2. ... vérifiée dans les processus réellement suivis appelle des protections qui ne sont pas toutes en place
Devant une telle inégalité des positions commerciales, et ce que l'on peut considérer comme un handicap structurel des RIP, des mesures de protection devraient intervenir afin d'assainir les conditions de partenariat entre les collectivités concédantes et les (grands) opérateurs et, plus globalement le jeu de la concurrence .
Ces mesures sont hautement nécessaires pour protéger les intérêts financiers publics . Or, elles ressortent comme insuffisantes en l'état.
Dans les faits, le déroulement des RIP de nouvelle génération suit un processus qui diffère le plus souvent de celui, théorique, évoqué plus haut.
Le processus concrètement emprunté est lui-même porteur de tous les risques décrits, auxquels s'en ajoute un supplémentaire qu'il faut considérer.
Le plus souvent, les projets de RIP suivent un cheminement qui comprend une phase de calibrage technique, « géo-topographique » et financier. Sur ce dernier point, les porteurs de RIP élaborent des plans de financement qui supposent l'intervention de plusieurs financeurs, typiquement les collectivités territoriales, les opérateurs, les fonds européens et l'État.
La contribution de l'État est suspendue à l'instruction du dossier et la doctrine d'intervention du principal financeur actuel - le FSN - repose notamment sur une condition : l'existence d'un engagement de contribution, à hauteur d'un montant moyen de 400 euros par prix, des opérateurs.
La procédure d'instruction ménage deux temps :
- une première phase aboutit à une « lettre d'accord préalable » qui recouvre les caractéristiques essentielles du projet et spécifie les conditions attachées au soutien de l'État ;
- une seconde phase de contractualisation de l'aide qui est « contingente » à la finalisation de ces projets complexes et notamment des accords de partenariat public-privé ».
On observera que cette procédure où la signature de l'État intervient en dernier lieu oblige à envisager d'assez longs délais. Entre la première phase et la contractualisation des financements correspondants, « il peut s'écouler jusqu'à 24 mois » selon le « jaune budgétaire » annexé au projet de loi de finances pour 2013. Encore faut-il envisager les étapes antérieures et la phase de démarrage si bien qu'entre la conception initiale d'un projet et sa réalisation, le délai qui s'écoule peut atteindre plusieurs années.
Dans ce contexte, le risque qu'un réseau public ne trouve pas d'opérateur est apparemment écarté et celui que les conditions initiales du partenariat public-privé soient déséquilibrées réduit, du moins dans sa déclinaison individuelle.
Mais trois remarques doivent être faites :
- l'État peut lui-même subir les effets d'un défaut d'information sur le « vrai consentement à payer » des opérateurs, si bien que son intervention n'est pas une garantie infaillible ;
- pour que ces garanties interviennent, il faut que les RIP passent par l'étape du FSN, ce qui, pour devoir être le cas général, n'est pas une obligation, la tentation d'éviter ce passage par le FSN pouvant être d'autant plus forte que les conditions de son intervention sont non-susceptibles d'être réunies par les projets de RIP ;
- le soutien financier du FSN n'exclut pas que la concurrence, soit par la duplication de tout ou partie du RIP, soit par la présentation d'offres portant sur son exploitation et difficiles à refuser, se déclenche ultérieurement.
Ainsi, le point dur, celui des risques concurrentiels associés à l'intervention d'offres par des opérateurs bénéficiant d'un avantage structurel de marché, appelle des solutions qui, en l'état, ne sont pas rassemblées .
On a mentionné que les risques dont s'agit pouvaient se concrétiser de deux manières :
- par la mise en oeuvre de l'avantage concurrentiel des opérateurs disposant de la plus grande puissance commerciale ;
- par la duplication des infrastructures du THD (considérée indépendamment des problèmes posés par l'existence du réseau historique et qui sont d'autant plus aigus que les choix technologiques sont ouverts quand prévaut une conception large du THD).
Sur ce dernier point, les analyses du marché qui ont constitué le soubassement du choix des grands équilibres retenus pour être le cadre de l'ambition du très haut débit ont conduit à estimer négligeables les perspectives d'une déstabilisation des RIP par l'intervention de concurrents mieux armés. On a considéré qu'en dehors des zones très denses et des « zones AMII » la probabilité d'un déploiement autonome des opérateurs privés était faible, voire nulle. Il a été d'emblée entendu que leurs interventions dans les infrastructures du THD procéderaient dans cette vaste partie du territoire national par le truchement du cofinancement ou de la location d'accès à un réseau plus ou moins unique.
Autrement dit, la perspective retenue fut - et demeure - celle de la complémentarité et non de la concurrence .
Vos rapporteurs ne s'engageront pas dans une discussion approfondie d'une analyse qui réunit le consensus des experts.
Deux remarques s'imposent toutefois.
En premier lieu , la perspective de voir les opérateurs de réseau, et en particulier l'opérateur historique, que l'ARCEP a depuis 2008 identifié comme un « opérateur puissant » du marché, abandonner à long terme leurs positions, dans le processus de passage au FttH, peut, malgré tout, paraître heurter le bon sens, même si cet abandon n'est que partiel (du fait du cofinancement des réseaux).
L'hypothèse du maintien par les opérateurs d'un objectif de défense de leurs parts de marché ne saurait être raisonnablement écartée sur le long terme, qui est le terme de l'équilibre financier des RIP. Entretemps, il n'est pas exclu que cette concurrence s'exerce ponctuellement sur les portions du réseau les plus rentables avec les effets qu'on peut imaginer sur l'économie de certains RIP.
Par ailleurs, la concurrence par la puissance commerciale peut toujours se déclencher, soit qu'elle s'appuie sur des tactiques de concurrence par le réseau historique, soit qu'elle s'appuie sur des tactiques de conquête de marché reposant sur des avantages commerciaux.
En bref, l'équilibre économique des RIP est vulnérable à des faits de concurrence qui sont susceptibles de remettre en cause les perspectives commerciales sur lesquelles les RIP sont construits.
Ces perspectives conduisent à observer qu'il n'existe pas de réelle protection des RIP contre le déclenchement de ces formes de concurrence et qu'un risque systémique en découle.
Celui-ci représente un obstacle au déploiement d'une initiative locale maîtrisée. Au demeurant, il explique partiellement les réticences des financiers de droit commun à s'associer aux RIP.
On peut donc lui associer deux effets indésirables :
- un renforcement des facteurs d'inertie et de risque de l'équipement numérique de nouvelle génération ;
- une élévation du besoin de financement public par rapport à une situation où les perspectives économiques des RIP seraient plus sécurisées.
Dans cette perspective, il conviendrait d'apporter des solutions allant au-delà de l'évidente nécessité de réunir les conditions d'une concurrence technologique équitable .
Une régulation géographique devrait intervenir afin de conforter les perspectives commerciales des réseaux publics. Elle doit envisager toutes les solutions susceptibles d'élever durablement la valeur des droits constitués sur ces réseaux par les collectivités publiques.
En outre, il conviendrait d'approfondir la réflexion sur une méthode de commercialisation susceptible d'instaurer un meilleur équilibre des relations commerciales entre les collectivités territoriales et les opérateurs de réseaux .
Cette question est une partie abordée dans le chapitre final du présent rapport consacrée à l' optimisation de l'attractivité des RIP . Une procédure de concours de beauté plus centralisée pourrait sans doute concourir à élever la valeur des droits concernés comme c'est le cas dans d'autres secteurs économiques. Elle devrait être facultative et respecter les principes de la concurrence tout en étant suffisamment incitative par les avantages réservés aux gagnants du concours.