2. La maîtrise des dépenses en question
La maîtrise des dépenses d'investissement des SDIS, a fortiori dans un contexte d'accroissement de l'activité, s'impose comme l'une des priorités de leur gestion. Pour autant, toutes les conditions ne sont pas réunies pour parvenir à cet objectif .
a) Le quasi monopole de l'information
La juste appréciation d'un besoin, réel ou supposé, en matière d'investissement passe par un niveau d'information satisfaisant des parties prenantes à la décision. Or, dans le cas des SDIS, cette information est largement détenue ou captée par les directeurs départementaux sans toutefois faire systématiquement l'objet d'une rediffusion.
En 2008, un rapport commun de l'Inspection générale des finances (IGF) et de l'Inspection générale de l'administration (IGA) pointait déjà indirectement le problème posé par « l'enchevêtrement des compétences » caractérisant l'organisation et le fonctionnement des SDIS 12 ( * ) .
Ainsi, tout se passe comme si la complexité de la chaîne de décision administrative et financière et la multiplicité des acteurs en jeu contribuaient à une certaine inertie du système . L'Etat réglemente l'activité des SDIS mais n'a pas à la financer. Il ne porte dès lors qu'un intérêt limité aux conséquences financières des normes qu'il édicte. En contrepartie, les collectivités territoriales, et singulièrement les départements, se perçoivent essentiellement comme des financeurs ne pouvant pas avoir voix au chapitre des dispositions techniques mises en oeuvre.
Au coeur de la chaîne, le directeur départemental est à peu près le seul à disposer d'une vision d'ensemble et à être en capacité de rapprocher les exigences opérationnelles de la contrainte de financement.
Dans son rapport sur « Le financement des services départementaux d'incendie et de secours », la Mission d'évaluation et de contrôle (MEC) de l'Assemblée nationale a ainsi était amenée à considérer que, dans un tel contexte, « les sapeurs-pompiers (...) tirent parti de la multiplicité des décideurs et s'appuient sur leur popularité auprès de la population pour pousser à la dépense » 13 ( * ) .
Le manque d'information et d'éclairage sur les enjeux des décisions à prendre est parfois déploré par les élus locaux. Dans son rapport précité, la MEC rappelle d'ailleurs cette critique dans le cas particulier du SDACR : « le préfet évalue-il les conséquences financières du SDACR quand il le soumet au président du conseil général ? De nombreux élus dénoncent le biais systématique des SDACR qui ont tendance à couvrir très largement les risques ».
Dans la prise de décision d'investir ou pas, les effets du manque d'information et du déficit d'expertise sont aggravés par la nature même de l'activité des SDIS : venir en aide et sauver des vies. Dès lors, il est difficile pour un préfet ou un président de conseil général de s'opposer ou de résister aux propositions d'investissement portées par un directeur départemental. Les conséquences d'un refus pourraient être extrêmement lourdes en termes de responsabilité juridique, politique et morale pour l'avenir.
Deux voies complémentaires paraissent pouvoir être empruntées pour remédier à cette asymétrie d'information préjudiciable à la rationalisation de la dépense d'investissement.
D'une part, la pratique devrait se systématiser de la transmission d' une fiche d'impact pour toutes les décisions proposées au conseil d'administration du SDIS et touchant aux investissements proposés.
D'autre part, l'intérêt des services déconcentrés de l'Etat (le préfet) et des collectivités territoriales (le département) serait probablement de renforcer leur expertise en matière de sécurité civile. Votre rapporteur spécial a conscience de la limite de cette démarche, qui requière la capacité à développer cette expertise en interne ou à la trouver par le biais de recrutements externes. Néanmoins elle serait probablement à l'origine d'économies substantielles sur le moyen et le long terme.
b) Le déficit d'outils de gestion
Pour maîtriser la dépense d'investissement, encore faut-il s'en donner les moyens. Or, de ce point de vue, votre rapporteur spécial considère que des marges de progression importantes peuvent encore être exploitées.
La mise en place d' une comptabilité analytique permet d'assurer un suivi tant de la dépense que du retour sur investissement. Nombre d'administration publique ont aujourd'hui compris l'intérêt de cette démarche. A cet égard, les SDIS demeurent « à la traîne » et sont, pour la plupart, dépourvus de ce type d'outils d'analyse.
Votre rapporteur spécial estime nécessaire que les SDIS poursuivent et amplifient le développement de leur capacité à suivre leurs coûts et leur activité . Ils n'en seront que plus éclairés dans leurs décisions d'investissement et pourront ainsi optimiser leurs dépenses.
De même, les SDIS et leurs interlocuteurs (préfet, département) doivent pouvoir s'appuyer sur un référentiel de bonnes pratiques . Actuellement, cette information ne circule que de manière informelle, au gré des rencontres, des sessions de formation et des proximités géographiques.
Eventuellement impulsé et élaboré par la DGSCGC dans le cadre de l'animation du réseau des SDIS , un tel référentiel permettrait assurément de réduire les coûts d'investissement en s'inspirant de pratiques et de choix déjà expérimentés ailleurs.
Il constituerait en outre une base de réflexion intéressante pour les conseils d'administration des SDIS lorsqu'ils sont soumis à une nouvelle demande d'investissement portée par le directeur départemental.
* 12 Rapport sur la contribution des communes au financement des services départementaux d'incendie et de secours, IGF-IGA (2008).
* 13 Assemblée nationale, rapport d'information n° 1829 (2008-2009).