B. LE RISQUE COMME COMPOSANTE DU DÉVELOPPEMENT
Comme le remarquait Mme Valérie November devant la mission : « Un risque offre toujours deux faces, une face négative mais aussi une opportunité de transformation. On considère toujours le risque comme susceptible d'empêcher le développement des territoires et non comme un élément de concertation permettant d'établir des priorités. »
Ce qui est possible comme le rappelait Mme Gralepois dans son intervention devant la mission citant l'exemple de la communauté urbaine de Nantes, où des services sont désormais dédiés à la prévention et à la gestion des risques au niveau intercommunal. « Ce service joue le rôle d'intermédiaire entre les différents aspects de la politique de prévention, dont l'aménagement. Il a notamment réalisé une carte d'aléas à l'échelle de l'intercommunalité, au moment où Nantes-Métropole réalisait le plan local d'urbanisme de ses communes. Les risques recensés allaient au-delà de la définition des risques majeurs donnée par les services de l'État. La carte interrogeait par exemple les interactions entre les débordements de petits cours d'eau, qui ne font pas l'objet de PPRI. Étaient également recensées des zones d'inondation connues, dues à d'autres phénomènes que les crues du fleuve. La carte montrait également l'interaction entre différentes formes de risques, par exemple entre la présence de zones inondables et de zones industrielles. » À noter que cette carte d'aléas a été réalisée en même temps que les plans locaux d'urbanisme et par la même institution.
Conçue au niveau d'une grande agglomération, cette insertion du risque dans l'aménagement de la cité est ce que, pragmatiquement, ont réalisé, depuis des lustres, les élus et les habitants de Sommières ( voir infra ).
Pour y parvenir, il importe que la question du risque devienne le souci permanent de chacun des acteurs locaux et soit placée au coeur du projet de développement. Cette façon de poser le problème, qui se retrouve, entre autres, dans les travaux du CEPRI, est la seule manière de sortir des impasses de la problématique classique. Non, protéger contre l'inondation ne se résume pas à développer des outils techniques, organisationnels, juridiques. Encore faut-il y faire adhérer la population et ses élus. La prévention contre l'inondation n'est pas d'abord un problème technique, mais un problème politique et humain. Vouloir protéger un territoire sans penser à le développer est une absurdité.
Illustration à partir de quelques réflexions tirées des actes des Assises nationales des risques naturels (Bordeaux 19 et 20 janvier 2012) :
Extraits des Actes des Assises nationales des risques naturels 2012 Bordeaux 19-20 janvier 2012 Rapporteur de l'atelier « Risques naturels et aménagement du territoire : comment concilier développement des territoires et prévention des risques ? », M. Philippe Masure, maire d'Albertville, estime qu'il faut aller vers une stratégie du territoire qui intègre le risque : « La gestion des risques doit devenir un état d'esprit, qui respecte un certain nombre de règles générales : une approche globale systémique interdisciplinaire, une évaluation claire du retour d'expériences et du retour sur les investissements préventifs, l'intégration des ouvrages de protection dans les usages quotidiens, si possible, afin de les valoriser, un partage clair des responsabilités et des financements, co-élaborer (*) les deux instruments de développement territorial (document d'urbanisme) et de prévention (PPR) dans le respect, le dialogue et le gros bon sens (GBS). » M. Laurent Michel, directeur général de la prévention des risques, au cours de la table ronde finale « Mieux agir ensemble » constate que « sur la question des visions systémiques et des politiques, le constat partagé se transforme en action par l'intégration de la prévention des risques aux politiques d'aménagement du territoire et d'urbanisme. L'approche cartographique cède également la place à l'économie et à la vulnérabilité des territoires. » Notre collègue Mme Marie-France Beaufils, rapporteure de l'atelier « Quelle clarification de la gouvernance pour une action plus efficace ? », parle de « synergie entre prévention des risques et aménagement » . Elle explique que « la réalité de la vie avec le fleuve ne doit pas être niée mais intégrée dans les réflexions sur l'aménagement du territoire. » Dans son allocution de clôture, M. Christian Kert, président du Conseil d'orientation pour la prévention des risques majeurs, souligne : « Ces synergies permettent de mieux concilier des politiques de développement et d'aménagement avec les politiques de prévention et de faire en sorte que les unes soient quasi naturellement dépendantes des autres. Ce mouvement est de plus accompagné par la montée en puissance de la notion de territoire lequel permet ainsi d'assurer la sécurité des populations une fois défini le risque acceptable. » (*) Il emploiera également, comme Mme Beaufils et comme le préfet du Gard, M. Hugues Bousiges, le terme de « co-construction ». Document consultable : http://www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/Actes_Assises_ANRN_09-05-12.pdf |
Ces approches devraient permettre à l'avenir de mettre en oeuvre les outils de la politique de prévention dans un esprit plus constructif et peut-être de renouveler les modes de prise en compte du risque pour apprendre à « vivre avec lui » et non « contre lui ».