C. POUR UN ÉTAT PROTECTEUR DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

1. Assurer une plus grande transparence et une meilleure accessibilité des infrastructures

Pour la planification de l'équipement numérique de leurs territoires, il est indispensable que les collectivités connaissent finement l'état des réseaux accessibles et puissent y accéder dans de bonnes conditions.

Cette exigence a été particulièrement défendue par le Président de notre commission du développement durable Raymond Vall qui a très judicieusement fait observer que l'information sur les réseaux devait être considérablement améliorée en élargissant cette exigence à la question de l'information sur l'offre des opérateurs disposant de réseaux filaires.

Vos rapporteurs s'associent pleinement à cette démarche qui témoigne une fois encore de l'implication des élus locaux au service de l'équipement numérique de leurs territoires et, plus largement, de l'utilité de disposer de parlementaires possédant les réalités locales.

La connaissance des réseaux doit embrasser l'ensemble des réseaux puisqu'aussi bien c'est par des voies diverses que peut se déployer la fibre optique.

Mais, à l'évidence, elle concerne au premier chef les réseaux des opérateurs de télécommunications.

Les enjeux de cette identification sont techniques ; ils sont aussi économiques. Il y va de la faculté d'optimiser les déploiements des collectivités en ne dupliquant pas des équipements existants ; il y va aussi de la viabilité économique des projets.

Une information complète et fine sur les réseaux a été reconnue comme nécessaire de longue date.

Un premier pas a été franchi par la loi de modernisation de l'économie (LME), qui a accordé aux collectivités locales un droit d'information sur le déploiement des réseaux et des infrastructures, afin d'améliorer la pertinence et l'efficacité de leurs interventions.

Deux décrets d'application ont été adoptés le 12 février 2009, l'un permettant aux collectivités territoriales de disposer d'informations sur les infrastructures et réseaux présents sur leurs territoires, l'autre contraignant les opérateurs à publier des cartes de couverture de leurs services.

Cet appareil réglementaire a connu une vie déjà mouvementée, puisque des recours ont été déposés contre lui devant la juridiction administrative et qu'une refonte du dispositif a été lancée passant notamment par une saisine du Conseil national du numérique fin janvier 2012 sur un nouveau projet de décret et un projet d'arrêté d'application du D. 98-6-3 du CPCE alors en vigueur.

On ne peut que relever la difficulté d'imposer un dispositif d'information - pourtant nécessaire à une utilisation économe des deniers publics et qui devrait aller de soi dans le monde de complémentarité entre les opérateurs privés et les collectivités territoriales - auquel le consensus prétend s'être rallié. Elle est illustrée par l'épaisseur du « Guide pour la connaissance des réseaux de communications électroniques et la couverture des services », publié en novembre 2012. Pas moins de 76 pages !

Cette situation est d'autant moins acceptable que les réseaux dont s'agit supportent des obligations légales d'information qui n'ont pas pour seul but d'assurer une meilleur coordination des initiatives prises pour l'équipement numérique du territoire.

Il s'agit aussi, et cette obligation a été renforcée par la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010, dite « Grenelle II », de protéger les réseaux contre les endommagements provoqués par les travaux.

Il s'agit encore de pouvoir assurer et recouvrer une série de contributions financières parmi lesquelles les produits des redevances prévues à l'article L. 46 du CPCE.

Il est urgent de sortir de cette impasse et de réunir les conditions de partage de l'information, coopération jugée nécessaire par tous.

Une question se pose : celle de la complétude des informations fournies par les opérateurs .

Une chose - apparemment difficile - est de connaître l'état actuel de leurs réseaux, une autre est de pouvoir anticiper cet état dans le futur.

On sait que cette question a été au coeur de la « procédure AMII » supposée recueillir les manifestations d'intérêt des opérateurs.

Le résultat de cette procédure a laissé sans informations sur les intentions de déploiement sur la très grande majorité du territoire.

A l'issue de ce processus, on ne peut que faire le constat - qu'on peut distinguer de celui obligeant à relever l'absence de portée obligatoire des intentions alors exprimées qui pose en soi un grave problème abordé par ailleurs - que les gestionnaires présentés comme naturels des réseaux de communication laissent le pays dans l'ignorance de leurs intentions sur leur contribution à son équipement numérique .

Sans doute des annonces interviennent-elles sur ce point, mais elles sont ponctuelles et manquent souvent d'une identité juridique qui permettrait de leur conférer une crédibilité pourtant bien nécessaire pour programmer les interventions publiques.

On comprend que cette situation correspond au « secret des affaires », l'information correspondante ayant une valeur en soi, notamment dans un marché concurrentiel.

Par ailleurs, la sensibilité du marché financier à ce type d'annonces incline naturellement les opérateurs à la prudence dans leur communication sur ce point.

Il n'en reste pas moins que l'imperfection de l'information qui en résulte crée un risque pour l'ensemble des financeurs, y compris les collectivités territoriales et l'État.

Ce risque contribue à bloquer l'équipement numérique du pays en réseaux de nouvelle génération.

Le régulateur national a été récemment rejoint par la Commission européenne qui a adopté des dispositions renforcées pour assurer une meilleure transparence à laquelle appellent toutes les collectivités territoriales.

Dans ses lignes directrices publiées en janvier 2013, la Commission considère qu'un « inventaire central des infrastructures existantes (subventionnées ou non) » s'avèrerait très utile.

Cette recommandation figure dans le projet de feuille de route récemment publié .

La structure de pilotage qu'elle recommande de créer serait « chargée de la mise en place et du suivi d'un observatoire national des déploiements, des intentions de déploiement , des débits et services offerts. Cet observatoire présenterait des états nationaux, régionaux, départementaux et communaux. »

Il faut souligner en particulier l'attention manifestée aux intentions de déploiement. Elle transparaît également dans le nouveau texte de la Commission européenne, qui réserve l'extension de l'inventaire central, dont il appelle de ses voeux la création par chaque État, « éventuellement... aux travaux planifiés » .

Vos rapporteurs s'associent pleinement à cette recommandation qui doit être conciliée avec le secret des affaires mais également voir sa portée garantie.

Sur ce point, on pourrait étudier la faisabilité d'un mécanisme de centralisation respectueux des intérêts de chaque opérateur accompagné d'un système d'informations ponctuelles, si possible certifiées et sanctionnables, délivrées par le centralisateur de données. A l'évidence, le degré de préservation du secret devrait être modulé selon la nature des informations : fort pour les déploiements à venir, le secret aurait moins de raison d'être pour l'état actuel du réseau.

Mais, conformément au sens de l'observation de Raymond Vall , il faut aller au-delà et que l'ARCEP s'assure des conditions d'une bonne publicité des offres effectivement disponibles. Sur ce point, un problème de taille existait du fait de l'absence de régulation des réseaux de collecte, résultant d'une certaine conception des effets du droit européen. Cette option privait potentiellement les responsables locaux des moyens de satisfaire les besoins de leurs territoires. Il semble qu'un accord soit intervenu sur ce point entre le principal opérateur concerné et l'ARCEP. Il faut veiller à sa pleine application.

Cette question se pose d'ailleurs dans un autre domaine, signalé par l'audition de l'entreprise COLT : celui de la connexion des entreprises. Il serait souhaitable que le régulateur prenant acte du défaut de perspectives de la duplication des réseaux de collecte pour les opérateurs alternatifs disposant de faibles volumes d'affaires mettent en place une régulation adaptée pour que les opportunités de raccordement soient maximisées.

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