(2) Des actions nécessaires
La surveillance de l'espace, qui constitue un intérêt vital pour la France et l'Europe, a été abordée plus haut à propos de l'espace militaire (II.A.3.). Cette surveillance sera d'autant plus efficace qu'elle fera l'objet de coopérations internationales. Pour bénéficier de l'information détenue par nos partenaires, il est néanmoins souhaitable de détenir une monnaie d'échange. C'est l'une des raisons pour lesquelles l'Europe a intérêt à se doter d'un système de surveillance de l'espace plus complet que celui actuellement fourni par la France et l'Allemagne.
Cette partie est consacrée aux autres actions à mener pour réduire la menace que les débris spatiaux font peser sur les satellites, dont certains revêtent un intérêt économique ou stratégique majeur, et sur les hommes. Si les débris continuent à se multiplier, il est en effet probable que les rentrées atmosphériques engendrées, qui sont difficiles à contrôler, fassent à plus ou moins long terme des victimes humaines.
(a) Les règles de conduite
Des règles de conduite ont été adoptées au niveau international, par le Comité inter-agences de coordination sur les débris spatiaux (IADC) qui regroupe 12 agences spatiales, et par le Comité des Nations unies sur l'usage pacifique de l'espace (COPUOS) qui compte 71 pays membres dont les principes de limitation des débris spatiaux ont été approuvés par l'Assemblée générale des Nations-Unies en 2007 59 ( * ) .
Ces règles dites de mitigation sont les suivantes 60 ( * ) :
- Les véhicules spatiaux et étages de lanceur doivent être conçus pour ne pas produire de débris lors de leur fonctionnement normal ;
- Les objets spatiaux doivent être « passivés », c'est-à-dire rendus inertes par épuisement de toutes les sources d'énergie présentes ;
- La destruction intentionnelle de véhicules spatiaux doit être évitée ou effectuée à altitude suffisamment basse pour que la durée de vie des fragments générés soit courte ;
- A l'issue de leur mission, les satellites géostationnaires doivent être déplacés sur une orbite plus haute dite orbite cimetière (à plus de 200 km de l'orbite GEO).
- A l'issue de leur mission, les véhicules situés en orbite basse doivent être désorbités et de préférence réintroduits dans l'atmosphère ou laissés sur une orbite où leur durée de vie sera limitée à 25 ans au maximum (à partir de la fin de la mission). Les véhicules doivent être conçus pour se consumer dans l'atmosphère ou à défaut tomber dans des régions inhabitées. Les effets polluants liés à la présence de substances toxiques doivent être minimisés.
- L'architecture et le profil des missions doivent être conçus en sorte de limiter le risque de collision et ses conséquences sur le véhicule.
Ces mesures relèvent de la « soft law ». Pour être pleinement efficaces, elles devraient être transcrites par chaque État pour ce qui le concerne, et faire l'objet de contrôles. On estime en effet que les mesures de prévention sont respectées à 59 % seulement, l'objectif étant de parvenir à 90 %.
En France, le cadre juridique des activités spatiales est fixé par la loi n° 2008-518 du 3 juin 2008 relative aux opérations spatiales, dont l'un des objets est de limiter les débris spatiaux et les risques de collision 61 ( * ) et de prévenir les risques induits par la retombée de fragments. Concernant la limitation des débris spatiaux, l'entrée en vigueur d'une partie des dispositions de l'arrêté d'application du 31 mars 2011 est reportée. Les dispositions concernant les lanceurs ne sont pleinement applicables qu'aux nouveaux lanceurs (systèmes dont le premier lancement a lieu après le 31 décembre 2011). En tout état de cause, la désorbitation contrôlée de l'étage supérieur d'Ariane ne sera possible que lorsque la lanceur européen aura été doté d'un moteur rallumable (Vinci), donc lors du passage à Ariane 5 ME ou à Ariane 6, qui ont en commun ce moteur.
La question des règles de conduite dans l'espace, comme celle du nettoyage des débris (voir ci-après) ne peut être résolue que dans un cadre international, étant donné leur impact en termes de compétitivité et les enjeux juridiques et de sécurité associés.
En 2007, le Conseil de l'UE a pris l'initiative d'un code de conduite international pour les activités menées dans l'espace exta-atmosphérique. L'objectif de ce code de conduite est d'améliorer la sécurité dans l'espace. Un texte, élaboré en 2010, doit servir de base à des consultations avec les pays tiers, sous la responsabilité du Haut représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité. Des désaccords subsistent notamment entre les nations sur le point de savoir si ce code doit prendre la forme d'un traité international ou demeurer du domaine de la « soft law ». Le traité soulève un problème de contrôlabilité : les pays qui le respecteraient auraient peu de moyens pour vérifier les activités des autres signataires. Assigner une cause aux événements qui se déroulent dans l'espace est un exercice difficile. C'est pourquoi les Américains sont, a priori , hostiles à un traité international.
En définitive, s'agissant du « code de conduite », il risque d'être difficile d'obtenir un texte acceptable par tous et néanmoins efficace.
* 59 Résolution 62/217 du 22 décembre 2007 de l'Assemblée générale des Nations Unies (coopération internationale sur l'usage pacifique de l'espace).
* 60 IADC Space Debris Mitigation Guidelines (septembre 2007)
* 61 Arrêté du 31 mars 2011 relatif à la réglementation technique en application du décret n° 2009-643 du 9 juin 2009 relatif aux autorisations délivrées en application de la loi n° 2008-518 du 3 juin 2008 relative aux opérations spatiales.