B. DES OBJECTIFS QUI SE CONTRARIENT

1. Une volonté de protection générale et absolue sans définition de ses moyens

Actuellement, l'État, en charge de dire le risque, en l'identifiant et de le gérer, s'est placé en position de protecteur des personnes et des biens. La population attend logiquement de lui une protection absolue contre le risque. D'où, en cas de catastrophe, surtout meurtrière comme en juin 2010 dans le Var, l'incompréhension de la population et sa tentation de rechercher un responsable de la catastrophe. L'État qui s'est présenté comme l'autorité légitime pour contenir le risque se retrouve mis en accusation, y compris par ceux qui habitaient consciemment en zone inondable, malgré les avertissements. La création en 1982 du régime « catnat » est pourtant la preuve que l'État ne pouvant garantir la sécurité absolue a fait le choix d'indemniser les conséquences des catastrophes qu'il ne pouvait prévenir par souci d'équité.

À la différence des Pays-Bas qui définissent dans les faits des objectifs largement plus ambitieux que les nôtres, mais précis, avec les moyens pour les atteindre, nous évitons soigneusement d'aborder clairement et démocratiquement la question, comme s'il était indécent de laisser supposer que tout le monde ne sera pas protégé partout de la même façon et absolument, tout en se dispensant de préciser comment et avec quel budget nous entendons le faire. Inutile de dire que cela ne favorise pas une approche rationnelle du problème et encore moins la compréhension des populations.

Le paradoxe est complet lorsqu'on entend protéger les populations même contre elles qui, sans conscience du risque ou en pleine connaissance, n'aspirent qu'à continuer à vivre sur place. Résultat, comme a pu le constater la mission, les compromis auxquels donnent lieu dans leur application des PPRI sans concession dans leur principe.

Mais peut-on raser un quartier parce qu'il est en zone de danger ? Le principe de réalité pousse à des accommodements qui ont du mal à être compris. Pas vraiment simple de faire comprendre qu'on veut réduire l'aléa en interdisant de nouvelles constructions dans un quartier tout en maintenant ce qui existe déjà. Comme le soulignait M. Nicolas Bauduceau, directeur scientifique et technique du Cepri, devant la mission : « Les Pays-Bas (...) projettent la construction de l'hôpital de Rotterdam dans une zone inondable, au-dessus de l'eau, afin d'offrir une zone de repli pour les populations vivant autour du bâtiment. Celui-ci aura aussi la capacité de se convertir en hôpital d'urgence en cas de sinistre. Pendant que la France pense que construire en zone inondable est un problème, les Pays-Bas affirment que c'est justement une solution. »

Plus diplomatiquement, M. Laurent Neyer 150 ( * ) admet que « si le PPRI permet de ne pas aggraver le risque d'inondation, il ne résout qu'imparfaitement le problème. Si on peut déplacer certains équipements (SDIS, prison...), reste le quartier autour, comme à Draguignan. Dans cette perspective, il faut se situer dans le temps long, celui de l'aménagement de la ville, celui du projet urbain. »

Faut-il protéger les personnes malgré elles ? La forte résistance aux prescriptions des PPRI, les refus d'abandonner les habitations menacées - et les contentieux qui en découlent - démontrent l'impasse dans laquelle nous place le principe de protection absolue. « Ne pas aggraver le risque » justifie-t-il d'interdire la construction d'immeubles de plus de trois étages à Nîmes, en demandant d'ailleurs, dans le même temps, plus de logements à la ville ?


* 150 Directeur régional adjoint de l'environnement, de l'aménagement et du logement de la région PACA.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page