B. L'EUROPE SPATIALE : UNE AMBITION NÉCESSAIRE POUR LE MONDE
« La capacité autonome d'accès à l'espace est le signe d'une capacité à structurer des programmes et des technologies très complexes, donc la marque d'une puissance industrielle et technologique. Mais je crois que quarante ans après nous avons dépassé la logique héritée de la Guerre froide. Le maintien d'un effort budgétaire et industriel aussi considérable ne peut se justifier des décennies durant par le seul souci de prestige ou de démonstration de force. Il est bien sûr essentiel, je dirais même vital, pour la France et l'Europe de conserver quoi qu'il arrive et en toutes circonstances un accès autonome à l'espace. Il en va de notre indépendance stratégique. Mais si l'effort continue et doit continuer, c'est que l'espace est aussi devenu essentiel à la science et à la vie sur Terre. Et la marque distinctive de l'Europe dans l'espace est précisément d'avoir construit son outil spatial autour de son utilité pour l'homme et de ses retombées concrètes. »
Discours du président de la République, M. Nicolas Sarkozy, à Kourou le 11 février 2008
1. L'Espace durable
a) Les débris spatiaux
(1) Une évolution préoccupante
Depuis 1957, environ 5000 lancements ont eu lieu, ainsi que plus de 220 fragmentations en orbite. En conséquence, on estime à 20.000 le nombre d'objets de plus de 10 cm (dont 15.000 catalogués) présents en orbite autour de la Terre, à 300.000 le nombre d'objets entre 1 et 10 cm (non catalogués) et à plusieurs dizaines de millions le nombre d'objets entre 1 mm et 1 cm.
La France possède 500 objets sur les 15.000 objets de plus de 10 cm catalogués.
Plus de la moitié des objets sont issus de fragmentations, c'est-à-dire de collisions en orbite.
Origine des objets de plus de 10 cm présents en orbite autour de la Terre
Source : CNES
Évolution de la population en orbite autour de la Terre
1980
Source : NASA
Évolution de la population en orbite autour de la Terre
2009
Source : NASA
La première collision répertoriée a eu lieu en 1996. Elle a affecté le satellite militaire français Cerise, heurté par un étage supérieur d'Ariane. Deux événements récents ont entraîné une hausse significative du nombre de débris, accroissant mécaniquement le risque de collisions futures :
- En janvier 2007, les Chinois ont détruit à l'aide d'un missile l'un de leurs satellites météorologiques (Fengyun 1C). Ce test, visant à démontrer la capacité des Chinois à procéder à des tirs antisatellites, a engendré pas moins de 2.500 débris de taille supérieure à 10 cm et plusieurs dizaines de milliers de particules.
- En Février 2009, la collision entre un satellite Iridium et un satellite inactif Kosmos a généré environ 2.000 gros débris et, là encore, des dizaines de milliers de particules.
Les débris évoluent dans un environnement dynamique, ce qui rend la prévision des collisions d'autant plus difficile :
- D'une part, ils ont tendance à redescendre progressivement, et d'autant plus rapidement que leur orbite est basse (ceux qui circulent en orbite géostationnaire ont une durée de vie quasi-illimitée) ;
Durée de vie des objets spatiaux avant leur rentrée dans l'atmosphère terrestre
Exemple d'objets spatiaux |
Orbite (altitudes périgée et apogée) |
Durée de vie |
Station Spatiale Internationale |
400 km x 400 km |
entre 6 mois et 1 an |
SPOT |
825 km x 825 km |
200 ans |
Orbite de transfert géostationnaire |
200 km x 3 6000 km |
environ 10 ans |
Orbite géostationnaire |
36 000 km x 36 000 km |
millions d'années |
- D'autre part, les débris s'étalent au-delà de l'orbite de l'objet dont ils sont issus, sur l'ensemble de la circonférence correspondante ;
- Enfin, les débris augmentent de façon exponentielle en raison de réactions en chaîne qui suscitent une multiplication auto-engendrée (syndrome de Kessler).
L'ISS procède par exemple environ une fois par an à des réajustements de sa trajectoire pour éviter des collisions.
Les conséquences des collisions dépendent de la taille des débris et du positionnement de l'impact ; ces conséquences peuvent être très importantes, y compris pour des débris de petite taille, en raison de l'énergie cinétique des objets en mouvement.
Estimation des conséquences des collisions en orbite
Taille des débris |
Conséquences |
< 0.01 cm |
Érosion des surfaces |
Entre 0.01 cm et 1 cm |
Dommages significatifs Perforations Conséquences variables suivant l'équipement atteint |
Entre 1 et 10 cm |
Dommages très importants Risque de perte de la mission Aucun blindage ne résiste à des particules > 2 cm |
> 10 cm |
Conséquences catastrophiques Destruction du satellite Production de nombreux débris |
Il existe aussi un risque de dommages au sol, lors des rentrées atmosphériques, à l'issue desquelles subsistent des éléments qui résistent à l'échauffement du fait de leur forme, de leur taille et de la nature des matériaux qui les composent (acier, titane, composite...). Il se produit une rentrée d'objet significatif par semaine en moyenne. La plupart des rentrées sont incontrôlées. En moyenne, 20 à 40 % de la masse initiale arrive au sol.
On estime à 100 tonnes les retombées quotidiennes de météorites (principalement sous forme de poussière) et à 1 tonne les retombées quotidiennes de débris.
Compte tenu du caractère chaotique et aléatoire de la descente atmosphérique, il est difficile d'alerter les populations. Si le risque est minoré du fait que 70% de la surface de la Terre est océanique, ce risque existe néanmoins bel et bien, au sol et pour le trafic aérien, voire maritime (formation d'épaves issues de débris spatiaux).
Retombée d'une sphère issue d'un lanceur
Ariane au Brésil
(Février 2012)
Source : CNES