II. SE DONNER LES MOYENS DE SES AMBITIONS

A. DÉFINIR LES OBJECTIFS ET LES HIÉRARCHISER

1. La hiérarchie des objectifs

La logique administrative verticale, d'un côté, la distribution des compétences entre l'État et les collectivités territoriales, de l'autre, empêchent l'émergence d'une vision stratégique globale. La politique de prévention ne relève d'aucune autorité identifiée. Pour chaque décideur, à de rares exceptions près, elle est d'abord une contrainte de plus. Les objectifs nationaux, transformés en priorités au gré des événements (protection de l'environnement, prévention de l'inondation, développement économique ou des transports, densification urbaine, logement), se juxtaposent sans aucun effort pour les rendre compatibles. La tâche est renvoyée au « terrain » qui ne peut la recevoir que comme contrainte ou entrave à son action.

Il faudra bien pourtant, un jour, répondre à ces questions qui fâchent et d'abord, puisqu'on entend « protéger », dire clairement de quoi on parle, comme l'ont fait les Hollandais.

2. Vous avez dit « protection » ?

Le choix d'un niveau de protection dépend de l'occurrence du risque choisi (par exemple, le niveau de la crue mais aussi sa fréquence) et des enjeux (nombre de personnes concernées, valeur des biens, existence ou non d'installations stratégiques...). La question est aussi simple que trop facilement éludée, lorsqu'il s'agit de projets de constructions nouvelles, éludée parce qu'elle appelle en réalité deux types de réponse : l'interdiction de construire comme dogme absolu (« la zone est inondable donc inconstructible, l'aléa ne se discute pas »), la possibilité de construire moyennant des aménagements. Mais quels aménagements si n'existe que la volonté de construire sans programme sérieux d'aménagement ?

La seconde branche de l'alternative ouvre alors la voie à des négociations où entrent en jeu non seulement les questions de sécurité, mais divers intérêts, plus ou moins légitimes : emplois, risques de délocalisation, satisfaction d'un besoin d'intérêt général, etc. Cette pratique incontournable et qui semble aller de soi revient en fait, pour l'administration d'État, telle que la question est posée, à arbitrer entre des avantages et des risques, réalités pourtant logiquement non commensurables. Le problème cependant n'est pas qu'elle le fasse, la vie est faite de choix de ce type, mais que les critères du choix ne soient que très rarement (quand le risque est trop grand surtout) explicités. La première des choses serait donc de dire clairement quel niveau de risque est accepté plutôt que de faire semblant de vouloir assurer une protection absolue, tout en sachant qu'il y sera évidemment dérogé.

Autre question de fond rarement posée : qui aura la charge des aménagements, l'aménageur ou la collectivité ? Dans le cas de projets d'aménagement d'ensemble, il est plus facile de la faire porter sur l'aménageur, au moins en partie. S'agissant de zones déjà urbanisées, la question devient plus complexe, même dans le cas où le fonds « Barnier » peut être activé, l'arbitrage entre acquisition amiable et expropriation, le changement de destination des immeubles, la prescription d'aménagements individuels ou semi collectifs, la construction d'ouvrages par la collectivité, ne va pas de soi.

In fine, se trouve toujours posée la question du risque résiduel acceptable, des conditions de son acceptabilité et du financement de celles-ci.

Notre conviction c'est que la question se posant immanquablement sans le dire, il vaut mieux l'affronter en toute clarté, avec la population, pour en tirer toutes les conséquences.

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