2. Une ville contre le Vidourle
La fréquence des crues et l'importance des dégâts causés régulièrement vont pousser les autorités municipales à la défense et à la réalisation de divers travaux de protection.
Après les inondations catastrophiques de 1907, où trois crues majeures inondèrent plus de 100 ha et causèrent 6 millions d'euros de dégâts, le conseil municipal envisage, rien moins que la destruction du pont romain rendu responsable :
« Considérant que la masse gigantesque du pont romain jeté sur le Vidourle gêne considérablement l'écoulement des eaux lors des inondations. Vu les dégâts et les pertes incalculables que les propriétaires et commerçants ont subis du fait des inondations de l'automne 1907. Considérant que le jour où les eaux auront leur libre écoulement, quantité de crues de la rivière qui pénètrent en ville, inondant les quartiers bas, seront évitées. Qu'indépendamment des pertes matérielles que subissent annuellement les contribuables de la ville, ces inondations rendent les habitations inhabitables et insalubres. Il y a lieu, tant au point de vue de l'hygiène que de l'intérêt pécuniaire des habitants, de faire disparaître la cause de ces calamités ! Le conseil municipal de Sommières émet le voeu : que les pouvoirs publics mettent à l'étude le projet d'élargissement des berges du Vidourle, la démolition du pont romain et son remplacement par un pont métallique à tablier unique d'une seule coulée. 178 ( * ) »
Les autorités préfectorales, après expertise, ayant estimé que le remplacement du pont romain ne suffirait pas à éviter l'inondation de la ville, une nouvelle expertise et estimation des travaux pouvant le permettre est réalisée.
Dans l'attente, des travaux de curage et nettoyage des berges sont régulièrement réalisés entre 1908 et 1922. Un rapport de juin 1923 propose les travaux suivants :
- démolition du pont actuel et remplacement par un pont métallique de 173 m de longueur ;
- démolition de la majeure partie du faubourg rive droite ;
- construction de digues pour protéger la partie basse de la ville rive gauche ;
- reconstruction de la route de Sommières à Quissac et de la route nationale 110 sur 5 km ;
- achat et dragage sur une longueur moyenne de 5 m d'une bande de terrains de 130 m de large et de 5 km de longueur ;
- indemnités diverses aux propriétaires d'immeubles et imprévus.
Au total une dépense estimée à 25 millions de francs FF de l'époque, soit à peu près 25 millions d'euros d'aujourd'hui.
Aucune décision ne sera finalement prise jusqu'à la crue ravageuse du 4 octobre 1958 qui bat les records jusque-là atteints à Sommières où l'eau envahi les trois-quarts des maisons jusqu'au-dessus du premier étage.
Bilan, rien que pour le Gard : 1,3 milliard d'euros sur 45 communes sinistrées, dont 110 millions d'euros et 141 sinistrés pour la seule ville de Sommières.
Trois barrages écrêteurs de crues sont alors réalisés par le département du Gard sur le Vidourle et deux de ses affluents:
- le barrage de Ceyrac sur le Rieumassel en 1968 ;
- le barrage de la Rouvière sur le Crieulon en 1971 ;
- le barrage de Conqueyrac sur le Vidourle en 1981.
Ces barrages sont chargés de stocker l'eau au moment des crues pour la relâcher ensuite en la contrôlant. Le dispositif est complété par la réfection du seuil du moulin d'Aubais avec la participation du département de l'Hérault, point de départ d'une coopération qui aboutira à la création en 1989 du syndicat intercommunal d'aménagement du Vidourle entre les deux départements.
Ouvert aux communes et intercommunalités, il deviendra en 1993 le syndicat mixte interdépartemental d'aménagement et de mise en valeur du Vidourle et de ses affluents (SIAV), reconnu établissement public territorial de bassin (EPTB) en 2007. Il réalisera, outre des travaux d'entretien (berges, digues, seuils, cours d'eau...) en amont de Sommières, un piège à embâcles, d'une grande efficacité de l'avis unanime, ainsi que l'aménagement d'un bras mort faisant fonction de zone d'expansion de crues.
* 178 Compte rendu de la séance du conseil municipal de Sommières du 27 juin 1908.