit communautaire, dans la mesure où ses effets sont jugés proportionnés au véritable intérêt sportif poursuivi. Il serait temps que la Commission s'inspire de sa propre doctrine pour l'adapter à la question de la libre-circulation.

Il sera néanmoins nécessaire d'assortir toute nouvelle réflexion sur les joueurs formés localement à une interdiction effective des transferts de mineurs . La Cour a d'ailleurs reconnu dans l'arrêt Olivier Bernard que la formation était un objectif d'intérêt général et pouvait justifier des entorses au principe de la libre circulation des travailleurs. Compte tenu de cette orientation, la Commission pourrait oeuvrer en faveur d' une harmonisation des parcours de formation au niveau européen, débouchant sur la signature automatique du premier contrat professionnel au sein du club formateur. Le dialogue social mis en place en juillet 2008 pour le football professionnel pourrait constituer un cadre de travail pour travailler sur ce dossier, avant qu'il ne soit transmis pour les autres sports au nouveau comité de dialogue social lancé le 17 décembre 2012, dès lors que celui-ci sera totalement opérationnel.

2. Le « Fair play » financier

L'intervention de l'Union européenne dans le volet financier du sport ne constitue pas une nouveauté. La Commission est ainsi intervenue en 2002 dans le litige opposant la société d'investissement britannique ENIC à l'UEFA. Ladite société détenait des parts dans six clubs de football professionnel de part et d'autre de l'Union européenne 8 ( * ) . L'UEFA a introduit en 1998 une règle interdisant que plusieurs équipes participant à une compétition interclubs organisée par elle ne puissent être directement ou indirectement contrôlées par la même entité ou dirigées par la même personne. Saisie par ENIC en 2000 pour atteinte à la libre-concurrence, la Commission a rejeté cette plainte en estimant que cette règle visait avant tout à garantir l'intégrité des compétitions. Elle permettait d'assurer l'incertitude des résultats dans l'intérêt du public, ce qui constituait un objectif légitime.

a) La mise en place d'un contrôle de gestion européen pour les sports collectifs

La promotion de l'équité et la défense de l'ouverture dans les compétitions sportives passent par l'appui à toute initiative destinée à renforcer l'exigence de bonne gestion demandée aux clubs professionnels. La mise en place d'un contrôle de gestion, assorti de sanctions, doit permettre de lutter contre tout « dopage financier ». Il doit inciter les clubs à investir sur le long terme dans les infrastructures et la formation, attirant ainsi de véritables investisseurs et non simplement des mécènes.

Une telle réforme n'est pas anodine dans le football professionnel, où le résultat net cumulé des clubs européens s'élève à - 1,7 milliard d'euros. 56 % des clubs affiliés à l'UEFA enregistraient des pertes en 2010 9 ( * ) . Ces chiffres masquent néanmoins de fortes disparités. Le champion anglais 2012 Manchester City affiche à lui seul une perte estimée à 120 millions d'euros, soit le double de celles cumulées de vingt clubs français de Ligue 1 : 60 millions d'euros. L'endettement des clubs de première division diffère également d'un pays à l'autre : 4 milliards d'euros en Angleterre, 3,6 en Espagne, 3 en Italie contre 100 millions d'euros en France. Le cas espagnol mérite une attention particulière. Pays phare du football ces dernières années, tant avec ses clubs qu'avec son équipe nationale, ses performances sportives contrastent avec ses résultats économiques. 22 ont déjà eu recours à la ley concursal , loi espagnole qui permet de diminuer de moitié les dettes contractées auprès de créanciers privés. La dette des clubs est détenue à 71,2 % par d'autres sociétés, essentiellement sportives, à 13,1 % par des banques et organismes de crédits, à 10,3 % par des administrations publiques et à 5,3 % par leurs propres employés (leurs joueurs en fait). Indépendamment de sa forte exposition à l'étranger, la Liga, le championnat de première division était déficitaire à la fin de la saison 2010-2011 : 1,67 milliard de recettes contre 1,83 milliard de dépenses. De telles libertés avec les principes élémentaires de gestion permettent aux grands clubs espagnols de consolider leur place sur la scène internationale : deux des quatre dernières Ligue des champions et deux des quatre dernières Ligue Europa ont été remportées par des clubs espagnols.

Le Fair play financier lancé par l'UEFA en 2009 à l'initiative de son président, Michel Platini, s'inscrit dans ce contexte financier 10 ( * ) . Il constitue la première initiative européenne en la matière, reprenant pour partie le principe de la Direction nationale du contrôle de gestion (DNCG) créée en France en 1984 pour le football professionnel et déclinée depuis à d'autres disciplines. Le dispositif mis en place vise avant tout à répondre aux excès constatés depuis l'arrêt Bosman :

• introduire plus de discipline dans la gestion financière de football, diminuer leur endettement et garantir ainsi leur pérennité ;

• permettre de lutter contre l'inflation des salaires et des transferts de joueurs ;

• encourager les clubs à prendre part à la compétition en comptant uniquement sur leurs revenus ;

• favoriser les investissements sur le long terme dans le secteur de la formation et des infrastructures.

Le principe de base du dispositif est assez simple : les clubs ne peuvent dépenser plus que les revenus qu'ils perçoivent. Les dépenses ayant trait à la formation ou aux investissements dans les infrastructures peuvent être exclues de ce calcul. L'UEFA a ainsi mis en place en 2012 une Instance de contrôle financier des clubs, appelée à évaluer les performances financières des clubs. Son contrôle va concerner dans un premier temps les arriérés de paiement envers d'autres clubs 11 ( * ) , les joueurs ou les administrations publiques. La première décision de l'Instance de contrôle financier des clubs a d'ailleurs été rendue en décembre dernier. Elle a ainsi exclu le club espagnol de Malaga de toute compétition européenne pour un an en raison des retards de paiements constatés au 30 juin 2012. Cette suspension est assortie d'une menace de suspension de coupe d'Europe pour une saison supplémentaire et d'une amende de 300 000 € si le club ne réglait pas ses arriérés d'ici au 31 mars 2013. Deux clubs roumains - le Rapid Bucarest et le Dinamo Bucarest - deux Croates - Hajduk Split et Osijek - le club serbe du Partizan sont également menacés d'amende et de suspension s'ils ne règlent pas leur situation d'ici à la fin du premier trimestre 2013 12 ( * ) .

À partir de 2014, l'analyse de l'Instance portera sur l'équilibre financier des clubs analysé sur une période de trois ans. Le premier examen pluriannuel, qui sera lancé cette année, ne passera en revue que les saisons 2011-2012 et 2012-2013. Le déficit autorisé pourra atteindre 45 millions d'euros sur trois ans jusqu'en 2015, puis 30 millions d'euros sur trois ans jusqu'en 2018. Ces pertes devront néanmoins être comblées par les actionnaires. Un déficit inférieur ou égal à 5 millions d'euros sera à terme néanmoins toléré (principe d'écart acceptable). Outre les arriérés de paiement et l'équilibre financier, l'Instance devra déterminer si le club a la possibilité financière de poursuivre son activité, s'il ne dispose pas de dettes envers d'autres clubs, des joueurs ou le fisc et quel est l'état de leurs fonds propres. Ceux-ci ne devront pas être négatifs : leurs dettes ne devront pas dépasser leurs actifs déclarés 13 ( * ) . Si un club ne remplit pas un de ces critères, il devra fournir un rapport détaillant les mesures prévues pour y remédier. En 2010, seul 44 % des clubs respectaient ces quatre critères. Faute de réponse satisfaisante, l'Instance dispose d'un éventail de sanctions allant de l'amende à l'exclusion des compétitions européennes.

Si la masse salariale dépasse 70 % des revenus 14 ( * ) ou si l'endettement du club dépasse 100 % des revenus, des informations complémentaires peuvent être également demandées, sans toutefois que des sanctions soient expressément prévues. L'endettement des clubs espagnols, FC Barcelone (578 millions d'euros de dette contre 451 millions d'euros de recettes annuelles) et Real Madrid en tête, mériteraient pourtant une investigation plus poussée.

La Premier League a adopté, le 8 février 2013, un nouveau règlement financier, qui oblige également les clubs à limiter leurs pertes sous peine de retrait de points en championnat, le déficit cumulé sur trois ans (2013 à 2016) ne devra pas néanmoins excéder 123 millions d'euros 15 ( * ) . Les investissements liés à la rénovation des stades et aux centres de formation ne sont, par ailleurs, pas pris en compte. Cette somme est largement supérieure aux 45 millions d'euros de pertes autorisés sur trois ans jusqu'en 2015 par l'UEFA. Le dispositif anglais prévoit également, au plan salarial, une limitation des dépenses excessives : les clubs dépensant plus de 61 millions d'euros en salaires annuels ne pourront pas dépenser plus de 4,7 millions supplémentaires en 2013-2014, 9,4 la saison suivante et 14,1 en 2015-2016. L'articulation entre les dispositifs européen et anglais n'est pas sans susciter d'interrogation. Les règles anglaises ne devraient s'appliquer in fine qu'aux treize clubs non qualifiés en coupes d'Europe, au risque de créer une réelle inégalité avec les sept autres, soumis à une discipline budgétaire plus stricte.

Premier club sanctionné, Malaga a réagi à la décision de l'Instance en saisissant le Tribunal arbitral du sport. Ce qui constitue sans doute la première étape d'une longue procédure judiciaire qui devrait déboucher sur la saisine des juridictions civiles. Le soutien affiché de la Commission européenne au Fair play financier, matérialisé le 21 mars 2012 par la déclaration commune de Joaquín Almunia, vice-président de la Commission, et Michel Platini, président de l'UEFA, souligne qu'en tout état de cause le dispositif ne semble pas contraire au droit communautaire. La Commission indique notamment que certains types de dépenses, liés à des questions telles que l'amélioration des infrastructures, la formation et le développement des jeunes et les projets sociaux constituent des investissements à long terme positifs et doivent être pris en compte à ce titre lors de l'évaluation de l'équilibre financier. Ces objectifs concordent, selon elle, avec les buts et les objectifs de la politique de l'Union européenne dans le domaine des aides d'État. Une telle prise de position devrait permettre au dispositif de ne pas être remis en cause par la justice civile. Ce faisant, la Commission européenne place la régulation financière au coeur du modèle sportif européen, qu'elle a en charge de promouvoir depuis le Traité de Lisbonne, en lui donnant une réelle assise juridique.

L'Union européenne et la judiciarisation du contentieux sportif

Dans le cadre de la décision qu'elle a prise en 1999 contre la Fédération internationale automobile (FIA) dont le règlement contrevenait en plusieurs points à la liberté de concurrence, la Commission a souhaité que toute personne soumise aux décisions de ladite fédération puisse les récuser devant les cours nationales, sans mentionner l'existence du Tribunal arbitral du Sport (TAS). La possibilité d'un recours devant les cours nationales a également fait partie des demandes de la Commission lors de ses négociations avec la FIFA et l'UEFA sur la réforme du régime des transferts en 2001.

Le litige qui a opposé le FC Sion à l'UEFA a illustré ces dernières années la judiciarisation du contentieux sportif. Le transfert d'un joueur égyptien au club suisse avait été jugé illicite au regard de ses règlements par la FIFA. La Fédération internationale a alors interdit le FC Sion de recrutement durant deux périodes de transferts en 2011. Le club a contesté cette décision devant le TAS qui a rejeté sa requête. Le FC Sion a néanmoins recruté plusieurs joueurs à l'été 2011, les joueurs concernés saisissant les juridictions civiles suisses aux fins d'obtenir de la Fédération suisse et de la FIFA leur qualification pour participer aux compétitions nationale et internationale. Ce qu'ils ont obtenu. Les joueurs ont donc participé à la compétition de l'Europa League organisée par l'UEFA, affrontant ainsi le Celtic Glasgow. Le club écossais a contesté leur présence sur la feuille de match auprès de l'UEFA qui a annulé les résultats des matchs et exclu le FC Sion de la compétition. Le club suisse a contesté cette décision devant les juridictions civiles suisses et obtenu une ordonnance enjoignant l'UEFA de réintégrer le club au sein de cette compétition. La fédération européenne n'a pas exécuté cette ordonnance, le TAS appuyant le 16 décembre 2011 cette démarche. Le FC Sion a alors déposé une plainte pénale pour « insoumission à la décision de l'autorité ». Cette plainte a finalement été classée sans suite le 20 avril 2012 par le procureur général du Canton de Vaud, reconnaissant ainsi l'importance de la décision de la justice arbitrale sportive.

En dépit de son issue positive, cette affaire souligne la possibilité d'une décision différente selon qu'elle est rendue par la justice civile ou par la justice sportive d'une part et la réticence du mouvement sportif à voir juger ses décisions et ses règlements par la justice de droit commun considérée comme insuffisamment initiée à la notion de spécificité sportive d'autre part.

Si le Parlement européen a reconnu la légitimité des juridictions sportives pour la résolution des litiges dans le domaine du sport, aucune promotion de la justice arbitrale sportive ne se retrouve dans les communications de la Commission sur le sport. L'arbitrage sportif a été créé pour pallier à la lenteur des procédures des juridictions de droit commun et leur méconnaissance du mouvement sportif et de ses règles. Il est regrettable que cet acquis ne soit pas plus mis en avant dès lors qu'il s'agit de définir un modèle sportif européen.

Il sera néanmoins nécessaire de veiller au risque de contournement du système. Le contrat d'image, d'une durée de quatre ans, signé fin 2012 par le Paris Saint-Germain, qui appartient à un fonds souverain du Qatar, avec la Qatar Tourism Authority est assez révélateur. Le club devrait toucher 150 millions d'euros hors bonus pour la saison 2012-2013, ce montant augmentant lors des saisons suivantes pour atteindre 200 millions d'euros en 2015-2016. Ces revenus dépassent largement ceux perçus par les grands clubs dans le cadre de leurs accords de partenariat : 65 millions d'euros annuels pour Manchester United, 49,7 millions d'euros pour Manchester City ou 30 millions d'euros pour le FC Barcelone, également sponsorisé par un organisme qatari. Une telle manne financière pourrait permettre de contourner l'obstacle que peut représenter le Fair play financier, le club parisien ayant déjà annoncé près de 100 millions d'euros de pertes pour la saison 2012-2013, sa masse salariale atteignant 200 millions d'euros annuels. Il appartiendra à l'Instance de contrôle financier des clubs de juger de la réalité économique de cet accord.

Le cas du contrat de partenariat du PSG vient révéler une faille dans le dispositif de l'UEFA. Le montant annoncé permet clairement au club de répondre au critère d'équilibre financier. Sans ce contrat, le club n'aurait pas été pour autant en faillite puisque son propriétaire aurait été, quoi qu'il en soit, en situation de combler ses pertes, comme il l'a fait lors de l'exercice précédent. L'UEFA ne considère pas cependant cette injection comme un revenu « déterminant ». Ceux-ci proviennent exclusivement des recettes de billetterie, des droits de diffusion, du sponsoring, de la publicité, des activités commerciales, des transferts de joueurs et des placements financiers du club. La subvention de la Mairie de Paris versée jusqu'en septembre dernier au PSG et qui comprenait notamment l'achat de places, apparaît de fait plus légitime aux yeux de l'UEFA que l'investissement de son propriétaire. Il ne semble pourtant pas que cela soit la vocation des collectivités publiques de financer de très grands clubs professionnels, disposant de revenus déjà conséquents, surtout dans le contexte communautaire. Une telle option réduit par ailleurs les possibilités de voir émerger de nouveaux champions, à l'image de Manchester City ou le Paris Saint-Germain ces dernières années. Les plus gros clubs actuels, qui ont déjà investi et occupent le devant de la scène verront leur place consolidée. L'aléa sportif, défendu par la Commission européenne, est de fait loin d'être garanti.

Il convient par ailleurs d'être extrêmement vigilant sur les revenus provenant des transferts. Les investissements de tiers sur des transferts ( third party ownership ) sont ainsi considérés comme des revenus déterminants. Cette pratique n'est pourtant pas admise sur tout le continent, la France et l'Angleterre l'ayant notamment interdite. Des clubs allemands, espagnols ou portugais peuvent ainsi acheter des joueurs à hauteur d'une partie de leur valeur estimée, le pourcentage restant étant acquis par une société. Cette option permet de réduire les dépenses ou de gonfler les recettes, une société pouvant investir sur des joueurs, en achetant une partie de leurs droits sur transferts. Une telle pratique apparaît là encore en décalage avec l'ambition régulièrement affichée de la Commission de mieux réguler le marché des transferts.

Le dispositif mis en place par l'UEFA doit cependant être encouragé et généralisé à d'autres sports professionnels . Le critère de l'endettement pourrait, dans cette optique, être mieux mis en avant, tant celui-ci constitue une réelle rupture de l'égalité entre les clubs tout en mettant en péril la pérennité des équipes qui y ont recours. Une interdiction de recruter pour tout club endetté auprès des administrations publiques, à l'image de ce que l'Espagne a introduit, pourrait être testée à l'échelle européenne.

Une recommandation de la Commission européenne, fondée sur l'article 165 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, pourrait reprendre l'ensemble de ces principes en valorisant, notamment, les exemples de bonne gestion. L'investissement privé dans les infrastructures, comme l'ont fait les clubs allemands et anglais de football, mériterait d'être salué, à l'heure où 65 % des clubs de football affiliés à l'UEFA louent les stades dans lesquels ils jouent. La discipline financière que tendent à s'imposer les équipes allemandes de football pourrait, elle aussi, servir de référence. Les recettes des clubs d'Outre-Rhin proviennent de quatre sources différentes, réparties de façon quasi égale : 27 % des droits télévisés, 27 % du sponsoring, 25 % de ventes de joueurs et de produits dérivés et 21 % de la billetterie.

La Commission européenne a commandé, par ailleurs, une étude relative aux aspects économiques et juridiques des transferts de joueurs. Celle-ci a été publiée le 7 février 2013 16 ( * ) . Il ne s'agit pas de la première intervention de la Commission sur ce sujet. L'accord politique informel signé avec la FIFA et l'UEFA le 5 mars 2001 avait débouché, dans le domaine du football, sur une révision de la réglementation internationale en la matière :

• une indemnité de formation devait être mise en place dans le cas de transfert de joueurs de moins de 23 ans ;

• deux périodes de transferts par saison sont autorisées ;

• la durée du contrat doit être comprise entre 1 et 5 ans, sauf disposition nationale contraire ;

• un mécanisme de solidarité permettant la redistribution d'une partie de l'indemnité aux clubs impliqués dans la formation et l'éducation des joueurs de football (5 % du montant de l'indemnité) doit être mis en place.

Le document présenté douze ans plus tard insiste sur l'insuffisance de la redistribution mise en place. Les indemnités dites de solidarité représentent seulement 1,84 % de l'ensemble des indemnités de transferts perçues annuellement au sein de l'Union européenne. Elles équivalent à moins de 6 % du montant des primes versées chaque année par l'UEFA aux 32 clubs participant à la phase finale de la Ligue des Champions. Une telle situation contribue à consolider le poids des clubs les mieux armés financièrement et affecte l'équité des compétitions.

Afin de répondre à cette situation, l'étude préconise la mise en place d'une taxe sur les transferts dès lors qu'ils dépassent un certain montant. Ce prélèvement, véritable taxe sur les transactions sportives, financerait un mécanisme de redistribution entre les clubs les plus riches et les moins fortunés. Le seuil comme le taux devront être déterminés par les instances sportives. Cette idée reste à l'heure délicate à apprécier faute de précision sur son assiette et son taux.

Le texte soumis à la Commission propose également d'améliorer l'information relative aux transferts et de s'assurer de la sorte que les indemnités de solidarité sont bien versées aux clubs formateurs. Cette indemnité pourrait voir son taux passer à 8 % du montant du transfert. Des sanctions devraient être mises en place en cas de non paiement. Une telle option n'est pas sans intérêt et doit être encouragée.

Le document incite par ailleurs à limiter l'indemnité de transfert si un joueur vient à signer un nouveau contrat avec son club actuel. Une prolongation de contrat est souvent considérée par un club comme un moyen d'augmenter l'indemnité de transfert. L'indemnité pourrait ainsi être plafonnée à 70 % du salaire total du joueur sur l'ensemble de son contrat. Une telle disposition ne constitue pas forcément un bon levier pour renforcer les clubs formateurs, souvent enclins à utiliser la prolongation de contrat pour rentabiliser leur investissement.

L'étude insiste parallèlement sur un meilleur encadrement de la pratique des clauses de sortie ( buy-out clauses ). Cette clause, optionnelle, peut être fixée dans le contrat du joueur : elle représente le montant qu'aura à verser un club pour acquérir le joueur avant la fin de son contrat. Très utilisée en Espagne, elle peut donner lieu à un usage abusif, sans rapport avec la valeur réelle du joueur ou l'état du marché. 17 ( * ) .

Le document insiste sur l'extension du Système de Régulation des Transferts de la FIFA (TMS), mis en place pour les transferts internationaux dans le football, aux transferts nationaux. Cet outil en ligne a été conçu pour rendre les transferts internationaux de joueurs entre clubs plus rapides, plus simples et plus transparents. Lancé en 2010, le TMS est désormais utilisé par les 208 associations membres de la FIFA et plus de 4 600 clubs. Les deux clubs impliqués dans un transfert doivent fournir les mêmes informations. Si les données varient, le transfert est automatiquement bloqué. Le Certificat de Transfert International (ITC) reste en attente, jusqu'à ce que la situation soit résolue. Les utilisateurs du TMS doivent notamment fournir des renseignements concernant l'identité du joueur, le club et les paiements (montant, délais et informations bancaires). Ces données doivent évidemment être corroborées par des documents, comme une copie des papiers du joueur, son nouveau contrat ou encore l'accord écrit entre les deux clubs concernés.

L'encadrement des investissements de tiers sur des transferts ( third party ownership ), la limitation du nombre de joueurs par club, une meilleure régulation des prêts ou l'interdiction effective des transferts des mineurs font également partie des pistes de réflexion contenues dans l'étude. Conjuguées au renforcement du mécanisme de solidarité ou à l'extension du système TMS, elles constituent des axes de travail pertinents et raisonnables pour une meilleure régulation des transferts. Le groupe d'experts sur la bonne gouvernance étudiera les résultats de cette analyse en avril 2013.

b) Le  « salary cap », complément indispensable au contrôle de gestion

Le respect de l'équité au sein d'une compétition peut passer également par un encouragement au plafonnement de la masse salariale. Dans son Livre blanc sur le sport, la Commission a précisé que ni elle ni la Cour de justice n'avaient pris de décision ou position formelle sur le principe du salary cap , bien qu'elle appelle de ses voeux dans le même document à la préservation de l'équilibre compétitif entre les clubs participant à une même compétition.

L'inflation des rémunérations versées aux joueurs ces dernières années pourrait pourtant mettre en péril certains clubs de football. La masse salariale représente ainsi 62 % des revenus des clubs en Angleterre et 72 % en Italie. 15 championnats nationaux affilés à l'UEFA voient ce ratio dépasser 70 %. Au total, près de 250 clubs professionnels européens (soit 38 % du nombre total des clubs affiliés à l'UEFA) sont concernés. Les salaires tendent de façon générale à augmenter plus rapidement que les revenus des clubs : + 8 % sur un an fin 2010, les recettes des clubs progressant de 4,8 % sur la même période.

Un tel encadrement viendrait pourtant judicieusement compléter le contrôle de gestion. Il concourt en effet aux mêmes objectifs : la préservation de l'équité et le combat contre toute dérive financière. L'encadrement des salaires ne fait pas, pour autant, partie des critères déterminants retenus par l'UEFA dans le dispositif de Fair play financier. L'instance de contrôle financier des clubs peut simplement demander des informations complémentaires si les salaires dépassent 70 % du total des revenus 18 ( * ) . Les ligues fermées nord-américaines ont pourtant intégré ce mécanisme à leur mode de fonctionnement afin d'éviter une domination des équipes les plus riches sur les compétitions qu'elles organisent et ménager en quelque sorte l'aléa sportif.

Ce dispositif a également été transposé en Europe. La ligue de football italienne l'a mis en place en Série B (seconde division) en 2005 dont les clubs, au bord de la faillite, consacraient 90 % de leurs revenus au paiement des émoluments des joueurs. La masse salariale y est désormais plafonnée à 70 % du revenu des clubs. Le championnat de première division de rugby anglais a également mis en place un salary cap en 1999. Après avoir été gelé pendant trois saisons en raison de la crise financière que traversait le pays, ce plafond a été relevé au début de la saison de 2,33 millions d'euros à 4,96 millions d'euros annuels. Cette somme est de surcroît modulable puisque les clubs peuvent augmenter le montant de ce plafond de 35 000 € par joueur formé localement intégré dans l'effectif, dans la limite de huit. Les clubs peuvent de surcroît recruter un joueur dont le coût salarial ne sera pas intégré dans le plafond.

Les salary cap américains

Le « Hard Cap » consiste en un plafonnement salarial qu'il est interdit de dépasser sous peine d'exclusion pure et simple de la ligue. Cette solution a été retenue par la ligue de football américain (NFL).

La Ligue de basket (NBA) a, de son côté, mis en place un « Soft Cap », plus souple. Il dépend des revenus perçus par les clubs. Si un plafond, calculé en fonction de revenus générés, est décidé en début de saison, il peut être dépassé par les franchises contre versement d'une taxe de dépassement, la « luxury tax ». Chaque club doit alors payer 1 dollar par dollar excédant le plafond. La NBA fixe par ailleurs des salaires maximaux, en fonction de l'expérience du joueur dans le championnat et du plafond salarial global. Les joueurs ayant moins de 6 ans d'expérience en NBA ne peuvent gagner plus de 25 % de la masse salariale totale, plus de 30 % pour les joueurs ayant entre 7 et 9 années d'expérience et plus de 35 % pour les joueurs ayant dix saisons d'expérience http://fr.wikipedia.org/wiki/Plafond_salarial_NBA - cite_note-2

L'exception dite Qualifying veteran free agents ou Larry Bird , du nom du joueur qui l'a inspirée, permet en outre à une franchise de pouvoir dépasser son plafond salarial en prolongeant à l'issue de son contrat l'un de ses propres joueurs. D'autres exceptions existent également en fonction de l'âge du joueur notamment.

Chaque club de la Major league soccer (MLS), la ligue de football nord-américaine, se voit attribuer une masse salariale équivalente à partager entre les contrats de ses différents joueurs. La masse salariale s'élevait ainsi à 2,81 millions de dollars en 2012. Les équipes ne peuvent compter plus de 30 joueurs sous contrat. Les salaires sont obligatoirement compris entre 44 000 et 350 000 dollars annuels.

La MLS a également mis en place une exception avec le Designated Player Rule ou Beckham rule , du nom du joueur qui l'a inspirée, qui autorise un club à recruter de un joueur à trois joueurs dont la rémunération ne sera que partiellement prise en compte dans la masse salariale. Cette prise en charge varie selon l'âge du joueur.

La Ligue nationale de rugby a introduit ce dispositif en France depuis la saison 2010/2011. Elle fixe ainsi chaque année un montant maximum de la « masse salariale joueurs » qu'aucun club ne peut dépasser. Cette masse équivaut à la somme des rémunérations brutes, hors charges patronales. Les avantages en nature sont également intégrés à ce dispositif. Toute rémunération annexe versée par une personne physique ou morale associée économiquement au club est également intégrée à ce calcul. Fixé à 8,7 millions d'euros pour la saison 2011-2012, le seuil par club a été porté à 9,5 millions d'euros pour la saison 2012-2013, soit à peu près l'équivalent du salaire annuel net d'impôt versé par le Paris Saint-Germain au footballeur Zlatan Ibrahimoviæ (9 millions d'euros). Le plafond retenu par la Ligue nationale de rugby prend pour base la masse salariale la plus élevée de la saison précédente, majorée d'un coefficient d'évolution, prenant en compte la situation économique, mais qui ne peut dépasser 10 %.

Le seuil retenu par l'UEFA au sein de son dispositif de Fair play financier (70 % des revenus) ainsi que les critères de définition de la rémunération adoptés par la Ligue national de rugby pourraient constituer une base de travail pour un plafond de la masse salariale des clubs professionnels au niveau européen. Un salary cap européen pourrait également intégrer un système de bonus, à l'image de ce qui a été mis en place dans le rugby anglais, en faveur de la promotion de joueurs formés au club.

La Ligue nationale de rugby a mis en place un système de sanction en cas de manquement allant, selon la gravité, d'une amende pouvant atteindre le quintuple de la masse salariale du club à la non-homologation du contrat d'un ou plusieurs joueurs, sur une durée pouvant dépasser une saison. Tout salary cap européen devra nécessairement être assorti d'un système de sanction progressif et dissuasif.

Le salary cap se heurte néanmoins à un écueil, celui des disparités fiscales entre les États membres. Le coût d'un joueur professionnel est notamment plus élevé en France que chez certains de ses voisins.

Salaire brut annuel de 180 000 € versé à un joueur :
Éléments de comparaison européens

Coût pour le club

Net versé au joueur

Allemagne

191 000 €

53 000 €

Angleterre

202 000 €

49 000 €

Espagne

192 000 €

43 000 €

France

252 000 €

57 000 €

Italie

207 000 €

53 000 €

S'il est souhaitable, rappelons que le plafonnement de la masse salariale ne constitue pas un frein durable à l'explosion des rémunérations des joueurs comme en atteste l'histoire de la NBA la ligue de basket nord-américaine.

Evolution du salary cap en NBA (1984-2013)

Saison

Montant du plafond (en millions de dollars)

1984-1985

3,6

1990-1991

11,9

1995-1996

23

2000-2001

35,5

2005-2006

49,5

2010-2011

58

2012-2013

58

Le plafonnement de la masse salariale pourrait aller de pair avec une limitation du nombre de joueurs dans les effectifs professionnels. La Ligue nationale de rugby a intégré ce numerus clausus dans son règlement. La Ligue nationale de football a supprimé ce quota en 2000. Il convient de noter que la limitation du nombre de joueurs inscrits auprès de l'UEFA pour participer à ses compétitions interclubs n'a pas été jugée contraire au droit communautaire par la Commission lorsqu'elle a émis un avis sur le principe des joueurs formés localement. Rien ne semble donc s'opposer à ce que cette règle puisse s'imposer. Elle garantirait un peu plus l'équité des compétitions en limitant des recrutements parfois opérés pour empêcher un concurrent de se renforcer. 10 des 16 clubs engagés en seizième de finale de la Ligue des Champions de l'UEFA 2012-2013 ont ainsi plus de 25 joueurs professionnels dans l'équipe première.

Effectif des clubs européens qualifiés en 1/8 ème de finale
de Ligue des Champions 2012-2013

(18 joueurs maximum sur une feuille de match, 11 joueurs sur le terrain, 3 remplacements possibles - Nombre de joueurs inscrits limité à 25)

Club

Nombres de joueurs inscrits en championnat national (hors joueurs prêtés)

Bayern Munich

28

Borussia Dortmund

26

Schalke 04

26

Arsenal

27

Manchester United

28

Celtic Glasgow

26

FC Barcelone

25

Malaga

29

Real Madrid

25

Valence

23

Paris Saint-Germain

25

Milan AC

29

Juventus Turin

27

FC Porto

25

Galatasaray Istanbul

27

Shakthar Donetsk

24

3. Vers un encadrement européen des agents sportifs ?

L'émergence d'un marché européen des joueurs professionnels constitue une des conséquences de l'arrêt Bosman . Le corollaire de cette évolution a été la montée en puissance du rôle des agents sportifs. Leur statut diffère néanmoins d'un État membre à un autre. Plus de 6 000 agents, officiels et non-officiels, travaillent sur le territoire de l'Union européenne. 3 600 sont répertoriés. 75 % des agents installés au sein de l'Union européenne exercent en Allemagne, en Espagne, en France, en Italie et au Royaume-Uni. Ils couvrent 32 disciplines sportives, le football restant leur principale source de revenus. Chaque État membre dispose sur son territoire d'au moins un agent ayant sous contrat des footballeurs professionnels. Il convient de rappeler que les commissions versées aux agents dans le football s'élèvent à environ 200 millions d'euros annuels. 95 % des activités des agents sportifs en Europe concernent, outre le football, l'athlétisme, le basketball et le rugby. Les agents installés en Allemagne, en Espagne, en France, en Italie, au Royaume-Uni et en Suède couvrent plus de dix disciplines sportives.

La plupart des États membres n'ont pas opté pour un encadrement juridique spécifique de la profession. Les agents sont alors assujettis aux normes applicables en matière de placement privé. Cinq pays (Bulgarie, France, Grèce, Hongrie et Portugal) ont néanmoins adopté des textes définissant le statut d'agent. Le trait commun à ces dispositifs nationaux tient à l'organisation d'un système d'enregistrement des agents sportifs, qui doivent obtenir une licence pour pouvoir exercer leur métier, parfois au moyen d'un examen. C'est notamment le cas de la France 19 ( * ) . L'effet de cet encadrement est néanmoins limité : la directive 2005/36/CE relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles permet aux ressortissants communautaires d'en être exemptés sur le territoire où il s'applique, dès lors qu'ils peuvent exercer une telle activité dans leur pays d'origine.

Les fédérations internationales d'athlétisme, de basketball, de football et de rugby ont également adopté des réglementations spécifiques en la matière. La Commission et les tribunaux de l'Union européenne ont d'ailleurs été appelés à juger de telles dispositions en 2001 et 2002 puis en 2005. Le règlement de la Fédération internationale de football (FIFA) imposait aux agents d'être titulaires d'une licence délivrée par une fédération nationale. Les agents devaient de surcroît passer un entretien, faire état d'une réputation irréprochable et de déposer une garantie bancaire (200 000 francs suisses). Le Français Laurent Piau, estimant qu'une telle réglementation était contraire aux dispositions communautaires en matière de libre prestation de service, a déposé plainte auprès de la Commission européenne en 1998. La FIFA a, dans le même temps, modifié son dispositif en supprimant l'entretien pour le remplacer par un examen Le dépôt de garantie a été, quant à lui, transformé en obligation de souscrire une assurance responsabilité. La Commission a, en conséquence, rejeté à deux reprises en 2001 et 2002 la plainte, estimant par ailleurs, que la réglementation FIFA devait être analysée sous l'angle de la liberté de concurrence.

Saisi par le requérant, le Tribunal de première instance de l'Union européenne a, de son côté, remis en question la légitimité de la réglementation FIFA le 26 janvier 2005. L'activité ne poursuit pas en effet un but purement sportif, l'encadrement de la profession est donc du ressort des pouvoirs publics. Néanmoins, en l'absence de loi nationale, l'intervention pouvait considérée comme étant fondée. Le tribunal a, en outre, confirmé que les dispositions contestées ayant été supprimées, le nouveau dispositif ne pouvait être considéré comme contraire à la liberté de concurrence. Ce jugement a été confirmé par la Cour de justice le 23 janvier 2006.

Un an plus tard, la Commission européenne a annoncé dans son Livre blanc sa volonté de réaliser une analyse d'impact pour donner un aperçu clair des activités d'agents de joueurs et évaluer la pertinence d'une action de l'Union européenne. La Commission relève, en effet, que cette activité est essentiellement de nature transfrontalière et qu'elle peut générer un certain nombre de pratiques illicites : corruption, blanchiment d'argent et exploitation de joueurs mineurs. Les agents sont, en outre, parfois amenés à se retrouver en situation de conflits d'intérêts, mandaté par un club tout en s'occupant de la carrière d'un joueur.

Publiée en novembre 2009, l'étude sur les agents sportifs européens, coécrite par trois organismes indépendants 20 ( * ) , insiste sur le fait que le principal acteur de la règlementation sportive doit rester le mouvement sportif. L'Union européenne est néanmoins invitée à permettre un échange de bonnes pratiques en vue d'une harmonisation européenne. Elle peut ainsi promouvoir des règles et principes communs au travers des recommandations prévues à l'article 165 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Le dialogue social qu'elle a mis en place au niveau sportif constitue également un outil intéressant pour oeuvrer dans ce domaine. L'Union européenne pourrait en outre, le cas échéant, réguler elle-même la profession en proposant des normes minimales. L'organisation d'une conférence de l'Union européenne sur les agents sportifs à Bruxelles les 9 et 10 novembre 2011 s'inscrit dans ce contexte.

L'intervention éventuelle de l'Union prend un nouveau sens à l'aune de la suppression annoncée de la licence FIFA et du remplacement de la notion d'agent par celle, beaucoup plus vague, d'intermédiaire. La Fédération internationale de football justifie son raisonnement en soulignant que seules 25 à 30 % des transactions mondiales étaient effectuées par des agents dûment enregistrés. Dans le même temps, elle entend plafonner la rémunération dudit intermédiaire. La commission versée ne pourrait dépasser 3 % du salaire de base brut du joueur ou du montant du transfert. Elle ne saurait non plus être supérieure à deux millions de dollars, le chiffre le moins élevé est néanmoins privilégié 21 ( * ) .

La conférence des 9 et 10 novembre 2011 a débouché sur l'annonce par la Commission d'expérimenter une standardisation des critères de qualification des agents sportifs en Europe, de nature non contraignante, par le biais du Comité européen de normalisation, sans toutefois qu'un calendrier précis ne soit proposé. Cette option est à rebours des souhaits du Parlement européen plus favorable à une directive, fondée sur les règles du marché intérieur, mais aussi de l'association européenne des agents de football (EFAA) également favorable à l'adoption d'un instrument contraignant. La Commission estime qu'elle ne peut initier une règlementation pour une population limitée et concentrée autour d'un sport, le football. Le respect du principe de subsidiarité ne semblerait pas, à ses yeux, pleinement respecté par une telle norme.

La standardisation représente évidemment un premier pas qu'il convient d'expérimenter. Elle semble cependant à première vue insuffisamment adaptée à la hauteur des enjeux. Elle contraste notamment avec l'appui de la Commission européenne à l'UEFA sur la question de la gouvernance économique des clubs. Définir uniquement les qualifications d'un agent ne permettra pas, notamment, de mieux protéger les athlètes mineurs ou de contrôler les montages financiers qu'il peut mettre en oeuvre avec un club. Il convient donc de revenir aux conclusions de l'étude de 2009 et favoriser via le dialogue social ou par le biais législatif l'adoption d'une norme européenne sur cette profession. Celle-ci pourrait reprendre deux principes simples de la loi française : l'interdiction de rémunérer un agent dans le cadre de la signature d'un contrat entre un club et un mineur et la transmission aux fédérations des contrats passés par les joueurs et les clubs avec les agents aux fins de contrôle.


* 5 6 Français, 3 Espagnols, 2 Néerlandais, 1 Allemand, 1 Brésilien, 1 Camerounais, 1 Ivoirien et 1 Suisse. Le club anglais de Chelsea n'avait quant, à lui, aligné aucun joueur britannique dans son onze de départ contre Southampton le 26 décembre 1999.

* 6 La notion de joueur formé localement a été introduite en 2010 dans les conditions de participation des joueurs aux championnats de basketball français de Pro A (1 ère division) et de Pro B (2 e division). Un joueur est considéré comme « formé localement », s'il a été licencié et a participé aux compétitions pendant au moins quatre saisons sportives dans un club affilié à la Fédération française de basketball entre l'âge de 12 et 21 ans. En Pro A, cinq joueurs sur les dix que comporte un effectif doivent avoir été formés localement, six si l'effectif est de onze joueurs, sept s'il est de douze. En Pro B, le ratio est de 7 pour 10, 8 pour 11 et 9 pour 12. Le règlement général de la Ligue nationale de rugby (LNR) prévoit que chaque « club professionnel doit disposer dans l'effectif de référence participant au Championnat de France professionnel d'un nombre minimum de joueurs issus des filières de formation à hauteur de 50 % pour la saison 2012/2013 » (soit 18 joueurs) . Ce taux passera à 60 % pour la saison 2013/2014, soit 2  joueurs.

* 7 Quatre joueurs de son effectif actuel ont été recrutés à 17 ans en dehors du Royaume-Uni (un Français, un Italien, un Polonais et un Suisse). Un Danois recruté à 16 ans et un Brésilien à 18 ans sont actuellement prêtés à d'autres formations.

* 8 ENIC détenait des participations au sein des Glasgow Rangers FC en Écosse (25,1 %), de Tottenham Hotspur en Angleterre (29,9 %) de l'AEK Athènes en Grèce (47%), du FC Bâle en Suisse (50 %), du Slavia de Prague en République tchèque (96,7 %) et du Vicenza Calcio en Italie (99,9 %).

* 9 Ce taux atteint 65 % si on ne considère que les 32 clubs qualifiés en phase de groupes de la Ligue des Champions, la compétition phare de l'UEFA.

* 10 Le Fair play financier vient compléter le système de licences des clubs de l'UEFA, introduit lors de la saison 2004/05, avec l'objectif de permettre aux clubs d'être gérés de manière plus efficace. Il visait à améliorer la santé économique et financière des clubs qui devaient se doter d'outils financiers adéquats et adapter leurs infrastructures sportives, administratives et légales pour pouvoir participer aux compétitions de l'UEFA. Les clubs doivent notamment présenter mensuellement un plan de trésorerie et s'engager à payer les transferts aux dates fixées dans les contrats. L'octroi des licences est assuré par les fédérations nationales affilées à l'UEFA, chargée de vérifier si les clubs respectent le socle minimal mis en place par l'instance européenne.

* 11 Les arriérés de paiement d'indemnités de transfert s'élevaient à 2,3 milliards d'euros en 2010.

* 12 Les primes versées à ces clubs au titre de leur participation aux compétitions européennes lors de la saison précédente avaient déjà été gelées en septembre dernier. 23 clubs étaient concernés par ces premières sanctions.

* 13 36 % des clubs étaient dans ce cas en 2010.

* 14 78 clubs européens disposaient d'une masse salariale supérieure à 100 % en 2010, contre 73 en 2009 et 55 en 2008.

* 15 Seuls trois clubs, Chelsea, Liverpool et Manchester City ont vu leurs pertes dépasser 123 millions d'euros ces trois dernières années.

* 16 Étude relative aux aspects économiques et juridiques des transferts de joueurs , réalisée par le Centre de droit et de l'économie du sport, rattaché à l'Université de Limoges et KEA Affairs, cabinet de conseil et d'étude bruxellois.

* 17 Celle du joueur argentin du FC Barcelone, Lionel Messi, est ainsi fixée à 250 millions d'euros.

* 18 La moyenne observée par l'UEFA en 2010 était de 64 %.

* 19 Un régime dérogatoire pour les avocats est néanmoins mis en oeuvre.

* 20 Le Centre de droit et de l'économie du sport, rattaché à l'Université de Limoges, l'Observatoire européen du sport et de l'emploi (EOSE), think tank britannique et KEA Affairs, cabinet de conseil et d'étude bruxellois.

* 21 La France a déjà mis en place un tel système de plafonnement. Il est cependant plus avantageux que le système souhaité par la FIFA, la commission atteignant 10 % des salaires dépassant 1,8 million d'euros bruts annuels et 6 % des revenus inférieurs à cette somme.

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